[23 juillet 1791.] 544 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Je demande que les décrets relatifs aux précautions à prendre pour connaître les habitants de cette capitale, soient proclamés aujourd’hui ou demain. M. Lanjuinais. L’ordre du jour! (L’Asseinblée passe à l’ordre du jour.) MM. Delessart, ministre de l’intérieur , et Duport, ministre de la justice , sont introduits dans l’Assemblée. M. le Président ( s'adressant au ministre de l'intérieur). Monsieur, l’Assemblée a décrété ce matin que vous lui rendriez compte, dans 3 jours, de l’exécution du décret rendu le 11 juin dernier contre Louis-Joseph de Bourbon-Condé. M. Delessart, ministre de l'intérieur. Monsieur le Président, je crois devoir observer à l’Assemblée que c’est M. le ministre de la justice qui a suivi l’exécution du décret dont vous venez de me faire l’honneur de me parler; c’est à lui, par conséquent, qu’il appartient de rendre compte à l’Assemblée. M. Duport, ministre de la justice. Je n’ai d’autre compte à rendre à l’Assemblée que celui qui lui a été déjà rendu par M. Duveyrier. M. Prieur. Il est constant que l’Assemblée nationale ne peut prendre un parti ultérieur relatif à M. de Condé, avant que le pouvoir exécutif, chargé de la notification de ce décret, lui ait rendu un compte officiel. Je demande que celui des ministres auquel a été plus particulièrement confiée l’exécution du décret, lui en rende un compte officiel. Quant à la question de compétence, la partie du décret relatif à la séquestration des biens est évidemment du ressort du ministre de l’intérieur. M. Brlois-Deaumetz. Lorsque l’Assemblée a rendu le décret relatif à M. de Condé, les discussions qui se sont élevées sur ce décret n’ont servi qu’à mieux éclaircir l’intention de l’Assemblée, qui était que le premier décret ne servît u’à prononcer d’avance à M. de Condé l’ordre e se conformer à ce qui lui était notifié, et de lui faire connaître la peine qu’il encourrait s’il ne s’y conformait pas. Je pense donc que ce que les ministres ont à faire actuellement est de rendre compte de la mission de M. Duveyrier : aucunes mesures ultérieures ne pourront'être prises qu’en vertu d’un décret de l’Assemblée qui fera office de jugement comme le premier a fait office de loi. M. le Président ( s'adressant au ministre de la justice). Monsieur, l’Assemblée nationale a décrété ce matin que vous lui rendriez compte, dans 3 jours, des diligences qui ont dù être faites et de l’état des procédures du tribunal de Paris chargé du procès contre les prévenus du crime de falsification des assignats. M. Duport, ministre de la justice. Je me conformerai aux ordres de l’Assemblée, et je lui rendrai, dans 3 jours, le compte qu’elle demande. (La séance est levée à trois heures.) ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DEFERMON. Séance du samedi 23 juillet 1791, au soir (1). La séance est ouverte à 6 heures du soir. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance du jeudi 21 juillet au soir, qui est adopté. Un membre fait lecture d’une adresse de la municipalité de Valenciennes, qui témoigne à l’Assemblée son indignation contre les factieux qui, dans la capitale, ont voulu se montrer contre le décret du 15 juillet, et annonce la surveillance active dont elle va user contre tous ceux qui ont osé ou qui oseraient encore se montrer ennemis d’une Constitution qui assure le bonheur de la France. (L’Assemblée ordonne qu’il sera fait mention honorable de cette adresse dans le procès-verbal.) Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance du jeudi 21 juillet au matin, qui est adopté. M. Bonssion fait lecture de deux adresses présentées par les amis de la Constitution de Lauzun , département de Lot-et-Garonne , et d'Eymet, département de la Dordogne : ces deux adresses renferment les sentiments du plus pur patriotisme ; les citoyens s’y expriment de la manière la plus constitutionnelle ; ils renouvellent le serment de vivre libres ou mourir, et de défendre fa Constitution et tous les décrets que l’Assemblée rendra. (L’Assemblée ordonne qu’il sera fait mention honorable de ces deux adresses dans le procès-verbal.) Un membre fait lecture d’une adresse des administrateurs composant le directoire du département de l'Aisne, qui expriment leur adhésion au décret du 15 juillet. « Représentants du peuple, disent-ils, depuis le jour de l’arrestation du roi, il n’est pas de citoyen qui n’ait suivi votre marche, et qui n’ait cherché à prévoir quelle devait être votre opinion, voire décret dans cette mémorable circonstance. Vous avez pensé que des vues d’une perfection spéculative ne pouvaient en ce moment diriger le Corps législatif, que nos mœurs, que notre situation intérieure, que nos relations externes devaient entrer en élément de la loi que vous aviez à porter. Il vous a paru important surtout de donner un grand exemple du respect religieux dù à ces bases constitutionnelles sur lesquelles sont appuyés le bonheur et la liberté des Français, et vous avez promulgué la loi du 15 juillet. « Ceux qui voulaient une nouvelle révolution et qui ne calculaient pas les maux extrêmes de l’anarchie, ceux qui désirent l’anarchie, parce qu’ils comptent pour rien toutes les calamités dès que leur ambition est satisfaite ; ceux qui veulent enfin le retour au régime des abus, parce que ce régime nourrissait D urs passions, tous (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 juillet 1791.] 545 ont paru mécontents de la loi ; elle est donc juste, sage et convenable; comme citoyens et membres du souverain, c’est sous ces différents rapports que nous l’avons considérée; nommés par le peuple pour en assurer l’exécution, il ne nous sera point pénible de remplir nos devoirs à cet égard. « Vous avez sauvé encore une fois la France. La vile flatterie ne souillera jamais notre bouche, mais la voix de la vérité doit vous le dire ; vous avez avec courage préservé l’olivier de la paix contre tous les yents de discorde déchaînés pour l’abattre. « Cette loi est chère à l’Empire français ; elle le sera sans doute aussi à sa capitale, et nous gémissons sur l’égarement de nos frères, ces premiers conquérants de la liberté, si nous pouvions leur attribuer ces coupables agitations qui ont appelé la sévérité de la loi. Des étrangers soudoyés ont commis le crime ; généreux Parisiens, vous avez gardé votre serment, et nous aussi nous garderons le nôtre, nous le garderions malgré vous-mêmes, assurés d’emporter votre estime. « Laissons aux mœurs régénérées de nos enfants, à réformer sans violence, sans efforts, ce qui peut rester d’imperfection ; ces mœurs, au moins, notre Constitution les aura réparées. « Il est temps, législateurs, d’environner nos saintes lois de la force et de la vénération publique. Un satrape, autrefois, faisait tout plier sous sa volonté arbitraire ; la loi serait-elle moins puissante? Et ferions-nous dire de nous que nous ne savons ni souffrir la servitude, ni vivre pour la liberté? Que de toutes les parties de l’Empire, les voix des bons citoyens se réunissent pour prêcher l’obéissance aux actes émanés des représentants du peuple. Cette fonction sera pour nous, daignez en recevoir le serment, le plus sacré des devoirs. Nous dirons aux agioteurs séditieux : Cessez d’emporter au delà des bornes un peuple facile et bon, vous qui commettez le crime par sa main ; cessez de le préparer à la lassitude de la liberté par les secousses de la licence: vos projets, vos manœuvres sont connus. Craignez la loi, craignez la voix du peuple, qui demain peut sentir vivement que le plus insupportable des jougs est celui de ses égaux. » A nos concitoyens, à nos frères, à nos commettants, nous répéterons sans cesse : Embrassez l’autel de la loi ; c’e3t à sa base inébranlable qu’est attachée la félicité de tout ce qui nous est cher; sans la loi, expression de la volonté générale, il n’y a ni liberté, ni propriété, ni sûreté. Vous restez à la merci de toutes les ambitions. Chaque jour amène sa révolution et son despotisme. Eh ! quel aveuglement nous ferait méconnaître les souvenirs de la patrie! Les chefs que vous vous êtes choisis, pour suivre ces maîtres d’hier qui se sont nommés eux-mêmes, voyez quel est leur espoir ; il est fondé sur la division et le trouble; vos plus cruels ennemis n’en ont point d’autres. A quel autre but, en effet, tendent-ils, quand on les voit tous entraver la marche et l’action de ces autorités constitutionnelles créées par vous, et qui, temporaires et responsables, ont bien plus besoin d’indulgence et d’appui, qu’elles ne sont faites pour exciter l’envie. Peuple I l’exagération n’est pas l’énergie, et le plus beau de vos droits est de faire obéir aux lois que vous avez dictées par l’organe de vos représentants. « Citoyens législateurs, voilà les vœux, les lre Série. T. XXVIII. vues et les désirs des administrateurs du département de l’Aisne et de la grande majorité des citoyens hors de son ressort; vous exprimer les sentiments que vos travaux, que votre constance a fait naître en nous, c’est vous offrir le seul hommage qui puisse convenir et plaire à des hommes libres. Nous voulons l’être à jamais, et nous le serons sous l’empire de la loi. L’aristocratie des volontés particulières, opposées à la volonté générale, est une de celles qui nous restent à détruire. » ( Applaudissements .) (L’Assemblée décrète qu’il sera fait mention honorable de cette adresse dans le procès-Yerbal.) M. Boery annonce qu’il est chargé par le directoire du département de l’Indre, le directoire du district, la commune, les gardes nationales et la société des amis de la Constitution de la ville de Châteauroux, de présenter à l’Assemblée nationale leurs hommages et leurs vœux, et de déclarer que, fermement attachés à la Constitution qu’ils ont juré de maintenir, et dont le monarchie est une des bases les plus essentielles, ils adhèrent unanimement et de toutes leurs forces au décret de l’Assemblée nationale du 15 juillet, et aux principes qui l’ont dicté. Les gardes nationales et les amis de la Constitution de Châteauroux ajoutent que si quelques factieux veulent troubler ou influencer les délibérations de l’Assemblée nationale, et qu’elle juge leur service nécessaire, ils sont prêts à marcher pour assurer sa liberté et l’exécution des lois, dont ils attendent la prospérité de l’Empire. (L’Assemblée décrète que ces adresses seront mises sur le bureau et qu’il en sera fait mention honorable dans le procès-verbal.) Un membre fait lecture d’une lettre de M. Du-portail, ministre de la guerre, qui envoie à l’Assemblée une adresse des officiers du 68e régiment d’infanterie , ci-devant Rouergue. (Cette adresse est renvoyée au comité militaire.) M. le Président fait donner lecture d’une adresse des administrateurs du directoire du district , du conseil général de la commune , et membres de la société des amis de la Constitution de Sens , réunis; il annonce ensuite qu’une députation desdits corps est à la barre et leur accorde les honneurs de la séance. « Nous attendions, disent-ils, le décret sage que vous avez rendu; nous attendions de votre justice courageuse un décret tel qu’il retint unies et ralliées autour de la Constitution toutes les parties de l’Empire; qu’il mît à découvert les factieux qui veulent la déchirer; qu’il étonnât ces hommes injustes et corrompus qui n’ont d’autre mesure de bien public que leur intérêt personnel. Vous avez dédaigné des applaudissements trompeurs; vous avez bravé des clameurs qui ne sont pas celles de la France; vous n’avez pas pris des cris de révolte pour expression du vœu des vrais amis de la Constitution. « Elle a deux sortes d’ennemis, cette Constitution ; ceux qui veulent saper l'édifice en attaquant ces bases, ceux qui veulent le faire écrouler en le chargeant d’accessoires monstrueux ; les uns veulent le despotisme, les autres l’anarchie... Nous leur résisterons à tous de toute l’étendue de nos forces. Nous en réitérons le serment. » 35