41 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 juin 1790.] la loi martiale : les suites de cette rigueur nécessaire sont très affligeantes , puisque quatre hommes ont été tués et plus de quarante dangereusement blessés ..... Des brigands se sont répandus dans les campagnes, et ils investissent dans ce moment la ville de Decize ..... Le comité des recherches est instruit que de grands excès ont été aussi commis dans le Limousin : des paysans excités ont demandé que les grains fussent fixés à un prix très inférieur à leur valeur réelle : ils ont eux-mêmes diminué ce prix, et ont menacé de mort ceux qui ne vendraient pas le seigle et les autres grains conformément à leur détermination. Le projet de rentrer dans les biens vacants adjugés aux seigneurs depuis 120 ans est un des articles de leur règlement. On doit des éloges à la conduite du régiment de Royal-Navarre, qui a rendu les services les plus importants pour le rétablissement de la paix. Tous les excès ne résultent pas d’une insurrection subite ; mais les peuples sont excités par des manœuvres perfides. Dans les mois de mars et d’avril, on a publié dans les campagnes de faux décrets de l’Assemblée nationale, dans lesquels on donne l’ordre de ne payer le pain qu’un sou la livre... On a vu des paysans éplorés' se porter dans les églises, en disant qu’ils venaient remercier Dieu de n’avoir pas commis les meurtres qui leur avaient été commandés. On a trouvé dans la poche d’un paysan tué, lors de la publication de la loi martiale, 66 liv. et un billet de 7 louis. Tels sont les maux qui ont affligé les départements du Cher, de l’Ailier, de la Nièvre et de la Corrèze. Ces excès vous ont été dénoncés plusieurs fois, et en dernier lieu les députés de la commune de Tulle vous ont présenté un mémoire ( Voy . cette pièce annexée à la séance de ce jour) qui ne laisse subsister aucun doute sur l’étendue du mal qui afflige leur province. Le comité de Constitution et le comité des recherches réunis m’ont chargé de proposer à l’Assemblée des dispositions propres à remédier à de pareils désordres. (M. Target donne lecture d’un projet de décret). M. Grégoire. Le décret est très propre à prévenir des troubles ; je demande qu’il soit envoyé dans tout le royaume. M. Bouche. Je fais une motion qui me paraît urgente : c’est que les curés qui se refuseront à publier les décrets de l’Assemblée nationale seront privés de tous honoraires attachés à leurs bénéfices, et que cette même peine sera étendue aux évêques, prêtres, religieux, ex-religieux et moines fanatiques ou séditieux qui formeront des complots contre la Constitution. M. Prieur. La mesure proposée par M. Bouche est trop violente pour que vous puissiez l’adopter, mais j’ai un autre amendement qui serait de nature à atteindre le but que nous nous proposons tous et que je formule ainsi : « Les dé-« crets seront publiés par les curés sur la réqui-« sition des officiers municipaux, qui, en cas de « refus, en dresseront procès-verbal et le procu-« reur de la commune en fera la dénonciation « aux juges qui en doivent connaître. » M. lioys. Les dispositions qui vous sont proposées sont impraticables , car dans le Périgord plusieurs curés ont été arrachés de leur chaire pour avoir voulu publier vos décrets. M. Bourdon, curé d'Evaux. Je demande qu’il y ait un terme à la peine de la privation des droits de citoyen actif contre les curés qui n’auraient pas publié les décrets et que ces droits leur soient rendus lorsqu’ils déclareront à la municipalité qu’ils se repentent. M. l’abbé Saurine. Rien ne peut excuser un curé du refus de publier les décrets acceptés et sanctionnés par le roi. En conséquence, un curé qui est tombé dans cette faute ne doit en être relevé qu’après que la municipalité l’a jugé digne d’user des droits de citoyen actif. M. le Président fait lecture de tous les amendements. On demande la question préalable, qui est prononcée. Lp projet de décret du comité est relu et adopté dans la teneur suivante : « L’Assemblée nationale, informée et profondément affligée des excès qui ont été commis par des troupes de brigands et de voleurs dans les départements du Cher, de la Nièvre et de l’Ailier, et qui se sont étendus jusque dans celui de la Corrèze ; excès qui, en attaquant la tranquillité publique, les propriétés et les possessions, la sûreté et la clôture des maisons et des héritages, la liberté si nécessaire de la vente et circulation des grains et subsistances, répandent par-toutla terreur, menacen t même la vie des citoyens, et amèneraient promptement, s’ils n’étaient réprimés, la calamité de la famine ; excès, enfin, qui, par la contagion de l’exemple, par des insinuations perfides, par la publication de faux décrets de l’Assemblée nationale, ont entraîné quelques-uns des bons et honnêtes habitants de campagne dans des violences contraires à leurs principes connus, et capables de les priver pour longtemps du bonheur que l'Assemblée nationale travaille sans cesse à leur procurer ; « Considérant qu’il n’y a que deux moyens d’empêcher les désordres : l’un en éclairant continuellement les bons citoyens et les honnêtes gens, que les ennemis de la Constitution et du bien public essayent continuellement de tromper; l’autre, en opposant aux brigands, d’un côté, des forces capables de les contenir, d’un autre côté, une justice prompte et sévère qui punisse les chefs, auteurs et instigateurs de troubles, et effraye les méchants qui pourraient être tentés de les imiter : Ouï le rapport à elle fait, au nom de son comité de Constitution et de son comité des recherches, décrète ce qui suit : « Art. 1er. Tous ceux qui excitent le peuple des villes ou des campagnes à des voies de fait et violences contre les propriétés, possessions et clôtures des héritages, la vie et la sûreté des citoyens, la perception des impôts, la liberté de vente et de circulation des denrées et subsistances, sont déclarés ennemis de la Constitution, des travaux de l'Assemblée nationale, de la nation et du roi ; il est enjoint à tous les honnêtes gens d’en faire la dénonciation aux municipalités, aux administrations de département, et à lAs-semblée nationale. « Art. 2. Tous ceux qui excitent le peuple à entreprendre sur le pouvoir législatif des représentants delà nation, en proposant des règlements quelconques sur le prix des denrées, la police champêtre, l’évaluation des dommages, le prix et la durée des baux, et les droits sacrés de la propriété, et autres matières, sont également déclarés ennemis de la Constitution, et il est 42 [Assemble� nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [2 juin 1790, i enjoint de les dénoncer : tous règlements semblables sont déclarés nuis et de nul effet. « Art. 3. Tous ceux qui se prévaudront d’aucuns prétendus décrets de l’Assemblée nationale, non revêtus des formes prescrites par la Constitution, et non publiés par les officiers qui sont chargés de cette fonction, sont déclarés ennemis de la Constitution, de la nation et du roi ; il est enjoint de les dénoncer, et ils seront punis comme perturbateurs du repos public, aux termes de l’article premier du décret du 23 février dernier. « Art. 4. Les curés, vicaires et desservants qui se refuseront à faire au prône, à haute et intelligible voix, la publication des décrets de l’Assemblée nationale acceptés ou sanctionnés par le roi, sont déclarés incapables de remplir aucune fonction de citoyen actif ; à l’effet de quoi il sera dressé procès-verbal, à la diligence du procureur de la commune, de la réquisition faite aux curés, vicaires et desservants, et de leurs refus. « Art. 5. Il est défendu à tous citoyens actifs de porter aucune espèce d’armes, ni bâtons, dans les assemblées primaires ou électorales ; il est enjoint aux maire et officiers municipaux d’y veiller, tant en empêchant les citoyens de parti i armés pour le chef-lieu de canton, qu’en obligeât!1 , à l’arrivée dans le chef-lieu, les citoyens actiis des différentes paroisses de déposer les armes qu’ils pourraient avoir, et leurs bâtons, avant d’entrer dans l’assemblée ; il est expressément défendu de porter aucune espèce d’armes dans les églises, dans les foires, marchés, et autres lieux de rassemblement, sans préjudice des gardes chargées du maintien de la police. « Art. 6. Tout citoyen qui, dans une assemblée primaire ou électorale, se portera à quelque violence, fera quelque menace, engagera quelque acte de révolte, exclura ou proposera d’exclure de rassemblée quelque citoyen reconnu pour citoyen actif, sous le prétexte de son état, de sa profession, et sous tout autre prétexte, sera jugé à l’instant par l’assemblée même, condamné à se retirer, et privé de son droit de suffrage. Les honnêtes gens et les amis de la Constitution sont spécialement chargés de veiller à l’exécution du présent article. « Art. T. Les officiers municipaux, tant du chef-lieu que des paroisses dont les habitants composeront les assemblées primaires, se concerteront ensemble, pour avoir une force suffisante à l’effet de maintenir la tranquillité publique et l’exécution des articles ci-dessus, dans le lieu des assemblées, sans néanmoins qu’aucun homme puisse entrer dans ces assemblées, si ce n'est dans les cas prévus par le décret du 28 mai dernier. « Art. 8. Tous les citoyens, quel que soit leur état et profession, les laboureurs, fermiers et métayers, les commerçants et marchands de grains et subsistances, toute propriété et toute possession actuelle sont placés sous la sauvegarde et protection de la loi, de la Constitution, du roi, et de l’Assemblée nationale, sans préjudice, soit des actions que chacun pourra porter devant les tribunaux, soit des précautions que les corps municipaux ou administratifs prendront pour assurer, d’une manière paisible, la subsistance du peuple. Tous ceux qui contreviendront au présent article seront reconnus et dénoncés par les honnêtes gens, comme ennemis de la Constitution et des travaux de l’Assemblée nationale, de la nation et du roi, An, 9, Ita gui pemoiUüüt des excèg ou outrages à l’égard des officiers municipaux, des administrateurs de département et de district, et des juges, seront rayés du tableau civique, déclarés incapables, et privés de tout exercice des droits de citoyen actif, en punition d’en avoir violé les devoirs. « Art. 10. Quant à ceux qui auront commis ou commettront des voies de fait ou des violences, soit contre les propriétés et possessions actuelles, soit contre les personnes, et particulièrement quant aux chefs des émeutes, et surtout aux auteurs et instigateurs de pareils attentats, ils seront arrêtés, constitués prisonniers, et punis selon toute la rigueur des lois, sans préjudice de l’exécution de la loi martiale, dans le cas où elle doit avoir lieu suivant le décret du 21 octobre dernier. « Art. 11. Tous les citoyens de chaque commune qui auront pu empêcher les dommages causés par ces violences, en demeureront responsables, aux termes de l’article 5 du décret du 23 février dernier. k Art. 12, Les gardes nationales, qui ne sont que les citoyens actifs eux-mêmes, et leurs en-fants, armés pour la défense de la loi, les troupes réglées, les maréchaussées déféreront sans délai à toutes réquisitions qui leur seront faites par les corps administratifs et municipaux, pour le maintien de la tranquillité et du respect pour les décrets de l’Assemblée nationale; elles veilleront particulièrement sur le bon ordre dans les assemblées qu’il est d’usage de former en divers lieux pour célébrer la fête de chaque paroisse, ou pour louer les domestiques de campagne. « Art. 18. Le président de l’Assemblée se retirera, dans le jour, par devers le roi, pour le supplier de faire passer dans les départements du Cher, de la Nièvre, de l’Ailier et de la Corrèze, des forces suffisantes pour assurer le repos public et l’exécution des décrets. « Art. 14. La connaissance et le jugement en dernier ressort des crimes et attentats commis dans les émeutes et attroupements qui ont eu lieu, à compter du 1er mai dernier, ou qui auraient lieu à l’avenir dans lesdits quatre départements, sont attribués respectivement aux sièges présidiaux, bailliages et sénécbausséess de Bourges, Saint-Pierre-le-Moutier, Moulins et Limoges; il leur est enjoint de rechercher principalement, et de punir suivant toute la rigueur des lois , les auteurs, fauteurs et instigateurs des troubles, et de faire, sans retardement de jugement, parvenir à l’Assemblée nationale, tous les renseignements, instructions et preuves qu’ils auront pu se procurer par la voie de la procédure. « Le présent décret sera porté sur le champ à l’acceptation et à la sanction du roi, qui sera supplié de prendre les mesures les plus promptes pour le faire parvenir, publier et exécuter dans tous les tribunaux et toutes les municipalités du royaume, et spécialement aux présidiaux, bailliages et sénéchaussées, ainsi qu’aux villes, bourgs et communautés des quatre départements mentionnés au présent décret. » L’Assemblée passe à son ordre du jour, qui est la suite de la discussion sur les articles du projet de décret , concernant l'organisation du clergé , M. Lanjuinais. Vous avez renvoyé hier à celte séance un amendement proposé par M. Frôteau; cet honorable membre s’est rendu au comité ecclé* siastique, où nous avons discuté cet objet, leg monuments iûstQi’iijueg ions les yeux* M* Fréteau