62 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE croire qu’elles sont l’expression de coeurs purs et vraiment républicains. Salut et fraternité. Signé, P. J. SERRES et AUGUIS; et MAGNIN, secrétaire (27). Clauzel demande l’insertion de cette lettre dans le bulletin, afin qu’elle serve de leçon à tous les intrigans qui cherchent à s’emparer par-tout de l’opinion du peuple pour le faire servir à leurs projets (28). [Clauzel demande que pour détromper les bons citoyens, à qui les héritiers de Robespierre veulent persuader qu’ils ont encore un parti dans le Midi pour les soutenir, que cette lettre sera insérée au Bulletin.] (29) J’appuie, s’écrie Granet, la proposition pour les mêmes motifs que Clauzel (30). 13 Un secrétaire lit une lettre des repré-sentans du peuple Ritter et Turreau, envoyés près l’armée des Alpes; elle est renvoyée au comité de Salut public (31). [Les représentants du peuple près l’armée des Alpes et d’Italie, à la Convention nationale, du quartier-général de Losno, le 12 vendémiaire an III] (32) Vous n’aurez pas manqué, citoyens collègues, de payer à la brave armée d’Italie le tribut de la reconnoissance publique : celle des Alpes, qui s’y trouve aujourdTiuy réunie, avoit tiré, le 28 fructidor, en battant les Piémontois, une lettre-de-change sur l’armée d’Italie, que cette dernière a acquittée avant son échéance. Les Austro-Sardes sont dans le cas de se ressouvenir de la dernière sans-culottide : nous devons à la gloire de cette armée de vous transmettre les noms de ceux qui, dans cette affaire, se sont distingués par des actions héroïques et des traits de bravoure. Le citoyen Janot, du département de la Côte-d’Or, aide de camp du général d’artillerie Bonaparte, retournant d’une division d’artillerie à laquelle il avoit porté l’ordre d’avancer, donne dans un parti ennemi, essuie une décharge à brûle-pour-point ; il met pied à terre, poursuit un Autrichien à qui il tire un coup de pistolet qui lui perce la cuisse, et le fait prisonnier au milieu de l’ennemi. (27) P.-V., XLVTI, 107-109. Original signé C 321, pl. 1338, p. 22. Moniteur, XXII, 211-212; Débats, n" 750, 306-307. (28) Ann. R.F., n” 20; J. Paris, n” 22; J. Fr., n° 746; J. Univ., n° 1782; M.U., XLIV, 318. (29) Gazette Fr., n” 1014. (30) Ann. R.F., n° 20. (31) P.-V., XLVII, 109. (32) Bull., 22 vend, (suppl.); C. Eg., n” 785; J. Fr., n 746; M.U., XLIV, 317, 370. Un capitaine nommé Reybaude de Grasse, dép. du Var, s’avance à la tête de sa compagnie après avoir tué deux esclaves, se bat corps à corps avec un capitaine des grenadiers de l’ennemi, et ils tombent morts l’un sur l’autre, le valeureux françois en criant : Vive la République ! Le citoyen Brimond, sergent dans le bataillon de chasseurs, entouré par les ennemis, en a tué quatre, et ne s’est retiré de la tranchée qu’après avoir reçu un coup de feu et deux coups de baïonnette : il répétoit à ses camarades : ce n’est rien, mes amis; c’est pour la Patrie. Le citoyen Gollin, sergent de chasseurs, détaché avec quinze hommes, se trouve engagé avec trente Autrichiens; il leur fait face avec cinq hommes. Au moment où il prend un ennemi au collet, il reçoit un coup de baïonnette au gosier, et un coup de feu sur l’épaule ; il se recule, tue un Autrichien d’un coup de baïonnette, il ouvre le ventre à un autre d’un coup de sabre : c’est le même qui, au col de Fénestre entra le premier dans la redoute ennemie. Nous ne finirions jamais si nous devions vous parler de tous ceux qui se sont signalés dans l’action; ils n’ont pas moins mérité des éloges par la fermeté avec laquelle ils ont bravé la faim, le froid et la pluie. Ils battent, par une constance républicaine, les Austro-Sardes et les désorganisateurs qui cherchent à les faire manquer de tout ; ils bivouaquent sur des montagnes où règne un étemel hyver, privés souvent des choses les plus nécessaires ; ils endurent tout, et les privations les contrarient moins que le retard que l’ennemi, par sa fuite, apporte à de nouveaux combats. Nous venons de parcourir les postes les plus avancés de l’armée ; ceux qui ont vu le triomphe de nos armées et la défaite des Autrichiens. Des sentiers impraticables et des précipices effayans sont les lieux où les soldats de la liberté ont fait une longue marche pour atteindre l’ennemi ; les annales de l’histoire n’offrent pas un pareil exemple; l’artillerie a passé où l’homme ose à peine porter ses pas : avec de tels défenseurs, la liberté est impérissable. Salut et fraternité. Signé, F.-J. Ritter, Turreau. 14 Divers pétitionnaires sont admis. L’administration du département de Paris °, le tribunal révolutionnaire b, le tribunal criminel c et le tribunal de cassation d, se présentent successivement, et viennent renouveler l’assurance de leur dévouement à la République et de leur attachement à la Convention nationale. Ils la félicitent sur ses glorieux travaux, sur ce qu’elle a fait enfin succéder le règne des lois et de l’humanité à celui de l’oppression et de la terreur; et ils applaudissent SÉANCE DU 20 VENDÉMIAIRE AN III (11 OCTOBRE 1794) - N° 14 63 aux sentimens énoncés dans l’Adresse aux Français publiée par la Convention (33). a Une députation du département de Paris est admise à la barre. [L’orateur lit l’adresse suivante ] (34) Représentants du peuple français, Lorsque par votre énergie vous terrassâtes le despote insolent qui s’était assis sur les ruines du trône ; lorsque vous brisâtes dans sa main perfide le sceptre de fer qu’il étendait sur le peuple français, le département de Paris, dégagé du poids de l’oppression générale, s’empresse de venir vous témoigner sa reconnaissance et sa joie. Il savait bien que, non content d’écraser le tyran, vous écraseriez aussi la tyrannie; il savait bien que, détestant son affreux système, vous le détruiriez jusque dans ses fondements. Aujourd’hui que, par votre adresse au peuple français, vous annoncez solennellement ce dessein; aujourd’hui que vous appelez autour de vous la confiance de ce peuple généreux, au nom de la justice et de la vertu, et que lui signalant tous ses ennemis, vous lui montrez encore entrouvert l’abîme dans lequel ils voudraient le replonger, le département de Paris, animé d’une nouvelle confiance, accourt auprès de vous pour se rallier aux sages principes que vous manifestez, et vous jurer de concourir de tout son pouvoir à leur établissement et à leur triomphe. Après la crise épouvantable à laquelle vous venez d’arracher le peuple français, vous annoncés que le règne instable et vacillant des passions doit cesser pour jamais, que l’autorité seule des lois va conduire la nation, que ces lois ne seront destinées qu’à garantir l’exercice de ses droits; vous manifestez de nouveau votre horreur pour le système de sang et de fureur dont le peuple vient d’être victime ; vous annoncés le règne de la justice et de la vertu. Législateurs, n’en doutez point, votre voix a retenti dans l’âme de tous les Français : aux mots sacrés de justice et de vertu, le peuple entier va se rallier autour de vous par l’impulsion naturelle de son coeur. Il sent que, dans votre bouche, ces mots ne sont point, comme dans celle des derniers triumvirs, rm leure perfide pour l’amener sur le bord du précipice; il a pour garant de votre foi la tyrannie que vous venez d’abattre, les sages mesures que vous avez prises pour (33) P.-V., XLVII, 109. Ann. Patr., n° 650 ; Ann. R.F., n° 20 ; C. Eg., n” 785; J. Fr., n” 746; J. Mont., n° 1 ; J. Paris, n° 22; J. Perlet, n° 748; Mess. Soir, n' 784; M.U., XLIV, 318; Rép., n" 21. (34) C 321, pl. 1346, p. 5. Moniteur, XXII, 210; Débats, n” 750, 310-311; Bull., 20 vend.; J. Mont., n 1, M.U., XLIV, 324, 339-340. l’empêcher de se relever jamais, celles que vous préparés chaque jour encore ; il a pour garant de votre foi cent mille familles dont vous venez de sécher les larmes, d’éteindre ou de calmer les cruelles douleurs. Eh! quel est le Français qui pourrait refuser aujourd’hui d’accourir à votre voix, de vous entourer de toute sa confiance pour l’achèvement du grand oeuvre de la constitution auquel le peuple vous a appelés? S’il s’en trouvait un seul, il oserait donc dire, en présence de tous ses concitoyens, à la face de l’humanité tout entière : Je préfère le crime à la vertu, le brigandage à la justice, la fureur des passions féroces aux délices de la fraternité, l’assassinat du peuple à son bonheur. Non, aucun Français, aucun homme, à moins que son coeur n’ait été corrompu dans les repaires de la tyrannie, aucun homme n’avouera ces horribles blasphèmes. Législateurs, exécutés avec courage le noble dessein que vous venés d’annoncer au peuple français, et soyés sûrs de son amour et de sa confiance. Maintenez ce gouvernement ferme et rigoureux auquel toutes les républiques ont recours dans les grands dangers, et qui les fait triompher de ces dangers. Que la terreur dévore sans cesse le coeur du méchant ; que la confiance et la sécurité accompagnent l’homme vertueux, et lui laissent la faculté de développer toute son énergie pour le bonheur de ses semblables. La Révolution est le passage du crime à la vertu, de l’erreur à la vérité, de l’injustice à la justice, de l’esclavage à la liberté, du malheur du peuple au bonheur du peuple : tout ce qui nous approche donc de la vertu, de la vérité, de la justice, de la liberté, du bonheur, voilà ce qui est vraiment révolutionnaire ; tout ce qui nous en éloigne tend à la contre-révolution. Législateurs, tels sont les principes, tels sont les sentimens qui animent avec vous les membres du département de Paris ; ils les soutiendront de tout leur pouvoir; ils les défendront avec vous jusqu’à la mort; et s’il était possible que le seul exercice de ces principes sacrés ne fût pas suffisant pour vous faire triompher des méchants, vous nous verriés combattre à vos côtés et mourir avec vous pour la justice et le bonheur du peuple. Nous vous le jurons, nous le jurons à tout le peuple français, sur les dépouilles respectables du philosophe de la nature, auquel vous avez décerné les honneurs du Panthéon, pour nous prouver sans doute que les droits sacrés de l’humanité seront toujours le but de vos travaux et le résultat de toutes nos victoires. J.-B. Maillard, président, J.-C. Lavau, agent nat., Dupre, secrétaire et six autres signatures. LE PRÉSIDENT : Lorsque la Convention nationale a fait tomber la tête du dernier des tyrans, elle a pris l’engagement solennel de dégager le peuple français de toute espèce de tyrannie. Fidèle à ses serments, elle ne souf-