234 [État* gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, (Bailliage de Bar-le-Dnc.] lin, Chanot, Brocard, Jean Martin, Nicolas Petit, Cristophe Peucherin, Nicolas Bastien, Pardieu, Nicolas-Laurent Lopinet, Joseph-Blaise Rouyer, Christophe Guerrard, Gros-Jean, Rougemaître, Jean Simonin, François Galand, André-Louis Maire, Marchai, Perin, Pierson, Guillaumé, André Nallet, Chabaux, Claude Connard, François Che-misard, Jean Harmand, François Vincent, Firmin Guérard, Franc, Jean Tailly, Tailly, Louis André, Cuni, Marchai, Latour, Barbelin, Rémi, Martin, Nicolas Pierson, Giniez, Jean Boyer, Agathe, Gharraux, François Thouvenot, Joseph Poirot, François Monart, Pierre Gauthier, Mathieu Bellin, Nicolas Duponcel, Nicolas Defaux, Antoine Aus-saire, Jean Laurent, Charreaux, Blaize, Thiery, Châtel, Alizon, Pierre Toussaint, Hubert Brayara, Jean -François Mangin, Manel, Jean-Baptiste Bachelier, Petit-Jean, Joba, François Naudin, Nicolas Etienne, Jean Bello, Nicohîs Gerardin, Bourguignon, Charles Vincent, Jean Auger, Jacques Lanot, Huquet, Renaudin, Dominique, Petit-Mangin, Pierre Dardaine, Guste, Dominique Gillet, Dominique Henrion, Jacques Lemoine, Jean Baptiste Lallemand, Dominique Guérard, François Vallet, Charles Mangeot, Dominique Voynier, Jac-ues Pugné, Christophe Périot, Jean -Pierre Thi-ry, Jacques Thiory, Jean Charton, Claude Noi-zette , François Lucot , Jean Pierson , Charles Louis, Georges Daulquere, Charles G uerlin, Etienne Chèvre, Breton, président; Georges des Aulnois, procureur du Roi et Vistor, secrétaire du tiers. Collationné certifié véritable par l’avocat en Parlement, greffier en chef du bailliage royal de Pont-à-Mousson, soussigné, les susdits jour et an, Signe Vistor, avec paraphe. POUVOIRS de l'ordre de la noblesse du bailliage de Saint-Mihiel (1). Aujourd’hui vingt-six mars mil sept cent quatre-vingt-neuf, les six heures de relevée, la noblesse du bailliage de Saint-Mihiel, convoquée par son président dans la salle particulière de ses séances, à l’effet d’y résoudre en assemblée générale et donner des pleins pouvoirs à ses députés aux Etats généraux convoqués à Versailles au 27 avril de la présente année, déclare qu’elle accepte d’avance pour tels ceux que MM, de Bousmard de Chantraine et le baron de Manonville, électeurs par elle nommés, éliront le 31 de ce mois dans la ville de Bar-le-üuc, concurremment avec les électeurs nommés à cet effet dans les bailliages du reste du Barrois, par l’ordre de la noblesse, et qu’elle leur donne dès à présent ses pleins pouvoirs aux conditions suivantes : savoir. 1° Qu’ils se conformeront aux articles de notre cahier, tels qu’ils ont été arrêtés cejourd’hui dans notre assemblée générale. 2» Qu’ils observeront dans la poursuite et l’obtention desdits articles, l’ordre suivant... d’abord ils demanderont que les Etats généraux établissent, de concert avec le Roi, la constitution de l’Etat, et la liberté politique et individuelle des citoyens, suivant les principes contenus dans notre cahier etnotammentdans son premier chapitre, et voteront pour que les Etats généraux ne s’occupent d’aucune autre affaire que celle-ci, la plus importante de toutes pour la nation, ne soit ter-(1) Nous publions ce cahier d’après un piannscrit des Archives de l'Empire. minée à sa satisfaction par la promulgation d’une ou plusieurs lois déclarées irrévocames par tout autre pouvoir que par celui des Etats généraux. Ce point essentiel arrêté, ils demanderont que préalablement à l’octroi d’aucun impôt ou emprunt, les Etats généraux soient mis en état de prononcer sur l’étendue de la dette publique d’en vérifier et d’en apurer le compte, en rejetant les parties où il apparaîtrait de dol de la part des prétendus créanciers, qui, n’ayant fourni aucune valeur ou qu’une partie de valeur énoncée dans leurs titres, auraient fait comprendre au nombre des dettes de l’Etat des dons déguisés et excessifs. Avant d’accorder aucuns subsides il est également essentiel, pour en proportionner l’étendue à leur nécessité, de connaître l'état exact de recette des revenus de l’Etat, ainsique celui de l’emploi de ces revenus aux dépenses publiques. Nous chargeons donc expressément nos députés d’insister à ce que les. Etats généraux soient mis à même de vérifier et constater cette recette et cette dépense avant de se livrer à l’examen d’aucun projet de finances, lequel ne pourrait être raisonnablement assis que sur cette base. Que lesdits députés insistent également pour ue l’octroi des subsides ne soit point fait par les tats généraux, pour un temps plus long que celui de trois années, intervalle le plus considérable qu’il soit, selon nous, possible ae mettre entre la tenue prochaine de cette assemblée et la suivante. Ces conditions remplies, nous abandonnons au zèle de nos députés et à leurs lumières, la conduite qu’ils auront à tenir aux Etats généraux pour y parvenir aux fins des instructions portées par notre cahier ; et en leur enjoignant d’être constamment les interprètes fidèles de notre amour respectueux pour la personne sacrée du Roi, de notre attachement inviolable à son gouvernement, de notre zèle ardent pour la gloire de son règne, et de notre dévouement sans bornes à son service, nous les exhortons à exprimer en toute occasion les sentiments qui nous animent de respect pour la religion et ses ministres, de zèle pour l’honneur inaliénable de l’ordre entier de la noblesse, d’attachement sincère et d’union inaltérable au tiers-état et au bien général de la nation, qui ne peut s’obtenir que par l’accord des véritables intérêts des trois ordres qui la composent. C’est dans cet esprit que nous donnons à nosdits députés aux Etats généraux nos pleins et entiers pouvoirs, non-seulement d’insister dans leur assemblée, aux fins des articles de notre cahier, mais encore, en se conformant aux conditions exprimées ci-dessus, de proposer, remontrer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat, la réforme des abus, l’établissement d’un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l’administration, la prospérité générale du royaume et le bien de tous et un chacun de nos concitoyens. En foi de quoi nous avons tous signé. Fait à Saint-Mihiel, les jour et an avant dits, Signé Bousmard, président de la noblesse, Gondrecourt, le comte de Lignerille, Mannonviile, le comte de Rozières, le baron de Klostein, Mon-lauban, le chevalier de Taillonnet, de Margadel-de-Xivray, Platel de Plateau, Lartillier, Saint Thil-lier, Saint-Beaussant, de Rambucourt, de Rouvn, Régnault de Raulecourt, Guyon de Saint-Victor, Bousmard, Demery, de Procheville, le chevalier Damoiseau, le baron de Kaulbart, a’Alboncourt, llulys, Barrois de Manonville, Faillonnet, le marquis de Spada, Josselin, Rourrois, gendarme de la garde, Rouvroir l’aîné, Jean Breiot de Biley, Barrois de Mannonviile, Rouvroir le jeune, le che-r [États gën.im Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (Bailliage de Bar-le-Buc.l 235 valier Aymé, de Bourgogne, Jollan de la Croix ; le marquis de Mpy, Drouot de la Cour, Delisle Du-moncet, Rouvoir. Collationné par moi, secrétaire de la noblesse lesdits jour et an que dessus. Signé Rouvoir et Bousmard, président. CAHIER De la noblesse du bailliage de Saint-Mihiel , pour servir d'instructions à ses députés aux États généraux (1). REMONTRANCES, PLAINTES ET RÉCLAMATIONS. Moyens et avis que la noblesse du bailliage de Saint-Mihiel, assemblée en vertu des lettres de convocation du 7 février 1789, charge ses députés de présenter à l’assemblée des Etats généraux du royaume , convoquée à Versailles, le 27 avril de la même année, CHAPITRE PREMIER. De la constitution du royaume. Le Roi, en convoquant les Etats généraux du royaume après une aussi longue interruption de ces assemblées constitutionnelles, manifeste de la manière la moins équivoque son désir magnanime, non-seulement de réintégrer la nation dans ses droits anciens, mais encore de la faire jouir de tous ceux qui peuvent fonder son bonheur et en assurer la stabilité. Le premier devoir de tous les ordres de citoyens est de seconder de tous leurs pouvoirs Sa Majesté dans cet important et généreux dessein : et les diverses assemblées dont les députations concourront à former la grande assemblée nationale, ne peuvent trop précisément faire connaître à ce corps législatif et à son auguste chef, leurs principes et leurs vœux. Voici ceux que la noblesse de ce bailliage charge ses députés de professer de sa part, et eu conformité desquels elle leur fait un devoir étroit de voter en toute occasion. Art. 1er, Qu’il ne soit porté aucune atteinte à la puissance exécutive du Roi, ni à son plein exercice, tant en dedans qu’en dehors du royaume; cette plénitude de pouvoir ôtant nécessaire au-dedans pour protéger efficacement la sûreté et la liberté de chaque ordre de citoyens et de chaque individu de quelque classe qu’il puisse être. Quant à son exercice au dehors, il est évident qu’il ne peut être mieux confié qu’au chef de l’Etat et au père de la patrie, dont l’intérêt et la gloire sont de faire respecter partout le nom français et de protéger dans tout l’univers ceux qui pnt l’honneur de le porter. Art. 2. Qu’il ne soit également porté aucune atteinte à la prérogative de Sa Majesté de conférer toutes les charges, nommer à tous les e n-plois, donner tous les bénéfices autres que ceux dont la collation fait partie de quelque propriété, accorder tous les litres, honneurs et grâces, enfin, ue la puissance et le nom du Roi soient fortifiés e tout ce qui peut leur concilier l’amour et le respect de tous les ordres de l’Etat. Art. 3. Qu’aucun acte de la puissance législative ne puisse être exercé qu’au nom seul de Sa Majesté, et formé que par le concours des avis des trois ordres, du clergé, de la noblesse et du tiers-état, et de sa royale volonté. Car, si des lois pouvaient être promulguées et exécutées sans la participation des Etats généraux, leur convoca-(1) Nous reproduisons ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire, tiou ne serait qu’une vaine formalité, et la nation continuerait de gémir sous le poids du despotisme ministériel ; et si l’assemblée des Etats généraux présumait de donner à ses décrets force de loi, avant d 'être revêtus du consentement du Roi, elle ferait un acte de souveraineté, le gouvernement deviendrait aristocratique, et le gouvernement monarchique sous lequel la France subsiste et accroît sa puissance et sa fidélité depuis tant de siècles, se trouverait détruit de fait, quoiqu’il existât toujours de droit et de nom. Art. 4. Qu’aucun tribunal, corporation ou Etats particuliers d’aucunes provinces du royaume, ne puissent rejeter ou même modifier les lois rendues par le Roi de l’avis et du consentement des Etats généraux; car, n’y ayant aucun citoyen d’aucune partie du royaume qui ne soit représenté aux Etats généraux ; les décrets de cette assemblée, revêtus du consentement du Roi, sont évidemment l’expression de la volonté générale de la nation, énoncée par ses représentations légitimes. Que si quelqu’une de ces lois avait pour quelque partie du royaume des inconvénients locaux, il soit libre aux tribunaux, corporations, et même aux simples particuliers, de les remontrer à l’assemblée des Etats généraux, et de demander par requêtes la réforme ou l’exception pour eux de la loi générale; mais que dans l'intervalle d’une assemblée d’Etats généraux à l’autre, il ne puisse être statué sur de semblables requêtes, autrement la volonté particulière du ministère ou du conseil du Roi serait mise au-dessus de la volonté générale et commune de la nation réunie à son Roi ; ce qui serait absurde, Art. 5. Que, pour assurer la liberté individuelle de tous les citoyens, en même temps que leur liberté politique, lesquelles ue peuvent subsister de fait l’une sans l’autre, nul Français, de quelque ordre qu’il soit, me puisse être désormais privé de sa liberté plus de vingt-quatre heures, sans être remis à ses juges naturels, pour recevoir en vertu de leur sentence, la punition de son délit, s il est trouvé coupable, ou des dommages et intérêts contre qui que ce soit qui l’ait fait arrêter, s’il est reconnu innocent ; et que l’officier, public ou tout autre qui sera chargé d’arrêter un citoyên, soit responsable en son pur et piivé nom de l’obligation imposée par le présent article. Art. 6. Pour établir la sûreté des propriétés, sans laquelle la liberté des personnes serait vaine et illusoire, qu’il soit interdit à qui que ce soit, s’aùtorisât-il du nom du Roi, même d’un ordre surpris à Sa Majesté, de percevoir aucun impôt que n’auraient pas accordé les Etats généraux, ou de prolonger la perception d’aucun d’iceux au delà du temps pour lequel ils l’auraient accordé; et qu’ils soit ordonné aux magistrats de condamner et punir comme concussionnaire quiconque contreviendra à cette interdiction, Art. 7. Que pour assurer le bonheur et la paix de la nation, et l’ordre de la succession au trône dans la maison auguste qui, depuis plus de huit cents ans, l’occupe avec tant de gloire, ainsi que les droits des princes du sang royal, les Etats généraux sanctionnent par une constitution que Je Roi publiera en forme d’édit, la renonciation au trône de France, faite par le roi d’Espagne, Philippe V, pour lui et ses descendants; et qu’en acceptant cette renonciation, ils renoncent réciproquement à appeler au trône de Fraqce aucun prince de la branche d’Espagne, à moins que (ce que la bonté divine ne daigne permettre) tou- 236 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Due. tes les branches de la maison royale existante en France ne viennent à s’éteindre* par mâle. Art. 8. Qu’il soit également statué par une loi fondamentale, sur la manière dont la nation pourra être promptement assemblée en Etats généraux, pour exercer, le cas échéant, son droit de conférer la régence du royaume que la plus antique possession, d'accord avec la raison, lui assure; nul n’ayant le droit de lui prescrire le choix ae celui qu’elle doit préposer à l exercice du pouvoir de la gouverner, quand son Roi ne peut pas lui-même exercer ce pouvoir. CHAPITRE II. De la constitution de la province. Art. 1er. Nos députés aux Etats généraux y insisteront à ce qu’il ne soit donné aucune atteinte au traité de cession des deux duchés de Lorraine et de Bar, et notamment à l’article 13, par lequel le feu roi Louis XV a promis, au nom de ses successeurs et de la nation française, que ces deux duchés ne formeront jamais qu’un même gouvernement. Qu’en conséquence ces deux duchés n’aient qu’une seule et même administration rovinciale; leur séparation pour former deux tats provinciaux particuliers , étant tout au moins aussi contraire à la lettre et à l’esprit de cet article, que le démembrement de quelques-unes de leurs parties pour être réunies à un autre gouvernement. Ainsi la formation d’Etats provinciaux particuliers pour le Barrois, demandée par la ville de Bar-le-Duc, entraînant d’ailleurs une foule d’inconvénients, tant actuels qu’éventuels, choque à la fois le traité qui fait la base de la constitution de la province, les véritables intérêts des deux duchés, le vœu unanime des trois ordres du duché de Lorraine et celui des trois quarts au moins des habitants du duché de Bar. Art. 2. Que les lois rendues par nos anciens ducs continuent à faire la base des décisions de nos tribunaux en tout ce à quoi il ne sera point dérogé par les édits et ordonnances du Roi, rendus de l’avis et à la demande des Etats généraux du royaume, qu’aucune partie de la province ressortissant aux tribunaux qu’elle a dans son sein, ne soit distraite de leur juridiction, pour être attribuée à celle d’aucun tribunal qui lui est étranger ; que même le Barrois mouvant soit détaché de l’immense ressort du Parlement de Paris, pour être réuni à celui de Nancy, tant pour unir d’une manière plus intime toutes les parties de la province que pour décharger les habitants de celte partie du Barrois et ceux de nous qui y ont des possessions, de la gêne d’aller chercher si loin et à grands frais une justice lente et tardive. Art. 3. Nos députés aux Etats généraux ne manqueront pas de réclamer formellement contre l’infraction de l’article 14 du traité de cession , laquelle grève tous les acquéreurs de fiefs dans le duché de Bar, d’un droit de marc d’or évalué et fixé au quatrième denier du prix des acquisitions; et sous le prétexte des lettres de confirmation que, pour la coutume, ils sont obligés de prendre du Roi, en sa qualité de suzerain, la noblesse et tous les possesseurs de fiefs de ce duché, perdant, par l’effet de cette extorsion, le quart de la valeur de leurs biens, lorsqu’ils sont obligés de les vendre. L’article cité du traité de cession promet qu’a-prôs la réunion des deux duchés à la couronne de France, subsisteront et seront maintenus les privilèges de l’Eglise, de la noblesse et du tiers-état. Or, un de ces privilèges était d’obtenir des lettres de confirmation pour l’acquisition des fiefs, sans payer le droit de marc d’or ou autre pour l’expédition de ces lettres. Le droit de marc d’or pour ces mêmes lettres établi par l’administration avide de la fin du dernier règne, est donc une atteinte honteuse à la foi de la nation française, et un grief évident dont la noblesse du Barrois doit obtenir le redressement. Il suffit, pour se convaincre du peu de fondement de ce droit de marc d’or, maintenant imposé aux lettres de confirmation, de remonter à l’origine et au but de ces lettres. Elles ne sont autre chose qu’un acte de renonciation que fait le suzerain à exercer le droit de retrait féodal qu’il a sur tout fief acquis dans sa mouvance. C’est en conséquence de ce droit que l’acquéreur est tenu de lui présenter son contrat, pour qu’il puisse juger s’il lui convient d’exercer le retrait. S’il ne juge pas à propos de le faire, il le déclare en accordant à l’acquéreur ses lettres de confirmation; et puisque dans le cas où il garde pour lui l’acquisition, il rembourse complètement l’acquéreur, il est évident que celui-ci ne lui doit rien pour la lui avoir laissée, et que puisque le suzerain ne lui ferait aucun tort dans le premier cas, il ne fait point de grâce dans le second, et qu’il n’y a par conséquent rien là qui puisse donner ouverture au droit de marc d’or. Qnant au retrait féodal, nous demandons que dans le cas où le Roi ne l’exercera pas, Sa Majesté veuille liien renoncer à le concéder à l’acquéreur ou à un tiers, cette faveur n’ayant d’autre effet que d’empêcher les familles d exercer le retrait lignager dans le cas où il leur serait le plus avantageux de le faire. CHAPITRE III. Des États généraux. Art. 1er. Attendu que les quatre dernières assemblées des Etats généraux dont il nous reste des monuments certains, ont opiné par ordres assemblés séparément ; que ce qui nous est parvenu des assemblées plus anciennes et la distinction entre les Etats bien plus prononcée à mesure qu’on remonte vers les premiers âges de la monarchie, rendent plus que probable que tel a toujours été l’ordre observé dans ces augustes assemblées; attendu que le principe, que nul ordre de citoyens ne soit taxé qu’en vertu de son consentement donné par des représentants de son choix est celui de toutes les nations qui tiennent des Etats libres et généraux ; que ce principe est consacré par l’ordonnance d’Orléans rendue de l’avis des Etats généraux du royaume tenus dans cette ville en 1560, qui statue qu’en matière d’impôts le consentement de deux ordres ne peut lier le troisième; la noblesse du bailliage de Saint-Mihiel charge expressément scs députés d’insister à ce qu’on opine par ordre dans la prochaine assemblée des Etats généraux. Art. 2. Justement jalouse que sa contribution et celle de tout ordre de la noblesse aux charges publiques ait tous les caractères d’un hommage libre et dicté par son dévouement à la patrie, et par son amour pour son Roi, elle déclare qu’elle ne peut regarder comme telle que celle qui sera consentie, en son nom, par le seul ordre de la noblesse; et que celle qui pourrait être imposée à cet ordre par les trois ordres réunis, dont les trois quart des députés ne sont point de son choix, et par conséquent point aptes à donner un consentement pour lui, ayant tous les caractères d’un tribut forcé, violerait sa liberté, et celle de la nation. Art. 3. Qu’il est également d’une justice rigou- [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc.] reuse que les voix soient comptées par ordre, et que les voix des trois ordres soient d’un poids égal en matière de législation , tous les ordres de l’Etat ayant droit à être traités avec égalité par les lois, et chacun d’eux ne pouvant perdre que de son consentement les droits, honneurs et prérogatives légitimes dont les lois du royaume et une possession immémoriale l’ont fait jouir jusqu’à présent. Art. 4. Qu’il est aussi conforme à la prudence qu’à la justice d’opiner par ordre en matière de législation , attendu que si une seule assemblée très-nombreuse décidait soudainement, sans appel et sans révision , elle pourrait, dominée par l’esprit de parti , ou emportée par cette chaleur qui s’introduit quelquefois dans les discussions, embrasser des résolutions extrêmes ; au lieu que les mesures que chaque ordre aura adoptées pour le bien public, étant successivement proposées aux deux autres ordres, acquerront, lorsqu’elles en seront agréées, le caractère d’une volonté générale de la nation, ne blesseront les droits légitimes d’aucune des classes qui la composent, et pourront être présentées au Roi avec confiance, pour que Sa Majesté, par son consentement et leur promulgation, leur imprime l’auguste caractère de lois. Art. 5. Qu’il soit passé en loi que les Etats généraux du royaume seront convoqués au moins tous les trois ans, et plus souvent si le besoin de nouvelles lois ou de nouveaux subsides en fait sentir la nécessité dans cet intervalle, sans que pendant sa durée il puisse être établi de commission intermédiaire desdits Etats généraux. Art. 6. La noblesse du bailliage de Saint-Mihiel réclame le droit de concourir directement et immédiatement, comme celle du reste du royaume, à l’élection de ses députés aux Etats généraux, au lieu d’être réduite ici à nommer deux électeurs, qui, réunis à Bar-le-Duc à quatorze autres électeurs du reste dufBarrois, doivent s’y réduire, pour la députation aux Etats généraux, à trois députés pris d’entre eux; car, outre que, de cette manière, elle n’exerce point dans toute sa plénitude son droit d’élection, il résulte un autre inconvénient plus grave du règlement du 7 février, c’est la remise des onze cahiers différents aux mêmes députés : car dans les cas où ces cahiers se contrarieraient entre eux, ou nos députés croiront ne devoir prendre aucun parti, et alors le Barrois n’exercera pas son droit de suffrage; ou bien ils prendront le parti que leurs lumières leur suggéreront, et alors nos cahiers ne nous auront servi de rien. Nous leur enjoignons toutefois, autant qu’il est en nous, de soumettre au jugement des Etats généraux les articles de notre cahier, contre lesquels ils auraient pris parti. Sans quoi la rédaction de nos demandes se réduirait à une vaine et inutile formalité. Nous réclamons également pour les futures convocations d’Etats généraux le droit du Barrois non mouvant, de ne point procéder ailleurs que dans ses bailliages à l’élection directe de ses députés, ce pays ayant formé jusqu’au commencement de ce siècle l’un des cinq grands bailliages, dans lesquels la province de Lorraine et Barrois était divisée; division suivie par le Roi, pour les quatre députations directes accordées à la province, et mise en oubli par nous seuls. Déclarons en outre que c’est uniquement pour respect pour les ordres de Sa Majesté et pour ne point retarder ou rendre incomplète l’assemblée prochaine des Etats généraux, que nous envoyons nos députés électeurs à Bar-le-Duc, ville de la juridiction de laquelle nous n’avons jamais dépendu. CHAPITRE TV. Des Etats provinciaux. Le Roi ayant, par l’organe de son ministre des finances, annoncé que l’intention de Sa Majesté était de donner des Etats provinciaux au sein des Etats généraux, il convient que la noblesse du bailliage de Saint-Mihiel mette ses députés aux Etats généraux en état d’y énoncer ses principes et ses vues, et de leur présenter son vœu à cet égard. Art. 1er. Que l’assemblée des Etats généraux soit le seul organe de la nation et de chacune de ses parties, soit pour offrir au Roi les sommes nécessaires au maintien de son gouvernement , soit pour concerter avec Sa Majesté les lois générales et particulières qu’il est à propos d’ajouter à celles qui nous régissent; et que les Etats particuliers ne chaque province soient en conséquence uniquement chargés de la répartition des impôts, de soigner leur perception et de la rendre la plus exacte et en même temps la moins dispendieuse possible. Art. 2. Que ces Etats provinciaux soient également chargés, chacun pour sa province, de déterminer, dans de certaines limites prescrites par les Etats généraux, la quotité-de l’impôt de toutes natures et de ceux qu’exigerait la confection de canaux et autres travaux utiles; qu’ils veillent à l’emploi de ces subsides et qu’ils les dirigent. Art. 3. Que dans l’intervalle d’une tenue d’Etats généraux à l’autre, ils s’occupent à dresser des mémoires sur l’état de leurs provinces respectives, et si quelques dispositions générales, adoptées par les Etats généraux, leur paraissent nuisibles à la prospérité de ces provinces, que ce soit seulement à l’assemblée des Etats généraux qu’ils en obtiennent la révocation. Art. 4. Que par respect pour la décision de Sa Majesté, du 27 décembre dernier, ces Etats provinciaux soient formés des ordres de l’Eglise et de la noblesse en nombre égal, et du tiers-état en nombre double de chacun d’eux, pourvu toutefois qu’en matière de législation, c’est-à-dire de lois et règlements à solliciter, on y opine par ordre, et qu’il faille le concours des trois ordres opinants de cette manière pour présenter la résolution des Etats provinciaux comme le vœu de la province entière, dont l’accomplissement ne puisse par conséquent nuire aux droits légitimes de qui que ce soit. Art. 5. Que tous les districts fournissent des . députés des trois ordres, aux Etats provinciaux, en raison composée de leurs populations et de leurs impositions respectives, et que le plus ou le moins de noblesse et de clergé, dans certains districts, ne serve pas de prétexte pour les traiter avec inégalité dans la députation de ces deux ordres, dont les représentants ne doivent pas être regardés comme simplement chargés des intérêts particuliers de leurs ordres respectifs, mais encore de l’intérêt général, en qualité de citoyens et en celle de propriétaires et de seigneurs de campagnes, de la protection spéciale des habitants de ces campagnes, toujours imparfaitement représentés par ceux des villes. Art. 6. Que les officiers des justices de seigneurs laïques et ecclésiastiques, et les fermiers de leurs terres, ne soient point privés de leur droit de suffrage, actif et passif, dans la composition des Etats provinciaux, nul ne devant perdre son droit de cité que pour cause de félonie ou de services rendus aux ennemis de l’Etat, et cette distinction aussi 238 lEtats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc.) humiliante qu’injuste, ne pouvant que tourner au détriment de la chose publique, en empêchant les seigneurs de pourvoir leurs justices d’officiers honnêtes et considérés, et leurs terres de fermiers riches et bons cultivateurs, qui , humiliés de se voir dégradés au-dessous de l’ordre commun des citoyens, refuseraient de continuer à se charger d’une culture qui les avilirait. Art. 7. Pour faire connaître plus parfaitement à chaque administration provinciale chacun des districts de la province, ses ressources et ses besoins, et faire réciproquement connaître au peuple de chaque canton l’administration à laquelle il est soumis, que les Etats provinciaux se tiennent successivement dans les différents districts, et dans toutes les villes en état d’en recevoir rassemblée. CHAPITRE V. De ta noblesse. Art. Ie*. Cet ordre qui, dans tous les temps, a donné aux autres l’exemple du dévouement à la patrie et au service du Roi, doit saisir la première occasion qui se présente depuis la dernière tenue des Etats généraux pour offrir à Sa Majesté et à l’Etat sa renonciation à toute exemption des charges publiques; en conséquence, la noblesse du bailliage de Saint-Mihiel charge ses députés aux Etats généraux d’en faire ta proposition dans l’assemblée de la noblesse et non ailleurs, en observant toutefois que, comme une grande partie de ses biens, les hefs sont soumis à des prestations plus ou moins onéreuses de foi et hommages, aveux et dénombrement, lettres de confirmation, etc., il lui doit être tenu compte de ces frais autant en moins sur l’imposition et en justifiant par quittances, actes de voyages et autres pièces probantes. Art. 2. Lorque la noblesse aura renoncé à tout avantage pécuniaire, il n’y aura sans doute plus lieu à en faire l’objet d’un trafic ou d’une vente, en l’attachant à des charges vénales. Nous formons donc le vœu qu’on n’y donne désormais entrée qu’à la vertu, et que rappelée ainsi à son institution, elle ne devienne plus l’apanage de richesses quelquefois mal acquises. CHAPITRE VL Du clergé. Âft. tw. Que tout bénéficier à charge d’âmes soit astreint à une résidence continuelle, à moins qu’il ne soit appelé au dehors par des affaires de l’Etat ou le service du Roi*, et que tout autre bénéficier soit obligé à sept mois au moins de résidence chaque annôe5 dans le lieu où est situé son bénéfice, sous peine d’en perdre les fruits, lesquels seraient dans ce cas donnés aux pauvres du fieu. Cette clause, en faisant profiter chaque pays des bénéfices qui y ont été fondés, exclurait leur pluralité sur une même tête. AM. 2. Qu’il soit pourvu à ce que tous les ordres religieux soient également utiles â l’Etat et â la religion ; s’il n’y en a point qui présentent la possibilité d’être amenés à ce double but, qu’ils soient supprimés et leurs biens appliqués à des établissements utiles, formés dans les lieux mêmes où ils sont situés, ou employés à doter convenablement les curés ou vicaires des paroisses de ces mêmes lieux, ou des paroisses les plus voisines, qui seraient trop peu rentés. CHAPITRE VIL Du tiers-*état. Art. Ie*. Que toute distinction de tiers-état privilégié soif abolie, non-seulement entre les individus, mais encore entre les habitants desgrandes villes, dites franches, et ceux des petites villes, bourgs et villages, l’effet des exemptions réelles ou apparentes de ces villes franches, étant d’y attirer les habitants des campagnes, où ils abandonnent les occupations utiles de l’agriculture, pour venir consommer dans l’oisiveté le fruit dé leurs travaux. Art. 2. Que le même mode de répartition soit introduit dans ces villes aujourd’hui franches et dans les campagnes, afin que le peuple de celles-ci reconnaisse qu’il est traité en égalité avec le tiers-état de celles-là Que ce mode ne soit point de taxer les consommations, tant parce que les frais de régie et de recette de semblables taxes sont toujours très-considérables, que parce qu’eu elles-mômes elles produisent l’effet de diminuer les consommations et par conséquent de décourager l’agriculture, et qu’en outre elles ne sont nullement proportionnées aux moyens de ceux qui les acquittent; car les besoins” physiques de tous les hommes étant à peu de choses près égaux, un riche avare ne paye pas plus de cette sorte d’impôt que le dernier des indigents. Art. 3. Que si, pour échapper aux effets de cette égalité, les villes franches et privilégiées alléguaient leurs charges particulières, telles que pavés, boues et lanternes, on ne doit pas s’y arrêter : les petites villes, bourgs et villages ayant également leurs charges locales, telles que les dépenses de leurs ponts, fontaines, églises, presbytères, dont la proportion à leurs petits moyens est tout au moins aussi forte que celle qui existe entre les grandes dépenses et les moyens des grandes villes. Quant aux dépenses dont celles-ci seraient grevées pour leservice du Roi, telles qu’entretien de casernes et fournitures, il faut les en décharger pour leur enlever tout prétexte de ne point payer les impôts au taux et suivant le mode commun. Art. 4, Que le tiers-état continue à être admis, par la voie du mérite et des talents, à tous les emplois civils et militaires, et qu’une fois admis, il n’y ait plus aucune distinction désavantageuse pour lui, quant à l’avancement, aux prérogatives et à la considération ; ia noblesse ne pouvant qu’être honorée de voir placer sur la même ligne qu’elle le mérite des services, les talents et ia vertu. CHAPITRE VHI. Des dépenses de la nation , Art. 1er. Les moyens de pourvoir à ces dépenses ôtant le produit des sueurs du pauvre et souvent prissursa propre substance, il est dû devoir des Etats généraux, avant d’accorder aucun impôt, de réduire ces dépenses à ce qu’exigent strictement le maintien du gouvernement et la sûreté delà uation. En conséquence, la noblesse du bailliage de Saint-Mihiel charge expressément ses députés aux Etats généraux d’insister à ce que tout emploi non financé, dont l’utilité n’est pas évidente, soit immédiatement supprimé. Art. 2. Que tout emploi à finance dont l’inutilité serait prouvée, et qui rapporterait tant en gages qu’en émoluments, à celui qui en est revêtu, une rente plus considérable que celle fixée aux capitaux par la loi, soit également supprimé, et qu’il soit pris des arrangements pour en rembourser la finance; qu’il en soit de même de tous les fonds prêtés ou avancés au Roi, avec clause de remboursement, et qu’en conséquence il soit ouvert, sous la garantie des Etats généraux, un emprunt au taux de la loi, à la condition dœn payer les inté- [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc.J 239 rêts dans chaque recette particulière du royaume, et qu’à mesure que cet emprunt fournira des fonds, ils soient employés au remboursement des effets les plus onéreux à l’Etat, qui par là gagnera sur-le-cnamp la différence des intérêts* Art. 3. Que toute charge de finance produisant à son possesseur des taxations sur les fonds qu’il perçoit, plus fortes que la rente de son capital au taux légal, soit également supprimée et remboursée, de la même manière. Art. 4. Qu’afin de faciliter ces emprunts, il soit statué qu’il n’en sera plus fait aucun, soit viager, soit par forme de loterie ou autrement, à un intérêt plus haut que celui que la loi fixe entre particuliers; l’effet de cette facilité de tirer un gros intérêt de son argent dans les emprunts publics étant de détourner les capitaux de toute entreprise de commerce et d’agriculture, et de n’exciter que l’industrie stérile et souvent coupable de l’agiotage : l’effet, au contraire, de cette fermeté à ne donner que l’intérêt au taux légal, joint à la garantie de la nation, serait de baisser en peu d’an-néesl’intérêt de l’argent au pointoù nous le voyons dans quelques Etats, qui ont moins de numéraire, plus de dettes et moins de ressources, à proportion que nous, Art. 5. Que tout ce qui fait double emploi, tels ue les intendants, leurs bureaux et leurs sub-élégués, dans la supposition d’Etats provinciaux, ou seulement de la continuation des assemblées provinciales, soit supprimé : leurs fonctions d’administrateurs étant bien mieux remplies par ces corps, leurs pouvoirs judiciaires pouvant être mieux exercés par des magistrats tirés de ces mêmes corps, ou indiqués par eux à sa Majesté, et leurs fonctions de commissaires du Roi pouvant être remplies avec encore plus de dignité par les premiers magistrats des provinces, ou par des conseillers d’Etat. Art. 6. La noblesse du bailliage de Saint-Mihiel n’indique point au zèle de ses députés tous les genres d’emplois en particulier dont ils doivent provoquer la suppression, mais elle ne peut s’empêcher de spécifier celle des gouverneurs de places de guerre, villes et provinces, comme absolument inutiles et sans fonctions ; celle des receveurs généraux et particuliers des finances, dont les provinces pourront faire le service à bien moindre frais, et celle enfin des huissiers-priseurs, qui, remboursés par leurs taxations, en peu d’années, de la modique finance de leurs charges, sont un fléau bien nuisible pour les pauvres habitants des villes et surtout des campagnes, à charge à toutes les classes de citoyens ; en observant spécialement que ces dernières charges, les plus onéreuses de toutes, ne peuvent être trop promptement supprimées et remboursées. Art. 7. Le salut du peuple étant la suprême loi, et la justice à lui rendre étant la suprême justice, il est nécessaire qu’il soit procédé à la révision de toutes les pensions, qui, sur quelques caisses qu’elles soient assurées, sont toujours prises du pur sang du peuple ; qu’en conséquence, il soit proposé, dès les premières séances des Etats généraux, de faire ordonner à tous les pensionnaires de remettre chacun, au bureau de son district, l’état au net de ses pensions, avec un mémoire expositif deg services qui les lui ont fait obtenir, ainsique l’état actuel de sa fortune, pour le tout apostillé par ce bureau, l’être de nouveau par la commission intermédiaire de l’administration de la province, puis remis aux députés de la même province aux Etats généraux pour en faire rapport à leur assemblée, qui statuerait définitivement sur la radiation, diminution, confirmation ou augmentation de chacune de ces pensions. CHAPITRE IX. Dès impôts actuels. Art. 1er. Tous les impôts actuels étant, sans exception, inégalement répartis tant entre les habitants des villes et ceux des campagnes, qu’entre les différents ordres et les diverses provinces, par l’effet des abonnements et des différentes sortes d’objets sur lesquels ils sont assis, c’est l’opinion de la noblesse du bailliage de Saint-Mihiel qu’ils soient abrogés par tout le royaume, pour une époque déterminée, afin qu’à la même époque il leur en soit substitué de moins compliqués, et répartis également sur toutes les classes de citoyens et sur toutes les provinces du royaume, sans exception. Art. 2. S’il y avait quelque province à laquelle une sorte d’impôt la plus commode pour tout le reste du royaume ne convînt pas, que cet]impôt, évalué par les Etats généraux, pour cette province, soit remplacé par elle par un autre impôt d’un produit égal, qu’elle choisira tel, cependant, qu’il ne nuise pas au commerce du reste du royaume et qu’il ne tombe en aucune manière sur ses voisins. Art. 3. La gabelle étant de tous les impôts le plus inégalement assis et le moins en proportion avec les facultés individuelles des contribuables, puisque le riche ne peut faire une beaucoup plus forte consommation de sel que le pauvre, que cet impôt en particulier soit aboli et remplacé par une taxe additionnelle aux taxes, soit réelles, soit personnelles, soit industrielles, que payeront toutes les classes de citoyens, à proportion de leurs facultés, et le sel rendu marchand. Qu’en conséquence les salines de cette province ne soient plus regardées que comme des mines ou manufactures ordinaires, exploitées aux risques et périls des entrepreneurs, auxquels Sa Majesté ett passera bail comme de ses autres fermes on domaines. Art. 4. Qu’il soit libre aux communautés de substituer au tirage de la milice, des engagements volontaires. Rien entendu que les soins et la police des engagements seront confiés aux Etats provinciaux et aux corps qui en émaneraient et leur seraient subordonnés. Art. 5. Que l’impôt des routes et celui des ouvrages d’art des ponts et chaussées soient regardés comme des charges locales des provinces ; que leurs Etats particuliers ert fixent la quotité, d'après les besoins de ces provinces, et les répartissent par une taxe additionnelle à tous les autres impôts,? compris ceux sur les consommations, s’il en existe encore, et au marc la livre de chacun de ces impôts, afin que cette taxe qui doit remplir un objet d'utilité générale, atteigne toutes les classss de contribuables dans la proportion de leurs facultés. Que les appointements et les émoluments des ingénieurs des ponts et chaussées soient également à la Charge particulière de la province oû chacun d’eüx est employé, mais que leur école soit payée des fonds du trésor royal ; qu’enfintout ce qui ne tient pas à cette école dans l'administration, direction et inspection des ponts et chaussées soit supprimé, les Etats provinciaux pouvant sur ces objets correspondre, sans tout cet intermédiaire, avec le ministre des finances, ou tout autre délégué du Roi et de la nation. 240 [Etals gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc.] CHAPITRE X. Des voies et moyens de subvenir aux besoins du royaume. Art. 1er. Que ce ne soit point par la voie des emprunts qu’il soit pourvu aux besoins du royaume ; car tous les intérêts de ces emprunts croissant plus rapidement que ne peut le faire le revenu de l’Etat, il est évident qu’après chacun d’eux, il se trouve dans une situation pire que celle de laquelle on a voulu le tirer ; et que, par conséquent, vouloir faire face au déficit par de pareils moyens c’est creuser de plus en plus l’abîme, au lieu de travailler à le combler; qu’il ne soit donc plus fait d’emprunts que dans J’uni-que objet de rembourser sur-le-champ des charges plus onéreuses, et à un plus haut intérêt que celui qui serait payé par lesdits emprunts. Art. 2. Qu’il soft fait une masse, unique de toutes les dépenses indispensables de l’Etat, y compris toutes les rentes tant perpétuelles que viagères, constituées sur lui ; que toutes les anticipations y soient consolidées, en sorte que leurs intérêts entrent dans des dépenses annuelles, à la condition qu’aucune nouvelle anticipation ne pourra plus avoir lieu, et que les Etats généraux déclareront que désormais la nation n’entend en payer aucune. Art. 3. Qu’à cette masse de dépenses il en soit opposé une pareille de revenus : 1° en remettant le Roi en possession de tous les domaines que Sa Majesté ou ses prédécesseurs ont donnés ou aliénés à vil prix, depuis l’avénement du feu roi à la couronne, et pour cette province, depuis sa réunion à la France ; 2° en rompant tous les échanges non encore consommés, à quelque date qu’ils aient été entamés : l’échange au comté de Sancerre fournissant un exemple effrayant de la lésion énorme dont ces sortes de contrats peuvent être pour le souverain et la nation ; 3° en remettant la régie et l’administration des domaines du Roi dans chaque province à ses Etats provinciaux, qui s’en acquitteront à moindres frais, et d’une manière plus avantageuse pour l’Etat, que ne peut le faire une compagnie; 4° en rompant tout marché où il y a eu pour le Roi lésion évidente; 5° en maintenant les impôts sur le tabac, les cartes, la poudre et tous autres qui ne tombent que sur des superfluités ou objets de luxe, et en en établissant de nouveaux deacet espèce; 6° après avoir défalqué tous ces produits de la masse des dépeuses, il en faudra balancer le reste par des impôts sur les terres, sur les personnes et sur les produits de l’industrie, en sorte que les possessions des trois ordres payent dans la même proportion de leur fortune connue ou présumée, et leur industrie suivant la valeur des salaires ou des profits d’exploitation. Qu’à la masse résultant de ces .trois impôts soit jointe une taxe additionnelle, représentative de la gabelle, en sorte que, s’il est possible, ces moyens suffisent à balancer la dépense, sans conserver ce grand nombre d’impôts gênants et d’une perception dispendieuse, assis sur la fabrication des objets de première nécessité, tels que les cuirs, les fers, les huiles, savons, bière et eaux-de-vie, non plus que la plupart de ceux de traite et de douane et notamment celui d.e foraine et haut-conduit, qui, seul, dans notre province, gêne et décourage le commerce, sans presque fournir de produit à l’Etat. C’est ici le lieu de placer notre juste réclamation contre deux impôts locaux, et d’autant plus injustes que, destinés à acquitter les charges de deux villes d’une province voisine, c’est principalement sur nous que tombe le poids. Le premier est le droit de transit des vins et eaux-de-vie dans le Vermandois, établi à la demande de la ville de Verdun, pour acquitter son don gratuit, en sorte qu’une imposition locale et particulière de cette ville, non-seulement n'est point supportée par elle, mais est rejetée sur ses voisins, et surtout le commerce des vins et eaux-de-vie, qui payent chèrement dans le Vermandois l’exercice du droit naturel de prendre et de suivre le plus court chemin. Le second impôt est un octroi que la ville de Metzaobtenu sur les vins de Lorraine qui entrent à Metz, dans le pays messin et la terre de Gorze, pour y être consommés. Des traités anciens et fréquemment renouvelés dans le temps que cette ville et nous appartenions à deux différentes dominations, avaient établi entre elle et nous une liberté réciproque de commerce, qui nous eût défendus de l’inégalité vexatoire de cet impôt. Réunis aujourd’hui sous le même sceptre, nous ne devons pas le voir fléchir dû côté de nos voisins plutôt que du nôtre ; et avoir dénoncé ces abus qu’une administration soigneuse n’eût pas laissé s’établir, c’est avoir tout fait, sans doute, pour en obtenir la suppression. Art. 4. Que dans l’embarras de trouver promptement une règle sûre pour répartir entre les provinces ces différents impôts, il soit adopté celle de la raison composée de la population de chacune d’elles, et de ceux de ces impôts actuels, qui sont assis généralement sur tout le royaume, savoir, les vingtièmes, les décimes du clergé, la taille et autres impositions. Cette règle paraît d’autant plus avantageuse dans son application, que si, par l’effet de trop d’inégalité dans les impôts, la population a diminué ou augmenté quelque part, elle tendra à remettre jusqu’à un certain point, l’équilibre, qu’il faut s’efforcer d’établir entre les charges et les moyens respectifs de toutes les provinces. Art. 5. S’il est possible de parvenir à un système d’impôt aussi simple que celui que nous proposons, il devient inutile d’employer à leur perception, ni fermes, ni régies générales, ni aucune compagnie de finance; et nous demandons que les Etats provinciaux pourvoient, chacun dans sa province, à cette perception et à cette régie, suivant les règles que leur prescriront les Etats généraux. Art. 6. Que la collecte de ces impôts continue à être faite sans frais dans notre province, et y demeure une charge de communauté, ou devienne l’objet des soins gratuits de chaque municipalité, et que cet arrangement, qui a lieu chez nous de toute ancienneté, devienne commun à tout le royaume. CHAPITRE xi. De la justice et police. Art. 1er. La noblesse du bailliage de Saint-Mihiel, convaincue qu’il n’est pas indifférent à la liberté politique et individuelle des citoyens, en quelles mains réside le pouvoir de le juger, surtout en matière criminelle, charge ses députés aux Etats généraux d’y pourvoir et d’y proposer le rétablissement de l’ordre judiciaire qui a eu lieu autrefois en France , dans presque toute l’Europe, et qui s’est conservé en Angleterre, d’être jugé par ses pairs en matière criminelle; et en conséquence que cet ordre tel qu’il existe et qu’il s’est perfectionné dans cette île, serve de modèle à celui qu’il faut introduire parmi nous, en l’adaptant à nos mœurs. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc.] 241 [États gén. 1789. Cahiers.] Art. 2. Que tout dépositaire de l’autorité du Roi, 1 et de la force publique, qui s’en servirait pour opprimer quelques particuliers, puisse être poursuivi par les voies de droit; et qu’en conséquence, il plaise au Roi de renoncer à évoquer à Sa Majesté et à son conseil de telles affaires, ou toutes autres, de quelque nature elles puissent être, et de révoquer tout privilège de causes commises à tout autre tribunal que celui des juges naturels. Art. 3. Que dans le cas où quelque ministre du Roi se rendrait coupable de prévarications qui blesseraient les droits et les intérêts de la nation entière, il puisse être traduit devant la cour des pairs, par l’assemblée des Etats généraux, n’y eût-il qu’un seul des trois ordres de cette assemblée qui se portât son accusateur. Art. 4. Que le travail entrepris par ordre de Sa Majesté pour la réformation des lois et l’abréviation des procédures, soit soumis à la considération des Etats généraux, lesquels doivent également inviter tous les gens de loi à leur adresser leurs vues à cet égard, pour sur le tout être pris, à l’unanimité des trois ordres, des résolutions qui, revêtues du consentement du Roi, demeurent lois générales et irrévocables par tout autre pouvoir que celui des Etats généraux. Art. 5. Que la police du royaume, relativement au port d’armes, et surtout d’armes défendues, et aux attroupements, émeutes, séditions, soit remise en vigueur, et qu’il y soit ajouté de nouvelles lois, si précises, que dans aucun cas les magistrats ne puissent les laisser sans exécution, et les dépositaires de la force armée leur refuser leur assistance pour réprimer l’audace et la violence qui tenteraient de s’élever au-dessus de la loi. CHAPITRE XII. De l'état militaire. Art. 1er. L’Etat étant trop obéré pour entretenir plus de forces militaires que celles qui sont indispensables pour le défendre d’une attaque soudaine , c’est l’opinion de la noblesse du bailliage de Saint-Mihiel que Sa Majesté ne devrait entretenir pendant la paix, constamment, que les ofticiers et bas officiers, et la moitié des soldats; ceux de l’autre moitié renvoyés chez eux pendant dix mois de l’année sans solde, ne rejoindraient leurs drapeaux que pendant deux mois pour manœuvres. Par là une épargne considérable serait produite sur le prix des engagements, sur la solde, le pain et l’habillement, sans que les troupes nationales ne deviennent plus mauvaises : la bonté de l’espèce d’hommes, le genre de vie laborieuse qu’ils mèneraient, compensant avantageusement cette recherche excessive dans la tenue et dans les exercices, qui n’a de prix que pendant la paix, et s’évanouit à la guerre, ou n’y est d’aucun effet. Art. 2. Attendu que c’est principalement de la capacité des officiers, et surtout de celle des chefs, que dépend le succès des armées, qu’il ne soit plus conservé d’emplois à la suite des troupes ou de remplacement, ces emplois ne coûtassent-ils peu ou même rien au trésor public : car ceux que leur naissance ou leur crédit portent aux emplois supérieurs, font servir les mêmes avantages à n’occuper que ces emplois qui n’exigent que peu de résidence et nul service actif; et parvenant ainsi à commander, sans jamais avoir obéi, se trouvent chargés des grandes opérations de guerre sans en avoir ni pratiqué les détails ni connu les éléments. Art. 3. Que les places de guerre qui ajoutent aux forces de la nation, sans ajouter nécessaire-lre Série, T. II. ment comme les troupes à ses dépenses annuelles, soit laissées pour la plupart sans entretien, jusqu’à des temps plus heureux : que les plus importantes et les plus avancées sur la frontière soient entretenues soigneusement, mais que toutes soient conservées, n’y en ayant point de nuisibles, et aucune qui ne puisse, suivant les circonstances, devenir essentiellement utile. Art. 4. Qu’à cette discipline avilissante qui depuis quelques années a été introduite dans nos troupes, et qui contraste si complètement avec les mœurs, le caractère de la nation et la liberté dont elle est si digne, succède une discipline fondée sur l’honneur telle que celle qui nous fit remporter tant de victoires, et qu’enfm les coups soient réservés pour les supplices, et que les supplices ne puissent être infligés qu’en vertu de la sentence d’un conseil de guerre régulier. Art. 5. Que le sort et la récompense des services de l’officier et du soldat soient réglés parla nation assemblée, de manière à concilier l’économie des dépenses de l’Etat avec ce qu’il doit à ceux qui ont prodigué leur sang et consumé leurs forces à le défendre, et qu’en général la constitution militaire et les dépenses qu’elle entraîne ne soient plus désormais abandonnées aux caprices et à la prodigalité des ministres qui, se succédant rapidement, ne paraissent jaloux que d’innover et de laisser plus d’abus nouveaux qu’ils n’en ont réformé d’anciens. Qu’en conséquence les nouvelles ordonnances et les plans du conseil de la guerre soient soumis à la considération des Etats généraux, pour y être statué, et après n’y être admis aucun changement, jusqu’à la tenue suivante; la constitution et le maintien des forces de la nation étant assez importants pour être réglés par la nation elle-même. CHAPITRE XIII. Du commerce. Art. 1er. L'objet et l’avantage du commerce pour l’Etat, étant de donner le plus de valeur possible à ses denrées surabondantes, et de lui fournir au meilleur marché possible celles dont il manque, et l’objet de l’avantage particulier du commerçant étant au contraire d’acheter à vil prix nos produits bruts, pour nous vendre cher, soit ces mêmes produits manufacturés, soit le produit du sol et de l’industrie des nations étrangères, nos députés devront, dans les propositions relatives au commerce qu’ils entendront faire, s’efforcer de discerner auquel de ces deux intérêts, du commerce ou des commerçants, elles doivent être attribuées, et de ne point manquer de s’opposer de tout leur pouvoir à tout règlement sollicité par l’avidité mercantile, qui tendrait à restreindre la vente d’aucune production territoriale, ou à gêner l’achat d’aucune marchandise de première nécessité, l’un et l’autre étant également contraires à l’intérêt des propriétaires et des consommateurs, et par conséquent à celui du grand corps du peuple, ou ce qui revient au même, à la prospérité de l’Etat. Art. 2. En formant des vœux pour que l’industrie de la nation se perfectionne un jour assez pour pouvoir admettre dans son commerce avec ses voisins le système généreux d’une liberté réciproque et indéfinie, qui élèverait son agriculture au plus haut degré de prospérité, et ne laisserait subsister que les branches vraiment productives de son industrie, nous chargeons expressément nos députés de faire tous leurs efforts pour conserver à notre province la liberté indéfinie du commerce dont elle jouit; etpuisqué 16 242 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc.] nous nous trouvons parvenus naturellement à cet état de perfection, ce n’est point à nous à changer; d’autant que les barrières et le tarif qui les accompagneraient, auraient l’effet infaillible de renchérir tout ce que nous rachetons, sans augmenter la valeur de ce que nous vendons, les produits de notre agriculture, et que ces produits augmentant tous les jours, par l’effet de notre régime actuel, forment petit à petit, des capitaux qui servent à commencer des entreprises de manufactures dont les succès naissants ne peuvent que s’accroître puisqu’ils sont fondés sur la nature des choses, et non sur des privilèges exclusifs, et sur des prohibitions mercantiles. Art. 3. Nous avons également intérêt et même droit à réclamer contre l’arrangement qui pourrait être proposé de faire entrer les vins de Champagne francs de droit dans notre pays, pour ne les leur faire payer qu’en sortant pour passer à l’étranger : intérêt, en ce que ces vins étant très-abondants et d’une qualité supérieure aux nôtres les supplanteraient immanquablement, jusque dans notre propre consommation, et nous interdiraient la culture de nos vignes, qui occupe le quart de notre population ; droit, en ce que nos vignes ayant été plantées dans la confiance que quant à notre propre consommation, elles n’auraient point à redouter la concurrence de celles de la Champagne, confiance bien fondée, puisqu’elle reposait sur l’autorité de nos souverains particuliers , d’accord avec leurs intérêts ; les propriétaires et les cultivateurs de ces mêmes vignes ne doivent point être aujourd’hui frustrés du fruit de leurs travaux et des fonds qu’ils ont employés à ce genre de culture. Nous n’avons aucun droit, à la vérité, à nous opposer à ce que la Champagne use du droit naturel de tirer des bienfaits de son sol et des travaux de son agriculture tout le parti possible; mais alors que la liberté qu’on lui destine soit entière et ne vienne point expirer à la sortie de notre province : car obtenant cette liberté entière, ses vins alors renchériraient assez pour laisser jouir la qualité inférieure des nôtres d’un prix qui suffirait à en soutenir la production. Art. 4. Que si l’on proposait des mesures tendant à rompre notre traité de commerce avec l’Angleterre, qu’on assure nous être désavantageux, nos députés devront s’y opposer parce que : 1° la rupture des traités entraînerait la guerre, qui ferait infiniment plus de tort à l’Etat et à son commerce lui-même, que ne peuvent lui en faire les désavantages que peuvent avoir ces traités; 2° parce qu’il est possible de diminuer ces désavantages, sans rompre le traité, en avançant gratuitement, ou prêtant à très-bons intérêts de l’argent de la caisse publique, aux fabricants qui établiraient des machines tendant à perfectionner ou à rendre moins chère la main-d’œuvre; 3° enfin, parce que toute industrie qui n’est fondée que sur la prohibition de l’industrie étrangère, ne peut jamais s’exercer qu’aux dépens de l’intérieur du pays, n’v peut attirer aucune richesse et ne doit par conséquent pas être entretenue par la nation dans cet état, auquel elle ne prend qu’une part absolument passive. CHAPITRE XIV. De la portion d'imposition que doit supporter la province de Lorraine. S’il n’est pas juste de désirer que la province échappe à une partie des charges publiques, pour en rejeter le fardeau sur ses coétats, il ne serait pas raisonnable d’exiger d’elle d’en supporter plus que la part qui lui en revient légitimement. D’après ces considérations, nous croyons devoir prémunir nos députés contre les assertions qu’on pourrait hasarder sur l’état de ménagement, quant aux impositions dans lequel on nous supposerait et d’après lequel on croirait pouvoir nous taxer au delà de ce que nos impositions actuelles sembleraient permettre; car, f° quant aux vingtièmes, il faut faire attention que le Roi possédant chez nous plus de 2 millions de revenu annuel en possessions territoriales, ce sont environ 200,000 livres dont nos vingtièmes peuvent paraître trop faibles, eu égard à l’étendue et à l’état de culture de notre province. Le reste de ce revenu, c’est-à-dire 1,800,000 livres, au moins, sortant également chaque année de la province, avec tout ce qu’en emportent les grands propriétaires et les gros bénéficiers, contribue à l’appauvrir et à diminuer ses ressources ; 2° Quant à la capitation, on ne sait pas peut-être que nous n’en sommes exempts que de nom, mais que la province la paye de fait, et très-cher, par l’imposition pour les ouvrages d’art des ponts et chaussées et autres impositions réunies dont l’ensemble s’élève à la somme de 1,400,000 francs, ce qui est plus que ce que des provinces de même force que la nôtre ne payent de capitation et de ponts et chaussées réunis; 3° Les tailles chez nous sont très-fortes et pour le moins aussi fortes que dans quelque partie que ce soit du royaume ; ainsi nous sommes dispensés de toute apologie à cet égard ; 4° Nous avons des impôts qui nous sont particuliers, tels que les gages du Parlement de Nancy, et les dépenses des casernes que nous sommes obligés de bâtir pour y recevoir les corps nombreux de cavalerie qu’attire chez nous la bonté de nos fourrages ; 5° Placés sur le passage de l’Alsace à la Flandre et aux Evêchés, nous avons la charge et la gêne de continuels logements de troupes et convois militaires; et pendant la guerre, ces convois, souvent faits par corvée, sont fréquemment accompagnés de livraisons gratuites de fourrages. CHAPITRE XV* De divers objets de bien public. Art. 1er. Il est un de ces objets, auquel il devient bien pressant de pourvoir : c’est l’équilibre à rétablir entre la consommation du bois et sa production. Nous allons proposer nos moyens de diminuer l’une et augmenter l’autre, et en confiant ces moyens aux Etats provinciaux, nous assurer qu’ils seront employés avec cette mesure et ce rapport aux localités qui seuls peuvent les rendre d’une utilité efficace et permanente. Que les usines à feu, qui se sont multipliées à un point effrayant, dans notre province, soient réduites aux termes de leurs concessions, qu’elles n’auraient jamais dû. passer, et dans lesquels une administration patriotique et vigilante n’eût pas manqué de les contenir. Le renchérissement du bois, que l’excessive consommation de ces usines, occasionne, force le pauvre peuple d’user d’une extrême parcimonie dans l’usage de cette denrée de premier besoin, augmente sa misère de plus d’une manière et le met hors d’état d’acquitter ses impositions. Si l’on croyait avoir un grand avantage dans l’augmentation de valeur donnée aux fonds des terrains plantés de bois, par le nombre et l’activité de ces usines, il suffirait, pour se désabuser, de faire attention que tout ce que ces terrains gagnent, les terrains en culture le perdent, une [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc.j 943 partie plus considérable de leurs produits se trouvant absorbée par la consommation plus dispendieuse du bois de chauffage, de charronnage, de merrein, de cbalas et de charpente. C’est ici le lieu d’avertir d’un nouveau danger dont le reculement des barrières menace notre province. Nos fers n’entrent maintenant dans l’intérieur du royaume, qu’en acquittant un droit de 20 à 25 p. 0/0 de leur valeur : leur incorporation devient malgré ce droit exorbitant , de jour en jour plus considérable : si une fois elle est libre elle deviendra excessive, et l’activité de nos forges, dévorant en peu d’années, le peu de bois qui nous reste, ne s’arrêtera que quand nos forêts épuisées laisseront elles et nous dans le dénû-ment absolu des combustibles. Art. 2. Qu’il soit fait une loi somptuaire pour réprimer par quelques taxes, dans les grandes villes, et surtout dans la capitale, et même dans les châteaux et maisons de campagne des riches, la consommation superflue de bois qui s’y fait, et qui ne peut s’y faire qu’en restreignant celle du pauvre au-dessous du plus étroit nécessaire. Si le sel devient marchand et que nos salines soient réduites à n’être que des établissements de manufactures ordinaires et sans privilège, leur activité diminuera sans doute, et avec elle la consommation énorme de bois qui en est l’aliment. Art. 3. Que pour rendre la garde des bois plus facile, et leur conservation plus assurée, il soit, autant qu’il sera possible, pourvu à leur clôture, par les différents moyens qu’offrent les diverses localités. Que les gardes chargés de veiller à ce qu’il ne s’y commette point de délits, soient mieux gagés et par appointements fixes, tant pour les attacher à leur état que pour les sauver des tentations forcées de manquer à la probité, que donne trop souvent la misère. Enfin que les amendes, qui aujourd’hui ne sont plus en proportion avec les délits, soient augmentées en raison de l’accroissement qu’a pris la valeur des bois, depuis l’époque où elles ont été fixées. Art. 4. Que les anciennes ordonnances relatives au recepernent et repeuplement des bois dans leurs parties abrouties et dépéries, soient remises en vigueur, qu’il y soit procédé le plus promptement possible dans les bois du Roi, et que les ecclésiastiques et les communautés laïques y soient incessamment contraints. Art. 5. Que les communautés qui possèdent trop de communes et les particuliers qui sont propriétaires de terrains peu propres à toute autre culture, soient encouragés, par des primes et des avances gratuites, à les planter en bois et que les Etats provinciaux soient chargés des détails de ces moyens d'encouragement et du soin de placer ces avances. Lorsqu’elles l’aüront été avec discernement, on ne devra point les regarder comme un objet de dépense, mais comme de l’argent placé au profit de l’Etat, au plus haut intérêt. Art. 6. Qu’il soit fixé au retour périodique des coupes de nos forêts un terme plus long en général, et plus en proportion avec la bonté de leur sol et la durée des croissances de leurs essences d’arbres dont elles sont peuplées , tant pour obtenir de plus beaux bois de charpente, que pour* en retirer un produit plus abondant en bois de chauffage. Art. 7. Qu'il soit pourvu à perfectionner l’administration des bois et à la rendre moins dispendieuse. et que les Etats provinciaux soient chargés d’en indiquer les moyens les plus convenables à la constitution de leurs provinces respectives, et autorisés à s’occuper essentiellement de cet objet important de bien public, de la même manière que tous les autres confiés à leurs soins. Art. 8. Un objet plus urgent encore, s’il est possible que la restauration des forêts, c’est l’extmc-tion de la mendicité. Nous ne proposerons pas à l’assemblée de la nation de ces moyens coactifs qui, jusqu’à présent insuffisants, répugneraient à l’humanité et à la douceur des mœurs de la nation française; mais nous lui offrirons un moyen d’empêcher cette lèpre honteuse de naître et” de s’étendre d’une manière aussi effrayante sur les dernières classes du peuple. Ce moyen serait, selon nous, qu’il se formât dans chaque district une association de toutes les personnes charitables qui l’habitent, laquelle embrassât dans ses soins bienfaisants l’universalité des pauvres de ce même district, et s’efforçât de proportionner à leurs besoins les secours à leur offrir en prix de leur travail. Qu’en conséquence, tout celui de la réparation des routes leur fût réservé, pour être fait par eux dans les temps de l’année morts pour l’agriculture, et qu’il n’y eût de compris dans les adjudications de ces routes que la fourniture des matériaux et leur transport à pied d’œuvre. Art. 9. La source la plus fêcoüde de mendicité étant l’impossibilité où sont une foule de pères et mères de pourvoir par leur travail à l’entretieh d’un trop grand nombre d’enfants que ce soit principalement vers ces hommes chargés de famille que se dirigent les secours des associations et qu’ils leur soient donnés en supplément du prix de leurs journées, en sorte que celles-ci puissent suffire à leur conserver exempte de honte et de reproches une vie laborieuse et utile à l’Etat. Art. 10. Une infortune plus grande encore et moins méritée, est celle qui accable les fruits innocents de l’union illégitime des deux sexes, oü de la malheureuse fécondité des mariages des indigents. Nous enjoignons à nos députés de recommander spécialement le sort de ces infortunés à l’humanité, nous osons dire à la justice de la nation assemblée, qui trouvera aisément, sans doute, dans sa sagesse, les moyens d’acquitter la dette la plus sacrée, sans trop surcharger l’Etat, et sans favoriser la dépravation des mœurs. Art. 11. Les principes de la libre représentation de tous les ordres de citoyens dans les Etats généraux et provinciaux, s’étendront sans doute aux municipalités des villes, qu’une spéculation fiscale a entachées de vénalité, en dépit de toutes les convenances et de toutes les vues de bien public. Que ces charges soient mises au nombre deâ plus onéreuses, dont le remboursement et la suppression puissent être statués par l’assistance de? Etats généraux, et qu’ensuite il soit formé des municipalités électives, composées des trois ordres, dans la proportion adoptée par les Etats généraux et provinciaux, auxquels seuls elles correspondront pour tout ce qui aura trait à leur administration. Art. 12. L’éducation nationale est l’objet le plus important, peut-être, qui puisse être offert à la considération des Etats généraux ; la classe qu’il est le plus essentiel qui reçoive une bonne éducation, c’est la classe nombreuse du peuple; que celle qui lui sera donnée, sans sortir de la simplicité des connaissances qui suffit à ses besoins, tende à l’instruire de ses devoirs et de ses droits, et, en les lui rendant également chers, à l’attacher aux lois et à la patrie par le sentiment et la conviction du bonheur qu’elles lui assurent; qu’il soit donc pourvu à ce que les écoles des villages. 244 [Etats gen. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc. outre la lecture, l’écriture et un peu d’arithmétique qu’elles continueront à enseigner, joignent à l’étude du catéchisme religieux qui renferme la base de tous les devoirs moraux, celle d’un catéchisme patriotique, qui expose d’une manière simple et élémentaire les obligations que renferme le titre de citoyen, et les droits qui dérivent nécessairement de ces obligations, quand elles sont bien remplies; qui fonde sur ces obligations et ces droits, le respect pour les lois et surtout pour les lois de la propriété, l’obéissance aux magistrats, le dévouement à la patrie et au Roi, qui en est le père. Que les pasteurs des paroisses de campagne exercent sur ces écoles, et sur la manière d’y inculquer aux eufants les vérités importantes qu’on leur y enseignera, l’inspection la plus active et la plus suivie et ne dédaignent point cette fonction, la plus essentielle, peut-être, de leur ministère. Art. 13. Que les écoles du peuple des villes aient le même plan d’étude, mais confiées à des maîtres plus habiles, et soumises à une discipline plus soignée que celles des campagnes, telle à peu près qu’elle s'exerce chez les Frères des Écoles chrétiennes ; qu’en outre de l’inspection des pasteurs, elles soient soumises à celle des officiers municipaux et des magistrats. Art. 14. Que l’institution des premières classes de citoyens, ou de tous ceux que leur fortune met en état de suivre des études plus longues et plus parfaites, soit confiée à ce grand nombre de corps réguliers qui, déjà rentés, n’attendent que le signal de se rendre maintenant aussi utiles à l’Etat qu’ils l’ont été dans tous les temps à la religion. Qu’il soit dès à présent tiré de ceux de ces corps qui déjà s’occupent de l’éducation de la jeunesse, ainsi que de toutes les universités du royaume, des commissaires qui, réunis, concerteront, avec l’Université de Paris, le plan d’études et de discipline le plus convenable à établir dans tous les collèges et universités du royaume. Que le même catéchisme patriotique des petites écoles soit enseigné dans les grandes, n’y ayant pas deux genres de devoirs pour les différents ordres de citoyens; que seulement il en soit fait une étude plus approfondie. Art. 15. Il est malheureux que la plupart des universités et des établissements d’éducation , soient placés dans de grandes villes, où la jeunesse trouve, à côté des leçons de science et de vertu qu’elle reçoit, l’exemple de la dissipation et du vice. L’Université de notre province avait heureusement été mise à l’abri de ce danger, par la sagesse de nos anciens souverains qui l’avaient placée à Pont-à-Mousson, où elle florissait ; transférée à Nancy, pour augmenter le lustre de cette capitale, elle est devenue dans cette ville de luxe un écueil dangereux non-seulement pour les mœurs et la santé de la jeunesse, mais encore pour la fortune des parents. D’après ces considérations d’un intérêt direct pour nous et pour les citoyens de tous les ordres de la province, nous chargerons nos députés de faire la demande particulière du retour de notre Université dans la ville de Pont-à-Mousson, qui a conservé les établissements les plus convenables, et où la vie, moins dissipée, est bien moins chère qu’à Nancy, et permet de donner à la jeunesse une éducation plus soignée et moins dispendieuse. Art. 16. Les liens qui nous unissent au chef visible de l’Eglise, étant tout spirituels, doiventêtre conservés sans doute, et resserrés, s’il est possible, ar tout ce que peuvent y ajouter le respect et l’o-éissance filiale à tous les décrets qui émanent de lui ; mais tout ce que, dans les temps d’ignorance et de corruption, l’ambition et l’avarice de la cour de Rome ont su y joindre d’avantages temporels, doit, dans ce siècle de lumières, être abrogé. Qu’en conséquence nos députés aux Etats généraux y proposent qu’il soit pris, de concert avec le Roi, des arrangements tels que, sans nous écarter du centre de l’unité et de la suprématie que nous reconnaissons dans le siège de Rome, il soit pourvu à l’obtention des dispenses et des bulles sans autres frais que ceux de leur expédition, et qu’il soit suppléé au payement des annates par quelques marques authentiques du respect de la nation pour le Saint-Siège; car, à peine en état de subvenir au payement des charges de son gouvernement, il est absurde qu’elle continue à payer à une nation étrangère un tribut annuel de plusieurs millions. Art. 17. Que désormais tout citoyen, revêtu d’un office civil ou militaire, ne puisse en être dépouillé sans un jugement préalable, rendu par des juges compétents. Aujourd’hui vingt-six mars mil sept cent quatre-vingt-neuf, à neuf heures du matin, la noblesse du bailliage de Saint-Mihiel, convoquée dans la salle particulière des séances, en l’abbaye de cette ville, en vertu de l’ajournement à elle donné le vingt desdits mois et an, par son président, les articles ci-dessus ont été lus, approuvés et arrêtés dans leur assemblée générale, afin d’être présentés à l’assemblée des Etats généraux du royaume, convoqués à Versailles au vingt-sept avril de la présente année, et être proposés à ladite assemblée par ses députés, auxquels elle donne charge spéciale de proposer le présent cahier dans tout son contenu à ladite assemblée des Etats généraux. En foi de quoi ont signé le président, secrétaire et commissaires à la rédaction dudit cahier. Signé Brousmard , président ; le chevalier Damoiseau ; le chevalier de Faillonnet; Bâillonne! de Domrémy ; Bonsmard de Chantraine ; le baron de Manonville ; F. -G. Rouvroir, secrétaire. CAHIER DES DOLÉANCES DES TROIS ORDRES DU BAILLIAGE ROYAL DE VILLIERS-LA-MONTAGNE (1). On remarque dans la lettre de Sa Majesté pour la convocation des trois ordres de ce royaume, que la matière des plaintes et doléances doit se rapporter à deux objets généraux : 1° Etablir un ordre constant et invariable dans toutes les parties du gouvernement qui intéressent le bonheur des sujets et la prospérité du royaume ; 2° Surmonter les difficultés qui se rencontrent dans l’état des finances. Il n’y a pas un Français qui n’ait ouï parler de ce déficit immense, incalculable jusqu’à présent ; il s’agit de trouver des mesures pour établir l’équilibre entre la recette et la dépense de l’Etat, et d’épargner au nom français la honte d’une banqueroute déshonorante aux yeux de touiel’Ëurope. Ces deux objets présentent 'des branches infinies à la réflexion des politiques. Les trois ordres de ce bailliage, réunis par l’accord d’une volonté unanime, ne se flattent pas d’atteindre le but auquel tous les souhaits doivent aboutir; ils vont hasarder succinctement quelques réflexions : et pleins de confiance dans la parole sacrée d’un (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des A rchives de l’Empire.