[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 juillet 1790.] 3§K M. Arthur Dillon fait un rapport sur l’affaire du régiment de la Guadeloupe, qui était en garnison àTabago et dont une parlie est encore détenue au Havre. Il s’est informé au ministère de la marine pourquoi on avait fait renvoyer 60 de ces soldats avec des cartouches jaunes. Le ministre lui a répondu que c’était parce que la ville du Havre ne voulait pas les garder, et qu’on ne pouvait pas créer un conseil de guerre, jusqu’à ce que l’Assemblée nationale aitorganisë l’armée. Il annonce l’arrivée en France de cinq officiers de ce régiment, qui ont été sous le couteau de leurs soldats à Tabago ; il lit ensuite une adresse du reste des soldats du régiment de la Guadeloupe qui sont dans les colonies. Ils demandaient qu’on ne laissât point leurs drapeaux entre des mains souillées de crimes. « Nous bas-officiers, grenadiers, chasseurs et fusiliers du régiment de la Guadeloupe, sommes pénétrés de la plus vive douleur de la manière honteuse avec laquelle le détachement de Tabago s’est comporté en maltraitant nos chefs qui étaient les leurs , et en enlevant notre drapeau qui nous avait été confié et que nous avions fait le serment de ne jamais abandonner. Ges malheureux ont foulé aux pieds tous sentiments d’honneur et, de plus, cherchent à déshonorer notre régiment qui, depuis 18 ans qu’il est formé, s’est toujours comporté, tant en campagne qu’en garnison, avec une conduite irréprochable. Tous, d’un commun accord, nous vous prions de vouloir bien faire punir tous ces scélérats, indignes de voir le jour. Nous vous supplions encore d’avoir égard à ce que notre drapeau est souillé par des mains aussi infâmes, et de vouloir bien demander au roi qu’il nous en soit envoyé un autre.» M. Barnave. Toutes les préventions sont réunies contre ces soldats; ils sont dénoncés par les habitants de Tabago, par l’état-major et même par leurs camarades : les faits sont graves, et quel que soit le résultat de vos délibérations, il est certain qu’il faut un jugement. Si ces soldats sont coupables, ils doivent être punis; s’ils ne le sont pas, ils ne peuvent être licenciés. La conduite du pouvoir exécutif est donc irrégulière, l’Assemblée ne peut, dans ce moment, fermer les yeux sur un pareil abus; sans cela, la dépendance de l’armée ne serait que le plus vil esclavage. Voici le décret que je propose sur cet objet : « L’Assemblée nationale renvoie l’examen des faits qui lui ont été dénoncés, concernant le détachement du régiment de la Guadeloupe, nouvellement arrivé de Tabago, aux comités militaire et des colonies réunis, pour en faire le rapport à l’Assemblée nationale ; décrète, en conséquence, que le ministre de la marine sera tenu de donner à ces comités tous les renseignements et communications de pièces nécessaires pour la connaissance de cette affaire. » (Le décret est adopté.) M. Boullé, membre du comité des rapports , fait un rapport sur une difficulté survenue à propos des bancs d’une église , à Saint-Hippolyte , district du Mur de Barrés, département de l'Aveyron. Plusieurs propriétaires, dit le rapporteur, avaient des bancs dans l’église de ce village. Le peuple demanda qu’on les en ôtât. Tous les propriétaires y consentirent. Cependant, au moment où on les enlevait, quelques personnes réclamèrent pour celui d’un particulier. Gomme cette oppo-i* Série. T. XVII. sition avait fomenté quelques troubles, la municipalité rendit une ordonnance qui décidait l’enlèvement provisoire de tous les bancs. Cette précaution sage avait rétabli la paix. Le propriétaire du banc que l’on avait voulu conserver porta plainte au bailliage de Villefranche qui cassa l’ordonnance de la municipalité et ordonna que les bancs seraient replacés par la municipalité aux dépens du procureur-syndic. Le comité des rapports a pensé que la municipalité ne pouvait être intimée sur l’appel d’une de ses sentences; en conséquence, nous vous proposons le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, considérant que l’ordonnance de la municipalité de Saint-Hippolyte au district du Mur de Barrés, département de l’Aveyron, en date du 11 avril dernier, présente, indépendamment des circonstances par lesquelles elle fut déterminée, un de ces objets d’administration et de police générale qui ont été confiés aux municipalités, et dans lesquels elles ne peuvent être troublées par aucun acte du pouvoir judiciaire; que, d’ailleurs, ni la municipalité, ni le procureur de la commune ne pouvaient être intimés sur l’appel de cette ordonnance qui a été portée au bailliage de Villefranche, ni condamnés personnellement par le jugement qui l’a réformée; « Décrète que le jugement rendu par le bailliage de Villefranche, le 15 juin dernier, sera considéré comme non-avenu, sauf à ceux qui se trouveraient lésés par l’ordonnance de la municipalité de Saint-Hippolyte, du 11 avril précédent, à se pourvoir, s’ils le jugent convenable, par-devant les assemblées administratives supérieures, ou à exercer autrement les droits que cette ordonnance leur a réservés. » Un membre dit que la démarcation des pouvoirs des municipalités n’étant pas suffisamment tracée, il y a lieu de renvoyer cette affaire au comité de Constitution. M. Devillas. Les fonctions de la marguillerie sont distinctes de celles de la municipalité. Gomme les officiers municipaux ne peuvent exercer aucune influence sur la marguillerie, je conclus qu’il n’y a pas lieu à délibérer. M. Garat l'alné. Je crois que l’Assemblée perd son temps et beaucoup de sa dignité en s’établissant ainsi tribunal d’appel d’une infinité de causes particulières. Je ne m’oppose cependant pas au renvoi au comité de Constitution pour y dormir à jamais, comme toutes les affaires qui ressemblent à celle-là. J’ajoute, pour plus de sûreté, qu’on peut renvoyer également au comité ecclésiastique. M. Mougïns. Je dois rappeler que l’Assemblée nationale est dépositaire du pouvoir législatif et non celui de juger des contestations entre des particuliers ou des communautés. Je demande la question préalable sur le projet de décret du comité des rapports. (La question préalable est mise aux voix et adoptée. ) (La séance est levée à neuf heures et demie.) 2d