[Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (3 février 1791.J éclairé. Il en résultera qu’il ne pourra point y avoir d’erreur; car si une boule blanche tombe dans la boîte noire, le scrutin ne vaut rien; l’opinion se recommence. Voilà donc un moyeu que je vous propose. M. de Lachèze. Dans mon opinion, l’article doit être rejeté. J’ajoute que cet article est incomplet, parce qu’aux termes des décrets antérieurs, les jurés ont trois déclarations à faire : la première, si l’accusé est coupable ; la seconde, s’il ne paraît pas convaincu; et la troisième est encore une déclaration d'atténuation ; de manière que les jurés ayant trois déclarations à faire, il est évident qu’il faudrait des boules de trois sortes de couleurs, et par conséquent trois boîtes. Vous voyez, par là, que cette forme d’opiner présente les plus grands inconvénients; qu’elle donnera lieu à des méprises. Je demande la question préalable sur l’article. Un membre demande la priorité pour l’amendement de M. Buzot et le sous-amendement de M. Le Chapelier. (La priorité est accordée à ces deux amendements, qui sont mis aux voix et adoptés.) L’article 27 est décrété dans ces termes : Art. 27. « Après chacune de ces déclarations, chaque juré, en témoignage de son opinion, déposera ostensiblement dans les deux boîtes, l’une blanche, l’autre noire, qui seront placées à cet effet sur le bureau, une boule blanche ou une boule noire; la boule blanche exprimera l’opinion favorable à l’accusé, la noire celle qui lui est con-t rai re m Les articles 28, 29, 30, 31, 32 et 33 sont ensuite adoptés comme suit : Art. 28. « Cela fait, les jurés seront appelés, et en leur présence il sera fait ouverture des boîtes; les boules seront comptées; les jurés rentreront dans l’auditoire; et après avoir repris leurs places, le chef du juré prononcera, en leur nom, la déclaration du juré en ces termes : Sur mon honneur et ma conscience, la déclaration du juré est , ou les déclarations du juré sont, etc. L’accusé n’est pas convaincu, ou l’accusé est convaincu; ou bim l’accusé est convaincu, mais l’action est involontaire, ou elle a été commise sans dessein de nuire, ou elle est excusable ; enfin il y a lieu à telle atténuation qui sera exprimée par le juré. Art. 29. « Cette déclaration sera reçue par le greffier, signée de lui et du président. Art. 30. > « Tous les accusés, compris dans le même acte d’accusation, seront jugés par le même juré. Art. 31. « S’il y a plusieurs coaccusés, le tribunal déterminera celui qui sera le premier présenté au débat, en commençant toujours par le principal accusé, s’il y en a un ; les autres coaccusés y seront présents, et pourront y faire leurs obset-vaiions; il sera fait ensuite un débat pour chacun d’eux, sur les circonstances qui lui seront particulières. 725 Art. 32. « Si l’accusé est déclaré non convaincu du fait porté dans l’acte d’accusation, et qu’il ait été inculpé sur un autre par les dépositions des témoins, l’accusateur public pourra demander au président défaire arrêter le prévenu, à l’occasion du nouveau fait ; le président, après avoir pris du prévenu les éclaircissements qu’il voudra donner, pourra, s’il y a lieu, le renvoyer devant un juré d’accusation'avec les témoins, pour être procédé à une nouvelle accusation. Art. 33. « Dans ce cas, le juré d’accusation sera celui du district dans le chef-lieu duquel siège le tribunal criminel. » M. Duport, rapporteur. L’article 34 est ainsi conçu : « Si l’accusé est convaincu du fait porté dans l’acte d’accusation, il ne pourra jamais être poursuivi pour raison du nouveau fait, qu’autant que celui-ci mériterait une peine plus forte que le premier; auquel cas il sera sursis à l’exécution de la première peine jusqu’au jugement de la seconde accusation. » M. Couppé. Je demande qu’en ce cas l’accusé ne puisse être poursuivi avant qu’on ait achevé l’instruction, parce que c’est par l’instruction que l’on apprend quelquefois qu’un délit est plus ou moins grave; et je ne crois pas qu’ou puisse surseoir à l’instruction d’un délit, parce qu’on le croit moins grave que celui par lequel l’accusé est détenu. M. Duport, rapporteur. Il est vrai que nous avons établi que, par l’examen et le débat, il est possible qu’il y ait lieu à atténuation. Nous avons voulu qu’un homme qui aurait été condamné pour un assassinat à une peine, no puisse pas être puni relativement à un vol. M. Tronchet. Je sens très bien qu’il ne peut pas y avoir lieu à condamner à une nouvelle peine un homme qui a été condamné à une peine plus grave ; mais je ne crois pas qu’il soit indifférent pour la société de ne pas prendre connaissance d’un nouveau délit dont serait accusée la même personne, parce qu’il est très important pour la société qu’on connaisse qu’un tel délit a été commis. S’il y a un délit public, et qu’ou laisse ignorer au peuple et à la société qui l’a commis, un autre peut eu être accusé par un calomniateur. En conséquence, je propose de substituer aces mots : Il ne pourra jamais être poursuivi pour raison du nouveau fait, ceux-ci : Il pourra être poursuivi pour raison du nouveau fait , mais il ne pourra être puni qu’autant que... etc. (Cet amendement est adopté.) L’article 34 est adopté comme suit : Art. 34. « Si l’accusé est convaincu du fait porté dans l’acte d’accusation, il pourra être poursuivi pour raison du nouveau fait, mais il ne pourra être puni qu’autant que celui-ci mériterait une peine plus forte que le premier ; auquel cas il sera sursis à l’exécution de la première peine jusqu’au jugement de la seconde accusation. M. Duport, rapporteur. L’article 35 est conçu dans ces termes : 72G [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 13 février 1791.] Art. 35. « Si la déposition d’un témoin est évidemment fausse, le président d’office en dressera procès-verbal, et pourra, sur la réquisition de l’accusateur public ou de l’accusé, le faire arrêter sur-le-champ, et le renvoyer par devant le juré du district du lieu, pour prononcer sur l’accusation dont l’acte, dans ce cas, sera dressé par le président lui-même.» M. Tronchet. J’observe au comité qu’il y a un cas auquel il n’a pas pensé, sur lequel je l’invite à réfléchir. Je suppose que j’ai formé une plainte en subordination contre la déposition d’un témoin. Il faut alors, non seulement interrompre l’instruction, mais il faut déterminer comment se fera l’instruction sur l’insubordination ; si elle se fera devant le même tribunal ou devant un juré d’accusation. Je ne propose pas, quant à présent, d’article additionnel sur cela, mais je ferai seulement l’observation que le comité s’occupe de ces différents cas. M. Duport, rapporteur. L’observation de M . Tronchet me paraît fort utile .Votre comité proposera des articles là-dessus. (L’Assemblée adopte l’article 35, et renvoie au comité les observations de M. Tronchet.) M. l’abbé Mawry. Vos comités de jurisprudence criminelle et de Constitution vous ont proposé eux-mêmes des articles additionnels; mais il me semble qu’ils n’ont pas porté leur attention sur un objet qui me paraît infiniment digne de la vôtre. Dans les manières qui ont été proposées pour manifester l’opinion du juré, on ne vous indique que deux formes consacrées déjà dans la jurisprudence anglaise ; savoir, le juré déclarera si l’accusé est coupable on non coupable. Il ne faut pas perdre de vue le grand changement que cette forme occasionne dans votre jurisprudence. Dans l’ancienne jurisprudence criminelle, vous aviez deux sortes de jugements, dont on ne vous parle pas ; savoir : le hors de cour et le pins amplement informé. Le hors de cour avait été imaginé, comme vous le savez, Messieurs, pour décharger l’accusateur des poursuites de l’accusé. Voilà le véritable objet qui a fait admettre le hors de cour, parce que si l’on avait déchargé pleinement de "l’accusation, il y aurait eu lieu à une demande en dommages et intérêts. Je dis que tel en a été le véritable objet, d’après tous les criminalistes et surtout M. d’Aguesseau, qui a fort bien expliqué ce que c’était que le hors de cour, parce qu’au commencement de ce siècle la fausse monnaie s’était répandue dans le royaume, et par les précautions qu’a prises Louis XIV, la fausse monnaie ne s’est plus faite ouvertement ; on n’en a plus connu d’atelier public en France. Comment s’y prit-on, Messieurs? Les commissaires qui allaient dans les provinces reçurent indistinctement toutes les accusations, "et ils n’absolvaient jamais personne; ils ne prononçaient qu'un hors de cour, de sorte que beaucoup d’honuêtes gens furent flétris ; et en 1720 des enfants, des petits-enfants, des arrière-petits-enfants qui demandaient à entrer dans les cours de judicature du royaume, et dont les pères avaient eu un procès célèbre en la cour des monnaies, ne pouvaient pas y être admis, parce qu’on leur disait que leur père, leur grand père avaient eu un hors de cour. C’est à cette occasion, Messieurs, que M. d’Aguesseau a j parfaitement prouvé que le hors de cour n’avait jamais été introduit dans les tribunaux français que pour éviter des dommages et intérêts. Il y avait encore, Messieurs, un plus ample informé, et on en connaissait de deux espèces : le plus ample informé pouruu au, le plus ample informé indéfini. Le plus ample informé indéfini n’existe plus dans la nouvelle jurisprudence que l’on vous propose. Il n’est personne parmi vous qui ignore qu’en Angleterre, où cette jurisprudence de juré que vous adoptez aujourd’hui est établie depuis longtemps, ou entend tous les jours, dans les cafés de Londres, des hommes se vanter d’un crime qui avait mérité la corde. On leur répond : mais vous vous mettez dans le cas de la poursuite. Non, je ne la crains pas, disent-ils, je suis acquitté. Cela veut dire qu’ils ont été jugés par un juré qui a déclaré qu’ils étaient non coupables. En Angleterre, Messieurs, lorsqu’un crime n’est pas légalement prouvé, il faut que l’accusé soit déchargé. Cette institution ne me paraît ni juste, ni sage, ni politique. Il est très possible que les preuves contre l’accusé ne soient pas suffisantes pour le condamner; alors je ne demande pas qu’on le condamne, mais je demande qu’il reste sous le glaive de la loi, qui doit toujours rester suspendu sur la tête du coupable. Je demande qu’il y ait une autre formule de jugement. Vous pèserez dans votre sagesse, Messieurs, s’il faut que cette formule entraîne une flétrissure d’opiniou comme l’emportait autrefois le hors de cour ; vous examinerez si elle doit priver le citoyen des droits auxquels tout homme honnête peut prétendre daus la société. Mais je demande que, quelque détermination que vous preniez à cet égard, votre comité veuille bien vous présenter incessamment des articles additionnels et une formule de prononcer dans ces termes : Les charges ne sont pas prouvées. Il en résultera, Messieurs, si les charges ne sont pas prouvées, que l’accusé ne sera qu’élargi, mais il ne sera pas irrévocablement absous : et si l’on acquiert de nouvelles lumières contre lui, il faut qu’on puisse le poursuivre. Au lieu que dans la forme de jugement qu’on vous propose, l’absolution serait irrévocable. Ce serait un trop graud scandale, Messieurs, que de voir dans ia société un homme qui aurait commis impunément un crime, se vanter publiquement d’avoir commis un crime capital, sans qu’il fût possible de le poursuivre. Gela n’arrivera jamais, si vous voulez bien adopter, dans votre jostice, ce mode de jugement. Lorsque l’innocence ne sera pas pure, lorsque le juré, comme homme, verra parfaitement qu’il y a des charges très graves contre un accusé, mais qu’il ne peut pas le condamner, il déclare simplement que les charges ne sont pas prouvées, mais que le secours de la loi existe toujours. Un cas qui n’est pas rare dans la jurisprudence, un notaire, par exemple, est accusé de faux : c’est un crime très capital dans la société, et dont la preuvre légale est très difficile à faire; vos jurés verront clairement que ce notaire est coupable d’un crime de faux, mais les témoins n’oseront peut-être pas encore se montrer; le juré sera donc obligé de dire qu’il n’est pas coupable; iL le renverra exercer des fonctions sacrées dans la société; il livrera la société à un homme justement flétri dans un ministère de confiance et d’honneur. Que l’on déclare simplement que les charges ne sont pas prouvées, mais que les charges peuvent revivre, lorsque la preuvre légale