| Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES [30 octobre 1790.] {53 then tûmes, et mes plus cruels eunemis ne sauraient les nier. Le mercredi je fus chargé de me rendre avec ma compagnie et celle de M. Affortit, au-devant d’une charretée de pain qui était envoyée par la municipalité de Saint-Gilles; étant à attendre dans le village de Gaissargues, le sieur Durand, sergent d’une compagnie des Froment, vint tomber dans mon détachement ; mes légionnaires le reconnaissant pour l’un des principaux auteurs des événements, voulaient le pendre; j’empêchai qu’ils le fissent. Je le fis conduire dans les prisons avec recommandation qu’il ne lui arrivât pas la moindre chose, ce qui fut exécuté. Ce sieur Durand étant élargi, vint me faire ses remerciements; ce fait est attesté par le sieur Durand lui-même, et il est notoire à Nîmes. Je me borne à ce récit, en protestant que ma conduite, pendant les quatre jours qu’ont duré nos malheurs, est irréprochable; que les faits rapportés dans le mémoire de la veuve Gas sont faux et très faux, pour ce qui me regarde ; et je ne redoute aucunement les preuves. Nîmes, ce 18 octobre 1790. Signé : Marc-Antoine Ribot. N° II. Nous soussignés certifions que le quinze juin dernier, ayant été informé que des gens armés avaient entouré la maison de feu M. l’abbé La-pierre, théologal de l’église de Nîmes, oncle de mon épouse, et qu’ils menaçaient d’en enfoncer les portes , je fus prier et requérir M. Isaac Vincent, négociant et capitaine d’une des compagnies de la légion nîmoise, de me faire l’amitié de se transporter à la tête de sa compagnie, en ladite maison, pour prévenir ce dont elle était menacée, et arrêter par là le désordre qui en aurait pu résulter, à quoi il se prêta de la meilleure grâce du monde : étant arrivé en ladite maison, j’en fis ouvrir les portes, et sur ce que l’on m’avait assuré que les personnes à moi inconnues m’avaient menacé d’en enfoncer les portes, que parce qu’elles croyaient qu’il pouvait s’y être caché de3 personnes suspectes, ou qu’elle pouvait renfermer des armes; pour prévenir ce désordre et mettre désormais ladite maison à l’abri de toute incursion, je priai mondit sieur Vincent de vouloir bien faire procéder à une perquisition générale dans toutes les pièces de la maison, et dans le jardin; ce qu’il eut la bonté de faire faire en ma présence, avec tout l’ordre possible. Cette opération faite, n’ayant trouvé aucune sorte d’arme, et encore moins des personnes cachées dans ladite maison, M. Vincent crut qu’il convenait que nous allassions ensemble à la maison commune de cette ville pour donner connaissance de la descente que je l’avais requis de faire, et y étant arrivés, nous rendîmes compte à M. Aubri, colonel de la troupe nationale de cette ville, qui se trouvait alors avec M. Vincent Plauchut, de ce qui venait de se passer. Je déclare, de plus, que quelques heures auparavant, la maison que j’habite ayant été investie par des gens armés, la plupart étrangers, sous le spécieux prétexte qu’on avai t tiré de la tour un coup de fusil, des personnes du voisinage furent prier le même M. Vincent, pour l’engager de venir arrêter le désordre qui pouvait s’ensuivre d’un pareil attroupement. Il s’y rendit en effet, et je n’ai qu’à me louer de la manière dont il s’employa pour maintenir le bon ordre pendant tout le temps que dura la visite qu’on fit dans la maison, ce que je déclare contenir vérité. Fait à Nîmes, le 17 octobre 1790. Signé : Surville. QUATRIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 30 OCTOBRE 1790. Nota. La pièce ci-dessous, imprimée et distribuée, fait partie des documents de l’Assemblée nationale. Exposition des principes sur la constitution du CLERGÉ par les évêques , députés à l'Assemblée nationale. L’Assemblée nationale délibérant sur la constitution civile du clergé, A décrété que chaque département formerait un seul diocèse. Elle a désigné le chef-lieu des nouveaux diocèses. Elle a formé dix métropoles dont elle a marqué l’arrondissement. Elle a supprimé les métropoles et les évêchés qni ne sont pas compris dans le nombre des diocèses et des métropoles qu’elle a dénommés. Elle défend de reconnaître, en aucun cas, et sous quelque prétexte que ce soit, l’autorité d’un évêque et d’un métropolitain, dont le siège serait établi sous la dénomination d’une puissance étrangère. Elle prononce l’extinction et la suppression des chapitres des églises cathédrales, ainsi que des églises collégiales, des chapitres réguliers et séculiers, et des abbayes et des prieurés en règle ou en commende, de l’un et de l’autre sexe, et des chapelles, chapellenies, prestimonies, et de tous les titres de bénéfices, autres que les métropoles, les évêchés et les cures, sans qu’il puisse jamais en être établi de semblables. Elle prononce que chaque nouvel évêque ne pourra point s’adresser au pape pour en obtenir aucune confirmation ; qu’il lui écrira comme au chef visible de l’église universelle, en témoignage de l’unité de foi et de la communion qu’il doit entretenir avec lui, et qu’il demandera la confirmation canonique à son métropolitain, ou au plus ancien évêque de l’arrondissement qui forme la métropole. Elle établit les élections des évêques; elle commet la nomination des curés aux élections; elle confie les élections des évêques et des curés au même corps électoral qui nomme les membres des départements et des districts ; elle abolit les droits de patronages laïques. Elle transforme l’état de l'église cathédrale en église paroissiale, par la suppression, ou la réunion d’une ou plusieurs paroisses ; elle nomme l’évêque , le pasteur immédiat de la paroisse épiscopale; elle détermine le nombre des vicaires qui doivent desservir la paroisse épiscopale, et former le conseil habituel et permanent de l’évêque ; elle prononce que l’évêque ne pourra faire aucun acte de juridiction, en ce qui concerne le gouvernement du diocèse, qu’ap rès en avoir délibéré avec eux; elle nomme vicaires, de plein droit, et sur leur demande, les curés des paroisses qui seraient réunies à la paroisse épiscopale. Elle remet à l’évêque et à son conseil, la nomination des supérieurs et directeurs du séminaire ; elle les déclare membres nécessaires du conseil de ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 octAbn. 1290.1 154 [Assemblée national©. J l’évêque; elle prononce que ses vicaires ne pourront être destitués, que de l’avis de son conseil, et par une délibération qui y aura été prise à la pluralité des voix, avec connaissance de cause. Elle transfère au premier, et, à son défaut, au second vicaire de l’église cathédrale, le droit appartenant au chapitre , pendant les vacances du siège épiscopal, de remplacer l’évêque, tant pour les fonctions curiales, que pour les actes de juridiction qui n’exigent pas le caractère épiscopal. Elle donne aux curés le droit de choisir les vicaires parmi les prêtres ordonnés, ou admis dans le diocèse par l’évêque, sans exiger son approbation. Elle autorise les révocations des vicaires sur la demande des curés, par le jugement de l’évêque et de son conseil. Tels sont les décrets de l’Assemblée nationale sur la constitution civile du clergé, et ces décrets sont établis comme des articles constitutionnels. Ces décrets sont établis comme les lois absolues d’une autorité souveraine, sans aucune dépendance de l’autorité de l’Eglise, et sans aucun recours aux formes canoniques. Il est une juridiction propre et essentielle à l’Eglise, une juridiction que Jésus-Christ lui a donnée; qui se soutint par elle-même dans les premiers siècles, sans le secours de la puissance séculière, et qui, se contenant dans ses bornes, avait pour objet l’enseignement de la doctrine et l’administration des sacrements. L’Eglise conservait la doctrine, soit en établissant ceux qui devaient la perpétuer dans tous les siècles, soit en réprimant ceux qui voulaient en altérer la vérité. L’Eglise exerçait sa juridiction par l’institution des ministres de la religion, et par les censures et les peines spirituelles qui sont en son pouvoir. Une autre partie de la juridiction ecclésiastique et peut-être la première, dit l’auteur de l’histoire ecclésiastique, était le droit de faire des lois et des règlements, ce droit essentiel de toute société. Les apôtres, en fondant les églises, leur donnèrent des règles de discipline, qui furent longtemps conservées par la simple tradition. Les conseils, dont la convocation devint plus. fréquente, quand les églises furent multipliées, prononçaient des jugements et rappelaient l’observation des canons. Les canons n’étaient pas seulement les règles écrites, c’étaient toutes les pratiques fondées sur une tradition constante : car on doit croire, suivant la maxime des pères, que ce que l’Eglise observe, dans tous les temps et dans tous les lieux, est de tradition apostolique. - Le fondement de cette juridiction était l’autorité donnée par Jésus-Ghrist lui-même à son Eglise. C’était par cette autorité purement spirituelle, que l’Eglise conservait sa saine doctrine, combattait les hérésies, entretenait les bonnes mœurs, et maintenait l’unité de la commuuion. Telle était la juridiction 4e l’Eglise, sous des empereurs païens et dans le temps des persécutions; telle était sa juridiction, avant que des princes devenus chrétiens eussent favorisé sa croyance et son culte, et secondé l’exécution de ses lois. Telle elle doit être dans tous les temps. Nous réclamons cette juridiction essentielle et purement spirituelle de l’Eglise que les lois civiles en France ont reconnue, qu’elles n’ont point établie, et qu’elles ne peuvent pas détruire. Quand la religioe catholique est devenue celle de la nation, les lois ont protégé les fonction» des ministres des autels, et la justice civile a prêté sa force aux jugements de la puissance ecclésiastique. La protection donnée à l’exercice et à la solennité du culte, les formes conjointes ou concurrentes des tribunaux ecclésiastiques et civils* des lois confirmatives des saintes règles, de effets civils donnés à des actes religieux : tels sont les avantages que l’Eglise a reçus de la puissance civile. L’enseignement de la foi, l'administration, des. sacrements, l’ordre de cérémonies saintes, une juridiction purement spirituelle, les règles d’une discipline bornée aux objets de là religion : tels sont les pouvoirs que l’Eglise ne lient point des souverains de la terre, et qu’ila ne peuvent pas lui ravir. La puissance civile doit concourir avec celle de l’Eglise, pour désigner les limites des diocèses et des métropoles, dans les Etats ou la religion catholique est reconnue comme la religion nationale; parce que la puissance civile protège l’exercice de la juridiction des évêques et des métropolitains, et qu’elle maintient, dans l’étendue des territoires désignés, l’exécution des canons de l’Eglise. On ne peut pas exclure la puissance ecclésiastique, parce crue la puissance civile doit concourir avec elle. Les lois de l’Etat ont fait respecter les lois de l’Eglise. Les rescrits des empereurs ont marqué les nouvelles limites des métropoles civiles, ont rappelé les limites des anciens diocèses, ou des anciennes métropoles ecclésiastiques, et n’en ont pas moins laissé le jugement aux conciles, sur la juridiction plus ou moins étendue des évêques et des métropolitains. Les capitulaires des rois de France ont établi, dans les synodes, avec le concours des chefs de l’Eglise, les métropoles et les diocèses des régions infidèles et conquises. Mais la puissance civile n’a point détruit, dans l’Eglise latine, ni même, avant le schisme, dans l’Eglise grecque, des métropoles et des évêchés établis et subsistants, dont les titres n’étaient point contestés. La puissance civile n’a point privé des évêques de l’exercice de leur juridiction, par le simple effet de la circonscription des territoires. La puissance civile n’a point fait une loi à des évêques, d’étendre leur juridiction sur des diocèses pour lesquels ils n’avaient point reçu l’institution de l’Eglise. C’est une maxime incontestable, que toute juridiction ne peut cesser que par la puissance qui la donne. C’est de l’Eglise seule, que les évêques tiennent leur juridiction; c’est l’Eglise seule qui peut les en priver. L’Eglise ne peut pas perdre son pouvoir, ou son influence sur des objets spirituels en tout ou en partie. La juridiction épiscopale est purement spirituelle dans son objet et dans sa source; et si les lois de l’Etat peuvent donner des effets civils à son exercice, elles ne peuvent point en attirer les principes dans l’ordre de la religion. Quand l’Assemblée nationale, ordonnant une nouvelle formation des paroisses, semble mettre en oubli les procédures canoniques, sans lesquelles les paroisses ne doivent pas être réunies ou divisées, elle exige cependant lavis des évêques, le concert avec eux, selon les besoins des peuples, la dignité du culte et les difficultés local s. La division, l’érection, la suppression des évêchés et des métropoles n’est pas moins [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 octobre 1790 J JHK importante pour les besoins des peuples, et la dignité du culte, que la formation des paroisses,. On exige le concours des évêques, pour l’établissement et la suppression d’une cure ou d’une succursale Gomment peut-on exclure le concours de l’Eglise pour l’établissement et la supppression d’une métropole ou d’un diocèse? Il s’agit de savoir si de3 évêques ne peuvent pas exercer, dans des diocèses que l’Eglise leur a confiés, une juridiction purement spirituelle, selon les lois de l’Eglise que l’Eglise n’a point révoquées? II s’agit desavoir si des évêques peuvent exercer une juridiction purement spirituelle, qu’ils ne peuvent tenir que de l’Eglise, dansdes dio-cèses qu’elle ne leur a point confiés, contre ses lois qu’elle n’a point révoquées? On suppose que la juridiction des évêques est universelle, et que chaque évêque peut l’exercer partout où la puissance civile appelle et provoque son ministère. Il paraît que les apôtres, en fondant les églises dans les cités, ont eux-mêmes donné des bornes à l’exercice de la juridiction de leurs successeurs. On retrouve, dans le second siècle, les limites des premiers diocèses auxquels ils ont donné des évêques. Nous connaissons l’étendue et les limites des anciennes églises apostoliques. Les premiers conciles ont marqué les divisions et maintenu le territoire des anciennes églises. Les empereurs ont reconnu la distinction des métropoles et des diocèses, fixée par les canons. On retrouve, dans le quatrième siècle, le nombre et les dépendances des différentes provinces ecclésiastiques. L’Eglise, en donnant sa juridiction, en a toujours déterminé l’exercice, selon l’étendue et la population des lieux. Il n’y aurait point de subordination et d’autorité dans un gouvernement, si l’on ne connaissait pas ceux qui doivent ordonner et ceux qui doivent obéir. Gomment pourrait-on di-tinguer les citoyens de chaque Empire, et les justiciables de chaque tribunal, sans la séparation territoriale des ressorts et des Etats? L’Eglise a pris soin de désigner à chaque fidèle les juges, les témoins et les évangélistes de sa foi. Elle les distingue par une institution canonique qui donne à chaque diocèse, à chaque paroisse son évêque et son pasteur. L'Eglise a proscrit dans tous les temps les entre-Erises d’un évêque dans un diocèse étranger. ’Eglise a longtemps contesté le tilre des évêques dont une mission spéciale n’avait point déterminé la juridiction. L’Eglise ne reconnaissait pas une juridiction épiscopale sans limites, quand elle ne Voulait pas reconnaître des évêques sans territoire. Quand la juridiction d’un évêque serait universelle, ce ne serait pas une raison pour la faire cesser dans les lieux auxquels l’Eglise en détermine l’application. Si la juridiction des évêques est universelle, elle ne peut pas être limitée par La puissance qui ne l’a pas établie. Et si la juridiction d’un évêque n’est pas universelle, de quel droit peut-il l’étendre hors des limites qui lui sont marquées par la puissance même dont il tient sa juridiction ? A la puissance de l’Eglise appartient d’établir, d’étendre et de limiter la juridiction spirituelle des évêques et des métropolitains. A la puissance civile appartient de concourir avec l’Eglise, pour désigner les circonscriptions dans lesquelles l’Eslise renferme 1 exercice de la juridiction d’un évêque* ou d’un métropolitain. C’est en vain que la seule puissance civile étend ou resserre les limites dans lesquelles elle veut concentrer l’exercice d’une puissance qui ne dépend pas d’elle. Elle ne peut pas faire en sorte qu’une juridiction purement spirituelle par elle-même, appartienne à ceux à qui l’Eglise ne la donne pas, ou n’appartienne pas à ceux à qui l’Eglise la donne. Il est possible, sans doute, que des évêques et des métropolitains, dont la suppression est prononcée par les décrets, délèguent leurs pouvoirs à ceux dont les sièges seraient conservés. Il semble que ce serait un moyen de suppléer au défaut des formes canoniques, et de consacrer le souvenir des principes dans un état de choses qui tend a ies faire oublier. Quel eu serait l’effet? Il faudrait que cette délégation fût publique et connue. On ne peut la donner, que pour transmettre aux actes de la juridiction épiscopale une autorisation qui lui manque. On ne peut la donner que pour assurer le repos des consciences. Gomment peut-on assurer le repos des consciences, si les fidèles ne sont pas instruits des précautions qui doivent bannir leurs inquiétudes? tSi cette délégation est publique et connue, elle n’opère aucun changement dans les divisions des diocèses ou des métropoles, et dans l’exercice de la juridiction des évêques. Les divisions des diocèses et des métropoles restent les mêmes, et la juridiction épiscopale s’exerce dans les mêmes limites, en vertu des mêmes pouvoirs. Un évêque agit, dans son diocèse, par lui-même. Il agit, dans un autre diocèse, en vertu des pouvoirs de celui qui les lui donne; il est le représentant d’un autre évêque, et son caractère épiscopal lui donne seulement le moyen d’exercer, par l’ordination et par la confirmation, une représentation plus étendue. Les décrets ne sont point exécutés, quand les limites des diocèses et des métropoles ne sont point changées, quand la juridiction propre aux évêques supprimés n’est point décrite, et quand celle des évêques conservés ne reçoit point d’extension. Les évêques qui donnent leur délégation reconnaissent, comme ceux qui la refusent, que la puissance civile ne peut ni donner, ni ravir, ni transmettre une juridiction purement spirituelle, qui n’appartient qu’à l’Eglise. Ainsi ceux qui prennent des moyens de conciliation sont en contradiction avec les décrets, comme ceux qui croieut devoir opposer une résistance absolue. Ainsi, le zèle est justifié par la rigueur des principes, et la condescendance est désespérée par l’inutilité des moyens. Cette délégation ne pourrait être donnée qu’à terme, dans une forme provisoire ; jusqu’à ce que les formes canoniques eussent été remplies. Elle suspend les décisions, et ne peut pas y suppléer. Elle prolonge les difficultés et ne les termine pas. Il ne s’agit pas seulement des évêques qui peuvent déléguer leurs pouvoirs. Il s’agit de ceux qui ne les délégueront pas. S’ils ont le droit de donner leur délégation, ils ont le droit de la refuser. Gomment leur juri fiction, exercée et retenue par eux -mêmes, peut-elle être usurpée par un autre? Ceux qui peuvent recevoir les pouvoirs 156 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 octobre 1790.] qu’on leur donne, ne veulent pas usurper ceux qu’on leur refuse. Ils ne peuvent pas méconnaître les principes de leur propre juridiction. C’est après avoir épuisé tous les moyens de conciliation, que des évêques seront forcés de résister eux-mêmes aux décrets, par le refus d’exercer, dans un autre diocèse, un pouvoir qu’ils n’ont pas. Il y a des métropoles entières supprimées, telle que celle d’Arles; il ne reste pas un seul des évêchés suffragants de cette église antique et vénérable, qui fut le berceau du christianisme dans les Gaules, et qui compte, dans ses annales, un des premiers conciles de l’Eglise. Quel est l’évêque qui puisse envahir les pouvoirs d’une église et d’une métropole à laquelle l’Eglise avait transmis, depuis si longtemps, la prééminence et la dignité, quand l’Eglise n’a point prononcé sa suppression ? On parle de la démission des évêques dont les sièges sont supprimés : il faut des motifs canoniques à des évêques pour donner leur démission. C’est l’utilité de l’Eglise; c’est la crainte des troubles ; c’est, surtout, le désir de prévenir le schisme, qui doit diriger la conduite des ministres de la religion. Nous ne sommes pas évêques pour nous, dit saint Augustin, mais pour ceux auxquels nous administrons l’Evangile et les sacrements. Nous dépendons des besoins, ou même des scandales des peuples ; et nous devons être ou n’être pas, selon leur plus grande utilité, ce que nous sommes pour eux et non pour nous. C’est ainsi, que des évêques catholiques offraient de résigner leurs sièges aux évêques do-natistes, pour rétablir, dans le sein de l’église d’Afrique, l’unité de la communion. Mais il ne s’agissait pas de destituer des évêques de leurs sièges, par un simple acte de l’autorité civile, sans accusation et sans jugement. C’était dans un concile, que Futilité des églises fut discutée et décidée. C’était par le consentement de tous les évêques, que les sièges devaient être résignés ou partagés. La puissance civile n’avait point enchaîné leur pouvoir, et ne leur avait point imposé de contrainte. Faut-il que des évêques consacrent, par leur démission, l’oubli des formes canoniques? Faut-il que des évêques s’exposent à voir des troubles suscités dans leurs diocèses, par le refus de leur démission? Quand les flots commencent à se soulever, doivent-ils abandonner leur église agitée au milieu de l’orage? Doivent-ils entretenir les funestes divisions qui peuvent déchirer le sein de leur église, plutôt que de résigner leur siège à ceux qui peuvent exercer, dans la paix, un ministère utile? Ce n’est point par leurs erreurs, ou par leurs fautes, que les évêques se trouvent placés au milieu des doutes et des incertitudes. Leurs motifs et leurs actions peuvent différer, comme le sentiment qu’ils ont des circonstances utiles ou nuisibles au bien de la religion ; et le zèle, dont les formes varient, peut leur présenter sous différents rapports les règles qui doivent en rappeler les principes, ou ies conseils qui peuvent en tempérer les effets. Il n’y a point de loi qui leur ôte leur liberté, quand l’Eglise n’a point manifesté son vœu, ni prononcé son jugement. La conduite des évêques peut être assujettie à des mouvements de zèle et de charité, qui n’ont point une règle fixe et déterminée ; et ceux qui, réclamant la liberté de leur ministère, conservent leurs fonctions, ne peuvent pas être condamnés par l’exemple de ceux qui donneraient une démission libre et volontaire. Si les décrets étaient des lois dans l’ordre de la religion, la suppression serait effectuée quand elle serait décrétée ; et ladémission serait inutile, ou serait nécessaire. La démission ne pourrait être qu’un acte obligatoire et susceptible de contrainte, comme l’obéissance aux lois. Si la démission est libre, c’est parce que les décrets ne sont pas des lois dans l’ordre de la religion. Si la démission est libre, le refus doit l’être, et ne peut pas être un crime. Il est une liberté qui manque aux évêques : ce n’est pas celle de refuser leur démission ; c’est celle de la donner, sans l’autorisation de l’Eglise. Il est des formes canoniques, pour autoriser leur démission, et pour la rendre valide. Il ne dépend pas d’eux, d’abandonner le soin des fidèles qui leur sont confiés. Si des évêques doivent être prêts à se déposer eux-mêmes, pour éviter les scissions et pour maintenir l’unité, les plus anciennes règles des conciles privent de la communion les évêques déserteurs de leur église. Ce n’est pas une cession légitime; c'est une désertion, qjue l’abandon d’un siège épiscopal, sans les formes canoniques. Tel est le langage de l’Eglise. Un évêque contracte avec son église une alliance instituée par Dieu même ; et ce u’est pas la force humaine, c’est une autorité divine confiée à l’Eglise, qui peut briser les liens d’un engagement irrévocable, pour le plus grand bien de la religion. La démission d’un évêque est sans effet, quand elle n’est pas acceptée, et ne peut ni le priver de son pouvoir, ni l’affranchir de ses obligations. Sa volonté n’est pas sa loi ; son autorité n’émane pas de lui-même; son ministère est ce dépôt sacré qui ne peut pas rester sans usage entre ses mains, et qu’il ne peut remettre, qu’à la puissance dont il l’a reçu. C’étaient les conciles provinciaux, c’étaient les métropolitains, ou les papes, qui jugeaient des causes de la démission, et qui la légitimaient par leur acceptation. Quelle est la puissance à laquelle un évêque doit s’adresser, aujourd’hui, pour donner sa démission? Est-ce au pape? Est-ce au métropolitain? C’est au chef de l’Eglise, que l’acceptation en est réservée par une longue possession ; et les décrets même n’ont rien prévu, rien énoncé sur la démission des évêques. Quel serait le métropolitain ? Un évêque n’a pas le droit de juger, dans sa propre cause, la cause de tous les évêques : un évêque n’a pas le droit de s’adresser au métropolitain que l’Eglise ne lui a pas donné. Celui qui s’adresserait à des métropolitains supprimés, serait en contradiction avec lui-même, puisqu’il contredirait les décrets, au moment même qu’il voudrait les exécuter. Quel serait l’effet de la démission des évêques, quand les formes qu’ils auraient prises pour autoriser leur démission seraient contraires, soit aux décrets de l’Assemblée nationale, soit aux règles de l’Eglise? La démission des évêques serait sans effet, aussi longtemps que l’Eglise ne l’aurait point acceptée ; [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 octobre 1790.] 157 ils resteraient investis de tous les pouvoirs, et chargés de tous les devoirs de leur place; et les décrets ne seraient pas plus exécutés par la condescendance, que par l’opposition. Quand même la démission des évêques serait acceptée, elle laisserait subsister les mêmes difficultés; et, si les difficultés sont les mêmes, il semble qu’il ne leur reste plus de motif pour donner leur démission. Quels sont les difficultés? C’est qu’il faut recourir à la puissance ecclésiastique pour procéder à la réunion, à la division des diocèses, à l’érection, à l’abolition des évêchés, à la translation d’une juridiction attachée aux différents sièges établis, à la suppression de tous les titres auxquels la juridiction spirituelle est attachée. Ces titres, ces droits établis par l’Eglise, et non abolis par elle, survivent à leur abandon; et résistent, sans aucune opposition des hommes, à des décrets émanés d’une puissance purement civile, dont ne dépend point le gouvernement spirituel de l’Eglise. La démission d’un évêque est un acte purement personnel, qui n’a d’effet que pour lui-même; il n’en a point pour son église : son église a les mêmes titres, les mêmes droits, le même étal, soit qu’il se démette, ou qu’il ne se démette pas. Les sièges sont vacants ; les églises ne le sont pas. L’Eglise a pourvu, par une administration non interrompue, à tous les besoins des fidèles. Les hommes meurent; les corps survivent, et l’Eglise a transmis, dans la vacance des sièges, une juridiction spirituelle qu’elle seule peut donner, à des corps établis qui ne peuvent pas être privés de leurs pouvoirs, sans l’autorité de l’Eglise. C’est à l’exercice de cette juridiction des corps autorisés par l’Eglise, que la démission des évêques donnerait ouverture, et nulle autorité ne pourrait y suppléer aussi longtemps que l’Eglise ne l’aurait point établie. C’est alors que ces corps, même dispersés, reprendraient tous leurs droits, selon les règles canoniques; et la démission des évêques, ainsi que leur décès, opérerait un état de choses, plus susceptible encore d’oppositions et de difficultés. Les érections des évêchés présentent les mêmes difficultés que les extensions et les suppressions des diocèses et des métropoles. On ne peut pas ériger un évêché sans détruire la juridiction de l’évêque diocésain et sans la transmettre à un autre. Les évêchés étaient fondés par les conciles provinciaux, et les papes, dans les cinq premiers siècles de l’Eglise ; ils étaient le plus souvent établis dans des régions infidèles, et n’opéraient point le démembrement des anciens diocèses. Quand il a fallu diviser, pour la plus grande utilité de l’Eglise, les sièges établis dans les pays catholiques, par des érections nouvelles, les droits se sont multipliés comme les intérêts, et l’intervention de toutes les parties intéressées est devenue une condition essentielle des érections. Il fallait entendre les réclamations des diocésains, consulter les intérêts, les droits, ou le vœu des communautés; et réunir le consentement des princes, des évêques diocésains, des métropolitains et des papes. On retrouve fidèlement observées, dès le sixième siècle, ces règles constantes de l’érection des nouveaux sièges, le consentement du prince et de l’évêque diocésain, et le recours au métropolitain, ou au pape; et les monuments multipliés de l’Eglise de France attestent, dans tous les temps, le concours indispensable du sacerdoce et de l’Empire. Si des contestations se sont élevées entre la puissance civile et la puissance ecclésiastique, elles n’ont jamais été terminées que par l’abandon des entreprises, ou par la conciliation de deux puissances. Il n’y a pas un exemple de la réunion de plusieurs diocèses, delà séparation de deux diocèses unis, de la division d’un évêché, de la translation même d'un siège épiscopal, sans l’intervention de la puissance ecclésiastique. Depuis plus de deux siècles, en France, les évêques ont reçu du pape l’institution canonique. Cette forme même avait été suivie dans des temps antérieurs, soit pour maintenir une élection canonique, en cas d’opposition, soit pour annuler une confirmation donnée contre les canons, soit pour prononcer sur l’appel d’un refus injuste; et le concile de Bâle, en en rétablissant les anciennes coutumes, avait excepté le cas d’une élection même canonique, qui pouvait opérer des troubles dans l’Eglise ou dans l’Etat. Par quelle fatalité faut-il que le chef de l’Eglise ne soit pas consulté sur des droits qui lui furent attribués par les lois, depuis deux siècles, et sur cette partie de la juridiction qu’il avait exercée dans tous les temps, et que l’Eglise avait constamment maintenue 1 11 est sans doute conforme à l’antique discipline de l’Eglise gallicane, d’attribuer aux métropolitains et aux plus anciens évêques des métropoles l’institution des évêques. Mais il ne faut pas oublier que les métropolitains même empruntaient leur pouvoir des conciles provinciaux. C’étaient les évêques de chaque métropole qui s’assemblaient pour la confirmation et la consécration d’un évêque de la province. C’étaient les conciles provinciaux qui donnaient l’institution canonique, par la voie des métropolitains ou des plus anciens évêques ; et c’est au défaut des conciles provinciaux, que les métropolitains ou les anciens évêques en ont exercé les droits. Si l’on veut rétablir les principes et les usages de l’Eglise dans toute leur intégrité, il faut que les conciles provinciaux s’assemblent pour reprendre le droit de donner l'institution canonique; et il serait de toute justice qu’ils fussent convoqués, et consultés sur des articles qui concernent une partie essentielle de leurs droits et de leurs pouvoirs. Les conciles provinciaux doivent être assemblés, dans la suite, pour le maintien des règles, et la réforme des abus. Comment pèut-on opposer des obstacles à leur convocation, dans le moment de la plus grande révolution que puisse éprouver le gouvernement de l’Eglise ? Comment un ancien évêque, un métropolitain seul, et sans le concours de l’Église, ou du chef de l’Eglise, ou de la province ecclésiastique à laquelle il appartient, peut-il détruire, de sa propre autorité, la discipline actuellement et depuis longtemps établie dans l’Eglise? Et quelque puisse être le retour à l’ancienne discipline, comment peut-il faire, par lui-même, un changement qui doit avoir une si grande influence sur l’état de l’Eglise gallicane? Il y aurait, sans doute, moins de difficultés, si l’ancienne forme des élections était rétablie, comme celle de l’institution canonique. Mais 011 sait à quel point la forme qu’on propose pour les élections est contraire aux règles anciennes. |30 octobre 1700.) 158 lAssenJUfe nationale.) AlitHLVES PARLEMENTAIRES. C’était le peuple, c’était le clergé qui concourait, en corps, aux élections. Le clergé avait la principale influence, et le peuple donnait son suffrage par lui-même. Le peuple était le corps des fidèles ; c’était la réunion des membres de l’Eglise catholique dans. chaque diocèse, pour un des objets les plus importants de la religion. Il ne s’agissait pas d’exercer les droits de citoyen dans une assemblée politique, pour l’établissement des administrations civiles : il s’agissait de nommer un évêque, dans une assemblée religieuse. Les élections étaient faites par les fidèles, parce que l’Eglise invoquait le témoignage de leur conscience. C’est ce bon témoignage que saint Paul recommande comme le sceau de la vérité. C’est le suffrage commun dit saint Eyprien, qui doit apprécier les mœurs et les vertus. C’est la voix du peuple, qui révèle les fautes et les mérites. On ne consulte point les fidèles, quand ils ne sont point convoqués dans la vacance du siège; et quand un corps électoral, nommé dans un autre temps et pour d’autres objets, exerce, sans leur concours, le droit d’éleciion. C’était, dans les anciens temps, le clergé qui présidait aux élections. C’était dans l’assemblée des évêques de la province, qu’un évêque était élu. Souvent les conseils ont rempli les sièges vacants; et, quand les anciens usages éprouvèrent des changements, c'étaient, en France, les chapitres des églises cathédrales, auxquels le droit d’élire avait été transmis. Il n’y a pas d’exemple d’une forme d’élection sur laquelle le clergé n’ait pas eu la principale influence: cette influence est anéantie. Il y a des départements dans lesquels on ne compte pas un ecclésiastique parmi les électeurs. Telle est même la constitution, que les ecclésiastiques peuvent en être partout exclus, selon le résultat des élections. Si les ecclésiastiques peuvent concourir, dans les assemblées primaires, à la nomination des électeurs, ils y sont admis comme citoyens, et non comme ecclésiastiques ; et les électeurs mêmes, appelés à former par leur choix, des administrations, et des assemblées purement civiles, peuvent professer une autre religion. 11 semble qu’on a voulu corriger cette surprenante irrégularité, par l’obligation imposée d’assister à la messe. Des électeurs non catholiques peuvent assister à la messe ; puisque les lois ne donnent pas les moyens de les connaître, ou le •droit de leur interdire l'entrée du temple et les approches de l’autel. Pourquoi n’a-t-on pas exigé le serment et la profession de la religion catholique, si l’obligation qu’on lui substitue doit avoir le même effet? Gomment peut-on exclure ceux d’une autre religion, si la loi d’assister à la mese n’a pas le même effet que le serment ? 11 est de l’intérêt commun de l’Eglise et de l’Etat de prendre des moyens qui rétablissent les droits des ministres de la religion et des fidèles. Quand les Etats d’Orléans voulurent rétablir les élections, ils appelèrent des citoyens élus à concourir avec les conciles des provinces, pour nommer les évêques, et leur soigneuse attention sut concilier, par des formes paisibles, la représentation du peuple et du clergé. Ce sont ces moyens sur lesquels l’Eglise doit être consultée ; et si l’on craint de semer le trouble et la division parmi les citoyens, il est juste que l’Eglise, en rappelant les principes qui peuvent rendre les élections canoniques, concoure à l’établissement des règles sages qui peuvent maintenir la tranquillité publique. On assimile l'élection des curés à celle des évêques. Telles sont les obligations imposées aux évêques, qu’ils sont chargés de veiller sur l'administration de leurs diocèses, et qu’ils sont responsables de tout ce qui concerne le bien de la religion; ils en sont responsables dans chaque paroisse, conjointement avec chaque pasteur; ils le sont dans toutes les paroisses. L’Eglise leur attribua, dans tous les temps, de droit commun, avec l'obligation de pourvoir au service du culte et aux besoins des fidèles, la collation et la nomination des cures de leurs diocèses. On sait que les évêques 0Dt été, pendant longtemps, les dispensateurs de tous les biens ecclésiastiques de leurs diocèses. Ces biens étaient consacrés à tous les besoins des églises, et c’est de là que vinrent les règles renouvelées par tant de conciles généraux ou particuliers, sur la distribution des biens des églises. On sait que, pendant longtemps, dans l’Eglise, l’ordre et le titre od office étaient inséparables. 11 n’y avait point de prêtres, sans titres, il n’y avait point de titres sans fonctions, et la collation des titres n’était point distinguée de l’ordination des prêtres. G’est dans ces temps mèmès qu’on retrouve les seuls monuments qui rappellent l’influence du peuple, sur un choix toujours réservé à la disposition des évêques. Les évêques interrogeaient l’opinion publique, sur la vie habituelle et sur le caraeière de ceux qu’ils destinaient au sacerdoce, en même temps qu’ils consultaient le suffrage du clergé. On conserve encore dans l’ordi nation une formule ancienne, par laquelle les fidèles sont invités à révéler les fautes de ceux qui se présentent à l’ordination ; et la publication des bans, est l’exécution toujours subsistante des anciens usages. On n’en a pas conclu que l’ordination dépendait du consentement et du choix des peuples. Depuis que l’ordination est séparée de la collation des bénéfices, les évêques ont, non seulement conservé leur pouvoir sur l’ordination, mais ils ont été regardés comme coilateurs ordinaires des hénélices-cures de leur diocèse. L’Eglise, eu admettant une exception en faveur des patrons et fondateurs, n’a point abandonné les principes des droits des évêques, parce que l’exception même est, émanée de leur consentement. C’étaient des fondations des évêques dans leurs diocèses, ou dans celui de leur naissance. Ils donnaient leurs biens pour des établissements pieux; et l’Eglise leur accordait la présentation, et quelquefois même un droit propre et personnel de collation. C’étaient des chapelles rurales, des oratoires privés, que les évêques ont érigés dans la suite en paroisses, selon les besoins des lieux. Cœtaient des monastères devenus des paroisses, par l’autorité des évêques. C’était une destination attachée au titre même des fondations. C’était un libre et volontaire effet de la reconnaissance de l’Eglisi% pour les bienfaiteurs et les fondateurs des églises. C’était pour l’intérêt du peuple, auquel ces dons, à la fois religieux et charitables, épargnaient la charge onéreuse de la dotation des églises, et des constructions et des réparations des temples. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 octobre 1790.] {KO El ces exceptions enfin, plus ou moins rares, n’empêchaient pas que la nomination des cures ne fut réservée, en général, à la dispostion des évêques ; et ne détruisaient ni leurs pouvoirs, ni leurs devoirs dans l'administration de leurs diocèses. Il n’y a pas un pays catholique où la nomination des cures n’appàrtienne pas, de droit commun, aux évêques diocésains. Il n’y a pas une loi ecclésiastique, ou civile, qui ait remis la nomination des cures au sort des élections. Il faut bien qu’on ait regardé le choix des pasteurs, comme une partie essentielle de l’administration épiscopale;- puisque l'Eglise en a toujours chargé la sollicitude des évêques, dans les temps même où les évêques ne pouvaient être nommés que par élection. Si le droit de nommer les pasteurs fut toujours attaché par l’Eglise, à l’obligation de veiller au service des paroisses, comment une loi purement civile peut-elle en priver les évêques? Gomment pourrait un évêque reconnaître la validité d’une innovation contraire aux règles que l’Eglise a toujours suivies? et comment sa reconnaissance pourrait-elle légitimer la cession d’une partie des devoirs et des droits de l’administration épiscopale? Si chaque évêque, dans son diocèse, peut assimiler la présentation des électeurs à celle des patrons; s’il peut accorder, par une disposition libre et volontaire, après un examen sévère des mœurs et de la doctrine, une institution canonique à celui qu’on lui présente, il ne peut pas, Jui-mème, annuler le principe de ses devoirs et de ses droits, et de ceux de tous les évêques du royaume. Il peut entretenir la paix, déférer au vœu qu’on lui témoigne, pourvoir au gouvernement d’une paroisse, et prévenir les maux des longues vacances et des longues discussions: il ne peut pas changer les règles générales del’Eglise. Sa déférence a des effeis dans l’ordre de l’admi-nistraiion : elle n’en a point dans celui de la législation. Il est dans son pouvoir de subordonner l’exercice de son ministère au bien des citoyens et des tidèles : il ne dépend pas de lui d’en abolir les principes. Ses devoirs et ses droits ne sont points détruits par un moyen qui les conserve; et les lois de l’Eglise subsistent aussi longtemps , qu’elle ne les a point révoquées. Cette surveillance générale, inséparable du ministère d’évêque, doit s’étendre sur les séminaires qui préparent des pasteurs aux paroisses, comme sur l'ordination même et la collation des cures. Il faut qu’un évêque puisse juger des sentiments, des dispostions et des mœurs de ceux qui se destinent à l’état ecclésiastique; il faut que ceux qui veillent sur leurs progrès, partagent sa confiance. Gomment peut-il se répondre à lui-même de la vigilance et de la capacité de ceux qu’il n’a pas choisis? C’est une partie essentielle de sa juridiction, que les décrets lui ravissent. Il fut un temps où le clergé de chaque église pratiquait en eommun les engagements et les règles de la vie ecclésiastique. L’évêque était le supérieur d’une congrégation unie par tous les liens de l’obéissance et de l’autorité; la maison épiscopale était le séminaire du diocèse; les jeunes clercs, entretenus par la mense commune, contractaient un engagement durable avec leur évêque : ils ne pouvaient pas s’éloigner sans sa permission ; ils ne pouvaient pas accepter un bénéfice, un emploi dans un autre diocèse, sans son consentement. Un lien toujours respecté les attachait à l’Eglise dans laquelle ils recevaient les ordres sacrés ; l’Eglise a conservé, dans l’ordination, la formule du serment qu’ils prêtent à l’évêque diocésain. On veut que les supérieurs et directeurs du séminaire soient inamovibles : il est à désirer qu'ils puissent l’être par leurs vertus et par leurs services. L’inconstacee et la variation décréditent le pouvoir, et lui font perdre toute sa force : mais il est bien contraire aux principes de l'administration ecclésiastique, qu’un évêque responsable de la conduite des ecclésiastiques confiés à ses soins, soit forcé de les abandonner aux mains de ceux qui cesseraient de mériter sa confiance; et, si les supérieurs dn séminaire doivent être inamovibles, c’est une raison de plus pour qu’il s’en réserve le choix, et qu’on n’associe pas à son administration ceux qu’il aurait rejetés lui-même. On ne conçoit pas la différence qu’on établit entre la nomination des supérieurs du séminaire et celle des vicaires de l’église cathédrale. Les supérieurs et directeurs du séminaire doivent former, conjointement avec les vicaires de l’église cathédrale, le conseil habituel et permanent de l’évêque. La nomination des vicaires est laissée à la disposition de l’évêque. Les mêines raisons doivent lui donner le droit de nommer tous ceux qui composent son conseil habituel et permanent. Il est dit que l’église cathédrale n’aura pas d’autre pasteur immédiat que l’évêque. L’évêque est chargé du soin des fidèles avec les curés, ses coopérateurs, dans chaque paroisse; et son ministère est le même dans toutes les paroisses de son diocèse. Quelles que puissent être ses occupations dans son église cathédrale, on ne peut pas restreindre, dans l’enceinte d’une seule église, la surveillance et la juridiction attachée à son ministère épiscopal. G’est sa juridiction : ce n’est pas celle d’un autre. Il est sage, il est utile qu’il ne délibère et ne prononce que dans son conseil, qu’après avoir consulté ceux qu’il s'associe, ou que l’Eglise lui associe pour former son conseil habituel. L’Eglise peut établir comme inamovibles, ceux auxquels un évêque donnera sa confiance par son propre choix ; mais ceux-là mêmes ne peuvent emprunter l’exercice de sa juridiction que de lui -même. Les évêques ne peuvent pas perdre, dans leur conseil habituel et journalier, cette même juridiction que l’Eglise attache au ministère épiscopal, dont les vicaires représentent la source par leur titre même, et qu’ils ne peuvent exercer que par le choix et au nom des évêques. Ainsi l’évêque doit conserver sa juridiction au milieu de son conseil, et l’exercice doit en être libre et volontaire, et ses décisions prononcées dans son conseil ne doivent pas être le simple résultat de la délibération de ses vicaires. Ges vicaires seraient au nombre de douze ou de seize. Il n’aurait que sa voix ; ils seraient évêques, en corps, l’évêque cesserait de l’être lui-même. Il est contraire à tous les principes de l'Eglise, que la juridiction de l’évêque dépende, dans l’universalité des actes, de ceux qui n’ont point la juridiction épiscopale, à qui l’Eglise ne l’a point transmise, et qui n’en ont pas reçu les pouvoirs par une délégation libre et volontaire. Il y a des vicaires indiqués par les décrets qui ne seraient pas même choisis par l’évêque, tels que les curés établis dans les églises cathédrales et les curés des paroisses réunies. Il est dit qu’ils seront vicaires de plein droit. On donne aux curés, comme aux évêques, des vicaires qui ne sont [Assemblée nationale. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 octobre 1190.] pas appelés par leur choix. Les curés des paroisses supprimées seront vicaires de plein droit, des paroisses auxquelles elles seront réunies. Quelle est la puissance civile qui peut donner, de plein droit, l'exercice de la juridiction des évêques et des curés ? Une juridiction ne peut pas se transmettre par un acte forcé : si l’acte par lequel elle se transmet est forcé, c’est la puissance qui l’ordonne à qui la juridiction appartient ; et il est impossible de dire que la juridiction des évêques et des curés appartient à la puissance civile. C’est ôter aux évêques une partie de leur juridiction, que de leur ôter les choix des supérieurs et directeurs du séminaire, le choix de tous leurs vicaires; ce serait là leur ôter tout entière, que de l’asservir à des délibérations prises dans le conseil de leurs vicaires, à la pluralité des voix. Il est un droit établi par l’ancienne discipline de l’Eglise, un droit attaché, dans tous les temps, à la juridiction épiscopale, dont l’activité n’a jamais été suspendue, que par le consentement de l’Eglise, et dont les lois ont rappelé les principes et rétabli l’exercice : depuis deux siècles, dans toutes les églises, le droit de donner ou de refuser l’approbation à des prêtres ordonnés ou à des prêtres admis dans les diocèses. Quand le concile de Trente a déclaré la nécessité de l’approbation de l’évêque, il n’a rappelé que les règles anciennement observées dans l’Eglise et confirmées par les capitulaires. Huit conciles provinciaux, en France, ont adopté le décret du concile de Trente; et la pratique de l’Eglise gallicane est la pratique universelle de toutes les églises. Les lois de l’Etat ont confirmé les lois de l’Eglise. Un règlementdela chambre ecclésiastique adopté par les Etats généraux, en 1614, porte que nul prêtre séculier ou régulier ne s’ingérera de prêcher ou de confesser sauf l’examen ou l’approbation de l’évêque diocésain ; et le consentement des curés et les derniers édits sont conformes aux plus anciennes lois du royaume, comme aux canons du concile. Il importe à la bonne administration d’un diocèse, de favoriser le concours utile du choix des curés et de l’approbation des évêques; il faut réunir les soins de tous les pasteurs au lieu de les diviser ; et le choix que font les curés, parmi les prêtres approuvés, présente aux fidèles tous les motifs qui peuvent mériter leur confiance. On impose aux curés, eux-mêmes, des formalités difficiles, qui peuvent nuire au succès de leur ministère; il ne leur suffit pas de déposer, dans le sein de leurs évêques, des motifs d’une indispensable et pressante nécessité, pour renvoyer un vicaire: il faut, selon les décrets, qu’un changement inévitable, dont le délai même est nuisible, devienne l’objet d’une contestation qui ne doit être jugée que par l’évêque et son conseil. L’expérience apprend quelle est la confiance que des évêques doivent avoir dans les lumières, les vertus et la pratique habituelle du corps respectable des curés, qui sont leurs coopérateurs dans les fonctions du saint ministère. 11 y a des circonstances dans lesquelles des pasteurs peuvent perdre tous les moyens de rendre leur ministère utile par la contradiction de ceux qui doivent les aider dans l’exercice de leurs fonctions. On ne peut pas toujours, on ne doit pas, le plus souvent, intenter une accusation à ceux dont on ne peut pas employer les soins avec confiance; et la seule différence des caractères a des effets nuisibles, auxquels on peut remédier parla voix de la sagesse, et non par les longues formalités d’une discussion ou d’un jugement. Quand nous réclamons les principes de la juridiction épiscopale, ce n’est pas pour en rendre 1,’exercice arbitraire : Jésus-Christ, instituant son Église, n’a pas laissé flotter son gouvernement au gré des passions, des intérêts et des erreurs d’un moment. Telle fut la sainte hiérarchie, et tels étaient les sages tempéraments qui formaient l’économie et la discipline de la primitive Eglise, que chaque fonction avait son pouvoir, et chaque pouvoir avait sa dépendance. C’étaient les pasteurs et les prêtres des églises, qu’elle convoquait dans les synodes, pour rendre compte de leur conduite dans l’administration de la parole et des sacrements, dans la célébration des offices divins, et dans l’ordre entier de leur ministère. C’est dans les synodes, que les saintes règles étaient renouvelées, que chaque pasteur venait puiser les conseils et les enseignements utiles, et que l’évêque, uni dans le même esprit avec le clergé de son diocèse, veillait à tout ce qui pouvait concerner le service des paroisses et les besoins spirituels des peuples. C’était dans les conseils provinciaux que les évêques, à leur tour, étaient soumis à l’admonition, à la correction que pouvait mériter leur négligence dans leur ministère. C’était par la réunion de leurs premiers pasteurs, que les églises de chaque province étaient maintenues dans la dignité du culte et l’uniformité de la discipline. C’étaient les conciles nationaux, c’étaient les conciles universels qui rassemblaient la force de toutes les églises de chaque nation, ou de toutes les nations, pour attaquer les abus dans leur source, et pour établir les réformes. Le premier devoir des conciles était l’examen de la vie et de la conduite des évêques : il s’agissait de savoir, en rappelant les règles anciennes des pères, si quelque évêque avait omis ou contredit ce que lui prescrivaient les décrets de l’Église. Il était même interdit de proposer aucune affaire au concile, avant d’avoir terminé ce qui concernait la correction des mœurs, la sévérité des règles et la réparation des fautes. Si quelque évêque s’était absenté du concile provincial, sans motif légitime, il était suspendu de la communion avec les évêques de sa province, jusqu’à la convocation du concile national. L’Église avait érigé dans son sein ces tribunaux de censure, afin d’entretenir sans variation, dans l’administration et dans l’enseignement, l’unité de la discipline et de la foi. C’est à la cessation des conciles nationaux et provinciaux, c’est à la convocation plus rare dans les synodes que l’Eglise de France attribue, depuis longtemps, les abus qui doivent exciter sa vigilance; les assemblées du clergé n’ont point cessé de réclamer, depuis un siècle, la convocation toujours plusindispensabledes conciles nationaux et des conciles provinciaux; et l’Eglise, à laquelle il n’a rien manqué que le concours des puissances de la terre, pour subordonner à ses lois ceux auxquels elle confie sa juridiction, avait établi les conciles comme les juges et les témoins invariables de tous les devoirs qu’elle impose aux ministres de la religion. Cependant l’Eglise dispersée n’était point sans guide et sans gouvernement. Les apôtres ont [Assemblée nationale.] AftCHiVËâ PARLEMENTAIRES. [30 octobre 1790.J reçu la forme instituée par Jésus-Christ lui-même, et l’ont donnée aux siècles futurs. Chaque Eglise est formée sur le modèle de l’Eglise entière; chaque Eglise a ses fidèles, ses prêtres, ses pasteurs et son premier pasteur, qui tient en sa main la conduite de tous les autres; lui-même il est soumis dans ses jugements, par des formes sagement établies, au jugement d’un métropolitain ou d’un primat, et le gouvernement de toutes les Eglises s’élève par une gradation que le temps n’a point interrompue, jusqu’à cette première chaire apostolique, l’Eglise de Rome, le siège du chef de l’Eglise universelle qui tient, de droit divin, la primauté d’honneur et de juridiction dans l’Eglise, dont la surveillance maintient dans l’univers catholique �uniformité de la discipline et de la foi, et dont la communion est le centre de l’unité. Nous opposons à la nouveauté la pierre sur laquelle nous sommes fondés, et l’autorité de nos traditions où tous les siècles passés sont renfermés, et l’antiquité qui nous réunit à l’origine des choses. Nous marchons dans les sentiers de nos pères; mais nous marchons dans les anciennes mœurs comme dans l’ancienne foi. On peut rétablir l’ancienne discipline dans son intégrité; on ne peut pas en détruire les principes, quand ou veut en renouveler les règles. On ne peut pas rétablir l’ancienne discipline dans une partie, et la détruire dans toutes les autres. On ne peut pas en renouveler les règles éparses et désunies, sans l’intervention de l’Eglise. Il est possible que des changements surviennent, par la succession des temps, dans les anciennes institutions. On peut remonter à leur source; et le rétablissement des règles pour le plus grand bien de la religion, devient l’objet de la même autorité dont les institutions religieuses sont l’ouvrage. On supprime, on éteint, par le simple effet du silence d’une constitution purement civile, tous les offices et titres ecclésiastiques qui n’y sont pas mentionnés. On dénomme ensuite comme éteints et comme supprimés, sans qu’il puisse jamais en être établis de semblables, tous bénéfices quelconques, de quelque nature et sous quelque dénomination que ce soit, autres que les cures, évêchés et métropoles. Les chapitres des églises cathédrales sont des établissements antiques et respectables, qui remontent à ces Eglises mères, d’où proviennent toutes les autres Eglises. C’est à l’Eglise épiscopale que furent attachés, dans les premiers siècles, les administrateurs des bonnes règles, les dispensateurs des choses saintes et les économes des biens consacrés. Quand les églises se multiplièrent dans les diocèses, quand le clergé de chaque église, se dispersant dans les villes et clans les campagnes, se consacra dans un domicile fixe au service des paroisses, les chapitres établis dans les églises cathédrales exercèrent des fonctions utiles à l’édification publique, à l’observation des règles et à l’enseignement de la religion. Les olfices divins étaient célébrés de toute antiquité dans les églises épiscopales. Les plus anciens conciles ont prescrit la pratique journalière de l’office, du chant et des cérémonies saintes, et la célébration du service divin dans les églises cathédrales doit être régardée comme une coutume universelle de l’ Église, dans tous les temps et dans tous les lieux. Les évêques avaient formé des établissements l'a SÉRIE. T. XX. 161 dont l’utilité ne fût pas renfermée dans l’enceinte de leurs églises. Les archiprêtres étaient chargés de veiller à l’observation des règles, dans les paroisses. Les archidiacres entretenaient l’économie et la juste disiribution des biens des églises. Les pénitentiers formaient un tribunal érigé pour le for delà conscience. Il y eut, dans la suite, des places affectées à l’enseignement et à l’instruction de la doctrine. Ces établissements furent dotés sur les revenus des chapitres. Les chapitres entretenaient, dans leur sein, une partie des institutions qui sont devenues l’objet des écoles et des séminaires, sous la protection de l’Eglise et de l’Etat. Les changements introduits dans la discipline de l’Eglise et dans la forme du gouvernement des diocèses n’ont pas laissé subsister les mêmes droits et les mêmes obligations. Mais les chapitres ont conservé leurs fonctions dans le service du culte divin, leur assistance dans les synodes, leur juste influence sur les objets de l’administration générale des diocèses; et la juridiction des chapitres, pendant la vacance des sièges, soumises à des règles qui la confirment, et constamment maintenue, semble avoir fait partie de cette juridiction ordinaire, dont les différents degrés ont formé la hiérarchie et le gouvernement de chaque église. C’est cette juridiction spirituelle, dans son objet et dans sa source, que les chapitres ont exercée, sous la protection de la puissance civile, qu’ils ne peuvent pas tenir d’elle, et qu’elle ne peut pas leur ôter, sans le concours et l’autorité de la puissance ecclésiastique. Un évêque seul ne peut pas supprimer, par lui-même, une juridiction qui lui survit. Un évêque seul ne peut pas opérer, par son consentement, une suppression qui n’est pas locale et propre à son diocèse, et qui forme une révolution universelle dans l’état de toutes les églises de France. On supprime les chapitres réguliers et les abbayes et prieurés en règle, comme les bénéfices en commande. Nous devons un témoignage à la vérité. Nous avons vu, parmi les religieux, des hommes instruits daus l’étude de la religion, des lettres et des sciences. Nous avons vu des congrégations livrées, avec autant de zèle que de lumière, aux soins de l’instruction et de l’éducation publique. Nous avons vu des prêtres vertueux, adonnés aux fonctions du ministère, dans les paroisses. Nous avons vu des ministres de charité, qui rendaient, dans leurs maisons et dans les hôpitaux, sur les flottes et dans les armées, et jusque sous l’empire des nations barbares, tous les services que peuvent réclamer les besoins de la religion et de l’humanité. Nous n’avons pas pu croire que des hommes se repentaient de leur état, quand ils en remplissaient les plus pénibles devoirs; et nous ne pouvons pas croire encore qu’un si grand nombre de religieux respectables, qui n’envient d'autre liberté que ceiie de rester dans leur état, rétractent au fond du cœur le vœu de leur profession. Ce vœu reste toujours le même, tel qu’il fut prononcé dans la solennité de leur profession, sous l’autorité des lois de l’Eglise et de l’Etat. Le vœu de religion est une promesse faite à Dieu de passer sa vie dans la pratique des conseils évangéliques, selon une règle approuvée par l’Eglise. Relui qui viole sa promesse commet un par-11 102 (Aasepblée «uitioiiale.j ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 octobre 1790.) jure. La religion lui rappelle un souvenir qui le condamne, le souvenir des obligations qu’il a contractées ;ellen*a pas besoin de force coactive, pour exercer sa censure ; elle n’en a que plus de pouvoir sur la conscience, quand elle agit par la persuasion ; la persuasion ne laisse pas de milieu entre l’obéissance ou le remords. Les engagements monastiques subsistèrent longtemps, en France, sans emprunter l’autorité des lois; et dans ces temps où la loi civile ne veillait point à la porte des monastères, les canons des conciles marquaient aux religieux les limites qu’ils ne devaient pas franchir. Quand la puissance temporelle confirma les instituts monastiques, le vœu solennel eut des effets civils ajoutés à ceux de la profession religieuse ; ce sont ces effets civils que la loi civile pouvait abolir. L’Eglise aurait senti la perte de ces établissements, dont elle avait consacré, dans tous les temps, la pieuse institution. Mais elle n’aurait pas à gémir sur la proscription de ses propres conseils, qui sont ceux de Jésus-Christ dans l’ordre de la perfection évangélique. La loi civile peut révoquer les obligations qu’elle impose et refuser sa sanction aux vœux qui ne sont pas encore prononcés. Mais elle ne peut pas méconnaître des vœux monastiques solennels, qu’elle-même a sanctionnés. Elle ne peut pas détruire des barrières qu’elle n’a point élevées, celles de la conscience ; elle ne peut, ni ne veut anéantir la foi du serment. Rien n’est plus sacré, dans toutes les nations, que la foi du serment. Les citoyens sont appelés, d’un bout de la France à l’autre, à prêter le serment civique, et ce n'est pas, en autorisant les religieux à faire un parjure, qu’on pourrait faire sentir aux citoyens la nécessité d’accomplir un serment. On se demande, avec étonnement, en quoi consiste la suppression de l’institut religieux, dans les maisons subsistantes et conservées. Est-ce que les vœux solennels n’ont pas été prononcés ? Est-ce que les vœux n’ont pas été reconnus, autorisés et sanctionnés par les lois de l’Eglise et de l’Etat? Est-ce que ceux qui les ont faites ne sont plus dans l’obligation de les remplir? Est-ce la nullité des vœux qu’on prononce; et s’il n’y a point de nullité, comment pourrait-ont annuler une profession qui n’existe que par la validité des vœux? Ce serait l'annuler que de ne la pas reconnaître, puisque c’est par le simple défaut de cette reconnaissance qu’on supprime les ordres et les congrégations. Comment pourrait-on penser que la profession religieuse n’existe plus, quand les vœux ont été prononcés, et quand l’Etat les a reconnus? Quel est le religieux, pénétré des sentiments de la religion, qui puisse quitter sa maison, son habit et sa règle, sans la dispense des supérieurs que l’Eglise lui a donnés ? Comment peut-on supprimer les chapitres réguliers et les abbayes et prieurés en règle, aussi longtemps que doit être observée la loi de la conventualité? On supprime les monastères de l'un et l’autre sexe. Croit-on que, dispersées par leur propre choix dans un monde qui leur est étranger, des religieuses, vouées par tous leurs sentiments à leur profession, renonceront d’elles-mêmes à la pratique des devoirs de leur vie entière? Elles n’ont point appris à violer leur règle et leur clôture; elles ont concentré leurs regards et leurs pensées dans l’enceinte des lieux saints qu’elles ont choisis pour leur demeure. On parle, trop souvent, des malheureuses victimes d’une vocation prématurée et d’un vœu téméraire : on en parle, pour accuser leur état, et non pour plaindre leur destinée. Nous pouvons assurer, par expérience suivie, qu’il en est bien peu qui n’éprouvent pas le désir et même le besoin de vivre dans leur état; aucune tentation n’a pu les séduire, et les espérances nouvelles ne les ont point troublées. C’est une suite non interrompue d’exercices de piété, qui renouvelle une première impression toujours semblable; c’est la religion qui remplit leur solitude , et conserve ou ramène la paix dans leur société. On ne pourrait pas les arracher à leur cellule, à leur église, à leur maison, sans leur faire éprouver le tourment le plus sensible. On sait quels sont les soins assidus de celles qui se destinent, soit à des œuvres de charité, soit à l’éducation publique. On sait combien leur piété constante, leur attention concentrée dans leurs occupations, leur douce activité, leur sensibilité pleine d’intelligence, les rendent propres à soulager les besoins de l’humanité souffrante : elles peuvent mieux former, dans l’âge le plus tendre, par l’éloignement du monde et par l’habitude des règles, les vertus uniformes et paisibles qui doivent prévenir les dangers dans l’âge de la séduction ; et leur institution, précieuse à la patrie, donne aux familles des épouses vertueuses et des mères respectées. Il faut le dire, malgré les opinions qui régnent dans la capitale : l’état religieux de l’un et de l’autre sexe a conservé l’affection du peuple, dans les lieux où les communautés sont riches, nombreuses et régulières; cette affection du peuple est la reconnaissance. Il n’est pas douteux que les maisons religieuses répandent, autour d’elles, l’aumône, le travail et l’aisance. Il n’y a point d’établissements qui servent davantage à retenir la richesse dans les lieux mêmes, à la faire circuler dans toutes les classes, à distribuer les secours en proportion des besoins. Combien on pourrait rendre utiles, dans leur retraite, des hommes laborieux et charitables, que leur profession avait affranchis des soins importants de la vie! La religion perfectionne les inclinations vertueuses; et c’est en offrant les saints asiles aux citoyens de toutes les classes, selon leur esprit et leur caractère, qu’elle semblait avoir préparé, pour l’Etat, les écoles toujours renaissantes des lettres, des sciences et des mœurs. Il faut penser que des titres établis par l’Eglise, pour des objets qui n’appartiennent qu’à la religion, ne peuvent pas être éteints et supprimés, sans l’intervention de l’Eglise. Le pouvoir de l’Eglise peut, sans doute, être provoqué par la puissance civile. Les procédures ecclésiastiques peuvent être confirmées par des formes légales, qui leur donnent une force exécutive, et qui peuvent être subordonnées à des conditions plus ou moins rigoureuses. L’Eglise, instruite de la plus grande utilité de religion, sent à quel point elle doit obtempérer, dans l’ordre des choses qui dépendent d’elle, au vœu persévérant de la puissance civile, et reconnaît encore la nécessité de suspendre l’effet de ses propres décisions, selon les formes et les conditions que la puissance civile oppose à leur exécutiou. Mais il faut admettre le recours indispensable à l’autorité de l’Eglise, pour supprimer des titres institués par elle, des foudations qui n’ont pour [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 octobre 1790.J 463 objet que des fonctions purement religieuses, et des corps ecclésiastiques adonnés au service du culte divin. On ne dissimule pas à quel point il serait impossible que l’Eglise pût maintenir, pendant longtemps, des institutions qui ne sont pas de première nécessité, dont quelques-unes ont subi des changements dansleur primitive destination, et qui seraient dépourvues de la force que l’Etat prête au ministère ecclésiastique. Mais il n’en est pas moins vrai que les translations, les réunions et les extinctions des titres ecclésiastiques ne s’opèrent point sans l’autorité de l’Eglise; et rien n’est plus contraire à l’esprit de la religion que de proscrire comme des titres ou des offices vicieux ou nuisibles, sans qu’il puissejamaisen être établidesemblables, des titres et des offices établis par l’Eglise elle-même, pour les pratiques de la perfection évangélique, pour la célébration des saints mystères et pour l’exercice de la prière publique. Si tel est le changement des opinions, qu’un ordre d’établissements autrefois multipliés par la piété des fidèles ne puisse se soutenir sans des contradictions qui peuvent nuire même au bien de la religion, il n’en appartient pas moins à l’Eglise de prononcer ses jugements sur des objets religieux qui la concernent, avec ces tempéraments de sagesse qui subordonnent le zèle même au vœu de la charité chrétienne. L’Eglise avait respecté les patronages laïques, qui semblaient être en opposition avec sa discipline. Elle avait consulté les sentiments de sa juste reconnaissance envers les bienfaiteurs des églises. Il est de la dignité de l’Eglise de ressentir les bienfaits qu’elle a reçus, de répondre, par lés grâces qui sont en son pouvoir, aux pieuses intentions des fondateurs, et de consacrer la mémoire de ces titres respectables qui donnèrent aux ministres des autels le plus noble salaire, celui qui ne coûtait pas un impôt à la nation. Tels sont les principes que nousavons exposés dans l’Assemblée nationale, les principes que nous ont transmis nos prédécesseurs, par une tradition dont la source est dans les institutions de Jésus-Christ et des apôtres, et qui forment le dépôt commun de l’Eglise gallicane et de toutes les églises. La puissance civile ne peut pas exiger que les évêques, établis pour recueillir les traditions saintes, pour maintenir la pureiè delà doctrine et pour exercer l’autorité de l’Eglise, abjurent les principes de la juridiction qu’elle leur a confiée; elle ne peut pas leur interdire l’exercice de leur pouvoir dans l’ordre de la religion; elle ne peut pas assurer le repos des consciences, en altérant les formes canoniques qui doivent légitimer les actes du ministère ecclésiastique. Les pasteurs des paroisses n’enseigneront pas des maximes contraires à celles que l’Eglise a toujours enseignées par la bouche de ses premiers pasteurs. Les fidèles ne croiront pas pouvoir préférer, dans l’ordre du salut, les commandements d’une autorité purement civile, aux préceptes de l’Eglise. Faut-il que la puissance civile s'expose à la déplorable nécessité de multiplier les commandements et les contraintes? Faut-il destituer les évêques qu’on conserve, comme ceux qu’on supprime ? La même autorité peut destituer les personnes et Supprimer les sièges, puisque la suppression des sièges entraîne la destitution des personnes, et qu’on désigne un autre évêque, un autre métropolitain pour les mêmes lieux qui ne sont plus le centre d’un diocèse et d’une métropole. Ce sont tous les évêchés de France que les décrets semblent avoir abolis et supprimés pour y substituer des sièges dont la dénomination même n’était pas connue. Il n’y a pas d’autre titre de préférence que celui de la simple collocation d’un siège épiscopal. Des évêques s’interrogeront eux-mêmes, étonnés de cette puissance nouvelle qu’ils n’ont point héritée de leurs prédécesseurs, et que l’Eglise ne leur a point transmise : Quel est notre titre, diront-ils, et quel est notre état? Nous n’avons point été nommés par le roi, nous ne sommes point élus par le peuple et le clergé, nous n’avons point reçu l’institution canonique de l’Eglise pour exercer notre juridiction sur cette portion des fidèles qui n’était point comprisedans nos diocèses. La puissance civile ne peut pas suppléer au défaut des démissions, ou suppléer à leur acceptation, ordonner ou proscrire les délégations, annuler les actes delà juridiction des évêques qui ne croient pas pouvoir usurper une juridiction qui ne leur appartient pas, se refuser enfin au concours indispensable de l’autorité de l’Eglise, sans s’attribuer la suprématie dans les matières purement ecclésiastiques , et sur la juridiction spirituelle de l’Eglise; et c’est là quecommen-cerait un schisme, une séparation de l’Eglise universelle, une autre religion à laquelle il est impossible que l’Assemblée nationale veuiileprê-ter sa puissance eî soumettre la nation. Quand l’erreur d’un moment aurait entraîné la puissance civile hors de ses propres limites, elle ne pourrait forcer la confiance des fidèles et l’obéissance des évêques : elle établirait d’autres lois, une autre discipline, un autre gouvernement que l’Eglise ne connaît pas : elle suivrait ses principes ; et les évêques, et les pasteurs, et ies-dèles suivraient ceux de l’Eglise. Il est dans les intentions d’un gouvernement humain et juste de proscrire l’intolérance et la persécution. Quand des législateurs ont protégé par leurs décrets la liberté des opinions religieuses, il n’entrait pas dans leurs pensées, délaisser toutes les religions libres, excepté celle qui, toujours dominante et maintenue par la piété de nos pères et par toutes les lois de l’Etat, n’a point cessé d’être, depuis douze cents ans, la religion nationale. 11 est libre aux p. otestants (faut-il que la religion catholique soit réduite en France à réclamer les droits d’une autre religion?), il est libre aux protestants de marquer, à leur gré, des divisions territoriales à l’exercice des fonctions de leurs ministres, et l’autorité civile ne leur donne point de lois, et ne s’attribue point le droit de les contraindre; elle ne peut pas exercer, contre les ministres de la religion catholique, un pouvoir qu’elle s’interdit elle-même, envers les ministres des religions étrangères ; elle ne peut pas nous faire un crime de persévérer dans les principes de l’Eglise. Ce sont les fidèles eux-mêmes, qu’aucune autorité ne peut détourner de leur croyauce; on ne peut pas leur défendre de croire ce que l’Eglise leur enseigne. La religion est la loi de ceux qu’elle a persuadés ; on ne peut pas leur défendre défaire, dans l’ordre de la religion, ce que la religion leur commande. Les puissances de la terre peuvent protéger l’exécution de ses lois ; elles peuvent leur retirer la protection et la force; elies ne peuvent pas les proscrire. L’Eglise u’eu a pas moins la même doctrine, les mêmes rites, la même discipline et la même autorité. La religion resty tout entière, ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 130 octobre 1790.] 464 [Assemblée nationale.] quand elle conserve la liberté de l’enseignement; el les lois humaines ne peuvent pas arracher de ses inaccessibles fondements, la loi sainte établie dans la conscience des fidèles. Ce n’est pas seulement pour nous, c’est pour la nation entière, c’est pour ses représentants, que nous réclamons les principes de la religion dont nous sommes les ministres ; c’est leur religion comme la nôtre ; ils sont, ainsi que nous, chrétiens par leur baptême, et catholiques par leur profession: nous leur rappelons ce qu’ils croient; c’est leur propre conscience qui s’élève, comme un rempart, autour de la cité sainte, et qui nous trace, à nous-mêmes, nos droits et nos devoirs. Si la puissance civile veut faire des changements, dans l’ordre de la religion, sans le concours de l’Eglise, elle contredit les principes, et ne les détruit pas ; elle contredit les principes et détruit les moyens mêmes qui peuvent seconder l’exécution de ses vues. Nous voulons connaître le vœu de l’Eglise, afin derétablirun accord nécessaire entre la puissance civile et la puissance ecclésiastique, et de maintenir, par leur union, le repos des consciences et la tranquillité publique. Si l'Eglise et l’Etat doivent concourir et s’accorder sur des objets spirituels unis à des effets civils, il faut que ceux auxquels les lois divines ont donné le gouvernement de l’Eglise puissent se faire entendre comme ceux auxquels les lois humaines donnent le gouvernement de l’Etat. Il faut que l’Eglise soit représentée comme la nation. L’Eglise universelle est représentée dans les conciles œcuméniques. L’Eglise gallicane est représentée dans ses conciles nationaux. Chaque Eglise consulte dans les causes majeures le chef visible de l’Eglise universelle, et nous {muvons réclamer encore le concours du chef de 'Eglise et des conciles provinciaux. Le consentement exprès ou tacite de l’Eglise universelle, instruit dans les formes prescites, par les usages constants et par les canons, est le vrai principe des décisions et des lois de l’Eglise. Ce consentement ne peut pas être énoncé dans une assemblée purement civile ; on ne peut pas confondre l’exercice du pouvoir des citoyens, avec l’expression de la croyance des fidèles. Nous avons proposé la convocation d’un concile national. Nous avons réclamé, suivant les formes antiques de l’Eglise gallicane, le recours au chef de l’Eglise universelle. Nous avons désigné les objets sur lesquels pouvait s’exercer la compétence des conciles provinciaux. Nous avons déclaré ne pouvoir participer en rien, dans l’ordre des objets spirituels, à des délibérations émanées d’une puissance purement civile, qui ne peut pas s’étendre sur la juridiction spirituelle de l’Eglise. Nous avons réclamé, pour les objets purement spirituels, le recours aux formes canoniques, et pour les objets mixtes, le concours de la puissance civile et de la puissance ecclésiastique. Nous avons refusé le serment sur tout ce qui concerne les objets spirituels, dépendants de l’autorité de l’Eglise. Nous avons enfin demandé que l’Assemblée nationale suspendît l’exécution des décrets dans les départements, jusqu’à ce que l’Eglise eût manifesté sou vœu par la voix de son chef visible, ou que les formes canoniques eussentélé remplies, selon l’économie de sagesse et de charité qui dirige l’exèrcice de son pouvoir. Il n’y a pas de moyens légitimes d’examens, de conciliation et de décision, que nous n’ayons proposés, et nous aurons du moins l’avantage de n’avoir rien négligé pour le maintien des principes, dans les dispositions d’un ministère de concorde et de paix. Telles semblaient avoir été les dispositions même du comité rédacteur des décrets ; c’est parce qu’il avait reconnu la nécessité des formes canoniques, qu’il avait proposé de supplier le roi de prendre les mesures nécessaires pour l’exécution. On supplie le roi de prendre les mesures nécessaires avec les puissances étrangères, les puissances qui ne dépendent point de celle de la France ; les mesures proposées étaient celles qui dépendaient d’une autre puissance que celle de la nation et du roi. Telles furent les intentions du roi, quand, prêt à donner sa sanction, il annonça qu’il prendrait les mesures nécessaires pour l’exécution des décrets. Sa Majesté crut devoir instruire le chef de l’Eglise, consulter l’Eglise par sa voix, et provoquer sa réponse. La demande que nous avons faite d’attendre sa réponse, cette demande conforme au vœu des évêques, aux règles et aux coutumes de l’Eglise, aux intentions du roi, aux dispositions dans lesquelles le décret fut proposé, ne contredisait même aucun principe, aucun décret prononcé par l’Assemblée nationale. L’Assemblée nationale n’a point exclu, ne pouvait point exclure le concours de l’Eglise. Quand les principes sont établis et sanctionnés par toutes les lois, ils ne peuvent être abolis que par des lois expresses de la puissance qui les établit, comme de celle qui les sanctionne. Nulle toi ecclésiastique, ni civile, n’a révoqué les lois de l’Eglise et de l’Etat, sur Jes principes de la juridiction de l’Eglise. Les principes subsistent dans leur force, et les ministres de l’Eglise ne peuvent pas les violer. Pourquoi l’Assemblée elle-même n’a-t-elle admis, ni rejeté la convocation d’un concile national? Si nous pouvions être dans l’erreur sur les droits de la puissance civile, elle devrait nous entendre et nous instruire. Si nous nous renfermons exactement dans les limites de la puissance de l’Eglise, elle doit nous consulter et nous entendre. Pourquoi l’Assemblée n’a-t-elle point déclaré l'incompétence de l’autorité que nous avons réclamée, si l’Assemblée n’a point de doute sur sa propre autorité. L’Assemblée a craint de compromettre les intérêts de la puissance civile, en reconnaissant les bornes placées sur les contins des deux puissances. C’est parce qu’elle a le sentiment des droits de l’Eglise, qu’elle reste dans le silence. Son silence est l’aveu de la justice et de la nécessité de nos réclamations. Sa persuasion ou ses doutes laissent subsister, dans toute leur force, ces mêmes principes que toutes les lois ont maintenus, et qui nous font un devoir de consulter et d’attendre le vœu de l’Eclise. Nous n’offensonspoint les droits de la puissance civile, quand nous ne reconnaissons pas ses droits sur une juridiction purement spirituelle qu’elle ne s’attribue point elle-même. Ce n’est pas la constitution ecclésiaslique, sur (Assemblée nationale-! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 octobre 1790.] 165 laquelle l’Assemblée a cru pouvoir porter des décrets : elle n’a voulu décréter que la constitution civile du clergé, que la partie civile mêlée à la constitution du clergé, dans un Etat dont les lois adoptent la religion catholique, comme la religion nationale. C’est la constitution purement civile, qui dépend de la puissance purement civile. C’est l’enseignement de la foi, c’est l’administration des sacrements, c’est la juridiction purement spirituelle, qui dépend de la puissance ecclésiastique. Il faut en revenir au vrai principe : Il n’y a qu’une seule religion, celle qui n’est point Pouvrage des hommes, celle que Dieu lui-même a révélée à la terre. Toute autre religion est une invention humaine; toute autre religion est une loi civile, ou n’est point une loi. Ce sont les mêmes hommes, les mêmes mœurs, les mêmes coutumes, qui dictent les lois civiles et ces fausses lois qu’on appelle religieuses ; c’est la même chose, dans son origine et dans ses effets. Il n'y a point de distinction entre les lois humaines et toutes les religions, excepté une; et le fanatisme, ou la superstition, n’est que la corruption et des mœurs et des lois. Quand on dit que la religion dépend des législateurs de la terre, on suppose que Jésus-Christ ne lui a point donné ses législateurs et ses guides, on suppose que sa législation ne vient pas du ciel : mais nous n’avons pas fait notre religion, nous l’avons reçue de nos pères, telle qu’ils l’avaient reçue des leurs, jusqu’à remonter aux apôtres. Il faut plier notre raison, pour nous soumettre à l’autorité des premiers temps, non seulement pour les dogmes, mais pour les pratiques. On ne peut pas croire que la religion est l’œuvre de Dieu, quand on veut l’assujettir aux pensées des hommes. Il semble qu’on raisonne sur la discipline de l’Eglise comme sur la police des Etats. Il semble que les peuples puissent varier les formes de leur religion comme celles de leur gouvernement. La religion chrétienne est la loi que le père de tous les hommes leur a donnée, pour les conduire dans les voies de l’éternité : il faut qu’elle convienne à tous les hommes; elle ne peut pas être vraie pour un peuple, et fausse pour un autre. La religion chrétienne a fait tomber les barrières qui séparaient les nations des nations; et sa première mission fut de confondre le juif et le gentil, et le romain et le barbare. Elle enseigne des vérités d’un ordre surnaturel, qui n’ont, point de rapport avec l’administration des Empires. Elle embrasse, dans sa morale, les devoirs de tous les Etats. Ses récompenses et ses peines sont celles d’une autre vie; et ses espérances et ses craintes sont, dans toutes les conditions et dans tous les gouvernements, l’encouragement des vertus et l’épouvante des crimes. Ce n’est point selon les intérêts politiques et les différences locales qu’on peut changer les principes d’une religion dont les dogmes sont les objets d’une foi surnaturelle, et dont la morale est universelle. Les lois civiles peuvent concourir à la publicité de son enseignement, à la sûreté de son administration, à l’exercice de la juridiction de ses ministres : ses institutions émanées de Jésus-Christ et des apôtres, ses divines institutions qui sont les principes de la discipline générale de l’Eglise ne peuvent pas former une législation purement civile. Nous voulons éviter le schisme; nous voulons employer tous les moyens de la sagesse et de la charité, pour prévenir les troubles dont une déplorable scission peut devenir l’ouvrage. Nous ne pouvons pas transporter le schisme dans nos principes, quand nous cherchons, dans notre conduite, tous les moyens d’en préserver la nation. Nous n’avons pas seulement exposé les principes : nous avons considéré leurs rapports avec les différentes mesures que peuvent occasionner les dispositions variées du zèle de la religion, dans des circonstances difficiles; et nous pensons que notre premier devoir est d’attendre, avec confiance, la réponse du successeur de Saint-Pierre, qui, placé dans le centre de l’unité catholique et de la communion, doit être l’interprète et l’organe du vœu de l’Eglise universelle. A Paris, ce 30 octobre 1790. Ainsi signé à l'original : f D. cardinal de La Rochefoucauld, archevêque de Rouen. fAlex.-Aug.de Talleyrand-Périgord, archevêque de Reims. f J.-Raim. de Boisgelin, archevêque d’Aix. *• J.-M.Dulau, archevêque d'Arles. •• J. de Bernis, archevêque de Damas, coadjuteur d' Alby . Fr. de Fontanges, archevêque de Toulouse. f J. -R -P. -P. Chastenet de Puységur, archevêque de Bourges. •• M.-S. Beanpoil de Saint-Aulaire, évêque de Poitiers. A.-V. Le Tonnelier de Breteuil, évêque de Montauban. *• A-C. d’Anteroche, évêque de Condom. •• F. ~J. de La Rochefoucauld, évêque de Beauvais. •• F.-J. Jouffroy de Goussans, évêque du Mans. ■■ P.-M.-M. Cortois de Balore, évêque de Nîmes. -• S. de Colbert-Seignelay, évêque de Rodez. L.-G. d’Argentré, évêque de Limoges. " J. -F. de Malide, évêque de Montpellier. •• Ant. -Félix Leyris-Desponchez, évêque de Perpignan. •• Jean-Louis Dusson de Bonnac, évêque d'Agen. J.-B.- Jos. de Lubersac, évêque de Chartres. •• L.-H. de Sabran, évêque de Laon. -• G.-M. Ruffo de Lérie, évêque de Saint-Flour. A.-J. de Clermont-Tonnerre, évêque de Châlons-sur-Marne. f J. -B. -A. de Paye, évêque d'Oléron. •• R. Desmoutiers de Mérinville, évêque de Dijon. f P.-Lo. de La Rochefoucauld-Bayers, évêque de Saintes. f Ass. de Talaru de Chalmazel, évêque de Coutances. •• M.-G.-Js. de Mercy, évêque de Luçon. •• François de Bonnal, évêque de Clermont. •• H. de Béthisy de Mézières, évêque d’Uzês. f Dominique de Lastic, évêque de Couserans. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M-BARNAVE. Séance du dimanche 31 octobre 1790 (1). La séance est ouverte à onze heures du matin. M. Boiillé, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier matin. M. d’EIbecq, secrétaire , lit le procès-verbal de la séance d’hier au soir. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.