184 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE méraire, et le surplus en assignats; il est accompagné d’un caisson chargé du trône électoral. La République n’ayant aucun emploi à faire de ce meuble, l’exemple que vous avez donné par la punition des tyrans, devant avertir les ambitieux qu’il seroit dangereux pour eux d’avoir l’envie d’y monter, à quelque titre que ce puisse être, nous enverrons au creuset national les matières d’or et d’argent qui font son ornement. La levée des contributions dans le pays de Trêves a nécessité un acte de justice nationale. Une des communes imposées avoit apporté en paiement de son contingent, des assignats qui ont été reconnus faux; le porteur interrogé a avoué qu’on les avoit empruntés à Luxembourg : ainsi, la coabtion de nos ennemis vou-loit nous tromper en ayant l’air de s’acquitter des sommes exigées en dédommagement d’une partie des frais que nous faisons pour la défense de notre liberté. Le représentant du peuple Bourbotte a cru qu’il étoit prudent de prendre des moyens pour n’être pas trompé. Il a ordonné qu’à compter du 30 fructidor, on ne recevroit point des assignats en paiement, et que les communes se-roient obligées de s’acquitter en numéraire. Ainsi, les esclaves qui ont eu recours à la perfidie, ne pourront plus l’employer à la caisse impériale de Luxembourg, pour nous payer avec des assignats faux. Votre comité se fera rendre compte, chaque décade, de l’état des contributions imposées et perçues, il vous en présentera le résultat. — On applaudit (109). 75 Un membre [GODEFROY], au nom du comité des Finances, propose un projet de décret qui est adopté en ces termes : La Convention nationale, après avoir entendu son comité des Finances, décrète : La Trésorerie nationale paiera sur la présentation du présent décret, au citoyen Mercklein, artiste, la somme de six mille livres, à titre d’indemnité, pour raison de la machine qu’il a présentée pour vérifier les assignats. Le présent décret ne sera inséré qu’au bulletin de correspondance (110). (109) Moniteur, XXII, 123-124; Débats, n" 739, 121-124; Bull., 9 vend.; M. U., XLIV, 141, 142, 147; J. Mont., n 155, 162; mention dans Ann. R. F., n“ 10; Ann. Patr., n° 638; C. Eg., n° 773; F. de la Républ., n° 10; Gazette Fr., n” 1003; J. Fr., n 735 ; J. Paris, n° 10 ; J. Perlet, n° 737 ; J. Univ. , n° 1771, 1772; Mess. Soir, n° 773; Rép., n° 10. (110) P.-V., XL VI, 196. C 320, pl. 1329, p. 43. Minute de la main de Godefroy. Bull., 13 vend, (suppl.). 76 Un membre, au nom des comités de Salut public, de Sûreté générale, de Marine et des colonies, présente un projet de décret pour la nomination d’une commission chargée de l’examen et du rapport de l’affaire des colonies (111). MAREC : Citoyens, je vous ai exposé, dans la séance du 4ème jour des sans-culottides, que vos trois comités de Salut public, de Sûreté générale, de Marine et des colonies, avaient, en exécution de votre décret du 5 fructidor, nommé respectivement quelques-uns de leurs membres pour préparer le travail relatif à l’examen et à la discussion de l’affaire des colonies. Les commissaires des trois comités se sont assemblés, il y a quelques joins, pour convenir définitivement d’une organisation et d’un mode d’opérations propres à remplir les vues des comités et à faire marcher le travail avec la rapidité convenable. Mais en jetant d’abord les yeux sur eux-mêmes, sur leur existence politique, ils ont facilement reconnu qu’ils n’avaient et ne pouvaient avoir aucun caractère, aucun pouvoir suffisant pour faire les premiers actes préparatoires à la confection ou à la rédaction du travail qui leur a été imposé. En effet presque tous les papiers relatifs à l’affaire des colonies se trouvent consignés ou dans les divers dépôts pubbcs de Paris, ou sous les scellés apposés chez les colons détenus ou autres individus. Il est aussi certains colons, certains hommes que leurs affaires, leurs fonctions ou leurs intérêts ont appelés aux colonies à différentes époques ; il est, dis-je certains individus qui peuvent être consultés pu interrogés comme des témoins plus précieux, comme, s’il est permis de le dire, des répertoires vivants, plus propres à répandre un grand jour sur telle ou telle particularité, que les documents, mémoires ou renseignements écrits, les plus authentiques en apparence. Dans tous les cas il faut pouvoir retirer et rassembler, dans les bureaux de la commission des Colonies, les papiers, titres et documents consignés maintenant dans les différents dépôts ; il faut pouvoir ordonner la levée des scellés, appeler et interroger les divers détenus, les accusés, les accusateurs, les témoins; il faut pouvoir même prononcer la mise en liberté de tels ou tels individus, et la mise en arrestation de tels ou tels autres, suivant les circonstances. Or, les commissaires ont senti qu’ils ne pouvaient remplir aucune de ces formalités, faire aucun de ces actes préparatoires indispensables, car ils ne sont, en l’état, que des rapporteurs respectifs des comités, ils n’en sont et n’en peuvent être ni les délégués, ni les repré-(111) P.-V., XLVI, 196. SÉANCE DU 9 VENDÉMIAIRE AN III (30 SEPTEMBRE 1794) - N° 76 185 sentants, encore moins ceux de la Convention nationale elle-même, puisqu’elle ne les a pas nommés immédiatement. Les commissaires se sont donc réunis à penser qu’il était nécessaire, ou que vous sanctionniez leur existence, en leur donnant tous les pouvoirs dont ils sont susceptibles, ou que vous nommiez immédiatement dans votre sein une commission spéciale, chargée de faire l’examen et le rapport de l’affaire des colonies; ou, si vous le trouvez plus convenable, de recueillir seulement, de constater et d’analyser tous les détails, de remplir toutes les formalités, de faire tous les actes préliminaires au rapport définitif de cette affaire. Les commissaires, après avoir adopté cet avis, en ont rendu compte aux trois comités, où il a été discuté, débattu et approfondi avec toute la maturité de délibération dont la matière est susceptible. Vos comités ont pensé que le décret du 5 fructidor, qui leur a renvoyé l’examen et le rapport de toutes les propositions faites relativement à l’affaire des colonies, était souverainement sage et devait être maintenu. Aucune affaire n’est plus que celle-ci susceptible d’être envisagée et traitée sous tous les rapports d’économie politique, sous toutes les grandes vues d’intérêt public, qui semblent être particulièrement réservées aux méditations et à la discussion des deux comités de gouvernement. Mais, comme il serait extrêmement difficile que les trois comités, que ceux de Salut public et de Sûreté générale surtout, qui sont surchargés d’un courant immense d’affaires, donnassent une attention particulière et continue à celle des colonies ; comme il est physiquement impossible qu’ils se livrent à tous les détails que comportent la préparation et l’instruction de cette affaire, il a paru indispensable de confier ce soin à une commision particulière. Cette commission ne peut être formée par la simple réunion de quelques membres détachés des comités respectifs, car il est certain qu’ils n’auraient aucun caractère, aucun pouvoir réel pour l’exercice de leurs fonctions. Il faut donc former cette commission d’un certain nombre de membres pris dans le sein de la Convention même, soit qu’ils soient ou non déjà membres de quelque comité, et revêtus par elle de pouvoirs suffisants. Mais quelle sera la limite de ces pouvoirs? Elle est tracée d’avance par la nature même des fonctions que cette commission devra remplir, par les détails d’examen, d’analyse et d’informations auxquels elle devra se livrer, et qui n’exigent que la faculté de faire toutes les vérifications de pièces, de faits, de témoignages qui constituent un corps d’instruction. Quant au pouvoir de prononcer, soit les mises en liberté, soit les mises en arrestation des colons ou de tous autres intéressés dans l’affaire des colonies, il a paru que ce droit devait être réservé aux trois comités réunis, conformément au décret du 4ème jour des sans-culottides. Un tel droit ne peut être en effet confié plus sagement, plus utilement qu’à des comités, dont deux sont déjà exclusivement investis de la police générale de la République. Seulement la commission des Colonies aura l’initiative, aux trois comités, de toutes les propositions relatives aux mises en liberté ou aux arrestations des individus dont il s’agit; et sans doute on doit compter d’avance sur l’empressement des comités à l’entendre, toutes les fois qu’elle s’y présentera pour former de pareilles demandes. A l’égard du rapport définitif de l’affaire des colonies c’est une conséquence nécessaire du décret du 5 fructidor, qu’il ne pourra être présenté à la Convention nationale avant d’avoir été soumis à l’examen et à la discussion des trois comités réunis. Reste à déterminer la durée des fonctions des membres qui devront être nommés pour composer la commission des Colonies. Vos comités ont pensé que, comme cette affaire est d’une haute importance, comme l’historique des événements qui se sont succédés aux colonies depuis 1789 présente une longue série de conjurations et de complots contre la Révolution, contre la liberté, contre la République, contre les intérêts de la métropole, contre la sûreté et l’intégrité de son territoire; comme ces conjurations diverses se sont ramifiées à l’infini, et qu’il importe que ceux qui en tiendraient déjà les fils ne soient pas exposés à les abandonner ou à les confier à des mains inexpérimentées; comme l’aptitude à traiter convenablement l’affaire des colonies exigera une longue application et une étude particulière des choses et des personnes, et qu’il y aurait sans doute de l’inconvénient à ne pas prévenir les retards, l’incertitude et l’inexpérience qui pourraient résulter du changement des membres de la commission; vos comités, dis-je, ont pensé que l’existence de ces membres devait être indépendante du renouvellement successif des divers comités de la Convention nationale, et qu’il était bon de les maintenir dans l’exercice de leurs fonctions, jusqu’au rapport définitif de l’affaire confiée à leur zèle et à leurs soins. Enfin vos comités, en vous proposant la nomination de la commission dont il s’agit, n’ont pas été arrêtés par la crainte de blesser le principe de la loi d’organisation qui a partagé entre seize comités la surveillance et l’action du gouvernement, dont la Convention nationale est le centre. La commission des Colonies ne devant être qu’une commission d’instruction, astreinte à présenter le résultat de son travail à la discussion et à l’examen de trois comités, vous jugerez sans doute que, comme la commission nommée pour lever les scellés apposés sur les papiers des derniers conspirateurs, celle des Colonies peut être formée sans que son établissement présente d’incohérence ou de contradiction avec les principes que vous avez consacrés. Citoyens, tous les décrets préparatoires que vous avez rendus depuis un mois sur cette affaire ne doivent laisser aucun doute sur l’intention formelle où vous êtes de vous occuper sérieusement du sort des colonies. Aucun objet n’est peut-être plus digne de fixer enfin vos regards. Ces inestimables possessions ont été 186 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE longtemps la principale source de ce haut degré de splendeur et de prospérité auxquels s’étaient élevés l’industrie et le commerce de la France. Elle trouvait dans ses colonies le débouché le plus avantageux de ses denrées, de ses marchandises, des produits quelconques de son industrie : elle recevait en retour pour 250 à 300 millions par an de denrées coloniales, qui devenaient l’objet de nos jouissances, l’aliment le plus précieux de nos manufactures, la base essentielle de nos échanges les plus importants dans tous les marchés de l’Europe; et leur transport entretenait, vivifiait notre marine commerçante et formait des sujets précieux pour notre marine nationale. En un mot, les Antilles françaises étaient le véritable Pérou du Nouveau-Monde, et l’objet de la jalousie et de l’ambition de toutes les puissances du continent. Aujourd’hui quelques-unes de ces îles ravagées par le feu des discordes civiles, dévastées par les attentats du royalisme et de l’aristocratie, sont tombées en partie au pouvoir de nos ennemis les plus féroces ; mais ce n’est pas la force de leurs armes, c’est la plus lâche trahison qui leur en a valu l’occupation précaire et momentanée. Il est écrit dans le livre des destinées qu’aucune portion du domaine de la République française ne deviendra la propriété incommutable des tyrans coalisés contre son indépendance et son intégrité. L’exemple de toutes les reprises glorieuses, que nos intrépides sans-culottes viennent d’exercer à cet égard sur le continent, doit apprendre à Pitt ce qu’il peut penser de la conservation des conquêtes faciles qu’il a obtenues au-delà du tropique. Les colonies françaises se rattacheront à leur ancienne et puissante métropole, elle s’y rattacheront par le courage indomptable des patriotes, la sagesse et la vigueur de vos mesures, par tous les liens de la confiance et de l’intérêt réciproques, par tous les bienfaits qu’elles doivent attendre d’une législation et d’un régime digne de l’assemblée auguste qui fonda, sur la Déclaration des droits sacrés de l’homme, le premier des gouvernements républicains. Hâtez donc, citoyens, ce moment heureux. Le premier pas doit être de porter enfin le flambeau de la justice et de l’impartialité la plus sévère dans le dédale qui cache encore à vos yeux les véritables causes, ou plutôt les véritables moteurs des troubles qui ont dévasté vos colonies. Voici le projet de décret : La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses trois comités de Salut public, de Sûreté générale, de Marine et des colonies, décrète : Article premier. — Il sera formé une commission de neuf membres, immédiatement et à l’appel nominal, par la Convention nationale, pour s’occuper de l’examen et du rapport de l’affaire des colonies. Art. II. - Cette commission aura le pouvoir de faire lever les scellés apposés sur les papiers des détenus et autres, mais seulement en leur présence, de retirer ceux qui se trouveraient consignés dans les divers dépôts publics, de les inventorier, de les extraire, de les examiner, d’appeler devant elle tous dénoncés, tous dénonciateurs, tous témoins dans l’affaire des colonies, de leur faire subir tous interrogatoires nécessaires, de les entendre soit contradictoirement, soit particulièrement. Art. III. - Elle ne pourra prononcer la mise en liberté ou la mise en état d’arrestation d’aucuns individus prévenus ou suspects dans l’affaire des colonies. Ce droit reste réservé aux trois comités réunis, conformément au décret du quatrième jour des sans-culottides. La commission n’aura, à cet égard, que le droit de proposer, soit les mises en liberté, soit les arrestations qu’elle jugera nécessaires ; elle en fera les rapports aux trois comités. Art. IV. - L’existence de la commission sera indépendante du renouvellement successif des divers comités de la Convention nationale. Les membres qui composeront la commission y seront maintenus jusqu’au rapport définitif de l’affaire des colonies. Art. V. - Ce rapport ne pourra être présenté par elle à la Convention nationale, qu’après avoir été soumis à l’examen et à la discussion des trois comités réunis (112). Un autre membre donne des détails relatifs à cette affaire. Il conclut à ce qu’aucun député colon ne puisse être membre de la commission. L’impression du discours qu’il prononce sur cette matière est ordonnée (113). La discussion s’ouvre. Un membre prononce un discours très étendu, dans lequel il développe avec détail les moyens employés depuis 89 pour tromper les assemblées constituante, législative et conventionnelle sur l’état politique des colonies ; il fait l’historique de la révolution dans les Iles; il examine les résultats du décret du 8 mars, et termine, comme Marée, par proposer une commission, mais il pense qu’il n’y doit entrer aucun des membres de la députation des colonies. Cet amendement est appuyé. Bourdon (de l’Oise) pense que si la Convention veut savoir la vérité, elle ne doit choisir pour membre ou agent de la commission, ni colon, ni armateur, dont les préjugés influen-ceroient nécessairement sa délibération; il pense aussi que la commission doit être composée de membres en nombre impair; il propose enfin que cette commission soit nommée par appel nominal. On discute le projet de décret article par article; il est adopté (114). Le projet de décret présenté, au nom des comités, est adopté avec quelques amendemens. La Convention nationale, après avoir (112) Moniteur, XXII, 126-127. (113) P.V., XLVI, 196. (114) Débats, n 739, 124-125.