168 ARCHIVES NATIONALES - CONVENTION NATIONALE 50 La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des Finances sur la réclamation d’Augustin Mouret contre la déchéance dans laquelle il a été compris pour son office de gref-fîer-notaire-enregistreur à Tarascon [département des Bouches-du-Rhône], décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer; Le présent décret sera inséré au bulletin (91). 51 [Extrait du rapport de Boudin sur l’huile de faîne, le 28 fructidor an 17] (92) Jamais la quantité d’huile d’olive que l’on recueille en France ne pourra suffire à nos besoins; et rien n’est plus dangereux que d’y suppléer, comme on le fait par des mixions aussi désagréables au goût, que contraires à la santé. Heureusement il existe au milieu de nos forêts une source d’huile aussi abondante que salutaire : je parle de celle que donne la faîne qui est le fruit du hêtre ou bouleau. Ce fruit est un des premiers alimens offers à l’homme dans l’état de nature et a du être sa principale nourriture pendant long-tems. Suivant un ancien historien cité par Pline, les habitans de Chio se nourrirent de faîne durant le tems d’un long siège. La faîne est le gland des poètes et des historiens qui en font la seule nourriture des hordes sauvages et de plusieurs peuples de l’antiquité. Pline est le seul des écrivains anciens qui n’est pas confondu la faîne et les glands et qui a distingué les chênes communs des chênes verts et des chênes à liège, qui donnent seuls des fruits bons à manger. La faîne, dit-il (qu’on appelle aussi glands improprement) est encore aujourd’hui la richesse de plusieurs nations, même en tems de paix. Pour faire du pain avec la faîne, il faut d’abord la sécher, la monder, la séparer de son écorce. On la réduit ensuite en farine qu’on pétrit pour en faire des pains. Ceux que l’on sert cuits sous la cendre sont les meilleurs, selon le rapport de Pline. Au reste, nous ne sommes pas réduits à une telle disette de grains, que nous soyons obligés de recourir à ce moyen pour avoir du pain. Notre objet principal est d’attirer toute l’attention de nos concitoyens vers la faîne, relativement à l’huile qu’on peut en extraire. Je ne crains pas de dire que la récolte actuelle donnera plus d’huile que nous n’en pourrons consommer pendant plusieurs années. A l’exception de la (91) P-V., XLV, 254. C 318, pl. 1286, p. 20. Décret n° 10 874 de la main de Bordas, rapporteur. Bull., 29 fruct. (suppl.); Moniteur, XXI, 773. (92) Ann. R.F., n° 290. ci-devant Provence et de quelques autre cantons, la plus grande partie des départemens renferment une grande quantité de hêtres. Les Pyrénées et les Alpes en sont couvertes. Tous les arbres de cette espèce sont surchargés de fruits; et vous n’avez pas oublié ce que l’on vous a dit ici il y a quatre jours, que les forêts d’Eu et de Cressi donneroient cette année plus d’un million de sacs de faîne. En 1779 une portion seulement de la faîne recueillie dans la forêt de Compiègne, a fourni plus d’huile qu’il n’en faudroit aux habitans du pays pour un demi siècle. Il est constaté que l’huile de faîne, quoi-qu’extraite par des méthodes vicieuses, ne le cède en rien à l’huile d’olive. En effet, si l’huile d’olive nouvelle est plus agréable que celle de faîne, le tems lui ôte de son prix; l’huile de faîne au contraire s’améliore en vieillissant : elle peut servir en sortant du pressoir; elle est délicate à 5 ans; elle se soutient à 10, à 20, et au-delà. Lorqu’on la substitue à l’huile d’olive, les connoisseurs s’y trompent; j’en ai fait l’expérience. Et l’on ne doit pas en être surpris car la faîne étant un fruit aussi sain qu’agréable, pourquoi ne donneroit-elle pas une huile de bonne qualité ? J’ai mangé rarement d’autre huile que celle de faîne. J’ai même été long-tems dans la persuasion que ce fruit étoit employé par-tout au même usage. Vous avez sous les yeux plusieurs bouteilles de cette huile extraite des récoltes de 1791, 1792 et 1793. Une portion est telle qu’on la trouve chez les riverains de la forêt de Compiègne : l’autre a été limpidifiée par la seule exposition au soleil pendant deux heures. Emportez-en quelques onces pour l’examiner avec attention, et vous assurer de son goût et de sa qualité. Vous concevrez sans peine de quel degré de perfection elle seroit susceptible si elle étoit soumise à de meilleurs procédés. BOUDIN, au nom du comité d’Agriculture : Citoyens, vous avez accueilli avec intérêt les propositions qui vous ont été faites, dans la vue de propager partout l’usage d’extraire l’huile de la faîne. Si nous étions dans des circonstances ordinaires, si nos besoins en huile de toute espèce étaient moins pressants, on pourrait se reposer sur l’intérêt particulier du soin de convertir en huile l’immense récolte de faînes qui se trouvent cette année sur le territoire français. Mais, d’après les observations qui ont été faites à votre comité d’Agriculture et des Arts; d’après les conférences qu’il a eues avec la commission qu’il est chargé de surveiller, il a reconnu l’indispensable nécessité de modifier le décret du 12 fructidor, et d’y ajouter quelques autres propositions. Voici le projet de décret que j’ai été chargé de vous présenter (93). (93) Moniteur, XXI, 763; Débats, n° 724, 462; J. Fr., n° 720; J. Perlet, n° 723; Ann. Pair., n° 624; Rép., n° 270.