ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 juillet 17904 466 [Assemblée nationale.] • sion des grandes places, des pensions et des abus, sera désormais l’unique ressource des enfants de vos rois. Vos commissaires doivent encore vous rappeler que le Luxembourg et le Palais-Royal font partie des apanages réels de Monsieur et de la branche d’Orléans. Ils ne peuvent se persuader que vous vous déterminiez à les envelopper dans la suppression projetée, ni même à réduire, en cette considération, la rente apanagère que vous allez fixer. Philippe-Charles de France, chef de la branche d’Artois, n’a point d’habitation à titre d’apanage; mais la nation a, dans le sein même de la capitale, tant de bâtiments vastes et somptueux à sa disposition, qu’elle peut encore faire au frère d’un roi chéri ce nouveau sacrifice. D’après ces considérations, vos commissaires réunis vous proposent le projet de décret suivant : Projet de décret. L’Assemblée nationale, considérant que les décrets qui ordonnent l’aliénation des portions les plus intéressantes du domaine public, sont sur le point de recevoir leur exécution ; que, danse*- nouvel ordre de choses, il ne pourra plus être conr-cédé à l’avenir d’apanages réels; que pour donner à ces décrets une plus ample exécution, et pour établir l’uniformité qui doit régner entre toutes les parties de la même administration, il est indispensable d’ordonner la suppression des apanages anciennement concédés; que cette suppression ne peut être injuste, puisque les concessions obtenues par les apanagistes, ne leur ont transmis aucun droit de propriétaire, ni même d’usufruit; qu’elles ne contiennent qu’une simple cession de fruits, dont l’effet doit cesser, dès que la nation, toujours libre de choisir entre différents modes de paiement, profère s’acquitter d’une autre manière ; considérant enfin, que la composition respective des apanages actuels est d’ailleurs vicieuse et illégale, en ce qu’elle a eu pour base des évaluations arbitraires et évidemment frauduleuses, et qu’on y a compris plusieurs branches de. revenu que leur nature et la disposition des luis ne permettaient pas d’y faire entrer; après avoir entendu ses comités des domaines, des finances et des impositions, a décrété et décrète ce qui suit : Art. 1er. Il ne sera concédé à l’avenir aucuns apanages réels; les fils puînés de France serout élevés et entretenus aux dépens de la liste civile, jusqu’à ce qu’ils se marient, ou qu’i s aient atteint l’âge de vingt-cinq ans accomplis : alors il leur sera assigné, sur le Trésor national, des rentes apauagères, dont la quotité sera déterminée, à chaque époque, par la législature en activité. Art. 2. Toutes concessions d’apanages anié-rieures à ce jour sont et demeurent révoquées par le présent décret. Défenses sont faites aux princes apanagistes, à leurs officiers, agents ou régisseurs, de se maintenir ou continuer de s'im miscer dans la 'jouissance des biens et droits compris auxdites concessions, au delà des termes qui vont être fixés par les articles suivants. Art. 3. La présente révocation aura son effet à l’instant même de la publication du présent décret, pour tous les droits ci-devant dits régaliens, ou qui participent de la nature de l’impôt, comme droits d’aides et autres y joiuts; contrôle, insinuation, centième denier, droits de nomination et de casualité des offices, amendes, confiscations greffes et sceaux, et tous autres droits semblables dont les concessionnaires jouissent à titre d’apanage, d’engagement, d’abonnement ou de concession gratuite, sur quelques objets ou territoires qu’ils les exercent. Art. 4. Les droits utiles mentionnés dans l’article précédent seront, à l’instant même, réunis aux finances nationales, et dès lors ils seront administrés, régis et perçus selon leur nature, par les commis, agents et préposés de compagnies établies par l’administration actuelle, dans la même forme, et à la charge de la même comptabilité que ceux dont la perception, régie et administration leur est respectivement confiée. Art. 5. Les apanagistescontinueront de jouir des domaines et droits fonciers compris dans leurs apanages, jusqu’au mois de janvier 1791 ; ils pourront même faire couper et exploiter à leur profit, dans les délais ordinaires, les portions de bois et futaies dûment aménagées, et dont les coupes étaient affectées à l’année présente parleurs lettres de concession, et par les évaluations faites en conséquence; en se conformant par eux aux procès-verbaux d’aménagement, et aux ordonnances et règlementsintervenussurle faitdes eaux etforêts. Art. 6. Il sera payé tous les ans, à partir du 1er janvier 1791, par le Trésor national, à chacun des trois princes dont les apanages sont supprimés, tant à titre de remplacement que d’indemnité, si aucune leur est due, une rente apanagère d’un million pour chacun d’eux. Art. 7. Après le décès des princes apanagistes, les rentes apauagères, créées par le présent décret, ou eu vertu d’icelui, seront payées à l’aîné, chef de la branche masculine, issue du premier concessionnaire, quitte de toutes charges, dettes ou hypothèques autres que le douaire viager dû aux veuves de leurs prédécesseurs, auquel ladite rente pourra être affectée jusqu’à concurrence de la moitié d’icelle, et ainsi de suite, d’aînés en aînés, jusqu’au cas prévu par l’article suivant. Art. 8. A l’extiiiciiou de la postérité masculine du premier concessionnaire, fa rente apanagère sera éteinte au profit du Trésor national, sans autre affectation que de la moitié d’icelle audit douaire viager tant qu’il aura cours, suivant la disposition de l'article précédent. Art. 9. Les fils puînés de France et leurs enfants et descendants ne pourront, en aucun cas, rien prétendre ni réclamera titre héréditaire dans l> s biens meubles ou immeubles réclamés par le roi, la reine et l’héritier présomptif de la couronne (1). Art. 10. Les baux à ferme ou à loyer des domaines, et droits réels compris aux apanages supprimés, ayant une date antérieure de six mois au moins au présent décret, seront exécutés selon leur forme et teneur; mais les fermages et loyers seront payés à l’avenir aux trésoriers des districts de la situation des objets compris en iceux, déduction faite de ce qui sera dû à l’apanagiste sur l’année courante, d’après la disposition de l’article 5. Art. 11. Les biens et objets non affermés seront régis et administres comme les biens nationaux retirés des mains des ecclésiastiques. Art. 12. Les décrets relatifs à la vente des biens (1) On faisait autrefois renoncer l’apanagiste aux successions ; cette formule était vicieuse : on ne succède point à des personnes qui ne possèdent rien eD propre, parce que l’existence politique a fait cesser pour elles l’existence civile. [Assemblée nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 juillet 1790. nationaux s’étendront et seront appliqués à ceux compris dans les apanages supprimés. Art. 13. Le palais d’Orléans ou du Luxembourg et le Palais-Royal sont exceptés de la révocation d’apanage prononcée par le présent décret ; les deux princes auxquels la jouissance en a été concédée, et les aînés mâles, chefs de leurs postérités respectives, continueront d’en jouir au même titre et aux mêmes conditions que jusqu’à ce jour, Art. 14. Il sera avisé aux moyens de fournir, quand les circonstances le permettront, une habitation convenable à Charles-Philippe de France, second frère du roi, pour lui et pour les aînés chefs de sa branche, qui en auront la jouissance au même titre d’apanage, à la charge de réversion au domaine national aux cas de droit (1). Art. 15. Les acquisitions faites par les princes apanagistes dans l’étendue des domaines dont ils avaient la jouissance, par retrait féodal ou cen-suel, confiscation, déshérence ou bâtardise, ou même à titre de réunion ou de retour au domaine moyennant finance, seront réputés engagements, et seront, à ce titre, perpétuellement rachetables. CINQUIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 31 JUILLET 1790. Observations du comité des domaines sur les apanages des princes . Le comité des domaines n’entrera pas dans le détail des différentes lois relatives aux apanages des princesni dans �développement des principes sur cette matière. Il croit les avoir suffisamment établis par son rapport imprimé: il se bornera, en conséquence, à quelques observations sommaires, pour passer ensuite à l’état des biens de différentes espèces, qui composent les apanages des trois princes et à celui de leur produit. Les apanages furent fixés, jusqu’en 1630, à 100,000 livres de revenu; celui de Gaston, frère de Louis XIII, formé en 1626, fut déterminé à cette somme comme les précédents; mais, par des lettres patentes du mois de janvier 1630, Louis XIII doubla cet apanage, et le porta à 200,000 livresen joignant, à cet effet, le duché de Valois à celui d’Orléans, qu’il avait à ce titre. Après la mort du roi, Gaston, lieutenant général du royaume en 1645, par autres lettres patentes, se fit accorder par supplément la baronnie d’Am-boise, avec ses appartenances et dépendances; enfin, par d’autres lettres patentes, il se fit encore donner, au même titre, les droits d’aides des (1) Dans la séance du 1er août 1790, on a parlé des dettes personnelles de M. le comte d’Artois, qui, par d’anciens arrangements, se trouvent être à la charge de l’État, et on a supposé que ces dettes doivent être prises en considération, lorsqu’il s’agira de remplacer son apanage. Nous pensons, au contraire, qù’on ne doit s’en occuper qu’en réglant son traitement particulier : te traitement le regarde seul ; l’apanage au contraire intéresse toute sa postérité, à qui il doit être transmis libre de toutes charges. Il ne peut donc souffrir aucun retranchement à raison des dissipations personnelles. élections d’Orléans, Blois, Romorautin, Pithiviers, Montargis et Chartres. Il paraît qde c’est le premier exemple d’uu abus aussi intolérable, que celui de disposer ainsi de l’impôt p rçu sur les peuples, et uniquement destiné aux charges de l’Eiat, pour en former les apanages; mais Gaston, qui le premier l’a introduit, avait profité de l’autorité que lui donnait sa place de lieutenant général du royaume, pour le faire; et au lieu de réformer cet abus, au moins à l’extinction de la ligne masculine de Gaston, on l’a perpétué en ajoutant ces mêmes droits à l’apanage de Monsieur, frère de LouisXIV ; en sorte qu’ils font encore aujourd’hui partie de i’apanage de M. d’Orléans, qui en jouit à ce titre. Louis XIII avait, en outre, permis à Gaston, lors des premières concessions de fonds et droits pour former son apanage, de racheter, si bon lui semblait, à son profit, tous les domaines engagés dans l’étendue de ceux qui lui étaient abandonnés à titre d’apanage, à la charge de rembourser, eu un seul et parfait paiement, les engagistes du montant des finances de leurs engagements. La première trace d’un pareil droit accordé aux puînés des rois se trouve dans la déclaration de François 1er, du 26 mars 1543, donnée eu faveur de Charles, duc d’Orléans, son fils, qui profita de la circonstance de la recherche ordonnée par le roi François Ier, de tous les domaines aliénés, afin de les réunir, pour obtenir la permission de faire cette recherche à son profit particulier dans son apanage. Par cette déclaration de 1543, le roi François Ier accorda au duc d’Orléans, son fils, la faculté de retirer les domaines engagés, dans toute l’étendue de son apanage, pour lesdits domaines, y être réunis, et en jouir par lui et ses successeurs mâles; lequel apanage éteint et révolu, lesdits biens retirés rètourneraiimt au domaine et à la couronne, en remboursant toutefois, par le roi, les héritiers du prince, qui, par la couturée et la loi du royaume, ne pouvaient succédejr a l’apanage, du juste prix qui serait prouvé avoir été payé pour le rachat desdits domaines. Depuis l’apanage de Gaston, cette permission a toujours été insérée dans tous les édits d’apanage; elle ne peut être néanmoins regardée comme faisant partie de leur essence; en sorte que les princes apanagistes ne peuvent juuir de cette espèce de biens réunis, comme de ceux de leurs apanages, mais comme en jouissaient les précédentsengagisles, aux droits desquels ils succèdent seulement. Us ne peuvent, en conséquence, disposer des arbres sur taillis ni des baliveaux; cependant, par un abus manifeste, et sur le faux système que les fonds engagés, une fois réu ms par le rachat à ceux de l’apanage, sont de même nature et doivent être regardés comme apanages, ih se permettent de couper la futaie, arbres et baliveaux sur taillis. Il y a même plus : ils s’attribuent les droits seigneuriaux, réservés au roi par l’édit de 1771, parce qu’ils en jouissent dans leur apanage. Ils se dispensent du paiement des rentes d’engagement, qu’ils regardent comme amorties à leur profit, par la réunion qu’ils opèreut de l’objet engagé à cet apanage au moyen du rachat. C’est ce qu’a fait M. d Orléans, à l’égard du domaine engagé de Montcornet, pour lequel l’en-gagiste payait une rente de 1,000 livres en vertu de l’édit de 1771 ; M. d’Orléans s’est cru dispensé