216 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Je demande donc que les récompenses qui seront accordés aux citoyens qui versent leur sang pour le soutien de la République soient regardées comme la première dette nationale à acquitter. Plusieurs voix : Ce décret est rendu. On demande l’ordre du jour, motivé sur l’existence de la loi. Cette proposition est adoptée (131). 61 Un membre, au nom du comité des Secours publics, propose le décret ci-après, qui est adopté. La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des Secours publics, sur la pétition du citoyen Adrien Bourgeois, batteur en grange, district de Gonesse [Seine-et-Oise], chargé de famille et indigent, acquitté par le Tribunal révolutionnaire, après un mois de détention, décrète que la Trésorerie nationale, sur le vu du présent décret, paiera au citoyen Bourgeois la somme de 100 L, à titre de secours et indemnité. Le décret ne sera imprimé qu’au bulletin de correspondance (132). 62 Un membre, au nom du comité des Finances, propose le projet de décret qui suit et qui est adopté. La Convention nationale, ouï son comité des Finances, rapporte son décret du 19 pluviôse, relatif à la liquidation des créances du citoyen Lejeune et consorts, en ce qui concerne seulement les intérêts desdites créances, lesquelles seront payées conformément à l’art. LIX de la loi du 24 août, sur la consolidation de la dette publique (133). 63 Un membre [CADROY] propose une opinion et un projet de décret contenant des vues d’utilité générale pour asseoir le bonheur du peuple, notamment sur l’organisation des sociétés populaires, les devoirs des autorités constituées et des commissions ou agences exécutives, ainsi que sur les pouvoirs des représentans du peuple en mission. (131) Moniteur, XXII, 497. Débats, n° 783, 770. (132) P.-V., XLIX, 166. (133) P.-V., XLIX, 166. La Convention nationale, pénétrée des principes qui y sont établis, renvoie le discours et le projet de décret à l’examen de ses comités de Salut public, de Sûreté générale et de Législation, et en ordonne l’impression et la distribution (134). Cadroy obtient la parole pour une motion d’ordre (135). CADROY : Vous avez rempli l’attente de la nation. Ces cris mille fois répétés : Vive la Convention ! font tressaillir vos âmes ; vous conduisez au port, d’une main hardie et puissante, le vaisseau de la République : devant sa marche rapide les écueils s’abîment, les rochers s’engouffrent. Vous avez vaincu; je viens vous inviter à profiter de la victoire. Les traits de cette physionomie nouvelle que vous avez donnée à la France vous disent que vous êtes dignes du peuple que vous représentez; mais qu’est-ce que la physionomie d’un peuple qui peut changer mille fois dans un siècle, mille fois dans une année de révolution? Ce sont les habitudes entières du corps social qu’il faut changer, qu’il faut rendre stables, pour atteindre à la gloire qui vous est destinée, et assurer au peuple le bonheur qu’il attend de vous. Robespierre dominait par la fausse opinion qu’il avait donnée de ses talents, de ses fausses vertus; il dominait dans les clubs de toute la République par l’organisation qu’il avait su donner au club des Jacobins de Paris; il dominait dans les corps militaires par la sujétion et la dépendance où il les avait mis du comité de Salut public dont il était le régulateur et le chef. Il dominait par les comités de tous les genres qui couvraient le sol de la République, et qui aboutissaient au premier comité de Robespierre, comme des rayons se rapportent à un centre. Les administrations même, despotisées tantôt par les comités révolutionnaires, tantôt par les meneurs des clubs, recevaient leur direction des volontés de ce tyran. Ce système d’horreur et de mort établi, organisé, consolidé, n’a reçu presque aucun échec par la mort de Robespierre; il attend un nouveau chef. Telle est notre situation actuelle. Ne vous y trompez pas; au milieu de vos triomphes, vos ennemis épient le moment de ternir votre gloire et de détruire vos succès. Le terrorisme rugit encore autour de vous, et l’aristocratie, chamarrée de toutes les couleurs, couverte de toutes les livrées, enveloppée de tous les masques, veille aux portes du sénat français. Vous avez mis l’action de la justice et l’exemple des vertus à l’ordre du jour; eh bien, l’hypocrite malveillance ne parle plus que justice et vertu : son ton est modeste, sa voix est mielleuse, son oeil est serein; sa perfidie est toute dans son coeur, et l’intrigue, son émis-(134) P.-V., XLIX, 166-167. (135) Moniteur, XXII, 499-500.