477 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 mars 1790.] même indifférence sur un rapport fait à cette Assemblée, au nom d’un comité aussi respectable que celui des finances? Sans doute, ces contrariétés et tant d’autres me rendent insensiblement ma place bien pénible ; mais par une circonstance aussi bizarre que malheureuse , ces traverses elles-mêmes, en augm entant le péril de la chose publique, fortifient le seul lien qui m’attache encore au. poste que j’occupe. QUATRIÈME ANNEXE à la séance de V Assemblée nationale du 30 mars 1790. Réponse de M. de Montesqnion aux observa tions de M. ieckcr, sur le rapport fait au nom du comité des finances, à la séance de l’Assemblée nationale du 12 mars 1790 (1). Le premier ministre des finances a relevé des erreurs qu’il a cru apercevoir dans le rapport que j’ai fait à l’Assemblée nationale, le 12 de ce mois, du mémoire qu’il lui avait adressé le 6. Il serait possible en effet qu’il me fût échappé quelques fautes dans un rapport que j’ai été obligé de terminer avec la plusgrande précipitation ; le comitélui-même, pressé par les ordres de l’Assemblée, s’est peut-être fié trop légèrement à celui qu’il avait chargé de parler en son nom; mais peut-être aussi n’est-il pas impossible que le premier ministre des finances ait jugé avec trop de sévérité une opinion qui différait quelquefois de la sienne. Je ne viens point ici prendre la défense du comité des finances; il n’a pas besoin de mon secours. C’est à la seule Assemblée nationale qu’il doit compte d’un ouvrage qu’il n’a adopté que pour le lui soumettre. Mais le rapporteur du comité est responsable envers lui de l’usage qu’il a fait de sa confiance. A ce titre, je lui dois l’aveu de mes erreurs, si j’en reconnais dans le rapport qu’il avait honoré de son suffrage. Je lui dois de même la justification de mes calculs, s’ils sont exacts. Je dois plus encore à la nation dont le sort est si intimement lié aux questions qui nous divisent, et qui ne dira pas aujourd’hui... Que nous font tous ces débats ? Quels rapports ont-ils avec nos intérêts présents ? Le passé est passé, et rien n’est plus indifférent que de déterminer lequel des deux adversaires a eu tort ou raison; la question ne vaut pas la peine que nous dévorions l’ennui d’une semblable controverse (2). La nation le dévorera cet ennui non pour juger le mérite de tel ou tel ouvrage; peu lui importent les petits intérêts de l’amour-propre d’un particulier; mais il lui importe essentiellement de connaître l’ètatde ses affaires, d’asseoir enfin, sur une base solide, les espérances que l’on veut lui faire concevoir, et de s’assurer que ses représentants, du moins par leurs soins et par leur vigilance, sont dignes des importantes fonctions dont ils sont revêtus. Au milieu de cette discussion qui m’afflige, je sens combien le nom de M. Necker est important pour moi. Je sens surtout combien il est triste de (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. (2) Réponse de M. Necker àM. de Calonne, avril 1787, in-8° p. 20. combattre un homme auquel on n’a jamais désiré que des succès. Chargé malgré moi du rapport de son mémoire, forcé d’être quelquefois d’un avis opposé au sien, cédant eu cela à un devoir rigoureux, je croyais du moins n’avoir offensé ni la vérité ni les convenances. Je reprends à regret aujourd’hui l’aride, mais intéressante dissertation à laquelle je suis condamné. Je ne demande qu’une grâce à mes lecteurs, et cette grâce est une justice; c’est d’oublier les noms des combattants et de ne rien juger qu’après avoir tout entendu. Évaluation de la perte sur les impôts indirects. Le premier ministre des finances pense que pendant les dix derniers mois de cette année, les droits et les revenus affermés ou régis éprouveront une perte de 71 millions. Il n’en avait porté l’évaluation qu’à 60, et il persiste à croire qu’il l’avait estimée trop bas; il reproche au comité des finances, ou plutôt à son rapporteur, de n’avoir évalué cette perte qu’à 30 millions. Je céderais sans hésiter à l’opinion de M. Necker, si les leçons de l'expérience étaient applicables à cette circonstance ; mais à l’appui de son opinion, M. Necker ne cite que l’exemple des trois derniers mois : il faut examiner si cet exemple doit s’adapter au reste de l’année, ou s’il ne le doit pas. L’état d’anarchie où nous avons vécu sera-t-il le même après l’organisation des assemblées de département et de district, et après l’établissement affermi des municipalités? Le remplacement de la gabelle sera-t-il payé ou ne le sera-t-il pas? Voilà les questions dont la solution importe au jugement de cet article. Mon opinion à cet égard ne peut être incertaine. Je pense que l’ordre est au moment de renaître, et je vois l’organisation du royaume essentiellement liée à celle des nouveaux corps administratifs. Dans deux mois, je n’en saurais douter, le brigandage aura un frein, la perception des contributions un appui, et d’une extrémité de la France à l’autre, il existera une patrie, des citoyens et une force publique. Ainsi, à partir du 1er avril, je ne vois plus de perte à craindre sur la gabelle, parce que le remplacement commence de ce jour-là et qu’il sera payé non seulement avec facilité, mais avec plaisir. Suivant le décret même, ce remplacement aura lieu dans tous les endroits où, avant cette époque, la perception aurait été interrompue. Ainsi, je ne puis adopter, même pour un mois, la perte présumée sur la gabelle. Je vois plus loin; je pense que du décret et de son exécution, sur laquelle je ne me permets pas le moindre doute, après l’avoir vu désiré et demandé avec instance dans tout le royaume, il résultera des recouvrements pour le Trésor public sur le déficit des mois précédents. Je retranche donc entièrement le premier article des pertes évaluées par M. Necker. Cet article de la gabelle est de 40 millions. Tous les autres, au nombre de 7, montent suivant son calcul, à 31 millions. C’est sur ce calcul de 31 millions que je vais étendre mes observations. Par les mêmes raisons que je viens de développer, je pense que la perte sur le produit des ventes du tabac, effet du brigandage et du défaut de police, est prête à cesser. Mais il faut du temps pour rétablir les barrières, et pour épuiser les approvisionnements de la contrebande; ainsi je 478 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 mars 1790.] supposerai que cette partie des revenus publics ne sera pas dans son état ordinaire avant le 1er juillet. M. Necker évalue la perte des trois derniers mois à 800, (J00 livres chacun; je la suppute sur ce pied pour quatre mois des dix qui font l’objet de nos calculs, ci. 3,200,000 livres. Je ne conteste rien sur la perte des entrées de Paris. Elle tient à des circonstances presque incalculables, et non au désordre; ainsi il est possible qu’elle se prolonge , et je laisse subsister cet article pour ................. . ..... 7,000,000 livres . Je me déterminerai sur la perte du produit des aides par les mêmes motifs qui ont fixé mon opinion sur celle du tabac. Je laisserai de même subsister jusqu’au mois de juillet l’évaluation de M. Necker. Elle est de 600,000 par mois, ce qui, pour quatre mois, dorme. 2,400,000 livres. Je ne vois rien à rabattre sur la perte des droits de franc-fief, du marc d’or, revenus casuels, etc. Je suis fondé à penser même que M. Necker évalue cette perte un peu bas. 11 ne la porte qu’à 5 millions; je l’évaluerai à .............. 6,000,000 livres. Je ne me conduirai pas de même sur l’article du revenu des poudres dont M. Necker évalue la perte pour dix mois à 600,000 livres, la totalité de ce produit n’est par an que de 800,000 livres ; ce qui fait pour dix mois 666,000 livres. Autant eût-il valu dire que ce revenu serait nui. M. Necker le juge tel peut-être, en raison de l’année dernière, où l’insurrection générale a fait de la poudre, non un objet de commerce , mais de réserve et de précaution dans tout le royaume. J’espère que rien ne donnera lieu désormais à de semblables craintes; ainsi je n’étendrai pas le produit des poudres et des salpêtres au delà du 1er juillet. Je réduis cet article à ................. 200,000 livres Je suis étonné, je l’avoue, de l’article des monnaies ; elles ne sont comptées dans les revenus publics que pour 500,000 livres, ce qui donne pour dix mois 400,000 livres ; et c’est à 400,000 francs que M. Necker estime la perte de ce revenu pour dix mois. Ainsi, il le réduit à rien; cependant les monnaies travaillent plus ou moins : M. Necker seul a le mot de cet énigme; je ne veux pas lui disputer un fait qu’il connaît sans doute, et que j’ignore ; ainsi je laisse subsister cet article tel qu’il le fixe à ........ 400,000 livres. Quant à la perte sur les lote-Report. .... 19,200,000 livres. ries, il n’en était pas question dans le mémoire du 6 mars ; c’est une addition à laquelle je pourrais me croire dispensé de répondre, mais sur laquelle cependant je ne contesterai rien. M. Necker la porte pour dix mois à .................. 4,000,000 livres. Total de l’évaluation des pertes .................... 23,200,000 livres. Si l'on m’accorde que les décrets de l’Assemblée nationale, sanctionnés par le roi, sont quelque chose et que l’exécution des lois va trouver un appui solide dans les nouveaux corps administratifs, on ne peut me contester le résultat du détail dans lequel je viens d’entrer. J’aurais pu ajouter à ce détail que M. Necker nous a donné, pour l’année 1790, un état de dépense extraordinaire de 80 millions, à laquelle sont particulièrement attribués les 80 millions de la caisse d’escompte, et que cet état renferme une partie de la diminution prévue sur les revenus que nous venons d’examiner. Je n’appuierai pas davantage sur aucune observation de ce genre. J’ai établi sur les raisons qui m’ont le plus frappé, la seule diminution de recette qui me semble vraisemblable; elle est de 23,200,000 livres, je l’ai évaluée à 30,000,000 dans mon rapport, et je croyais avoir poussé les précautions aussi loin qu’elles pouvaient aller, en concluant après cette évaluation de nos pertes, à la réserve prudente d’un supplément qui serait accordé à la fin de l’année, s’il y avait lieu (1). M. Necker remarque que les 40 millions de l’impôt destiné à remplacer la gabelle, ne diminueront guère le déficit de l’année, parce qu’ils seront payables au marc la livre des impositions directes de 1790, dont il n’y aura que sept douzièmes de payés dans cette année. Je lui observerai à mon tour, que si, en effet, les receveurs généraux ne paient que sept mois des impositions directes de chaque année, dans le cours de sa durée, c’est qu’ils en paient cinq de l'année précédente; or, pendant les cinq derniers mois de l’année 1789, les droits en question ont été payés, ou iis ne l’ont pas été. S’ils ont été payés ils n’ont causé aucun déficit : s’ils ne l’ont pas été, ils seront remplacés, suivant le dernier décret, du jour de la cessation du paiement, et alors iis seraient perçus en même temps que les mois correspondants des impositions ordinaires ; ou enfin dans le cas où toutes les autres dispositions seraient sans effet, la caisse de l’extraordinaire, en vertu du décret du 23 de ce mois, suppléera au vide des perceptions du Trésor public. J’observerai enfin qu’il n’est point nécessaire que le remplacement de la gabelle soit aussi longtemps que les impositions ordinaires à parvenir à sa destination. Il n’y a, sur cet objet absolumentnouveau, aucun arrangement antérieur avec les receveurs généraux. Les rôles une fois faits, la perception une fois établie, chaque département trouvera aisément les moyens de faire arriver directement la contribution ordonnée au Trésor public, et alors le calcul des années et des comptes aura perdu toute son importance. A reporter 19,200.000 livres. (1) Page 12 du rapport. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 mars 1790.] 479 Ainsi je suis forcé de persister dans mou opinion ; je crois même l’évaluation des pertes à 30 millions un peu forcée-, je crois enfin en avoir donné la preuve suffisante à tous ceux qui croient encore à l’existence d’un corps politique en France, et qui ont quelque opinion de ce que peuvent les constants efforts de l’Assemblée nationale, et les volontés réunies de tous les citoyens. Rapprochement du paiement des recettes générales. M. Necker avait compté au nombre de ses ressources le rapprochement d’un mois de paiement des receveurs généraux, et le comité des finances avait trouvé cet arrangement possible et convenable. Aujourd’hui M. Necker pense autrement, parce que le remplacement de la gabelle, accroissant les impôts directs, ne permettrait pas de rapprocher facilement le terme de leur paiement. J’observe à M. Necker qu’il faut bien regarder cependant la suppression de la gabelle comme une facilité accordée aux contribuables, surtout aux plus pauvres ; elle sera immense pour eux. La gabelle, quoiqu’impôt indirect, pouvait à beaucoup d’égards, être considérée comme un impôt direct, et c’est sous ce rapport surtout que sa répartition était affreuse. Si le rapprochement des termes de paiement était possible* sous le régime du plus cruel des impôts, comment cesserait-il de l'être sous celui d’une imposition moins forte en somme, plus juste en répartition, et plus douce en perception? Nous savons tous que les anciens contribuables gagnent de 40 à 50 0/0 sur leurs impositions de cette année, sans compter le profit qu’ils font sur la gabelle. On ne propose qu’un rapprochement de paiement d’un mois *, ce rapprochement est donc possible, et peut-être même serait-il aisé de l’étendre au delà de ce terme. Je ne puis me refuser sur cet article une observation assez singulière. M. Necker faisait entrer dans ses calculs du 6 mars une perte de 40 millions sur le produit de la gabelle. L’Assemblée a décrété le 23 le remplacement entier du produit de la gabelle : M. Necker n’en compte pas moins la perle de 40 millions sur ce produit. M. Necker mettait avant ce décret, au nombre de ses ressources, un rapprochement de paiement des recettes générales, qu’il évaluait à 15 millions. Depuis le décret il ne compte plus sur ce rapprochement. Ainsi le décret de l’Assemblée ne sert, suivant M. Necker, qu’à priver le Trésor public de 15 millions. Cependant si ce décret ne fait pas payer le remplacement de la gabelle, il ne gênera pas le rapprochement des impositions directes : si, au contraire, il s’oppose à ce rapprochement, c’est qu’il aura, du moins, couvert le vide de la gabelle. Il faut absolument convenir de l’un ou de l’autre, sans quoi ce décret si désiré nuirait à tout, et ne servirait à rien. Ne pouvant pas expliquer cette contradiction, je persiste dans le premier avis de M. Necker, que j’avais adopté dans mon rapport. Reste de l’emprunt de septembre 1789. M. Necker me reproche d’avoir dit qu’il s’en fallait de 10 millions que l’emprunt de 80 millions ne lut rempli, tandis qu’il s’en faut de 33 millions qu’il ne le soit. J’opposerai à ce texte une première observation, qui pourra d’abord paraître minutieuse : elle porte sur une légère inexactitude de citation. Je n’ai point dit l’emprunt de 80 millions, mais l’emprunt de septembre dernier. Ceci demande explication. L’emprunt en question n’était de 80 millions qu’en apparence ; il n’en devait produire au Trésor public que 40 ; les 40 autres, fournis en effets, n’étaient que pour inviter à apporter l’argent par l’avantage qu’ils donnaient au prêteur. Cet emprunt n’a donc jamais été effectivement que de 40 millions -, nous ne l’avons jamais compté en finance que pour cette somme ; et lorsque j’ai dit qu’il en restait encore à prendre pour 10 millions, je n’ai voulu parler que de la partie effective. 11 paraît par ec que dit M. Necker que je me suis trompé; que cet emprunt est moins avancé que je ne le croyais, et qu’il en reste à prendre non pas 10 millions, comme je l’ai dit, mais 16,500,000 livres. Car s’il reste 33 millions à prendre sur Jes 80, ce n’est que la moitié de cette somme qu’il est possible de compter eu produit pour le Trésor public. Après avoir substitué à mon énonciation d’em-pruntde septembre, celle d’empruntde 80 millions, on a pu dire 33 millions au lieu de 16 millions et demi, et l’opposition de 33 millions à 10, devait faire bien plus d’effet que celle de 16, 500,000 livres : c’est ce qui est arrivé. Tel est souvent l’empire d’un mot. L’effet de celui-ci a été trop marqué, pour que j’aie pu me dispenser d’entrer dans ces détails, quelque peu. intéressants qu’ils soient en eux-mêmes. Mais, me dira t-on, si vous ne vous êtes pas trompé de 23 millions, vous vous êtes trompé du moins de 6,600,000 livres, et c’est un tort. A cela je pourrais répondre que mon erreur ne nuirait qu’à mon propre système. M’occupant à rassembler les différentes ressources dont je pensais que M. Necker devait user avant d’en chercher d’autres, je pouvais lui en présenter une de 16 millions et demi, et je ne l’ai comptée que pour 10. Cette manière de me tromper n’était assurément pas à mon avantage. Mais suis-je donc si coupable au sujet de l’erreur de ces 6 millions et demi? Je ne le crois pas. Je me rappelle, et quelques-uns de mes collègues du comité des douze s’en souviennent également, qu’à un comité de la fin de décembre, M. Dufresne, interrogé par moi sur la position de l’emprunt de 80 millions, me dit qu’il en restait à prendre pour environ 24 millions, c’est-à-dire 12 millions en effets et 12 en argent. A cette époque on faisait monter la recette provenant par mois de cet emprunt, à 2 ou 300,000 francs. J’ai sous les yeux ce dernier fait signé de M. Necker. D’après cela je pouvais, je devais penser qu’il en restait au mois de mars à prendre environ pour 11 millions; et comme l’erreur en plus était toute à mon avantage, j’ai préféré l’erreur en moins, et je me suis fixé à 10 millions avec d’autant plus de sécurité que, dans des comptes semblables, un million est bien peu de chose. Si cet emprunt que j’ai compté pour 10 millions n’avait été en reste que pour 5 ou 6, j’aurais essuyé et mérité peut-être bien d’autres reproches. Mais, observe M. Necker, depuis quelque temps on ne porte plus rien à cet emprunt; il est donc impossible de s’en rapporter à la simple conjecture qu’il sera rempli dans le courant ae l’année, 480 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 mars 1790.] conjecture qui n’est appuyée d’aucun fait propre à nous éclairer. Je répondrai à M. Necker que ma conjecture était excusable, lorsque je lui voyais compter un emprunt au nombre de' ses moyens. Gomment pouvais-je supposer que M. Necker proposerait un autre emprunt avant d’avoir complété celui-là ? Gomment, sachant que cet emprunt donnait 6 1/2 0/0 au prêteur, pouvais je penser que le ministre des finances en proposerait, et que la nation en accepterait un nouveau à un taux plus élevé? D’ailleurs, dans tous les cas je pouvais calculer sur l’emploi du reste de cet emprunt, parce que, dans une grande administration comme celle de nos finances, on place aisément 10 millions d’effets dans les paiements de tout genre que l’on a à faire dans le cours d’une année. Au sujet de cet emprunt deseptembre, M. Necker relève une faute très réelle qui se trouve dans mon rapport, mais elle appartient trop évidemment à l’imprimeur pour que je m’en défende sérieusement. Lorsque j’ai dit, en parlant d’emprunts séduisants, combien celui de septembre me paraissait avantageux, certes, je voulais dire aux prêteurs, car c’est à eux que l’on pense lorsque l’on songe à séduire. Il se trouve dans l’imprimé emprunteur au lieu d % prêteur : cette faute ne peut m’être attribuée. Rapprochement de la liste des besoins et de celle des ressources. M. Necker me fait ensuite un reproche plus sérieux; il porte sur la manière dont j’ai décomposé ses deux listes des besoins et des ressources de l’année. Mon procédé a cependant été bien simple. Si M. Necker n’avait voulu montrer que la comparaison de l’actif et du passif, il y avait peu de chose à lui objecter; on pouvait seulement discuter quelques-uns de ses articles. Mais lorsque traitant ensuite, page 17, la question des billets d’Etat, M. Necker a supposé la nécessité, dans le cas où on les emploierait, d’ajouter aux billets qui existent une émission de 2 à 300 millions, il a bien fallu reprendre son compte pour lui prouver qu’il ne faudrait la porter qu’à 132; car assurément, dansaucun cas, il ne lui faudrait des billets pour les fonds dont il est assuré ; il n’en peut demander que pour les fonds qui lui manquent. Ainsi, de cette discussion il résulte seulement qu’il n’aura besoin de nouveaux secours que pour 126 millions au lieu de 132; puisque l’emprunt de septembre lui assure une ressource de 16 millions que je n’avais évaluée qu’à 10. Nous ne sommes obligés de fournir à la finance que la somme nécessaire pour satisfaire aux besoins de l’année. La méthode que j’ai suivie est donc très claire et très simple; et mon résultat certain est que si effectivement il fallait employer les billets d’Etat, il n’en faudrait pas une nouvelle émission de 2 ou 300 millions comme le semble craindre M. Necker, mais seulement de 126 ou 132 comme je l’ai établi dans mon rapport. Je n’ai donc pas induit en erreur les personnes qui examinent superficiellement les affaires; je n’ai point déplacé les chiffres et détourné par là l’attention. J’ai seulement classé les différents objets; j’ai commencé à fixer dans mon opinion les besoins de l’année, ou le passif, et j’ai dit mes raisons. Ensuite, dans l’examen de l’actif, j’ai séparé ce qui était certain de ce qui était hypothétique. Je n’ai discuté que cette dernière partie parce que seule elle était susceptible de discussion et il ne m’a pas été difficile de prouver que, dans tous les systèmes, il ne pouvait être question que d’admettre ou de remplacer cette dernière partie de l’actif de M. Necker. Je fixe donc de nouveau les besoins non encore assurés de cette année, à 132 millions, ou plutôt à 126, d’après la connaissance plus exacte que M. Necker m’a donnée deJ’état où est l’emprunt de septembre. Je persiste dans cette opinion parce qu’il me parait certain que le déficit des impôts directs pendant les dix derniers mois de l’année n’excédera pas 30 millions, parce que je suppose que, dans le même intervalle, le reste de l’emprunt de septembre sera rempli, ou employé dans les dépenses de l’année; et enfin parce que je crois plus facile que jamais le rapprochement dans le paiement des impôts directs, qui depuis longtemps n’auront été aussi légers que cette année, pour ceux qui jusqu’ici en ont supporté tout le poids. Économie sur le paiement des rentes. J’ai dit dans mon rapport que pour procurer 50 millions de soulagement au Trésor public sur le paiementdes rentes de l’flôtel-de-Ville, suivant les moyens indiqués par M. Necker, il faudrait employer ou créer 150 millions de contracts. M. Necker assure que je me suis trompé et il s’explique. Son intention, dit-il, avait été de se servir, pour cet usage, de 43 millions qui lui restaient sur l’emprunt de septembre et sur celui de Languedoc, et, en y joignant le quart de cette somme en argent, de payer à l’amiable aux rentiers, à qui cet arrangement conviendrait, deux semestres au lieu d’un. D’après cette explication la somme à joindre en argent aux 43 millions d’effets, était à peu près de 14 millions : ainsi, avec environ 14 millions en argent, on aurait payé 57 millions sur les rentes. Je n’avais pas trouvé dans cet arrangementun profit de 50 millions pour le Trésor public : n’y voyant qu’une épargne de 14 millions, et une faveur accordée à quelques personnes riches, je n’avais pas voulu m’arrêter à cette idée, qui ne me paraissait pas admissible : j’étais surtout bien éloigné de penser que, pour compléter la somme de 50 millions d’économie pour le Trésor, l’intention de M. Necker était de retarder encore le paiement de 36 millions sur les rentes à payer en 1790. Je vois à présent mon erreur. Par l’arrangement de M. Necker, les propriétaires de 28 millions de rentes sur la ville, auraient consenti à l’amiable, à recevoir deux semestres au lieu d’un, à condition d’être payés des trois quarts en papier, et de l’autre quart en argent, ce qui aurait épargné de 14 à 15 millions au Trésor. Quant aux autres rentiers, il est clair qu’ils auraient reçu dans l’année 35 à 36 millions de moins que ce qu’ils ont assurément le droit d’attendre de notre j ustice. Voilà ce qu’il m’était d’autant plus difficile d’entendre que M. Necker, dans son discours d’ouverture et dans ses discours subséquents, nous invitait, non seulement à payer régulièrement douze mois des rentes dans chaque année, mais à rapprocher le plus tôt possible l’un des sen-mestres arriérés, Lorsque M. Necker parlait d’user de l’indulgence des créanciers de l’Etat, en n’augmentant pas les fonds destinés aux rentes, j’avais cru qu’il exprimaitainsi la malheureuse nécessité de ne rien payer audelà de l’année courante, et de laisser [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 mars 1790:] encore arriéré ce reste d’un semestre dont il avait exprimé le désir de rapprocher le paiement. Il ne semble que beaucoup d’autres l’avaient entendu comme moi. Je ne peux terminer cet article sans relever l’emploi que M. Necker se proposait de faire du reste de l’emprunt de septembre, et de celui de Languedoc ; j’en ferai deux articles séparés. M. Necker dit que sur l’emprunt de septembre il restait 33 millions, et qu’on pouvait les donner aux rentiers pour l’opération dont je viens de parler : c’est ce que je ne saurais lui accorder. L’Assemblée en décrétant cet emprunt, qu’elle n’a élevé à 80 millions que pour en obtenir 40, à la faveur des 40 autres fournis en effets suspendus; l’Assemblée, dis-je, n’a entendu se charger que d’une dette de 2 millions de rentes; les 40 millions fournis en effets devaient être supprimés. Ainsi M. Necker peut faire des 16,500,000 livres qu’il aurait pu recevoir en argent, l’usage qu’il aurait fait de l’argent s’il l’avait reçu, en acquittant une dette; mais il ne peut pas disposer de même de la partie qu’il aurait dû. recevoir en effets destinés à être brûlés, et il lui faudrait une autorisation spéciale de l’Assemblée, pour accroître de la moindre somme l’intérêt de la dette qu’elle a entendu contracter en décrétant cet emprunt. Le gouvernement n’a pas plus de droits sur les derniers 16,500,000 livres qu’il aurait dû recevoir en effets si l’emprunt s’était rempli, que sur les 23,500,000 livres d’effets semblables qu’il a précédemment reçus dans cet emprunt. L’emploi proposé comme une opération simple, est donc effectivement un emprunt nouveau, soumis à toutes les règles constitutives de l’emprunt; c’est parce que j’ai toujours été frappé de cette vérité qui, sans doute était échappée à M. Necker, que je n’ai jamais pu entendre son opération sur les rentes. Ce que je viens de dire prouve que, même comme il l’entendait, elle était impossible sans un décret spécial. Heureusement que cette opération n’est pas nécessaire et qu’en mettant dans la caisse de l’extraordinaire ce que l’Assemblée a résolu d’y verser, on peut respecter les règles des emprunts et payer exactement les rentiers. Emprunt de Languedoc. Quant aux dix millions que M. Necker croit avoir de reste sur l’emprunt de Languedoc, il est dans l’erreur, cet emprunt était de 12,000,000. Le Trésor public en a reçu 7,100,000 livres. Ainsi il n’en reste plus à recevoir que 4,900,000 livres. A cette observation peu importante en soi, j’ajouterai que peut-être cet emprunt de Languedoc, aujourd’hui qu’il n’existe plus des Etats de Languedoc, cet emprunt que la nation n’a ni ordonné, ni autorisé, ne doit plus être mis’en ligne de compte, au moins pour la partie qui n’est pas encore complétée. J’en dirai autant de tous ceux qui pourraient encore être dans le même cas. Je me suis iin peu écarté de mon sujet, mais je l’ai cru nécessaire: je reviens à ina triste discussion. Paiement d'une partie des dépenses de 1790 renvoyé en 1791. M. Necker me reproche d’avoir regardé comme une anticipation sur les revenus de 1791, une opération qui tendrait à faire payer sur ladite lre Série, T. XII. 481 année 30 millions de dépenses de l’année 1790. Je sais bien qu’en style de finances ce n’est pas là ce qu’on appelle anticipation ; mais, dans le style de la raison et de la vérité, il faut appeler de ce nom toute combinaison dont le dernier résultat est d’engager d’avance les revenus d’une année à toute autre chose qu’à leur destination ordinaire et qui oblige, lors de chaque échéance, à chercher un nouveau crédit, sous peine de manquer du nécessaire. M. Necker dit qu’il n’y a pas d’administrateur qui ne cherchât à user de ce moyen dans un temps de pénurie, surtout quand on espère avec fondement plus decrédit et de facilité l’année suivante. Je lui réponds que c’est parce qu’on a usé beaucoup de ce moyen, que nous en sentons les inconvénients dans toute leur étendue. Je lui réponds que c’est l’usage qu’on en a fait qui nous a accablés l’année dernière, qui nous accable cette année, et dont nous ne vouions plus être accablés l’aDnée prochaine. Je lui réponds que c’est toujours sur des espérances de crédit et de facilité pour l’année suivante, qu’on a fondé de semblables opérations, et que ce sont elles qui ont privé les années suivantes de crédit et de facilité. Au reste, l’Assemblée n’a pas dissimulé jusqu’à présent son opinion sur celte espèce de moyens ; et maprofession de foi personnelle à cet égard ayant déjà été faite et ayant paru honorée de son suffrage, j’ai cru pouvoir la conserver. Quant à la question actuelle,, il me paraît de la dernière évidence que le renvoi d’un paiement d’une année sur l’autre n’est effectivement qu’une anticipatien. Contribution patriotique. M. Necker me reproche ensuite, et j’ignore pourquoi, ce que j’ai dit au sujet de la contribution patriotique. 11 l’évalue pour cette année à 30 millions, y compris les dons faits à l’Assemblée : je ne lui ai pas disputé son évaluation, je l’ai admise exactement comme il l’a présentée ; mais, à ce sujet, j’ai cru devoir éveiller l’attention de l’Assemblée sur la véritable valeur de cette contribution; sur le rapport qu’elle avait sur les dixièmes, non pas ceux que l'on paie, mais ceux dont la proportion serait juste. J’ai cru utile de chercher à ranimer le patriotisme. J’ai témoigné quelque regret, en pensant que nous allions peut-être donner à l’Europe une idée si fausse ou de nos facultés, ou de nos vertus. Dans tout ce que j’ai dit, il n’y avait que des idées générales, et nulle contradiction avecM. Necker. La veille du jour où ses observations ont paru, j’avais reçu une lettre de lui, par laquelle il me priait de demander au comité des finances d’éveiller l’attention de l’Assemblée au sujet de la contribution patriotique, afin d’empêcher que l’Europe ne prît une idée aussi fausse de nos moyens et de notre patriotisme ; et c’est en substance ce que j’ai dit à l’Assemblée. Je n’ai point fixé la somme qu’on aurait dû recevoir cette année, ni les autres : j’ai dit seulement qu’un dixième exact de tous les revenus pendant deux ans et demi, était la dette que le patriotisme nous imposait ; que cette somme devait être très considérable dans un aussi grand royaume ; qu’exacte-ment payée elle sauverait la chose publique et dispenserait peut-être de chercher d’autres ressources ; mais je n’ai rien disputé, ni sur ce qui était reçu, ni sur ce qui le serait: ainsi, tout ce que M. Decker dit à ce sujet m’est absolument étranger. 31 48â [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 mars 1790.] Crédit éventuel sur la caisse d’escompte demandé par M . Necker. M. Necker m’accuse d’inexactitude, en disant que j’ai présenté comme une addition de sa part à l’énUmération des besoins, le crédit de 30 à 40 millions qu’il a indiqués comme nécessaires Eour faire jouer ensemble toutes les parties, e’est--dire pour suppléer à la disparité des époques entre les recettes et les dépenses. Je ne peux répondre à ce reproche qu’en citant les différents endroits où j’en parle. On lit, page 2 du rapport, dans l’extrait du mémoire de M.Nec-kér: « Dans le cas où quelques-unes de ces ressources viendraient à lui échapper, il désire se ménager un nouveau crédit éventuel de 30 ou 40 millions sur la caisse d’escompte. » Page 8, dans le détail des moyens de M. Neeker, on lit : « Mais comme une partie de ces ressources peut être certaine, le ministre croit nécessaire d’y ajouter ùn crédit nouveau de 30 ou 40 millions sur la caisse d’escompte. » Page 11, en résumant les propositions et les avis, j’ai dit : « A l’appui de ees moyens dont le Succès ne paraît pas infaillible à M. Necker, il Vous demande un nouveau crédit de 30 ou 40 millions sur la caisse d’escompte. » Et enfin, page 12 : « Quant au crédit éventuel que demande M. Necker, il sera juste de le lui accorder d’üné manière quelconque, si les autres moyens que vous prendrez ne liii suffisent pas, ou si ceux sur lesquels vous comptez le plus vous manquaient en tout ou en partie. A cet égard, nous rie vous proposerons que de vous confier à sa sagesse, et de vous conduire suivant les circonstances. i> Je n’ai donc pas présenté ce crédit éventuel çomtüe une addition, tiiais comme un suplëment. Je ne méritais donc pas le reproche d’inexactitude, Accroissement de billets-monnaie. M. Necker m’acctise de défendre mon projet d’accroissement de billets-monnaie. Il leur préfère sans hésiter les emprunts à gros intérêt, plus avantageux enfin pouf le prêteur, que celui de septembre dernier. Quant au projet de billets-monnaie que M. Necker m’attribue, je voudrais bien, au contraire, qu’il fût possible de s’en passer. J’ai dit expressément, au nom du cotiaité, et cela me suffit, que s’il s’agissait de créer du papier-monnaie, nous nous y opposerions, mais qu’il ne s’agissait plus qüe de savoir Si les assignats proposés ne valaient pas mieux même a la somme de 300 millions, qüe les billets de la caisse d’escompte, non payés à vue et ne rapportant aucun intérêt, à la somme de 200 millions. J’ai dit, iî est v'râi, que M. Necker nous avait proposé le 14 novembre de mettre en circulation pour 240 millions de billets de caisse, et j’en ai fait un argument en ma faveur. J’avoue que ne dissertant pas sur ce plan 'du J4 novembre qui n'a pas été exécuté, je n’ai Hen dit du projet qui en faisait partie de créer 12,500 actions nouvelles*, au reste, je n’ai passé sous silence cette partie du projet que parce que l’émission des 240 millions en billets n’en était pas une condition. M. Necker lui-même, dans son mémoire du 14 novembre, présentait plus dë raison de doute que d’espérance sur la création prochaine de ses 12,500 actions. La caisse d’eseomple n’a pas adopté ce plan de création* parce qu’elle a senti que personne n’achèterait 4,000 livres étt écus ce qu’on pouvait avoir à la bourse pour 3,700 livres en billets. M. Necker, d’ailleurs, ne croyait pas que ce moyen quel qu’en fût le succès* pût suffire à l’établissement des paiements à bureau ouvert. 1.1 en dit de très bonnes raisons dans son mémoire du 14 novembre, et même il montre le danger qu’il y aurait à satisfaire sans mesure au paiement des billets. 11 n’y a donc rien de suspect dans la réticence que M. Necker a l’air de me reprocher. Anticipation. M. Necker défend enfin les anticipations contre les différentes attaques que leur a portées le comité des finances. Elles sont, suivant lui, le moins cher des emprunts. Quand même ce fait serait incontestable, quand même cet emprunt n’entraînerait aucun des frais accessoires qui l’enchérissent, quand même il n’aurait d’autre inconvénient que celui d’empêcher qu’on puisse se passer du crédit partiel de toutes les compagnies de finance, et par conséquent de ces compagnies elles-mêmes, qu’il est peut-être bien fait de conserver, mais dont il faut se rendre indépendant; je dirais qu’il faut anéantir les anticipations, qu’il faut renoncer enfin à cette ressource funeste, dont M. Necker ne sait que trop combien il était facile d’abuser avant lui,, et dont il faut que sa vertu garantisse à jamais ses successeurs et Jes nôtres. M. Necker se plaint que les différents rapports faits à l’Assemblée nationale ont rendu presque nuis les renouvellements des anticipations. Je le concevrais, si l’on avait proposé la suspension de leurs paiements ; mais l’Assemblée, au contraire, en a décrété le remboursement exact. Si elle prenait ie parti d’en interdire le renouvellement, l’effet n’en pourrait jamais être rétroactif, et par conséquent la crainte de cette disposition ne peut retenir aucun prêteur. Gomment une disposition propre au rétablissement de l’ordre, pourrait-elle êtré destructive du crédit? J’ai souvent parlé à l’Assemblée contre les anticipations; ce que j'ai dit à se sujet, ce que l’Assemblée a honoré des marques de sa bienveillance, je le dirai encore; mais en même temps je dirai qu’il faut mettre promptement autre chose à la place et des anticipations, et des billets de la caisse d’escompte; et cette autre chose, il faut Ja juger, non comme l’objet d’un choix libre et spontané, mais comme un moindre inconvénient, un inconvénient de quelques moments, substitué aux deux plus grands abus de notre ancien et de notre dernier régime fiscal. Comité de trésorerie. Quant au comité de trésorerie, l’Assemblée nationale a prononcé entre M. Necker et moi. Je pense tout ce que j’en ai dit, pour ie moment et pour la circonstance. Je n’ai jamais appliqué aux législatures à venir ce que j’ai dit pour le corps constituant. Nos décrets ne sont pas infaillibles sans doute, mais ils ne doivent pas cependant être aussi Mobiles que les arrêts du conseil; et les principes, du moins, doivent avoir de la permanence. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [3b mars 1790.] 4�3 M, Neekpr sg plaint que les rapports habituels avec l’Assemblée lui ont constamment manqué : pourquoi ii’en a-t-il donc pas établi avec le grand comité des finances ? Pourquoi , du moins , a-t-il fait si peu d’usage du petit comité choisi pour communiquer avec lu! ? M. Necker n’était certainement pas homme à demander soh cpmité de trésorerie, pour qu’on le lui refusât. Mais comment poUvàit-il croire que l’Assemblée se mît, èh le lui accordant, en contradiction si manifeste avec elle-même ? Jusqu’ici j’ai défendu l’opinion du comité des finances en soutenant la mienne ; il me reste à me défendre personnellement sur une inculpation qui paraît assez grave. Voici les paroles de M. Necker : Je ne dois pas finir ce mémoire sans faire connaître que le rapport donné au nom du comité des finances , n’a été connu de ce comité que la veille au soir du jour ou il a 'été présenté a V Assemblée nationale ; et malgré l’attention qu’ exigeait une grande diversité de calculs, il n’a été fait qu'une seule lecture du mémoire; et les membres du comité des finances , au nombre de dotyze ou quinze seulement , au lieu du soixante-quatre dont U est composé , n'ont pas été réunis d’opinion. Qui ne croirait, en lisant ce passage dans i’ou-vrage d’un homme tel que 'M. Necker, que tous les faits en sont incontestables ? Qui qê croirait que mon rapport a été faussement donné sous le nom du comité des finances, que son approbation lui a été enlevée par surprise, qu% dessein j’ai attendu la veille du rapport pour en faire lecture au comité, que les formes ordinaires üsitéeiTën cas pareil, n’ont pas été observées et qu’enfin j’avais choisi pour cette communication un moment où le comité n’était pas en nombre suffisant pour délibérer? A ces assertions je n’opposerai que le récit des faits. L’Assemblée nationale a reçu le mémoire de M. Necker le samedi fi mars,. fie dimanche 7 elle en a décrété le renvoi au comité des finances pour en faire son rapport le vendredi suivant. Ce décret de l’Assemblée a été porté au comité des finances le lundi 8 : le comité a nommé commissaires pour ce rapport MM, Dupont, de Canteleu et moi; nous nous sommes assemblés le matin du mardi 9 à la salle du comité. Il y a été décidé que je ferais le rapport, j’ai commencé à m’en occuper le mardi au soir : le mercredi 10 j’ai demandé officiellement au comité s’il voulait s’assembler extraordinairement le jeudi 11 à 7 heures du soir, pour entendre et juger mon rapport; ma proposition a été acceptée. Il s’est trouvé au comité, ce iour-là, 24 ou 25 membres; il est rare qu’il s’en trouve un pins grand . nombre, Ils ont eu la bonté de m’entendre et de discuter mon rapport jusqu’à onze heures du soir. On m’en a fait retrancher plusieurs articles avec beaucoup trop de faveur, Vers dix heures, il est vrai, ainsi qu’il nous arrive tous les jours, quelques-uns dés assistants se sont retirés ; je ne sais pas exactement dans quel nombre : mais voici au sujet du nombre qui restait un fait positif, Environ à 10 heures et demie du soir, i[ s’éleva une discussion relative à ce que je disais sur le bureau de trésorerie, dont je traitais la question au fond. Les uns voulaient que je n’en parlasse pas, parce que le roi ne nous consultait pas sur l’établissement en lui-même; les autres voulaient admettre ma critique; il fallut aller auxyoi� ; il y eut partage absolu; huit d’un côté et huit de l’autre et les avis furent conciliés ensuite par qn parti mitoyen qui fut unanimement adopté. Je n’ai rapporté cette petite circonstance que pour démontrer que vers la fin de notre séance, au moment où nous étions le moins nombreux, nous étions encore dix-sept. Il résulte de ce récit : J? qu’il eût été difficile de faire plusieurs lectures d’un rapport aussi long qui n’était pas commencé le mardi et qui devait avoir lieu Je vendredi ; 2° qu’il ne se fait jamais de seconde lecture des rapports qui ont été approuvés à la première; 3° que lë COïriité'dès qu’il à été convoqué, est légalement assemblé dans quelque nombre que soient ses membres et qu’il est réputé complet à un nombre même inférieur à celui qui s’y trouvait ce jour-là, sans quoi les affaires ne m raient jamais expédiées et seraient aux ordres de la paresse ou de la malveillance. Si j’osais joindre à ces preuves de fait une preuve d’assentiment très flatteuse pour moi, j’ajouterais que le vendredi 12» jour nqêmeoù j’ai fait le rapport en question, était le jour où le comité des finances devait renouveler ses officiers. et que, ce jour-là même, il m’a de nouveau honoré de ses suffrages pour le présider. M. Necker trouve désagréable le travail auquel il s’est livré pour me réfuter î mais ce travail importait-il ou à sa gloire ou à la chose publique? S’il avait pü n’être dirigé que contre moi, ce n’était pas la peine; mais contre le comité des finances exécutant les ordres de l’Assemblée nationale, M. Necker y à-t-il bien pensé? Des ministres auraient-ils donc le droit d’imposer leur influence plus ou moins grande à la liberté des opinions dans les rapports qui se font à l’ Assemblée ? Ëgfc-if juste qu’un rapporteur soit forcé de joindre âU courage quelquefois nécessaire pour braver des préjugés ou pour lutter contre des passions, celui dé se mettre personnellement en scène, de s’exposer aux haines des partis, à l’amertume des discussions politiques, au déchaînement de tous les poursuivants de là ravèur? M. Necker trouve son travail désagréable. Mais qui l’obligeait de l’entrepreüdré ? JSi je m’étais trompé dans mon rapport, craignait-il que, sans examen, l’Assemblée nàtioûaie adoptât mes erreurs ? Ne serais-je pas mieux fondé | dire combien m’a coûté le travail auquel il m’a condamné? C’est moi qui peux m’en plaindre, car il ùe m’a pas été libre de l’éviter, Compromis à Ja fois par les observations dè M. jNêckef, vis-à-vis de l’Assemblée nationale, vis-à-vis du comité des finances, vis-à-vis du public si avidè à saisir toùt ce qui peut exercer la malignité ; jd ha’q été ifiipGS-siblè de suiyrp îè cçmbât trop inégal dans lèqûèl èOn attaque m’a Obligé malgré moi. J’ai rempli ma triste et pénible tâche. Je ne crois pas avoir éludé ùué objection. J’ai suivi l’ouvrage auquel jè réponds phràse à ptirâëé, ét pour ainsi dire ligqé à lignée Saùs mè dissimuler aucune des difficultés