404 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Aix.] emporte plus de cinq dixièmes ; ajoutez environ deux dixièmes pour la taille, les cens et la dîme, que reste-t-il donc au propriétaire? La communauté réclame donc l’abolition de la dîme, et offre de se charger de l’entretien de tout ce qui est nécessaire au pasteur qui la'gou-verne. Elle trouvera, en cela, cet avantage, qu’en augmentant les revenus de son pasteur, les indigents du pays trouveront toujours chez lui un remède contre les besoins les plus pressants, aulieu, qu’en l’état des choses, la dîme ne produit d’utile que la congrue du curé, et le restant va servir au luxe brillant et aux voluptés des décimateurs, qui insultent, par l’étalage de leurs richesses, plus mondaines qu’évangéliques, à la misère du peuple qui les lui fournit à la sueur de son front. Cependant comme il pourrait se faire que la dîme ne fût pas abolie, la communauté réclame alors qu’elle ne puisse être perçue que sur le roduit net des fruits et grains, ‘déduction faite es impositions royales et locales, et non sur la portion représentative des avances dont le moindre retranchement est une usurpation atlenta-toire et destructive de tout principe social. 2° Sur les affaires particulières et relatives à la province. L’administration particulière de la province présente beaucoup d’abus et d’inconvénients. Depuis longtemps les deux premiers ordres sont administrateurs et votent des impôts qu’ils ne payent pas. Ils profitent de la supériorité du nombre pour ne faire délibérer que ce qu’ils veulent. Lacommunauté réclamede la justice de Sa Majesté que la constitution du pays soit réformée ; à cet effet, qu’il soit permis aux communes de se nommer un syndic avec entrée aux Etats, de s’élever contre la perpétuité de la présidence, et contre la permanence de tout membre non amovible, ayant en l’état des choses entrée auxdits Etats, de requérir l’exclusion des mêmes Etats des magistrats et de tous officiers attachés au fisc; la désunion de la procuration du pays du consulat de la ville d’Aix. L’admission des nobles non possédant fiefs, et du clergé du second ordre, l’égalité des voix, par l’ordre du tiers, contre celles des deux premiers ordres, tant dans les Etats que dans la Commission intermédiaire, et surtout l’égalité de contribution pour toutes les charges royales et locales sans exception aucune, et nonobstant toute possession et privilège quelconques, attendu que le service militaire auquel les possédants fiefs étaient autrefois soumis, qui était la cause de ces privilèges, n’est plus fait aujourd’hui par les possédants fiefs, mais par la nation qui paye les frais de la guerre. Que la contribution du clergé reste dans le pays ; l’abolition ou du moins la domination des droits établis sur les vins qui passent à l’étranger-, même diminution pour ceux qui sont portés à Marseille ; la prohibition de l’entrée dans le royaume des vins étrangers, tels que les vins d’Espagne et autres - l’impression annuelle des comptes de la province dont envoi sera fait à chaque communauté, et que la répartition des sommes que le Roi accorde au pays, ensemble de l’imposition du 15 livres par feu, affectée à la haute Provence, sera faite dans le sein des Etats, et par eux arrêtée ; ce qui empêchera que ces sommes soient réparties, par faveur et par protection, au préjudice des communautés qui ont le plus souffert. 3° Pour subvenir aux besoins de l’Etat, il faudrait prendre sur les biens superflus de l’Eglise, et cela n’est pas sans exemple dans les siècles passés ; cela opérerait le bien de l’Eglise par le retour de plusieurs de ses sujets que les richesses égarent, et à l’Etat, en comblant le déficit des finances. Quant à tout ce qui concerne les Etats généraux, la réformation de tous ces grands abus qu’intéresse la généralité du royaume, cette communauté se réfère aux suffrages qui seront portés par les députés du tiers-état, plus et mieux instruits qu’elle à ce sujet, aux Etats généraux. Telles sont les très-humbles et très-respectueuses remontrances et doléances de la communauté de Roquefort. Elle espèreavec confiance, de labonté paternelle du souverain, qu’il voudra bien les accueillir favorablement. Elle lui offre les biens, les fortunes et les vies même de tous ses habitants pour les consacrer à sa gloire, au bien et à la prospérité de l’Etat, lui renouvelant le serment de la fidélité la plus inviolable. En foi de quoi, tous les habitants présents à Rassemblée généralement convoquée, qui ont su écrire, se sont soussignés, ainsi qu’au cahier double destiné à être conservé dans les archives de la communauté, au désir du règlement. Signé L. Julien; Pignol de Poiretricon ; Jean Negre; J. Michel; Bonifay; Joseph Tricon; Liver-tad; Ghaulan, secrétaire pour MM. les consuls illettrés. Coté, par première et dernière page, et paraphé au bas de chacune d’icelles, par nous , viguier, lieutenant du juge au lieu de Roquefort, soussigné, à Roquefort, le 28 mars 1789. Signé Gastau-doigt. CAHIER Des doléances , 'plaintes et remontrances de la communauté de Roques-Hautes (1). Le terroir de Roques-Hautes, naturellement très-sec, présente un sol aride et des plus ingrats du pays de Provence. La nature n’a rien fait pour les hommes dans cette partie de roc. 11 faut que l’homme y fasse tout ; ce n’est que par un travail opiniâtre et continuel qu’on peut arracher quelque production à la terre, et les habitants sont réduits à la plus affreuse misère. Ce roc infertile n’a point échappé à la féodalité, et c’est le seigueur seul qui profite du travail de ses habitants; il y a banalité de toute espèce, droit de chasse, et le seigneur entretient un colombier qui détruit les légumes que le malheureux habitant cultive. La communauté avait, comme toutes les autres, les droits d’usage, et la faculté de faire du bois dans les terres gastes ; le seigneur veut les priver de ce droit, et il abuse de ce que sa misérable communauté n’est pas assez forte pour lutter contre lui. La communauté demande que la chasse soit abolie, les gardes-terres, les chasseurs et les chiens étant plus incommodes que le gibier dont on peut se délivrer par des moyens moins onéreux; que les petites communautés de la province aient un défenseur ou un syndic, ou un bureau syndic, défenseurs libres, indépendants, et qu’on ne soit pas obligé de payer à l’Etat, de faire valoir les droits des petites communautés contre leur seigneur. Les grandes communautés ont des moyens de (lj Nous publions ce cahier d’après un manuscrit de s Archives de l’Empire. [États gén. 1789. Cahiers.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Aix.] 405 se défendre, les petites n'en ont point, et souvent même elles ont des droits à faire valoir contre les grandes communautés. La petite communauté de Roques-Hautes est dans ce cas vis-à-vis de la communauté d’Aix -, elle était exempte, autrefois, des droits d’entrée, elle venait y vendre ses denrées librement; depuis quelque temps on y a mis obstacle ; le seul seigneur en jouit aujourd’hui, ainsi que les possé-dans biens qui résident à Aix. La communauté demande encore le privilège des herbages que produit le terrain. Signé Pierre Lambert; J.-J. Sezane ; Isault; B. Cheilay ; Armicau. Paraphé, ne varietur. Signé Baudisson, lieutenant de juge. CAHIER Des doléances ou instructions que la communauté de Roquevaire donne à MM. Elzéar Ricelme ; Jean Baptiste-NEGREL-BRUNYpère; Jean-Baptiste Negrel-Ferand et Joseph Reybaud, députés en l’assemblée générale de la sénéchaussée d’Aix , qui sera tenue à Aix le 2 du mois d'avril prochain (1). Art. 1er. Lesdits députés demanderont que les députés de la sénéchaussée d’Aix aux Etats généraux requerront que préalablement à toutes 'délibérations, les droits de* la nation seront reconnus par un acte authentique et solennel ; qu’en conséquence, il y soit dit que le droit de s’imposer, c’est-à-dire d’accorder ou refuser les subsides demandés, d’en régler l’étendue, l’emploi, la répartition, la durée, d’ouvrir des emprunts, celui de faire des lois d’administration générale ou particulière, ou de les consentir, modifier et changer sur toutes les parties ou branches quelconques de l’administration, appartient, en entier, à la nation seule. Art. 2. Que la liberté individuelle des citoyens sera à jamais assurée par l’abolition de toutes lettres closes d’exil , et de tous autres ordres arbitraires qui tendraient à porter la moindre atteinte à ce précieux droit de liberté que nous assurent les premiers principes du droit naturel et du contrat social. Art. 3. Que tout citoyen ne pourra être jugé que d’après les lois émanées des Etats, ou par eux confirmées, et par les juges légaux, reconnus ou établis par la nation, sans que lesdits juges puissent interpréter ni modifier les lois : que nulle cause ne pourra être évoquée par aucun motif, et que tous juges seront responsables à la nation de leurs fonctions. Art. 4. Qu’il soit dit et statué qu’aucune loi bursale ou générale et permanente quelconque, ne pourra avoir force et caractère de loi, si elle n’est établie et formée, au sein des Etats, par le concours mutuel de l’autorité du Roi et de la nation ; que ces lois, ainsi faites, porteront dans le préambule ces mots : de l’avis et consentement des trois Etats du royaume, seront envoyées, les Etats tenant, au parlement de Paris, les pairs y séant, et des provinces, pour y être enregistrées et placées sous la garde de ces cours souveraines qui ne pourront y faire aucune modification ou changement, mais continueront, comme ci-devant, à être chargées de l’exécution des ordonnances, du maintien de la constitution, des droits nationaux (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. et particuliers, d’en rappeler les principes par des remontrances au Roi, et par des dénonciations à la nation toutes les fois qu’elles jugeront que ces droits seront attaqués ou menacés. Art. 5. Qu’il soit statué que les Etats généraux seront convoqués périodiquement tous les cinq ans pour prendre en considération l’état du royaume, la situation des finances, l’emploi des subsides accordés, en déterminer leur continuité ou leur suppression, leur augmentation ou leur diminution, proposer des réformes ou des améliorations dans toutes les parties de l’économie politique, à l’effet de quoi, les subsides qui seront consentis dans la prochaine assemblée, ne le seront que pour être perçus que jusques à deux mois de Tannée qui sera celle de la prochaine convocation des Etats généraux ; et là où l’assemblée n’aura pas lieu au délai fixé, les Etats particuliers et les cours souveraines seront autorisés à s’opposer à la continuation de la levée des impôts, et à poursuivre comme concussionnaires ceux qui voudraient la continuer. Art. 6. Qu’il sera arrêté que toutes lois,. autres que celles ci-dessus , les lois simples, d’administration et de police seront, pendant les vacances des Etats généraux , adressées aux Etats particuliers des provinces, ou à leur commission intermédiaire, pour y être vérifiées et consenties provisoirement, et de suite enregistrées au parlement de chaque province ; que ces lois, après avoir été consenties, n’auront de force que jusqu’à la tenue des Etats généraux, où elles seront nécessairement ratifiées pour continuer d’être obligatoires. Art. 7. Que dans le même acte les capitulations et les traités ou contrats qui unissent les différentes provinces du royaume, seront confirmés et renouvelés tant par le seigneur roi que par les Etats. Art. 8. Que les provinces et villes du royaume seront réintégrées dans tous leurs privilèges, et principalement dans la libre élection de leurs administrateurs, l’entière disposition de leur revenu, sans qu’ils soient soumis, en aucune manière, à l’inspection des ministres ni à celle des commissaires départis. Art. 9. Qu’il sera rétabli ou formé dans chaque province des Etats particuliers qui se tiendront tous les ans, auront une commission intermédiaire, toujours subsistante, pendant le temps qu’ils ne seront pas assemblés, ainsi que des procureurs généraux syndics chargés spécialement de veiller à l’intérêt de leurs concitoyens, de mettre opposition par-devant les cours à l’enregistrement des lois locales et momentanées, promulguées dans l’intervalle de la convocation des Etats généraux du royaume, lorsqu’elles pourront contenir des clauses contraires aux privilèges de leurs provinces. Art. 10. Que les ministres du Roi seront, par le même acte, rendus responsables personnellement de toutes les déprédations dans les finances, ainsi que de toute atteinte portée par le gouvernement aux droits tant nationaux que particuliers, et que les auteurs et fauteurs seront poursuivis par-devant tel tribunal qui sera choisi par les Etats généraux, et, en leur vacance, par les procureurs généraux du Roi dans les cours, et par les procureurs généraux syndics des Etats provinciaux, qui auront le droit de les dénoncer et de les poursuivre au nom desdits Etats. Art. 1 1 . Que par une suite du droit de la nation d’accorder ou refuser les subsides, les provinces qui ont des Etats particuliers et toutes les autres