116 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 septembre 1791.] soumission du conseil général de la commune de la ville de Rennes, portant engagement de se conformer aux dispositions du décret du 5 août dernier, l’avis du directoire du district et l’arrêté du directoire du département d’Ille-et-Vilaine, ouï le rapport du comité des contributions publiques, décrète : « Qu’en exécution de l’article 9 du décret du 5 août dernier, la caisse de l’extraordinaire fera à la municipalité de Rennes une avance de 15,000 iivres par mois, pour les 6 derniers mois de l'année courante, lesquelles seront restituées avec les intérêts à ladite caisse, savoir: les deux tiers sur le produit du bénéfice attribué à la municipalité dans la revente des domaines nationaux, et l’autre tiers sur les sous pour livre additionnels aux contributions foncière et mobilière. « Les sommes provenant desdites avances, ne pourront être employées qu’au payement des dettes exigibles et des dépenses municipales des 6 derniers mois de l’année présente, sur des états de distribution approuvés, mois par mois, par le directoire de département. » (Ce décret est adopté.) M. Dupont, au nom des comités des finances et des contributions publiques , présente un projet de décret relatif à l’acquit des droits pour les cuirs et peaux qui étaient en charge au 1er avril 1790. Ce projet de décret est mis aux voix dans les termes suivants : « Sur ce qui a été représenté àl’Assemblé nationale, que son décret du 26 novembre 1790, qui autorise les tanneurs et autres fabricants de cuirs et peaux, qui avaient des cuirs et autres peaux en charge au 1er avril 1790, à en payer les droits de mois en mois, ou sur le pied du nouveau tarif décrété par elle le 9 octobre 1790, ou sur celui de l’ancien tarif, n’avait pu être appliqué qu’aux cuirs et peaux qui étaient encore en charge le 26 novembre 1790, et qui ont pu être pesés depuis cette époque, et qu’il s’était élevé des contestations entre les tanneurs et autres fabricants et les préposés de la régie, relativement aux cuirs débités depuis le 1er avril 1790, jusqu’au 26 novembre de la même année; lesquels n’ont pu être pesés ; contestations qui ont servi de prétexte à retarder les recouvrements ; « L’Assemblée nationale décrète que, pour les cuirs et peaux qui étaient en charge au 1er avril 1790, et qui n’ont pu être pesés, chaque fabricant acquittera les droits sur Je pied du taux moyen de ceux qu’il a payés pour les cuirs et peaux de même nature dans l’année précédente. Et attendu que tous les délais qu’elle avait accordés pour ledit payement sont expirés ; « L'Assemblée nationale décrète que lesdits payements qui auraient dû être effectués de mois en mois par douzième à compter du 1er juillet 1790, le seront par quart aux derniers septembre, octobre, novembre et décembre prochains, sans que lesdits délais puissent être prolongés. » (Ce décret est adopté.) M. le Président, donne connaissance d’une note du ministre de la justice contenant la nomenclature des décrets expédiés et scellés en vertu des décrets des 21 et 25 juin dernier. Cette note est ainsi conçue : « Le ministre delà justice transmet à M. le président de l’Assemblée nationale, la note des décrets sur les minutes desquels il a signé l’ordre d’expédier et sceller en vertu des décrets des 21 et 25 juin dernier, ainsi qu’il suit, savoir : « De décret du 26 juin, pour mettre en liberté les sieur et dame de Brézé; « De celui dudit, relatif aux ofticiers et cavaliers de la ci-devant maréchaussée inculpés; < De celui du 28 dudit, relatif aux hôpitaux des Enfants trouvés ; « De celui du 1er juillet, relatif à l’inventaire des caisses arrêtées à Roy es; « De celui du 19 août, relatif à la régie des domaines nationaux, corporels et incorporels, nou aliénés ou non supprimés; « De celui du 23 dudit, relatif à la circonscription des parois-es des villes de Pont-à-Mousson, de Toul et Lunéville; « De celui du 23 dudit, relatif à la circonscription des paroisses du district de Saint-Omer ; « De celui du 23 dudit, relatif à la circonscription des paroisses du district de Landerneau ; « De celui du 23 dudit, relatif à la circonscription des paroisses du Bourg-de-Liesse ; « De celui du 23 dudit, relatif à la circonscription des paroisses de Rugles ; « De celui du 29 dudit, relatif à l’emplacement des corps administratifs, tribunaux et autres établissements ; « De celui du 29 dudit, relatif à l’emplacement des directoires de district de Saint-Claude, Saint-üié et de Dôle ; « De celui du 29 dudit, relatif à la circonscription des paroisses d’Auch ; « De celui du 4 septembre, portant qu’il sera délivré par la caisse de l’extraordinaire 1,500,000 livres pour les besoins des hôpitaux; « De celui du 6 dudit, relatif aux commis des postes aux lettres et voitures; « De celui du 7 dudit, relatif à la liquidation de la dette publique arriérée; « De celui dudit, relatif à l’inventaire des procès contre les fabricateurs des faux assignats. « De celui du 8 dudit, relatif à la perception des octrois de la Saône ; « De celui dudit, relatif aux testaments et autres actes de dernière volonté. « Signé : M.-L.-F. Duport. « À Paris, le 20 septembre 1791. » L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret des comités diplomatique et des domaines sur l'affaire du prince de Monaco (1). M. de Vismes, rapporteur. Messieurs, il n’est besoin, ni de beaucoup de temps, ni de grands efforts pour réfuter les nombreuses objections de M. de Maillane contre le rapport de vos comités sur l’affaire du prince de Monaco; car les points s r lesquels il est d’accord avec eux, suffisent pour décider la difficulté : ainsi j’espère ne pas abuser de votre attention. En la sollicitant, M. de Maillane disait qu’il parlait pour la nation, puisqu’il défendait les intérêts du Trésor public; et moi aussi je parle pour la nation, puisque j’expose ce qu’elle doit à sa justice et à sa gloire. Deux faits principaux sont reconnus par M. de Maillane, et effectivement les preuves fournies par vos comités les avaient mis au-dessus de toute contradiction. Le premier est que la maison de Monaco n’a point été remise en possession de ses biensd’Itaiie. Le second, que c’est la cour de France qui a vainement sollicité sur ce point, pendant 60 ans, l’exécution du traité des Pyrénées. (1) Voy. Archives parlementaires, tome XXX, séances des 9 et 10 septembre 1791, pages 408 et 558. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 septembre 1791.] M. de Maillane a fait, en point de droit, un autre aveu non moins important. En même temps qu’il a soutenu que ce n'était point à la cour de France, mais à la maison de Monaco, à réclamer auprès du cabinet de Madrid l’exécution du traité des Pyrénées, il convient que, si M. le prince de Monaco eût éprouvé des difficultés sur cette réclamation, la France devait alors lui accorder son intervention et son appui. Il est évident, Messieurs, que tel était en effet le devoir de la France, non seulement d’après ses «engagements, ruais aussi d’après son intérêt. Elle éiait obligée par le traité de Péronne, et à protéger îe prince de Monaco, et à lui assurer le dédommagement des sacrifices qu’il avait faits à son alliance. Elle était personnellement intéressée à la restitution des biens d’Italie, puisque c’était le seul moyen pour elle, ou de recouvrer les domaines qui avaient été cédés en France au prince de Monaco, ou d’en obtenir l’équivalent en retenant les biens d’Italie. Ces points une fois constants, la véritable question de l’affaire va devenir extrêmement facile à résoudre; mais, avant tout, il faut la dégager de 2 propositions incidentes qui ne tendent qu’à la compliquer inutilement. M. de Maillane demande : 1° que l’inexécution de l’article 104 du traité des Pyrénées soit pri-e en considération par le comité diplomatique, et que l’on s’occupe des moyens de faire cesser la longue et injuste résistance de l’Espagne; 2° Il dénonce comme onéreux à la France, le traité de Péronne, et il conclut encore à ce qu’il so i tfait un rapport par le comité diplomatique sur le point de savoir s’il n’est pas de l’intérêt de la France d’y renoncer. Je ne me permettrai point, Messieurs, de longues réflexions sur la première proposition de M de Maillane. Je suis convaincu, comme lui, que ce n’est que par de vaines subtilités que l’Espagne a éludé l’exécution d’un traité solennel. Je me garderai bien cependant d’affirmer, comme lui, que notre cabinet a mis dans la poursuite de cette affaire de lâches ménagements. Certes, Me-sieurs, ce n’était point là le caractère de la politique de Louis XIV ni de ses ministres ; et l’on sait assez que le reproche que lui faisait l’Europe entière, surtout avant la guerre de la succession, était celui de la hauteur. Mais, lorsque Louis XIV avait de grands intérêts à ménager avec le cabinet de Madrid, lorsqu’il convoitait pour loi ou pour un de ses enfants, l’immense héritage de la branche espagnole de la maison d’Autriche, est-il étonnant qu’il ait évité de se brouiller avec elle pour un sujet aussi léger que la restitution des biens de l’Italie du prince de Monaco ? C’est à vous, Messieurs, à peser dans votre sagesse s’il convient de ressusciter une prétention qui semble éteinte par une prescription de 150 ans ; c’est à vous à examiner si les circonstances sont propres à en manifester la volonté; c’est à vous à considérer jusqu’à quel point les changements survenus depuis un siècle et demi, permettraient l’exercice d’un droit pour lequel il ne suffirait plus du consentement de l’Espagne, puisque les biens qui en font l’objet, sont situés sous la domination et du roi de Naples et de l’empereur. Comme cet ariicle n’est point de mon sujet, je me contente de le livrer à vos méditations. La proposition relative à un examen ultérieur du traité de Péronne, n’est point aussi étrangère à cette affaire, puisque les comités ont pris pour 117 base de leur avis la nécessité et l’utilité de son exécution. Je sais, autant que le préopinant, de quel avantage est pour un prince faible la protection d’un peuple puissant et généreux ; je n’ignore pas non plus que la faiblesse de ce prince le met entièrement à votre discrétion, et que vous pouvez impunément anéantir les obligations que vous impose le traité de Péronne : mais je ne puis accorder au préopinant que ce traité ne nous soit, même aujourd’hui, d’aucune utilité; il suffit même de quelques connaissances géographiques pour se convaincre du contraire. Il ne peut être indifférent à la France d’étendre sa frontière du côté de l’Italie, d’avoir à sa disposition une place forte située avantageusement entre les Etats du roi de Sardaigne et de la République de Gênes, et de pouvoir compter, dans tous les temps, sur une des stations les plus importantes de la Méditerranée. Je vais plus loin, Messieurs; quand les avantages qui, dans le siècle dernier, ont fait attacher tant d’intérêt à la place de Monaco, n’existeraient plus aujourd’hui, serait-ce une raison de mettre en doute si vous devez entretenir le traité qui vous en assure l’occupation ? Ce se-serait une étrange morale que celle qui dispenserait de l’exécution d’un engagement réciproque, celle des deux parties à qui il cesse d’être utile? et que deviendrait la loyauté française, si les représentants de la nation pouvaient 'dire au prince de Monaco : « Nous savons que vos auteurs ont fait de grands sacrifices à l’alliance de la France; nous savons qu’ils n’ont point hésité à rejeter les offres brillantes que l’Espagne leur a faites pour les engager à rentrer sous sa protection ; nous savons enfin que les avantages que vous a assurés en France le traité de Péronne, ne sont que le dédommagement des pertes qu’il vous a occasionnées ailleurs : mais les temps sont changés; ce qui nous fut utile alors, cesse d’avoir la même valeur pour nous. Nous ne voulons plus tenir des engagements qui nous paraissent maintenant trop onéreux ; rendez-nous nos concessions, et cherchez ailleurs une alliance et une protection sur lesquelles vous ne pouvez plus compter de notre part.» Non, Messieurs, l’Assemblée nationale de France ne tiendra jamais un tel langage; et parmi les principes qu’elle se plaira toujours à proclamer par ses décrets, elle mettra sans cesse au premier rang la fidélité la plus scrupuleuse et la plus désintéressée à ses obligations. Je rentre maintenant dans ce qui fait le véritable sujet de cette affaire. Vous vous rappelez, Messieurs, qu’elle présente deux questions à résoudre. D’abord, le prince de Monaco peut-il être dépouillé des concessions qui lui ont été faites en France en exécution du traité de Péronne? et ensuite doit-il être indemnisé à raison des suppressions que vos décrets ont opérées dans ces mêmes concussions? Sur la première question, le préopinant n’a point proposé un avis différent du nôtre; il a même conclu formellement à ce que le prince de Monaco fût maintenu dans la possession de ses biens de France: ce n’est que sur l’article de l’indemnité qu’il nous combat. Il me permettra d’abord de lui demander s’il n’y a pas quelque contradiction dans son système. Car, si de son aveu le prince de Monaco doit conserver ses biens de France, tant qu’il n’aura pa8 obtenu la restitution de ceux d’Italie ; si de sou aveu c’est même au gouvernement français à sol- 118 [Assemblée nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 septembre 1791, liciter aujourd’hui, à procurer cette restitution, comment se peut-il qu’il méconnaisse en même temps l’obligation de l’indemnité, tant que la restitution n’est pas faite? C’est en vertu du même titre que le prince de Monaco doit conserver ce qu’il possède encore, et obtenir le remplacement de ce que nos suppressions lui on fait perdre. Et ce n’est pas là la seule contradiction, Messieurs, dans laquelle soit tombé le préopinant. Suivant lui, ce n’était point à la France, c’était au prince de Monaco à poursuivre l’exécution du traité des Pyrénées ; et cependant il convient d’un autre côté que la France devait, en cas de difficulté, son intervention et son appui au prince de Monaco : comme si des démarches personnelles de ce prince eussent été plus efficaces que la réclamation directe d’une grande puissance 1 comme si d’ailleurs il n’était pas tout simple que cette même puissance, qui étaitgarante de l’inexécution du traité, se chargeât elle-même de stipuler des intérêts qui étaient véritablement les siens ! comme si enfin il n’était pas établi que Louis XIV avait accepté, pour la couronne de France, la cession des droits de la maison de Monaco, et que cette cession était également conforme aux intérêts de l’un et de l’autre ! Que les suites de l’inexécution du traité des Pyrénées dussent retomber sur la France, c’est une vérité qu’il semblerait d’autant plus inutile d’établir, que le préopinant ne l’a combattue nulle part, et qu’il l’a supposée partout. Mais, au reste, un mot suffit pour dissiper tous les doutes à cet égard, et ce mot est écrit dans le traité de Péronne : Si la paix se faisant (est-il dit), les Espagnols rendent audit prince les terres qui lui appartiennent dans leur pays , Sa Majesté demeurera déchargée , à proportion de ce qu’ils lui restitueront , du remplacement qu’elle devait faire en terres. Rien de plus précis que cette clause. La France ne demeurera déchargée du remplacement auquel elle est obligée, c'est-à-dire le prince de Monaco ne doit être dépossédé de ses biens de France, qu’autant que les Espagnols lui auront rendu ceux d’Italie: donc c’était la France seule qui avait intérêt à cette restitution, puisque le prince de Monaco doit conserver son dédommagement tant qu’elle n’aura pas eu lieu: donc c’était plus pour elle-même que pour le prince de Monaco, qu’elle stipulait l’article 104 du traité des Pyrénées : donc c’est elle seule qui doit souffrir de son inexécution, et c’est aussi pour cela que M. de Maillane veut que ce soit lé gouvernement français qui agisse aujourd’hui auprès de la cour d’Espagne. Il relève cette circonstance que les Espagnols, lorsqu’ils confisquèrent définitivement les biens du prince de Monaco, pendant la guerre de 1688, motivèrent la confiscation par une accusation de félonie. Que veut-il dire par là? Prétend-il que cette confiscation a eu une cause dont la France ne soit point garante? En ce cas, il devait conclure, non seulement au refus de l’indemnité, mais même à la réunion de tous les biens de France. Avec un peu plus d’attention, il se serait épargné une objection extrêmement frivole ; il aurait vu que ce qui, aux yeux des Espagnols, était une félonie, c’était que le prince de Monaco eût abandonné leur alliance, ou plutôt se fût soustrait à leur domination, pour se jeter dans les bras de la France, et que celui qu’ils regardaient comme leur feudataire, fût devenu l’allié de leur ennemi. Ainsi le motif de la confiscation, loin de repousser la garantie de la France, est précisément ce qui en établit l’obligation. M. de Maillane a dit que l’indemnité réclamée était énorme, et que c’était à la parcimonie du nouveau régime a réparer les dissipations de l’ancien. Il est juste, sans doute, Messieurs, de n’allouer que ce qui est rigoureusement dû ; mais il serait injuste d’en contester, ou même d’en différer l’acquittement, sous le seul prétexte de l’importance de l’objet. L’équité n’est point une affaire de calcul, et une dette ne cesse point d’être légitime par cela seul qu’elle est onéreuse. Au surplus, vos comités n’ont pas pensé que M. de Monaco dût obtenir tout ce qu’il demandait, et ils ont proposé des vues qui pourront servir à réduire notablement sa prétention. Il n’est (dit-on) qu’un citoyen français, et nous invoquons mal à propos en sa faveur les maximes qui régissent les conventions entre souverains. Il est vrai que le prince actuel de Monaco est issu d’une famille française; il est vrai que le temps qu’il ne réside point dans sa principauté, il le passe en France au milieu des biens qu'il y possède. Mais de bonne foi qu’importent ces circonstances? En est-il moins vrai que la prinei-pauté de Monaco est une souveraineté indépendante? qu’elle est considérée et traitée comme telle d;ms toute l’Europe ? que le prince de Monaco y jouit de tous les droits régaliens? qu’il a un pavillon reconnu de toutes les nations? que toutes les puissances étrangères traitent avec lui de couronne à couronne? que naguère encore il a été fait en 1770, entre le roi et lui, une convention diplomatique au sujet du croit d’aubaine? Et si ces faits sont incontestables, n’est-il pas évident que l’exécution du traité politique conclu dans le siècle dernier entre le roi de France et le prince de Monaco, ne peut être soumise à l’influence des lois intérieures de la France, et qu’elle doit être réglée par les seules maximes du droit des gens? Où est la preuve, a dit M. de Maillane, que les biens d’Italie valussent 75,000 livres de rente en 1641? Une lettre qui m’a été écrite du département du Var, m'assure le contraire; elle annonce que ces biens n’étaient que des fonds roturiers, et elle promet des recherches et des éclaircissements qui répandront du jour sur ces points de fait. Nous répondons d’abord que l’énonciation contenue dans le traité de Péronne, doit faire foi sur la valeur des biens d’Italie, jusqu’à la preuve du contraire. Ce traité qui fut l’ouvrage de Richelieu, et que les historiens du temps citent comme un des actes dignes de sa profonde habileté, est un monument qui doit sans doute obtenir un peu plus de crédit que la missive d’un anonyme qui ne donne que des allégations hasardées. Nous pourrions même demander si une preuve contraire à l’énonciation du traité serait admissible aujourd’hui. Car, quand on produirait un état quelconque des biens d’Italie et de leurs revenus, si cet état n’avait point été dressé contradictoirement lors du traité de Péronne, s’il ne présentait pas des caractères propres à en assurer la vérité, le prince de Monaco serait sans doute bien fondé, au bout de 150 ans, ou à en suspecter la foi, ou du moins à révoquer en doute qu’il fût complet. Je dois, au reste, vous instruire, Me sieurs, qu’il n’eeiste nulle pari, sur ce point, des documents d’une authenticité suffisante ; c’est un fait que nos recherches ont constaté. Nous avons trouvé seulement dans le dépôt des affaires étrangères quelques mémoires, dont celui qui notts a paru 119 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 septembre 1791.J [Assemblée nationale.} le plus complet, servirait plutôt à justifier qu’à contredire l’énonciatiort du traité de Péronne. Quant à la qualité des biens d’Italie, nous avons droit de rejeter sur ce point l’autorité de la missive écrite du Var. C’est à cet égard que nos recherches ont été le plus heureuses. J’en ai donné le résultat dans mon rapport. J’ai cité les fiefs considérables que la maison de Monaco possédait dans le royaume de Naples. J’ai articulé des détails positifs sur la manière dont ces fiefs sont passés dans les mains des détenteurs italiens, et j’ai déclaré que les comités étaient parvenus à se procurer en Italie des documents authentiques sur les diverses mutations par lesquelles ils sont parvenus jusque dans celles des possesseurs actuels. J’ai droit, ce semble, d’être surpris qu’on oppose à de telles preuves l’assertion hasardée d’un anonyme. Il eût été, je crois, plus sage, avant de se permettre une dénégation fondée sur une base aussi chimérique, d’accepter la communication que j’avais offerte de toutes les pièces recueillies par les comités, si le dépouillement qu’ils en présentent paraissait avoir besoin d’une vérification. En aspirant à l’honneur de votre confiance, il est, Messieurs, de leur devoir de ne vous laisser ignorer rien de ce qui peut leur y donner des droits. Plus la réclamation du prince de Monaco était importante par son objet, plus ils ont pris de précautions pour en apprécier la valeur. Il n’en est aucunej j'ose le dire, qu’ils aient négligée. Ils ont non seulement fouillé dans les registres de l’administration des domaines, dans le dépôt du Louvre, dans celui d s affaires étrangères ; mais ils ont étendu leurs recherches jusqu’en Italie, et ils ont été assez heureux pour y trouver des pièces importantes dont la découverte n’était pas sans difficulté. Ils ont fait plus; ils ont appelé des instructions de toutes parts. Le mémoire venu d’Antibes dont on vous a entretenus, ils l’ont eu sous les yeux ; ils l’ont examiné avec soin, et, au travers des déclamations dont il est surchargé , ils y avaient remarqué quelques faits qu’il pouvait être utile d’éclaircir. Il y a un an que j’avais donné à M. de Maillane, quelques notes à ce sujet qui sont demeurées sans réponse. C’est après toutes ces précautions poussées jusqu’au scrupule, c’est après avoir résisté pendant 18 mois à l’impatience de M. de Monaco, qu’ils ont cru pouvoir vous présenter un projet de décret. Vous déciderez, Messieurs, si les promesses qui vous ont été faites, sur la foi d’une lettre anonyme, et d’un mémoire dont l’auteur est resté muet sur nos questions, doivent vous inspirer plus de confiance que le travail de vos comités, à qui tous les dépôts ont été ouverts. 11 est un terme à toutes les recherches; et si, comme nous le croyons, ce terme est arrivé, vous penserez sans doute qu’il est de votre intérêt, comme de votre honneur, de ne pas retarder une décision si longtemps attendue: de votre intérêt; pour ne poiot grossir inutilement une indemnité déjà considérable, par de plus longues restitutions de fruits : de votre honneur; parce que vous le faites certainement consister à ne manifester pas moins d’empressement pour accueillir de justes prétentions, que pour déposséder d’avides usurpateurs. On reproche au prince de Monaco d’avoir fait des profits immeuses depuis que la France entretient une garnison dans sa place. Nous ne lui connaissons à cet égard d’autres avantages que ceux qui lui ont été assurés par le traité de Péronne, dont une clause lui accorde le gouvernement de la place, et le commandement de la garnison. On exagère l’importance des emplois que l’Etat entretient à Monaco. Ils se réduisent à un intendant de la garnison, qui est revêtu d’un office dont le produit est vraisemblablement relatif à la finance, et à un trésorier dont l’unique fonction est de payer l’établissement militaire. Qu’importent, au surplus, ces circonstances à l’affaire actuelle? Si, à Monaco, comme dans plusieurs autres endroits, le gouvernement a entre-* tenu jusqu’ici des agents ou inutiles ou trop payés, il faut y pourvoir par de sages réformes ; mais ce n’est pas une raison pour accuser, sans preuve, le prince de Monaco d’avoir fait sur ces abus un profit illégitime : ce n’est pas une raison, surtout, pour lui refuser une indemnité légitime. Ainsi toute cette affaire se réduit à des termes fort simples. Le prince de Monaco doit conserver le revenu qui lui a été assuré en France, tant qu’on ne prouvera pas qu’il a recouvré ses biens d’Italie. Cette preuve est-elle acquise? Non, Messieurs ; et vos comités croient avoir établi démonstrativement que la restitution, négociée en vain pendant 60 années par la courde France, n’a jamais eu lieu. Ce n’était pas, dit-on, à elle à poursuivre cette restitution. Pourquoi ? Est-ce qu’elle seule n’y était pas intéressée? Est-ce que la réclamation isolée du prince de Monaco aurait eu plus de poids que les sollicitations d’une grande puissance? Ed-ce que l’on ne convient pas d’ailleurs que le prince de Monaco avait droit de demander l’intervention et l’appui de la France? Il est arrivé dans cette affaire ce qui arrive tous les jours dans les tribunaux, où, lorsque le garant paraît, le garanti est mis hors de cause. On ne doit pas d’ailleurs perdre de vue, ni les circonstances graves qui concourent à établir que Louis XIV avait accepté la cession des droits de la maison de Monaco sur les biens d’Italie, ni les preuves décisives qu’il en a disposé comme de sa propre chose. Je vais plus loin : quand il serait vrai que le prince de Monaco eût dû poursuivre lui-même, et sans le concours de la France, l’exécution du traité des Pyrénées, cette objection ne serait plus recevable aujourd’hui que les choses ne sont plus entières. Le prince de Monaco a droit de nous dire : & Vous avez consenti à exercer vous-mêmes mes droits contre l’Espagne; vous avez cru, sans doute, que leur réclamation aurait plus de force de votre part que de la mienne. Maintenant que ces droits sont éteints par la prescription, maintenant qu’ils ont péri dans vos mains, soit par votre négligence, soit par des considérations qui me sont étrangères, n’est-ce pas à vous à supporter l’effet de leur anéantissement ? Et quelle loi, si ce n’est celle de la force, que vous ne voulez pas sans doute employer au défaut de la justice, peut vous autoriser à solder une dette légitime, par la cession dérisoire d’un droit qui n’existe plus, ou du moins d’un droit qu’il me serait impossible de faire valoir avec quelque apparence de succès ? » Je ne connais, Messieurs, aucune bonne réponse à faire à un tel argument. Il n’est pas moins insoluble dans le droit civil que dans le droit des gens, et c’est parce que le préopioant en est convaincu, que lui-même conclut à ce que le prince de Monaco soit maintenu dans la possession des biens que les suppressions n’ont point frappés. Mais, encore une fois, il y a une inconséquence manifeste à laisser au prince de Monaco ce qui a échappé aux suppressions, et à 120 �Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 septembre 1791.] lui refuser l’indemnité de ce qu’elles ont anéanti. La créance d’indemnité dérive du même titre que le droit de conserver les concessions faites par le traité de Péronne; vous devez donc, Messieurs, ne point hésiter à l’accueillir : et lorsque votre justice vient de prononcer un décret rigoureux contre le fils du prince de Monaco, elle aimera, sans doute, à saisir l’occasion de prouver sur-le-champ, par une décision favorable au père, que nuiles considérations étrangères aux principes n’ont jamais fait pencher sa balance. Il me reste à parler d’une motion qui a été faite relativement aux offices dépendant des domaines concédés à la maison de Monaco. Lorsqu’elle a été proposée, quelqu’un a prétendu que ces offices étant purement seigneuriaux, les questions relatives à leur liquidation étaient comprises dans un ajournement que vous avez prononcé sur les offices dépendant des anciennes justices seigneuriales. L’honorable membre qui a fait cette objection est parti d’une supposition erronée. Les offices dépendant des domaines concédés à la maison de Monaco étaient, dans l’origine, purement royaux; ils sont devenus ensuite d’une natuie mixte, au moyen de ce que ceux qui en étaient pourvus ont conservé la connaissance des cas royaux, dans laquelle ils ont été expressément maintenus, notamment par des lettres patentes du mois d’août 1643. Les titulaires prenaient des provisions du roi pour cette connaissance des cas royaux, et ils étaient institués par le prince de Monaco pour celles des cas ordinaires. Depuis plusieurs années, les droits casuels des offices se payaient pour un quart aux parties casuelles du roi, 1 1 pour les trois autres quarts au prince de Monaco. Cette proportion avait été établie par un arrêt du conseil du 31 mars 1774. De tout ceci, Messieurs, il résulte que l’état des officiers dont il s’agit n’a rien de commun avec la condition de ceux dont vous avez ajourné la liquidation. Par rapport à ces derniers, une grande difficulté s’est élevée sur le point de savoir s’il leur était dû un remboursement ou une indemnité quelconque; et ceux qui soutiennent la négative disent que les offices seigneuriaux n’ont pu être mis dans le commerce, et que la loi ne doit poi t reconnaître de conventions vicieuses. Mais cette objection ne peut être proposée contre les offices dépendant des domaines concédés au prince de Monaco. Les finances en ont etc versées originairement au Trésor t ublic; ils ont été depuis assimilés en tout aux offices royaux; comme eux, ils ont été soumis à l’évaluation et assujettis à des droits annuels et casuels, dont la partie était perçue par le Trésor public. Ils sont donc incontestablement susceptibles de l’application de vos décrets sur la liquidation des offices royaux. Il y a plus de difficulté, Messieurs, sur le point de savoir par qui doit être payée l’indemnité des titulaires. Ce qui fait naître le doute, ce sont les divers changements qui sont survenus dans la perception de leurs finances. Celles qui ont été payées avant les concessions faites à la maison de Monaco ont été versées au Trésor public, qui ne les a jamais rendues, ni aux titulaires, ni au prince de Monaco, lorsqu’il a été investi du droit d’instituer les officiers, et de faire rendre la justice en son nom. Depuis 1643, époque de ces concessions, jusqu’en 1774, la maison de Monaco a reçu la totalité des finances qui ont pu être payées par les titulaires pourvus, soit sur nouvelle création, soit sur vacance aux parties casuelles. Le droit lui en avait été accordé par les lettres patentes de 1643. Enfin, depuis 1774, un quart des finances a été versé au Trésor public, et les trois autres quarts ont été payés à la maison de Monaco. Tous ces changements devront être considérés lorsqu’il s’agira de décider par qui doit être supportée l’indemnité des titulaires. L’opération la plus naturelle paraît être celle qui, après avoir couvert le prince de Monaco, par un dédommagement général, de la suppression de ses droits de justice, fera contribuer ensuite au remboursement des offices le Trésor public et le prince de Monaco, chacun sélon qu’il aura reçu, en tout ou en partie, les finances des titulaires qu’il s’agira de rembourser. Vous concevez, Messieurs, que ce n’est point ici le moment de se livrer à une telle opération, et qu’elle doit se faire entre le pouvoir exécutif et le prince de Monaco. Mais L s titulaires seront-ils réduits à attendre et le résultat de cette négociation, et l’approbation du Corps législatif dont il doit être revêtu? Votre comité des domaines a pensé qu’il serait trop dur de différer, jusqu'à une époque aussi indéterminée, u ne liquidation sur la nécessité de laquelle il ne peut s’élever aucun doute raisonnable. C’est par le fait de la nation que les titulaires sont devenus créanciers légitimes d’une indemnité ; c’est à elle à pourvoir au sort de plusieurs pères de famille qui seraient trop malheureux, s’ils étaient éconduits jusqu’à l’issue d’un débat qui leur est étranger. Il fallait, ce semble, dans cette circonstance, trouver un expédient par lequel on pût subvenir à leur position fâcheuse, sans compromettre l’intérêt de l’Etat. Celui que votre comité des domaines m’a chargé de vous proposer vous paraîtra vraisemblablement réunir ces caractères. Il consiste à ordonner qu’il sera, dès à présent, procédé à la liquidation des titulaires aux dépens du Trésor public, mais sous la réserve expresse d’imputer sur l’indemnité dont la nation est débitrice envers le prince de Monaco, les sommes dont il pourra être tenu dans cette liquidation. Par là, tous les intérêts sont conciliés, et toutes les règles sont respectées. Ce qui sera payé à des citoyens dont l’équité ne permet pas de reculer le remboursement, ne sera qu’une avance faite par le prince de Monaco, jusqu’à concurrence de ce qui est à la charge, ou pour mieux dire, un acompte sur ce qui lui est dû à lui-même; et le Corps législatif laissera, comme il le doit, au pouvoir exécutif le soin de négocier sur ce point vis-à-vis du prince étranger l’intérêt national. Voici le nouveau projet de décret que je suis chargé de vous présenter : « L’Assemblée nationale, considérant que le prince de Monaco n’a point été remis en possession des biens qui devaient lui être restiiués en Italie en conséquence de l’article 104 du traité des Pyrénées, et voulant manifester son respect pour la foi des traités; « Ouï le rapport des comités des domaioes et diplomatique; « Décrète : 1° qu’il n’y a lieu à délibérer sur la dénonciation de la commune des Baux tendant à faire prononcer la révocation des concessions faites en France au prince de Monaco, eu exécution du traité d’alliance et de protection fait à Péronne le 14 septembre 1641 ; « 2° Qu’il y a lieu à indemnité en faveur du prince ue Monaco, à cause de la suppression des [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 septembre 1791.] droits féodaux, de justice et de péage, dépen-daat desdites concessions ; « 3° Que le roi sera prié de négocier avec le prince de Monaco la détermination amiable de ladite indemnité, conformément aux obligations résultant du traité de Péronne, pour, sur le résultat de la négociation, être, par le Corps législatif, délibéré ainsi qu’il appartiendra; « 4° Enfin, que les office' de judicature dépendant des domaines concédés au prince de Monaco, seront liquidés et remboursés aux dépens du Trésor public, sauf imputation, s’il y a lieu, de tout ou de partie de la liquidation sur l’indemnité due au prince de Monaco. » M. Durand-Maillane. M. le rapporteur v< ut que nous accordions à M. de Monaco une indemnité, et il se fonde pour cela sur ce que les biens appartenant à M. de Monaco en Italie ne lui ont pas été restitués, à cause d’une félonie qu’il avait commise euvers le gouvernement espagnol. Mais de deux choses l’une : ou la félonie a été commise avant le traité des Pyrénées, ou elle a été commise après. Si elle a été commise avant le traité, il n’en doit plus être parlé; car le traité l’aabsous et l’a remis dans tous ses droits; si elle l’a été après, la France n'en doit plus être garante; cela ne la regarde plus ; et si c’est àcause de cette félonie que M. de Monaco n’a pas été réintégré dans ses biens, la France ne lui en doit pas la valeur. D’ailleurs, la commune de Baux, qui m’a chargé de faire la dénonciation de cette affaire à l’Assemblée nationale, m’a écrit qu’il existait des pièces en Italie, qui prouvaient que M. de Monaco avait été rétabli dans ses biens. On trouve bien ces pièces dans les greffes; mais, quand on veut les faire légaliser par les officiers supérieurs, ils s’y refusent. Cependant, on croit qu’avec des délais, on pourrait les obtenir. C'est pour cela que je consens à ce que provisoirement M. de Monaco jouisse des biens qu’il possède sous toutes les réserves de droit. Quand nous aurons les pièces, nous verrons s’il y a lieu à l’indemnité. En conséquence, je demande la question préalable sur le projet de décret. M. Tronchet. Je crois qu’il est temps de terminer une affaire dont la justice est évidente. En conséquence, je demande qu’on mette aux voix le projet du comité. M. Lanjuinais. Je ne vois pas qu’il soit dé-moniré que nous devions payer ce que les Espagnols ont enlevé. Je demande l’ajournement à la prochaine législature. M. Gombert. Si M. de Monaco perd quelque chose à la Révolution, la nation peut donner un bon exemple aux princes allemands qui nous cherchent de mauvaises difficultés; elle doit restituer à M. de Monaco tous les objets qu’il perd à la Révolution. ( Exclamation .) Il faut mettre ces gens-là au pied du mur, et les obliger à convenir que la nation ne veut pas dépouiller les gens qui ne sont pas en force. Car il est certain que, si M. de Monaco avaii 200,000 baïonnettes à ses ordres, il vous obligerait de lui rendre ses biens. Or, il faut les lui restituer comme s’il avait 200,000 baïonnettes. M. Prieur. 11 s’agit, dans cette affaire, d’une demande en indemnité à exercer contre la nation. 121 J’apprends par un membre du comité central que le liquidateur que vous avez chargé de la responsabilité, n’a pas encore été entendu; et je dis que le comité des domaines n’ayant par lui-même aucune responsabilité, ne pouvant conséquemment nous garantir les faits qu’il nous a exposés, nous ne pouvons asseoir une opinion sage sur l’affaire de M. de Monaco. Je proteste que je n’entends rien à cette affaire (Rires.)... « Nous remplissons ici des fonctions de juges; mon devoir m’oblige de déclarer dans quel état est mon opinion; or, elle est telle que, n’ayant pas eu légalement le moyen d’appuyer mon avis sur des faits avancés et certifiés par un individu responsable, il reposerait sur une colonne de sable qui s’évanouirait. C’est d’après cela que je dis que je n’entends rien à l’affaire... Un membre: Ou le voit bien ! M. Prieur... et que si vous la jugez, je me récuse d’avance. (Rires.) Parmi ceux qui m’interrompent, j’en vois beaucoup en état de m’éclairer ; d’après cela, je les somme de le faire. Nous sommes dans des circonstances pressées; nous touchons à notre fin, et, je dois le dire à l’Assemblée, moins elle fera de décrets autres que ceux qui seront indispensables, mieux elle fera. Nos successeurs touchent à l’instant de nous remplacer. Une affaire aussi importante à la nation doit bien être éclaircie. Si les prétentions de M. de Monaco sont justes, lorsqu’elles seront appuyées par le liquidateur, elles passeront d’autant plus aisément; si elles ne le sont pas, il faut les examiner. Je demande donc l’ajournement à la législature prochaine. M. de Vismes, rapporteur. Je réponds en deux mots aux objections qui ont été faites par les deux derniers préopinants. Certes, M. Lanjuinais a perdu de vue la clause du traité de Péronne. Quelle est l’obligation de la France par ce traité? C’est de donner à M. le prince de Monaco, en terres féodales situées en France, un dédommagement des terres féodales qu’il doit perdre en Italie. Quelle est l’autre clause de ce traité? C’est que le prince de Monaco doit conserver ce dédommagement qui lui a été accordé par le traité de Péronne, tant que les biens d’Italie ne lui auront pas été restitués. Cela posé, Messieurs, toute la question se réduit aune question de fait, celle de savoir si les biens d’Italie ont été restitués. A cet égard, je crois que les recherches du comité des domaines ont porté la négative jusqu’au plus haut degré d’évidence. Nous avons fouillé tous les dépôts, nous avons étendu nos recherches jusqu’en Italie, et nous avons acquis la preuve la plus positive que M. de Monaco, non seulement n’a pas obtenu la restitution de ses biens d’Italie, mais même que, depuis que ces biens sont sortis de ses mains, ils ont passé successivement dans les mains de plusieurs détenteurs italiens, et que définitivement ils.ont été confisqués pendant la guerre de 1688, et vendus au profit du lise par les Espagnols. Ainsi, point de difficulté sur le point de fait. D’un autre côté, le point de droit est constant. L’obligation de la France est écrite dans le traité de Péronne. La cause est dme extrêmement simple. Je ne puis que plaindre ceux qui n’y voient que des nuages, car cela me semble de la plus grande clarté. Il a été fait une seconde objection. Elle consiste à dire qu’il n’y a qu’un moyen légal de [20 septembre 1791.] 122 [Assemblée üationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. constater la certitude des faits sur lesquels les liquidations sont demandées ; que ce moyen lé-al est un rapport du directeur de la liquidation. elui des préopinants gui a fait cette objection me paraît prouver qu’il n’a point pris connaissance de l’affaire : car s’il la connaissait, il saurait qu’il ne s’agit point ici de liquidation; qu’il s’agit d’intérêts politiques entre deux souverains ; que, dans ce cas-là, ce n’est point par le ministère du directeur général de la liquidation que l’affaire doit être traitée, mais qu’elle doit l’être diplomatiquement, par voie de négociation, entre le roi, chef du pouvoir exécutif, et le prince étranger. Tel est le mode établi par la Constitution ; tel est le mode dont vous avez fait l’application dans l’affaire des princes d’Allemagne. Donc, l’objection de M. Prieur porte à faux, et il se la serait épargnée s’il avait lu le rapport. Plusieurs membres : La question préalable sur l’ajournement! M. le Président. Je mets aux voix la question préalable proposée sur la demande d’ajournement du projet de décret des comités. (L’épreuve est douteuse.) M. Prienr. Quand il y a du doute, l’ajournement est de droit. M. ’Varin. Je demande la priorité pour l’ajournement. Il ne peut pas y avoir d’inconvénient ; car si l’affaire est juste, elle le paraîtra à la prochaine législature aussi bien qu’à nous. M. Tronchet. Quand vous avez renvoyé au pouvoir exécutif à traiter de l'indemnité qui pourrait être due aux princes d’Allemagne, vous avez commencé par décider qu’il leur était dû une indemnité, et en conséquence vous avez renvoyé au pouvoir exécutif à faire ce traité, sauf à vous à le ratifier. C’est ici exactement la même chose. Il s’agit de savoir si, lorsqu’il s’est fait, entre la France et le prince de Monaco, un traité à titre onéreux, par lequel le prince de Monaco s’engageait, pour l’intérêt même de la France autant que pour le sien, à recevoir garnison chez lui et à se mettre sous la protection de la France, il s’agit de savoir, dis-je, si ce traité doit être exécuté. Cette question ne me paraît pas devoir en faire une. La convention du prince de Monaco se réduit à dire : je vous livrerai nia place, mais vous commencerez par me donner, en France, jusqu’à ce que j’aie été rétabli dans mes biens d’Italie, leur équivalent ; et, en conséquence, il vous a cédé ses droits. C’était donc à la France seule qu’appartenait l’action et l’obligation directe de faire restituer au prince de Monaco. Ainsi, je ne vois pas en vérité où peut être la difficulté sur le point de droit. Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix ! M. le Président. Je consulte à nouveau l’Assemblée sur la question préalable proposée sur la demande d’ajournement du projet de décret des comités. (L’épreuve est encore douteuse.) M. Rewbell. J’observe à l’Assemblée que M. Tronchet n’aurait pas dû citer l’exemple des princes d’Allemagne, parce que cet exemple est ■Véritablement hors des règles ordinaires. Nous avons posé pour principe qu’il n’était rien dû aux princes d’Allemagne : et c’est par une convenance particulière que... {Murmures.) Le décret porte que c’était pour entretenir les bonnes relations entre la France et les princes d'Allemagne. Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix ! M. de Usines, rapporteur. Je n’ai point intérêt de nier ce quia été avancé par le préopinant, que les princes pensionnés d’Allemagne n’avaient point rigoureusement droit à une indemnité; mais, que conclure de là, Messieurs? Si vous avez cru que les circonstances et l’équité, car ce sont les termes du rapport dans cette affaire d’Allemagne, devaient vous porter à leur accorder une indemité, vous devez, à plus forte raison, ne point la refuser au prince de Monaco, lorsqu’il y a en sa faveur, non pas seulement desconsidërations d’équité, mais des obligations de justice, mais des engagements solennels. On vous a dit, Messieurs, que M. le prince de Monaco n’a rien donné à la France qui ne fût susceptible de restitution : je demande si ce n’est avoir rien donné à la France que de lui avoir donné la disposition d’une place forte et d’un très bon port dans la Méditerranée. J’invite ceux qui font cette objection à lire tous les historiens du temps. Ils y verront que la possession de Monaco dans les circonstances où cette ville a été cédée à la France, a élé considérée comme un avantage très considérable. Ils y verront que, lorsque la France prit possession de Monaco, il n’est point d’offres que le roi d’Espagne n’ait faite au prince de Monaco pour rentrer sous sa protection. Or, je demande si, dans le moment où vous conservez encore la place à votre disposition, si lorsque le prince de Monaco exécute de son côté le traité de Pérou ne, il est delà justice de résoudre de votre part les engagements qui sont le prix de la concession qu’il vous a faite. M. le Président. Je consulte une troisième fois l’Assemblée sur la question préalable proposée contre la demande d’ajournement du projet de décret des comités. (L’épreuve est encore douteuse.) M. le Président. Il y a du doute ; on va faire l’appel nominal. M. Babey. Dans le doute, on doit ajpurner ; le règlement le dit et il ne vous est pas permis, Monsieur le Président, de prononcer contre l’ajournement. M. le Président. Le règlement dit que lorsqu’il y a du doute, on passera à l’appel nominal. A l'extrême gauche : Non pas ! non pas! M. le Président. Voici comme je pose la question: « Ya-t-il lieu à l’ajournement ou n’y a-t-il pas lieu? » Ceux qui seront de l’avis de l'ajournement diT ront oui ; ceux qui n’eu seront pas d’avis diront non. M. Rewbell. Je demande que l’on décide auparavant si la séance sera levée aussitôt après l’appel nominal. (L’Assemblée, consultée, décide l’affirmative et passe à l’appel nominal.) M. le Président. Le résultat de l’appel nomi- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 septembre 1791.] 423 nal est 149 voix pour le none 1 117 pour le oui. En conséquence, l’Assemblée nationale décrète qu’il n’y a pas lieu à ajourner l’affaire de Monaco à la prochaine législature. M. le Président lève la séance à 9 heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. THOURET. Séance dumercred%2\ septembre \1�\, au matin (\). La séance est ouverte à 9 heures du matin. M. Christin, au nom . du comité des domaines , rend compte de l’examen fait par le comité, conformément à l’article 29 de la loi du 1er décembre 1790, sur la législation domaniale, d’un bail de plusieurs domaines nationaux, passé au mépris de toutes les formes, sous le ministère du sieur Galonné, et contenant lésion de près de moitié au préjudice delà nation; il propose en conséquence un projet de décret qui est mis aux voix dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale, après avoir ouï le rapport de son comité des domaines, décrète que le bail des domaines et droits domaniaux de Sedan, Raucourt, Saint-Mauger, Château-Renault et Mo-hon, et des ci-devant prévôtés de Montmédy, Marvelle, Danvillers et Chauvancy-le-Ghâteau ; des domaines de Mouzon, Beaumont, l’Eau ne, la Besace et dépendances, fait au profit du sieur Husson, ci-devant subdélégué de l’intendance de Metz, par arrêt du conseil du 18 mai 1784, pour le prix annuel de 75,000 livres, et pour le temps de 12 années, qui ont commencé au 1er janvier 1787, sera résilié et révoqué à compter du 1er janvier prochain, époque à laquelle la régie des domaines nationaux rentrera en jouissance desdits domaines nationaux, et les fera régir et administrer au profit de la nation, jusqu’à ce qu’il ait été procédé à leur vente conformément aux décrets de l’Assemblée nationale; remettra ledit sieur Husson à ladite régie tous les titres, reconnaissances et papiers concernant les biens qui sont dans sa main. » (Ge décret est adopté.) Un membre du comité ecclésiastique fait un rapport relatif à la circonscription de plusieurs paroisses dans les départements du Puy-de-Dôme, de la Charente, de Maine-et-Loire, de l’Aube, duPasa de-Galais, de l’Aisne, de la Corrèze, de Seine-et-Oise, de la Meuse et de l’Oise, et propose à cet égard divers projets de décret qui sont mis aux voix dans les termes suivants : 1° Décret relatif à la circonscription des paroisses du district de Besse ( Puy-de-Dôme ). 6 L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport qui lui a été fait par sou comité ecclésiastique ; « De l’arrêté pris le 3 juin dernier par le directoire du département du Puy-de-Dôme, de concert avec l’évêque de ce département, sur le projet de circonscription des paroisses du district de Besse, proposé le 29 mai précédent par le directoire de ce district, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Les paroisses du district de Besse, département du Puy-de-Dôme, sont réduites au nombre de 26, ainsi qu’il suit : t Avèze et Bains. « Bagnols, qui conservera son ancien territoire à l’exception des villages de Peu, Jouvion et Bertinet, réunis à la paroisse de Saint-Donnat, et ceux de Fouillât, Bourbontout, La Goste et Limberteix, réunis à Cros-la-Tartière. « Besse, qui comprendra, outre son ancien territoire, la Fabrie, hameau, distrait de Saint-Anas-tèze, et le village de Montredon, distrait de Saint-Victor, et qui continuera d’avoir un oratoire à Vassivières. « Ghambon, qui conservera son ancien territoire, à l’exception du village de Beaune, réuni à Murol. « Ghartreix. « Gompains, qui conservera son ancien territoire, sauf les parties qui en sont distraites pour être réunies à Église-Neuve. « Gourgoul. « Cros-la-Tartière, qui réunira à son ancien territoire les villages de Bourbontout, Fouillât, La Goste et Limberteix. « Eglise-Neuve, qui réunira à son ancien territoire les villages de Gruffandeix, Grands-Jounes, Maudeyres, Espinat et Redondel, ainsi que les vacheries et montagnes de Ghabagnol, et Cham-bedaze, le tout distrait de la paroisse de Gompains. « Espinchal auquel est réunie comme succur-s;i le la paroisse de Godivel le. « Murol, qui comprendra tous les objets dont la réunion est proposée par l’arrêté susdaté du directoire du département. « Picherande, Rodde (la) et Singles. « Saint-Anastèze, qui conservera son ancien territoire, excepté ce qui en a été distrait pour être réuni à Besse. « Saint-Diéry, qui conservera son ancien territoire, sauf les parties qui en seront détachées ci-après, pour être réunies à la paroisse deSaint-Pierre-Golamines. « Saint-Donnat, qui comprendra, outre son ancien territoire, les villages de Peu, Jouvion et Bertinet, distraits de Bagnols. « Saint-Geoest-Ghampespe. « Saint-Nectaire, qui conservera son ancien territoire, sauf les parties qui en sont détachées par l’arrêté susdaté. La paroisse de Saillant est réunie à celle de Saint-Nectaire. « Saint-Pardoux, qui continuera d’avoir Un oratoire à la Tour. « Saint-Pierre-Colamines, qui continuera d’avoir un oratoire à Long-Prat, et qui réunira à son ancien territoire le village du Mont, et le hameau de Laborie, distraits de Saint-Diéry. « Saint-Victor, qui conservera son ancien territoire, à l’exception du village de Mont-Redon, réuni à Besse. « Tauves, auquel est réunie la paroisse de Saint-Gai. « Tremouille, Saint-Loup, auquel seront réunies les paroisses de la Besset, comme succursale, et de Beaulieu, dont le territoire sera compris dans le territoire de cette succursale. Valbeleix. Art. 2. « Il sera envoyé, les dimanches et fêtes, par les curés respectifs, un de leurs vicaires, dans (1) Cette séance est incomplète au Moniteur .