SÉANCE DU 4 PRAIRIAL AN II (23 MAI 1794) - Nü 70 583 sauver la patrie. J’ai vu l'instant où je ne pouvais conserver la mienne sans un miracle et je puis vous assurer que c’est une récompense bien douce que de pouvoir dire en de pareils momens : j’ai fait mon devoir, j’emporte les regrets de mes concitoyens et l’estime de ma patrie. (Vifs applaudissements) (1). Le président met aux voix la proposition faite par Collot d’Herbois de lire chaque jour le bulletin de la santé de Geffroy. Elle est unanimement décrété (2). Un autre membre demande que ce bulletin de l’état des blessures du républicain Geffroy soit inséré dans le bulletin de correspondance. UN MEMBRE : Ce n’est pas seulement le peuple de Paris qui prendra intérêt à la santé du généreux citoyen qui a conserve la vie d’un représentant du peuple, mais toute la République. Je demande qu’on insère dans le bulletin de la Convention celui de Geffroy. Cette proposition est adoptée (3). Le projet de décret est adopté avec les amen-demens, de la manière suivante : « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses Comités de sûreté générale et de salut public, décrète : « Art. I. La Convention nationale charge le tribunal révolutionnaire de poursuivre et de faire punir Lamiral et ses complices, prévenu de l’assassinat commis cette nuit dans la personne de Collot-d’Herbois, l’un des représentans du peuple Français, et de rechercher, avec le plus grand soin, les instigateurs et les fauteurs de cet attentat commis contre la représentation nationale et le gouvernement révolutionnaire de la République. «Art. II. Le président est chargé d’écrire, au nom de la Convention nationale, au citoyen Geffroy, de la section de Lepeletier, une lettre de satisfaction, pour la conduite civique qu’il a tenue en contribuant efficacement, et avec un courage républicain, à faire saisir l’assassin. » Il sera rendu compte tous les jours, à la Convention nationale, de l’état des blessures du citoyen Geffroy, et il lui sera donné, pour le soutien de sa famille, une pension de 1 500 liv. « Art. III. Le présent décret, ainsi que le rapport, seront insérés au bulletin de la Convention et envoyés aux armées, aux départemens, aux districts et aux tribunaux; aux armées, pour leur imprimer une haine nouvelle contre les ennemis de la République et aux autorités constituées, pour exciter de nouveau leur zèle à déjouer les complots, à dénoncer les conspirations, et à faire punir les assassins et les traîtres. (1) Rapport de Barère sur l’assassinat de Collot d’Herbois, et réflexions des cns Couthon et Collot, d’Herbois sur le même sujet, imprimé par ordre de la Conv., broch. in-8°, 15 p. (AD xvmA 4) ; Débats, n° 611, p. 46; Mon., XX, 540. (2) Rép., n° 155. (3) Mon., XX, 544. » Le rapport et le décret seront traduits dans toutes les langues » (1) . Approuvé à l’unanimité, au milieu des applaudissements prolongés. 70 [BARERE], rapporteur du Comité de salut public communique une lettre écrite par le conseil défensif de la place de Sedan, qui annonce que les habitans de cette partie de la frontière des Ardennes se sont levés en masse, pour défendre le territoire contre l’invasion des Autrichiens, et qu’ils ont forcé le général ennemi (Baulieu) à faire une retraite précipitée. Il propose, au nom du Comité de salut public, de décréter que les gardes-nationaux des communes qui ont concouru à cette défense de nos frontières, ont bien mérité de la patrie ' (2) . BARERE, au nom du Comité de salut public : Citoyens, vous n’êtes pas bornés aujourd’hui à à récompenser une seule action civique. Plusieurs commîmes viennent de bien mériter de la patrie sur les frontières des Ardennes. Raconter leur action, c’est prouver la justice du décret honorable que le comité me charge de vous proposer à la suite de la lettre que je vais lire : [Le conseil défensif, aux repr. du peuple; Sedan, 2 prair. II.] « Citoyens représentants, Nous avons été, depuis 4 jours, tellement excédés de fatigues qu’il nous a été impossible de vous écrire plus tôt, pour vous instruire avec certitude de ce qui s’est passé sur cette frontière. Le 20 floréal, le conseil de guerre fut extraordinairement assemblé à 2 h. 1/2 environ après midi, par le commandant de la place, sur deux lettres qu’il venait de recevoir du général Marchand, commandant le camp des Montagnards au-dessus de Bouillon. Il lui annonçait que l’ennemi arrivait en force pour le cerner, et il demandait des secours, surtout en cavalerie. Il demandait aussi un renfort d’hommes et de munitions de guerre et de bouche pour le château de Bouillon, que l’ennemi paraissait vouloir attaquer. Le conseil sentit dès lors à quel danger se trouvait exposée la place de Sedan. Il déclara conseil défensif permanent, afin de travailler nuit et jour à sauver la frontière d’une invasion. Tous les secours demandés par le général Marchand furent envoyés aussitôt; (1) P.V., XXXVHI, 90-93. Minute de la main de Barère (C 304, pl. 1122, p. 20). Décret n° 9259. Reproduit dans Bin, 4 prair. (2e suppl1), 12 prair; mention dans J. Matin, n° 702, Audit, nat., n° 608; C. Univ., 6 prair.;J. Fr., nos 607 et 608; J. Lois., n° 603; Mess, soir., n° 644; J. Mont, n° 28; Ann. R.F., n° 176; M.U., XL, 72; C. Eg., n° 644; J. Sablier, n03 1336, 1337; S. -Culottes, n 463; Feuille Rép., n° 325; J. Perlet, n° 609; J. Paris, n03 509 et 510; J. Univ., n03 1642 et 1643. (2) P.V., XXXVm, 94. SÉANCE DU 4 PRAIRIAL AN II (23 MAI 1794) - Nü 70 583 sauver la patrie. J’ai vu l'instant où je ne pouvais conserver la mienne sans un miracle et je puis vous assurer que c’est une récompense bien douce que de pouvoir dire en de pareils momens : j’ai fait mon devoir, j’emporte les regrets de mes concitoyens et l’estime de ma patrie. (Vifs applaudissements) (1). Le président met aux voix la proposition faite par Collot d’Herbois de lire chaque jour le bulletin de la santé de Geffroy. Elle est unanimement décrété (2). Un autre membre demande que ce bulletin de l’état des blessures du républicain Geffroy soit inséré dans le bulletin de correspondance. UN MEMBRE : Ce n’est pas seulement le peuple de Paris qui prendra intérêt à la santé du généreux citoyen qui a conserve la vie d’un représentant du peuple, mais toute la République. Je demande qu’on insère dans le bulletin de la Convention celui de Geffroy. Cette proposition est adoptée (3). Le projet de décret est adopté avec les amen-demens, de la manière suivante : « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses Comités de sûreté générale et de salut public, décrète : « Art. I. La Convention nationale charge le tribunal révolutionnaire de poursuivre et de faire punir Lamiral et ses complices, prévenu de l’assassinat commis cette nuit dans la personne de Collot-d’Herbois, l’un des représentans du peuple Français, et de rechercher, avec le plus grand soin, les instigateurs et les fauteurs de cet attentat commis contre la représentation nationale et le gouvernement révolutionnaire de la République. «Art. II. Le président est chargé d’écrire, au nom de la Convention nationale, au citoyen Geffroy, de la section de Lepeletier, une lettre de satisfaction, pour la conduite civique qu’il a tenue en contribuant efficacement, et avec un courage républicain, à faire saisir l’assassin. » Il sera rendu compte tous les jours, à la Convention nationale, de l’état des blessures du citoyen Geffroy, et il lui sera donné, pour le soutien de sa famille, une pension de 1 500 liv. « Art. III. Le présent décret, ainsi que le rapport, seront insérés au bulletin de la Convention et envoyés aux armées, aux départemens, aux districts et aux tribunaux; aux armées, pour leur imprimer une haine nouvelle contre les ennemis de la République et aux autorités constituées, pour exciter de nouveau leur zèle à déjouer les complots, à dénoncer les conspirations, et à faire punir les assassins et les traîtres. (1) Rapport de Barère sur l’assassinat de Collot d’Herbois, et réflexions des cns Couthon et Collot, d’Herbois sur le même sujet, imprimé par ordre de la Conv., broch. in-8°, 15 p. (AD xvmA 4) ; Débats, n° 611, p. 46; Mon., XX, 540. (2) Rép., n° 155. (3) Mon., XX, 544. » Le rapport et le décret seront traduits dans toutes les langues » (1) . Approuvé à l’unanimité, au milieu des applaudissements prolongés. 70 [BARERE], rapporteur du Comité de salut public communique une lettre écrite par le conseil défensif de la place de Sedan, qui annonce que les habitans de cette partie de la frontière des Ardennes se sont levés en masse, pour défendre le territoire contre l’invasion des Autrichiens, et qu’ils ont forcé le général ennemi (Baulieu) à faire une retraite précipitée. Il propose, au nom du Comité de salut public, de décréter que les gardes-nationaux des communes qui ont concouru à cette défense de nos frontières, ont bien mérité de la patrie ' (2) . BARERE, au nom du Comité de salut public : Citoyens, vous n’êtes pas bornés aujourd’hui à à récompenser une seule action civique. Plusieurs commîmes viennent de bien mériter de la patrie sur les frontières des Ardennes. Raconter leur action, c’est prouver la justice du décret honorable que le comité me charge de vous proposer à la suite de la lettre que je vais lire : [Le conseil défensif, aux repr. du peuple; Sedan, 2 prair. II.] « Citoyens représentants, Nous avons été, depuis 4 jours, tellement excédés de fatigues qu’il nous a été impossible de vous écrire plus tôt, pour vous instruire avec certitude de ce qui s’est passé sur cette frontière. Le 20 floréal, le conseil de guerre fut extraordinairement assemblé à 2 h. 1/2 environ après midi, par le commandant de la place, sur deux lettres qu’il venait de recevoir du général Marchand, commandant le camp des Montagnards au-dessus de Bouillon. Il lui annonçait que l’ennemi arrivait en force pour le cerner, et il demandait des secours, surtout en cavalerie. Il demandait aussi un renfort d’hommes et de munitions de guerre et de bouche pour le château de Bouillon, que l’ennemi paraissait vouloir attaquer. Le conseil sentit dès lors à quel danger se trouvait exposée la place de Sedan. Il déclara conseil défensif permanent, afin de travailler nuit et jour à sauver la frontière d’une invasion. Tous les secours demandés par le général Marchand furent envoyés aussitôt; (1) P.V., XXXVHI, 90-93. Minute de la main de Barère (C 304, pl. 1122, p. 20). Décret n° 9259. Reproduit dans Bin, 4 prair. (2e suppl1), 12 prair; mention dans J. Matin, n° 702, Audit, nat., n° 608; C. Univ., 6 prair.;J. Fr., nos 607 et 608; J. Lois., n° 603; Mess, soir., n° 644; J. Mont, n° 28; Ann. R.F., n° 176; M.U., XL, 72; C. Eg., n° 644; J. Sablier, n03 1336, 1337; S. -Culottes, n 463; Feuille Rép., n° 325; J. Perlet, n° 609; J. Paris, n03 509 et 510; J. Univ., n03 1642 et 1643. (2) P.V., XXXVm, 94. 584 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE et prévoyant que nous aurions besoin de lui envoyer ensuite tout ce qu’il y avait de force disponible dans Sedan, des lettres partirent à l’instant même pour appeler à notre secours nos frères de Libreville et de Mézières et tous les citoyens des campagnes. Ils volèrent aussitôt à Sedan avec des secours en vivres, en munitions et en armes, que nous avions demandés à ces deux places. Nous distribuâmes tous ces défenseurs dans les redoutes du camp retranché, les uns comme combattans, les autres comme pionniers pour fortifier les redoutes, afin de les mettre à l’abri d’être enmportées dans la nuit. Nous fîmes même placer une force d’observation sur les hauteurs entre le petit bois de Guerimen et Givonne pour découvrir et arrêter l’ennemi s’il venait à débusquer du côté de La Chapelle, sur le chemin de Bouillon à Sedan. L’ennemi ne vint point; il s’arrêta à Bouillon et chauffa pendant deux jours le château dont le feu lui tua beaucoup de monde. Pendant ce temps, nous nous occupions à perfectionner notre plan de défense avant d’en faire un offensif. Tandis que le général Debrun, dont le quartier général était à Yvoi, gardait la trouée de Munan, la rivière de Chier et toute cette partie de la frontière des Ardennes, nous songions à fortifier notre gauche. Nous couvrimes en conséquence tous les gués qui sont sur la Meuse, de Sedan à Donchery, et comme l’ennemi s’avançait sur trois colonnes et dirigeait sa droite sur Gorbion et Sugny, nous craignîmes que, descendant au-dessus de Saint-Meuges et filant le long du bois, il n’allât ensuite s’emparer de Donchery, passer le pont, se porter sur la chaussée de Sedan à Mézière. Pour empêcher ce coup de main, qui nous aurait mis en grand danger, nous plaçâmes à l’entrée du pont de Donchery, sur la route, une pièce de canon, avec de l’infanterie pour le défendre. Après avoir ainsi tout disposé, nous passâmes avec inquiétude les nuits du 29 au 30 et du 30 au 1er, occupés à recevoir nos frères des campagnes, à donner des ordres, à surveiller, à maintenir la tranquillité publique, à rassurer les faibles, à imposer aux malveillants qui auraient pu se montrer, comme il n’est que trop ordinaire dans ces circonstances. Pendant ce temps, Beaulieu ravageait la malheureuse ville de Bouillon, et chauffait le château avec fureur. Hier, nous nous sommes mis en devoir d’exécuter le plan d’attaque que nous avions imaginé avant-hier. Après avoir rassuré tous les esprits partiellement abattus par la retraite du camp des Montagnards, après avoir éveillé tous les courages, par tous les moyens que nous a dictés notre patriotisme, nous distribuâmes nos forces sur 3 colonnes pour aller au-devant de l’ennemi et se présenter à lui à l’improviste, dans la nuit, en prenant une position offensive, sur la hauteur, devant Bouillon. Ces dispositions, jointes aux efforts que n’aurait pas manqué de faire le château de Bouillon, devaient venger les armes de la République des attaques d’un ennemi féroce; mais il n’a pas voulu attendre et a préféré une retraite nocturne à se mesurer avec nos braves soldats. Depuis ce temps, la communication avec le château est rétablie, le camp des Montagnards est à nous, l’ennemi a repris sa position derrière Paliseul. Un rapport qui vient de nous être fait, nous annonce qu’il a établi 3 camps, dont le principal est près Paliseul, avec le parc d’artillerie et le quartier général; le second, en avant de Plaineveaux, en vue du camp des Montagnards, et le 3% à Fay-lès-Veneurs. Nous avons jugé prudent de ne point passer la Semoy, et notre camp est toujours dans la même position. Les esclaves, commandés par Beaulieu, ont commis dans la petite ville de Bouillon toutes les horreurs imaginables : le vol, l’assassinat, les derniers outrages envers les femmes ont été les amusements de ces monstres. C’est par les derniers excès du crime et de la brutalité qu’ils se sont dédommagés de la honte de ne pouvoir emporter le chateau par la violence ou la trahison. Le commandant de ce fort mérite les plus grands éloges, il a montré, ainsi que les soldats qu’il commandait, un sang-froid et une bravoure héroïques. Beaulieu l’a sommé de se rendre, au nom du tyran son maître. Heyrand a répondu en républicain. La garde nationale de Sedan, celle de Mézières et de Libreville, et nos frères des campagnes, méritent les plus grands éloges. Les citoyens de Gironne et ceux de Saint-Merges ont servi la patrie en observant les hauteurs, en portant partout des vedettes, en fouillant les bois le jour et la nuit, et en faisant au conseil les rapports de leurs découvertes et de leurs observations. Les citoyens des communes de Torcy, de Wa-lincourt, Iges, de Glaire et de Villette ont bivouaqué pour garder les gués de la Meuse pendant la nuit et pour élever les petits retranchements, afin de cacher le canon qu’on leur avait donné. Tous nos autres frères des campagnes, ayant leurs magistrats à leur tête, sont venus ■donner ici l’exemple du dévouement à la patrie; tous l’ont bien servie et tous par le concours de leurs moyens ont sauvé la chose publique. L’attitude imposante et terrible qu’a prise en un instant toute cette partie du département des Ardennes a fait voir aux tyrans ce que peut l’énergie d’un peuple qui n’a d’autre tactique que son ardent républicanisme et le génie de la liberté. Dès qu’il y aura autre chose de nouveau, nous vous en donnerons avis. Comptez sur notre zèle et notre dévouement à la patrie. Périssent tous les tyrans, l’égalité ou la mort ! tels seront nos sentiments jusqu’au dernier soupir ». (Vifs applaudissements ) . BARERE : Voici le décret que votre Comité de salut public vous propose, pour récompenser le zèle de ces braves citoyens 1(1) . Le décret suivant est rendu, (au milieu des applaudissements unanimes) . « La Convention nationale déclare que la garnison de Bouillon, les citoyens de cette commune, ceux de Sedan, Libreville, Mézières, Givonne, Saint-Menges, Torcy, Wadlincourt, Iges, Glaire, Donchery, Villette et autres communes voisines, qui ont contribué par leur civisme et leur courage à sauver la forteresse de Bouillon et la frontière des Ardennes, ont bien mérité de la patrie. (1) Mon., XX, 549; J. Paris, n° 511. 584 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE et prévoyant que nous aurions besoin de lui envoyer ensuite tout ce qu’il y avait de force disponible dans Sedan, des lettres partirent à l’instant même pour appeler à notre secours nos frères de Libreville et de Mézières et tous les citoyens des campagnes. Ils volèrent aussitôt à Sedan avec des secours en vivres, en munitions et en armes, que nous avions demandés à ces deux places. Nous distribuâmes tous ces défenseurs dans les redoutes du camp retranché, les uns comme combattans, les autres comme pionniers pour fortifier les redoutes, afin de les mettre à l’abri d’être enmportées dans la nuit. Nous fîmes même placer une force d’observation sur les hauteurs entre le petit bois de Guerimen et Givonne pour découvrir et arrêter l’ennemi s’il venait à débusquer du côté de La Chapelle, sur le chemin de Bouillon à Sedan. L’ennemi ne vint point; il s’arrêta à Bouillon et chauffa pendant deux jours le château dont le feu lui tua beaucoup de monde. Pendant ce temps, nous nous occupions à perfectionner notre plan de défense avant d’en faire un offensif. Tandis que le général Debrun, dont le quartier général était à Yvoi, gardait la trouée de Munan, la rivière de Chier et toute cette partie de la frontière des Ardennes, nous songions à fortifier notre gauche. Nous couvrimes en conséquence tous les gués qui sont sur la Meuse, de Sedan à Donchery, et comme l’ennemi s’avançait sur trois colonnes et dirigeait sa droite sur Gorbion et Sugny, nous craignîmes que, descendant au-dessus de Saint-Meuges et filant le long du bois, il n’allât ensuite s’emparer de Donchery, passer le pont, se porter sur la chaussée de Sedan à Mézière. Pour empêcher ce coup de main, qui nous aurait mis en grand danger, nous plaçâmes à l’entrée du pont de Donchery, sur la route, une pièce de canon, avec de l’infanterie pour le défendre. Après avoir ainsi tout disposé, nous passâmes avec inquiétude les nuits du 29 au 30 et du 30 au 1er, occupés à recevoir nos frères des campagnes, à donner des ordres, à surveiller, à maintenir la tranquillité publique, à rassurer les faibles, à imposer aux malveillants qui auraient pu se montrer, comme il n’est que trop ordinaire dans ces circonstances. Pendant ce temps, Beaulieu ravageait la malheureuse ville de Bouillon, et chauffait le château avec fureur. Hier, nous nous sommes mis en devoir d’exécuter le plan d’attaque que nous avions imaginé avant-hier. Après avoir rassuré tous les esprits partiellement abattus par la retraite du camp des Montagnards, après avoir éveillé tous les courages, par tous les moyens que nous a dictés notre patriotisme, nous distribuâmes nos forces sur 3 colonnes pour aller au-devant de l’ennemi et se présenter à lui à l’improviste, dans la nuit, en prenant une position offensive, sur la hauteur, devant Bouillon. Ces dispositions, jointes aux efforts que n’aurait pas manqué de faire le château de Bouillon, devaient venger les armes de la République des attaques d’un ennemi féroce; mais il n’a pas voulu attendre et a préféré une retraite nocturne à se mesurer avec nos braves soldats. Depuis ce temps, la communication avec le château est rétablie, le camp des Montagnards est à nous, l’ennemi a repris sa position derrière Paliseul. Un rapport qui vient de nous être fait, nous annonce qu’il a établi 3 camps, dont le principal est près Paliseul, avec le parc d’artillerie et le quartier général; le second, en avant de Plaineveaux, en vue du camp des Montagnards, et le 3% à Fay-lès-Veneurs. Nous avons jugé prudent de ne point passer la Semoy, et notre camp est toujours dans la même position. Les esclaves, commandés par Beaulieu, ont commis dans la petite ville de Bouillon toutes les horreurs imaginables : le vol, l’assassinat, les derniers outrages envers les femmes ont été les amusements de ces monstres. C’est par les derniers excès du crime et de la brutalité qu’ils se sont dédommagés de la honte de ne pouvoir emporter le chateau par la violence ou la trahison. Le commandant de ce fort mérite les plus grands éloges, il a montré, ainsi que les soldats qu’il commandait, un sang-froid et une bravoure héroïques. Beaulieu l’a sommé de se rendre, au nom du tyran son maître. Heyrand a répondu en républicain. La garde nationale de Sedan, celle de Mézières et de Libreville, et nos frères des campagnes, méritent les plus grands éloges. Les citoyens de Gironne et ceux de Saint-Merges ont servi la patrie en observant les hauteurs, en portant partout des vedettes, en fouillant les bois le jour et la nuit, et en faisant au conseil les rapports de leurs découvertes et de leurs observations. Les citoyens des communes de Torcy, de Wa-lincourt, Iges, de Glaire et de Villette ont bivouaqué pour garder les gués de la Meuse pendant la nuit et pour élever les petits retranchements, afin de cacher le canon qu’on leur avait donné. Tous nos autres frères des campagnes, ayant leurs magistrats à leur tête, sont venus ■donner ici l’exemple du dévouement à la patrie; tous l’ont bien servie et tous par le concours de leurs moyens ont sauvé la chose publique. L’attitude imposante et terrible qu’a prise en un instant toute cette partie du département des Ardennes a fait voir aux tyrans ce que peut l’énergie d’un peuple qui n’a d’autre tactique que son ardent républicanisme et le génie de la liberté. Dès qu’il y aura autre chose de nouveau, nous vous en donnerons avis. Comptez sur notre zèle et notre dévouement à la patrie. Périssent tous les tyrans, l’égalité ou la mort ! tels seront nos sentiments jusqu’au dernier soupir ». (Vifs applaudissements ) . BARERE : Voici le décret que votre Comité de salut public vous propose, pour récompenser le zèle de ces braves citoyens 1(1) . Le décret suivant est rendu, (au milieu des applaudissements unanimes) . « La Convention nationale déclare que la garnison de Bouillon, les citoyens de cette commune, ceux de Sedan, Libreville, Mézières, Givonne, Saint-Menges, Torcy, Wadlincourt, Iges, Glaire, Donchery, Villette et autres communes voisines, qui ont contribué par leur civisme et leur courage à sauver la forteresse de Bouillon et la frontière des Ardennes, ont bien mérité de la patrie. (1) Mon., XX, 549; J. Paris, n° 511.