[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES I nivôse an il 509 1 31 décembre 1793 Elle t'a reconnu innocent, et en s’applaudissant d’avoir cédé au premier mouvement de la sen¬ sibilité, elle t’a définitivement rendu la liberté. Ta peine fut grande, citoyen, ton triomphe aussi •est complet. Le malheur devient souvent pour 'homme de bien une source intarissable de jouissances délicieuses. Ton cœur est fait pour connaître ces jouissances; on le lit sur ton front, où la candeur et la probité sont peintes. Va, sois libre et longtemps heureux; adore ta patrie; vis et sache mourir s’il le faut pour elle; aime et sers tes semblables, chéris tes enfants, Ce sont là les vertus qui constituent le vrai républi-ciain. Et toi, ministre juste et humain, qui as voulu présenter ton frère aux représentants du peuple, reçois les justes remerciements de la Convention nationale. Sous la domination contre nature d’un roi, ni toi, ni ce brave homme n’eussiez été entendus; car la voix du malheureux n’eut jamais le droit d’arriver jusqu’au trône; le crime seul y avait accès. Mais sous le gouvernement populaire, les portes du Sénat et les cœurs des législateurs vous sont également ouverts. Puissent les peuples de tous les pays sentir bientôt cette différence ! Et se pénétrant enfin du sentiment de leur dignité et de leur puissance, se délivrer à jamais des tyrans, des imposteurs et remettre pour toujours la balance de la justice entre les mains de la vertu. (On applaudit à plusieurs reprises.) Gaudon et sa famille entrent dans la salle au milieu des applaudissements universels. Un membre [Louis Roux] (1), représentant du peuple dans le département de l’Aisne, dépose sur le bureau une somme de 3,400 livres en assi¬ gnats, qui lui a été remise par le citoyen Bar-*din, sans-culotte de Paris. Cette somme avait été donnée au citoyen Bardin par Pardieu, alors détenu comme sus¬ pect à Laon, pour salaire d’une pétition que ledit Pardieu l’avait chargé de rédiger. Le citoyen Bardin a cru voir dans la généro¬ sité de Pardieu un piège tendu à son patriotisme et à sa probité; en conséquence, il en fait don à la République. Sur la motion d’un membre, la Convention 'décrète la mention honorable du citoyen Bardin, et l’insertion du rapport au « Bulletin »; décrète en outre que ladite somme de 3,400 livres sera renvoyée au citoyen Bardin. Le même membre annonce qu’il a été trouvé, sur la dénonciation du comité de surveillance de la Société populaire de Laon, dans les lieux secrets de la maison de Marquette, ci-devant conseiller au ci-devant Parlement de Paris, une ■somme de 17?, 000 livres en numéraire et 187 marcs d’argenterie. •(]) D’aprcs le Mercure universel. Il demande qu’il soit accordé sur ladite somme, celle de 12,000 livres à la Société populaire de Laon, pour servir aux réparations à faire dans le local où elle se propose de tenir ses séances. Mention honorable, insertion au « Bulletin » et renvoi au comité de Salut public (1). Compte rendu du Mercure universel (2). Louis Roux. De retour de ma mission dans les départements de l’Aisne et environnants, dans les recherches que l’on a faites, l’on est venu à bout de découvrir des sommes assez considéra¬ bles, appartenant à des émigrés. L’on a trouvé (1) Procès-verbaux de la Convention, t, 28, p. 187. (2) Mercure universel, [12 nivôse an II (mercredi 1er janvier 1794), p. 188, col. 2]. D’autre part, le Journal de Perle l [n° 466 du 12 nivôse an II (mer¬ credi l" janvier 1794), p. 250] et les Annales patriotiques et littéraires [n° 365 du 12 nivôse an II (mercredi 1er janvier 1794), p. 1646, col. 1] rendent compte de la mission de Roux dans les termes sui¬ vants : I. Compte rendu du Journal de Perlet. Roux et Lejeune, son collègue, de retour de leqr mission dans le département de l’Aisne, rendent compte de tout ce qu’ils ont fait, tant pour répu* ration des autorités constituées que pour l’amé¬ lioration de l’esprit public. Neuf cents et quelques personnes suspectes ont été arrêtées, parmi lesquelles on distingue Sainte-Foy, un certain chevalier Saint-Georges, un fils naturel d’un Capot et le ci-devant comte de Pardieu, ex-constituant. 11.000 marcs d’argenterie, provenant des églises, sont en roule pour la Monnaie, ainsi que 200.000 livres environ en numéraire, trouvées dans des dépôts cachés. Les principaux personnages arrêtés doivent être en ce moment dans les prisons de l’Abbaye. Un professeur de rhétorique à Paris, à qui l’un des conspirateurs ci-dessus nommés avait offert 3.000 livres pour rédiger une pétition en sa faveur : « Craignant, a-t-il dit, que quelque autre moins dé¬ licat que lui n’acceptât cette somme s’il là refusait », s’est hâté de l’accepter lui-même et do la porter aux représentants en leur énonçant le fait. Ce pro¬ fesseur est indigent; scs talents, tournés vers l’édu¬ cation publique, ne peuvent lui procurer les moyens d’exister. La Convention, applaudissant à sa conduite, décrète que la somme par lui remise aux repré¬ sentants, lui sera donnée à titre de gratification. II. Compte rendu des Annales patriotiques et littéraires. Roux, de retour de sa mission du département de l’Aisne, expose que diverses sommes en numéraire ont été trouvées cachées chez plusieurs particuliers, notamment chez un ci-devant conseiller au Parle¬ ment de Paris; l’on y a découvert, dans des haillons, 177.000 livres en numéraire et 187 marcs d’argen¬ terie placés derrière des armoires : les gens suspects, plus de neuf cents, ont été mis en arrestation. De ce nombre, sont un fils naturel de Capet, un nommé Proly et l’ ex-constituant Pardieu, qui tous sont à l’Abbaye. Ce dernier a offert 3,400 livres à un sans-culotte, afin de le corrompre; mais ce citoyen les a déposées dans les mains des représentants, et l’Assemblée décrète que cette somme sera remise au sans-culotte incorruptible. 510 (Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { �cîmb?e «93 100,000 livres appartenant à tin ci-devant curé ; plus 23,800 livres dans une autre maison; 177,000 livres en numéraire cachées dans des haillons; et 187 marcs d’argenterie trouvés derrière des armoires chez un ci-devant con¬ seiller du Parlement de Paris. Ce sont des patriotes de la Société populaire, accompagnés des membres du comité de surveillance qui ont fait ces découvertes. Divers dons nous ont été faits par de bons citoyens. 32 croix de Saint-Louis et une de Saint-Lazare nous ont été remises. Nous avons fait arrêter les gens suspects et 900 et quelques personnes ont été incarcérées dans le département de l’Aisne. De ce nombre sont un chevalier de Saint-Georges, un nommé Proly et un enfant naturel de Capet, nous les avons fait venir à l’Abbaye. Le comte de Pardieu, maire de Saint-Quentin a été traduit dans les maisons d’arrestation, où il a tenté les moyens de corruption pour s’évader. Il sollicita un bon sans-culotte de lui faire faire une péti¬ tion; elle nous fut présentée, et il offrit ensuite une somme de 3,400 livres que voilà à ce bon sans-culotte; c’est un professeur de rhétorique nommé Bardin, mais incorruptible; il nous a remis cette somme; il n’a de riohesse que sa probité, ses mœurs et ses talents ; il a une femme ; il est âgé, sans état. Je demande que la somme déposée lui soit accordée à titre de gratification. (Adopté.) Nous avons fait traduire Pardieu dans les prisons de l’Abbaye. La citoyenne Élisabeth-Marie Lagrange, de la commune de Ville-Donnée, offre sur l’autel de la patrie la somme de 362 liv. 6 d., montant de trois années d’arrérages de deux rentes viagères qu’elle a sur le Trésor national. Elle fait don aussi du capital de ces deux rentes, et demande que la Convention en dispose en faveur des veuves des défenseurs de la patrie. La Convention accepte les dons de la citoyenne Lagrange, en ordonne mention honorable et l’insertion au « Bulletin » (1). Suit la lettre de la citoyenne Marie Lagrange (2). « 2e décade, 2e mois de l’an II de la Répu¬ blique. « J’ai reçu, citoyens, la lettre que vous m’avez fait le plaisir de mécrire au sujet de ma pension. Voua n’ignorez pas la résolution dans laquelle je suis d’en faire un don à l’autel de la patrie pour le soulagement des pauvres femmes qui ont perdu leurs maris dans cette guerre. Nos représentants savent mieux que moi en faire le bon usage qu’il conviendra. Vous savez que je ne suis pas sortie d’Issy, que j’ai donné dans, le, temps les contributions patriotiques, même» sans retenue, que j’ai payé tous les impôts, je suis en règle. Mais je serai encore plu» contente si le don que je fais me mérite mention honorable. Ne perde* donc pas un moment, citoyens, à porter tous les papiers qui' concernent cette petite pension et je supplie seulement que vous receviez les hono¬ raires qui vous sont dus. J’attends avec impa¬ tience votre réponse et que vous m’appreniez si l’on a accepté mon offrande. Je ne vous ai pas écrit parce que j’ai eu la maladresse de me laisser tomber depuis du temps; j’ai beaucoup souffert et cela me met hors d’état de faire la moindre chose; le mieux qui puisse m’en rester sera d’être boiteuse. « Je suis très parfaitement, citoyens, votre servante. v Lagrange. » Direction générale de la liquidation. Reconnaissance de liquidation. Mente viagère provenant d’arrérages de pension, anciens et non payés (1). Nous soussigné, Louis-César-Alexandre Du¬ fresne-Saint-Léon, directeur général de la liquidation, reconnaissons qu’en éxécution de l’article 7 de la loi dn 25 février 1791, M110 Eli¬ sabeth-Marie de Lagrange de Villedonné, née le seize avril mil sept cent quatorze, nous a représenté l’original en parchemin d’nn brevet de pension expédié à son profit le premier oc¬ tobre mil sept cent soixante-dix-neuf, timbré : département de la guerre, numéroté 17472, signé Louis, et contresigné le prince de Montbarey lequel brevet porte qu’il sera payé annuellement à ladite susnommée la somme de dix-huit livres pour l’intérêt viager d’anciens arrérages de pension accumulés à elle dus ; ledit intérêt montant, déduction faite des retenues y énoncées, à la somme de quinze livres dix-nenf sols six deniers lesquels rente ou intérêts viagers sont dus séparément de la pension mentionnée audit brevet. En conséquence, en vertu de la loi susénoncée, nous déclarons que ladite susnommée est pro¬ priétaire de quinze livres dix-neuf sols six de¬ niers de rente annuelle et viagère, dont les arrérages lui seront payés par les payeurs des rentes dues par l’Etat, de six en six mois, aux premier janvier et juillet de chaque année, jusqu’au décès de la susnommée lors duquel ladite rente viagère demeurera éteinte et amortie. Pour jouir de ladite rente viagère de quinze livres dix-neuf sols six deniers à compter du premier janvier mil sept cent quatre-vingt-onze depuis laquelle époque les arrérages sont du». A l’effet de quoi nous avons délivré la présente reconnaissance pour servir de titre de ladite rente viagère, après en avoir fait mention sur l’original dudit brevet à nous présenté. Fait à Paris, à la direction générale de la liquidation, le vingt-deux août mil sept cent quatre-vingt-douze. Dufresne-Saint -Léon. H est dû à la citoyenne Lagrange de sa pension de 104 liv. 14 ». les années 1791, 1792, 1793, et trois années d’arrérages de la rente viagère de 15 liv. 19 s. 6 d. fil, Procès-verbaux de ta Convention, t. 28„ p. 188. (2) Archives nationales , carton G 287', dossier 867, pièce 22. (1) Archives nationales, carton G 287, dossier 867, pièce 24.