[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 janvier 1790.] 575 M. Mou gin s de Roquefort discute cette prétention et donne des raisons décisives tirées de la population de la cité de Grasse, de ses rapports commerciaux avec Antibes, pour repousser cette demande qui serait, suivant lui, nuisible aux intérêts communs des deux villes. Après cette discussion, le cinquième décret proposé par M. Gossin est adopté en ces termes : « L’Assemblée nationale décrète, d’après l’avis du comité de constitution : « Que la division du département de l’Est de la Provence est maintenue dans son intégrité, en ce qui concerne les vigueries de Grasse et de Saint-Pol, et que la ville d’Antibes demeurera annexée au district de la ville de Grasse, conformément au vœu des députés de ce département. » M. Gossin présente un sixième décret concernant la division du département Est de la Provence. M. ie comte JLassigny de Juigné demande que Lorgues soit, provisoirement du moins, chef-lieu d’un district. M. Sieyès de la Baume fait valoir les inconvénients qui résulteraient de l’adoption de ce projet au point de vue des administrés. ! M. Féraud observe qu’un chef-lieu de dis-trict serait mal placé à Lorgues, à cause de sa; grande proximité de Draguignan. j M. le comte JLassigny de Juigné réplique aux préopinants et dit que les districts doivent être organisés suivant les convenances des popu-; lations. La discussion est fermée et le décret suivant rendu : « L’Assemblée nationale décrète, d’après Lavis du comité de constitution : « 1° Que dans le département de l’Est de la Provence, la viguerie de Draguignan sera partagée en deux districts par une ligne dirigée à peu près du Nord-Est au Sud-Ouest, tellement que le terrain, compris entre cette ligne et la côte, formera un district dont Fréjus est provisoirement le chef-lieu; sauf au département de désigner un autre emplacement, s’il n’estime pas celui-là convenable; « 2° Que le surplus du terrain, comprenant Lorgues, formera l’autre district, dont Draguignan sera le chef-lieu, laissant au surplus à ces deux districts la faculté de faire, avec leurs voisins, tels échanges qu’ils jugeront utiles et convenables. » M. Gossin, rapporteur , observe que les archives du comité de constitution sont surchargées de lettres par lesquelles plusieurs municipalités demandent l’interprétation de différents décrets de l’Assemblée Nationale ; il propose que le comité de constitution soit autorisé à répondre à ces lettres, et à faire l’application de la loi aux différentes questions, pour épargner à l’Assemblée une perte de temps considérable. Il dit qu’il s’est élevé à Clermont-Ferrand une difficulté sur la question de savoir si les directeurs de la poste aux lettres et des poudres sont ou ne sont pas électeurs et éligibles dans les assemblées primaires. 11 rappelle que M. Target a fait, il y a trois semaines, une motion pour faire autoriser le comité de constitution à donner les explications nécessaires à l’application des décrets. M. Garai, Vaîné. L'interprétation des lois n’appartient qu’au seul législateur. La cession de ce droit au comité serait un commencement d’aristocratie dans l’Assemblée législative. M. Goupil de Préfeln. Le comité de constitution peut être autorisé à donner quelques explications, mais non pas à suppléer ni interpréter la loi, le pouvoir législatif ne pouvant pas être subdélégué. M. Gaultier de Biauzat. J’exprime mon étonnement sur l’annonce qu’il s’est élevé des difficultés à Clermont-Ferrand sans que j’en aie eu connaissance. M. Gossin. La difficulté qui nous occupe n’a pas été soulevée par la municipalité, mais par MM. Boizot et Limoges, directeurs de la poste aux lettres et des poudres. M. Gaultier de Biauzat. J’appuie l’opinion de M. Garat et je demande que l’Assemblée passe à l’ordre du jour. M. le Président prend le vœu de rassemblée, qui passe à l’ordre du jour. M. le Président annonce que le Roi a sanctionné le décret de l’Assemblée nationale du 16 de ce mois, qui proroge jusqu’au 1er mars prochain le délai pour la déclaration des biens ecclésiastiques, et celui du 21, concernant les condamnations prononcées pour raison des délits et des crimes ; Que Sa Majesté a en même temps donné des ordres pour leur exécution, et que M. le garde-des-sceaux fait passer, pour être déposées aux archives de l’Assemblée, les expéditions en parchemin des lettres-patentes sur ces deux décrets. M. le Président. J’ai reçu de M. de Volney la lettre suivante : « M. le Président, avant que l’Assemblée nationale se fût expliquée sur l’incompatibilité des fonctions de député avec toute commission du gouvernement, j’en avais accepté une pour l’île de Corse, avec d’autant plus de confiance que je complais donner ma démission le jour où je deviendrais le porteur des décrets. « Maintenant que l’Assemblée a manifesté ses intentions, j’ai l’honneur de lui déclarer que je me suis désisté de la double mission par laquelle je m’étais chargé de concourir à l’organisation du département de Corse, et de diriger le commerce et l’agriculture dans cette île. « Je suis avec respect, M. le Président, « Votre très-humble et très-obéissant serviteur, signé : DE VOLNEY » M. l’abbé JLatyl. Je demande que cette lettre si honorable soit consignée au procès-verbal. Cette proposition est adoptée. M. le Président. Le comité des finances demande à interrompre l’ordre du jour pour faire plusieurs rapports. L’Assemblée décide que le comité des finances sera entendu. M. Anson. Le projet de décret sur les imposi- ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 janvier 1790.) 376 [Assemblée nationale.] tioris de 1790, que j’ai eu l’honneur de vous soumettre le 23 janvier, n’a pu être imprimé assez tôt pour être distribué avant ce matin; en conséquence je propose d’ajourner la discussion à demain. Cette proposition est adoptée. M. Haurissart. L’Assemblée est saisie depuis le 16 janvier d’un rapport et d’un projetée décret sur la fabrication de la monnaie de billon. On pourrait le discuter aujourd’hui. M. Fréteau. Je propose d’ajourner à huitaine. Il n’est pas possible de statuer sur le décret proposé sans prendre de sages précautions. M. Rœderer. Je propose d’établir un comité chargé d'examiner la proportion entre les métaux, avant de statuer sur le décret. Cette motion n’est pas appuyée. M. de Talleyrand, évêque d'Autun. La matière paraît, au premier abord, de peu de conséquence, mais elle mérite les plus sérieuses réflexions, car la fabrication d’une nouvelle monnaie de billon aura pour résultat le retrait ou l’interdiction de l’ancienne, ce qui peut occasionner desérieux embarras dans les transactions usuelles. L’Assemblée renvoie l’affaire à huitaine. M. le marquis de llontesquiou, président du comité des finances, monte à la tribune et fait le rapport suivant, contenant I’Aperçu général DES RÉDUCTIONS SUR LA DETTE PURLIQUÉ (1). Messieurs, votre comité des finances est au moment de vous présenter le tableau des réductions dont il croit susceptible chaque partie des dépenses publiques; mais avant d’entrer dans un détail qui entraînerait des discussions et des longueurs, votre comité, désirant satisfaire la juste impatience du public et de l’Assemblée, a cru devoir faire précéder ses rapports par un aperçu, au moins vraisemblable, du résultat que vous attendez. Vos décrets seuls peuvent assurer à ce résultat une précision rigoureuse; nous osons vous assurer, cependant, que les différences ne seront pas importantes. On ne croira pas, sans doute, que votre comité voulût offrir à l’Assemblée nationale un travail dont les bases seraient incertaines; et ce n’est pas à la veille de la soumettre à votre examen, qu’il sacrifierait à des illusions consolantes la vérité que vous cherchez. Pour vous présenter avec plus de clarté l’abrégé que je suis chargé de mettre sous vos yeux, je suivrai l’ordre des matières tel qu’il se trouve dans l’ouvrage que le gouvernement vient de faire imprimer, et à la fin duquel une récapitulation générale vous offre le total des dépenses fixes, montant à 531 millions 533 mille livres. Quarante-trois titres de chapitres composent cette récapitulation. Six de ces chapitres, savoir : 1° les rentes perpétuelles et viagères; 2° les intérêts d’effets publics, et diverses créances ; 3° les engagements à temps avec le clergé ; 4° les gages des charges représentant l’intérêt de la finance; 5° les intérêts et frais d’anticipations ; et 6° les indemnités, composant la totalité de la dette publique, dont nous ne vous parlerons pas encore. Les trente-sept autres chapitres présentent la totalité des dépenses fixes. Nous croyons devoir seulement vous observer que nous comprenons, dans les chapitres des dettes, celui qui renferme les gages de la magistrature sous le titre de gages représentant l'intérêt de la finance. La suppression de la vénalité fait de l’intérêt des finances des charges de magistrature une véritable dette de l’Etat; et les dépenses du nouvel ordre judiciaire n’étant pas encore déterminées, nous n’avons pu les comprendre dans l’état que nous avons l’honneur de vous présenter : cet état ne contient que les réductions opérées sur chaque article des anciennes dépenses publiques. Les trente-sept chapitres, dont vous avez le tableau sous les yeux, composent une somme totale de 289,615,000 livres. Dans ce nombre il y a dix chapitres dont les dépenses nous paraissent devoir être remises entièrement à l’administration des provinces : savoir : l°la police de Paris; 2° le guet et la garde de Paris ; 3° le pavé de Paris; 4» les travaux dans les carrières sous Paris ; 5° les remises au moins imposé, décharges et modération sur les impositions; 6° les dons et aumônes, secours, hôpitaux et enfants trouvés; 7°. les travaux de charité; 8° la destruction du vagabondage et de la mendicité ; 9° l’entretien, construction et réparation des bâtiments pour la chose publique; 10° les dépenses locales et variables dans les provinces. Il y a deux autres chapitres dont la dépense nous a paru devoir être partagée entre l’administration des provinces et celle du Trésor public : savoir : 1° les ponts et chaussées en raison de leur école, qui nous a paru utile à conserver, et d’un fonds de réserve à destiner aux grands travaux d’art; 2° le traitement des receveurs, fermiers, régisseurs généraux, et autres frais de recouvrement. Le chapitre intitulé, gages , traitements et gratifications à diverses personnes, nous a paru devoir se réunir à celui des pensions. Celui de la maréchaussée de l’Ile-de-France nous a paru faire partie de la dépense entière de la maréchaussée du royaume, et devoir, sous ce rapport, être renvoyé au département de la guerre. Enfin, nous avons retranché entièrement la dépense des haras, dont vous avez déjà annoncé la supression. Nous avons réuni au chapitre des pensions la dépense des fonds réservés sur les loteries pour actes de bienfaisance, qui ne sont autre chose que des pensions. Nous avons supprimé les diverses dépenses des plantations dans les forêts, qui nous ont paru une charge ordinaire de l’administration des domaines; et enfin le chapitre intitulé, communautés, maisons religieuses et entretiens d’édifices sacrés, auxquels vos décrets sur les biens et les charges du clergé pourvoiront à l’avenir. Ce détail nous a paru nécessaire avant d’arriver aux résultats. Chaque article sera successivement soumis à une analyse exacte et motivée; et en vous présentant d’avance le tableau général dont chaque jour vous pouvez terminer une partie, nous avons désiré seulement que ce tableau fût clair, que tout fût bien classé, et que la comparaison de l’état ancien et de l’état nouveau fût très intelligible. Les trente-sept chapitres de dépenses, pour lesquels il se faisait précédemment un fonds annuel de 289 millions 515 mille livres ne seront plus compris dans la dépense du Trésor public, que pour une somme de 193,300,000 livres, ce qui opère sur les fonds à y fournir une réduction (1) Ce rapport n’a pas été inséré au Moniteur.