476 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 décembre 1790.] travail sur l’organisation des compagnies de finances, ordonnée par le décret du 3 octobre dernier. (Cette motion est adoptée.) M, de Lisiucs présent ensuite une adresse des juges du tribunal du district de Laon, dans laquelle ces magistrats expriment leur attache-mentaux principes de la Gonsti uiion, leur reconnaissance respectueuse pour l’Assemblée nationale, leur amour pour le roi et leur zèle pour l’accomplissement de leurs devoirs. M. Coroller dénonce, au nom du conseil général de la commune de Longwy, un mandement séditieux de l’archevêque de Trêves, dont, dit-il, l’objet principal est de faire soulever le peuple contre la Constitution. (L’Assemblée renvoie l’examen decetle adresse aux comités ecclésiastique et diplomatique pour en rendre compte incessamment. —Voyez eu1 document annexé à la séance de ce jour, p. 480.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret du comité des finances sur les ponts et chaussées (1). M. Legrand. En rendant justice au mérite et au patriotisme de M. LamLière, directeur général des ponts et chaussées, je demande néanmoins : 1° la suppression de celte direction comme entièrement inutile, 2° la division du royaume en quatre inspecteurs généraux au lieu de huit, et l’appel de ees inspecteursau conseil d’administration. M. Grangier. C’est confondre tous les principes et s-acri lier l’administration des ponts et chaussérs, que de réunir les fonctions qui appartiennent à l’art et celles qni dépendent de l'administration. C’est en les distinguant que MM. de Trudaine père et lils, aidés des talents de MM. de Raigemothe et Perronet, on donné à cette administration la célébrité qu’ede a acquise et qu’elle mérite ; c’est par les mêmes principes que l’administrateur sage et habile, qui dirige aujourd’hui les ponts et chaussées, a obtenu des succès qui ont étonné 1 Europe pour qui elle est devenue une école : de toutes les nations de l’Europe on vient recevoir ses b çons. L’expérience prouve assez qu’en changeant ce régime, la France perdrait tous ces avantages. Qu’arriverait-il de la suppression de la placu de directeur général des ponts et chaussées? C'est que les fonctions en seraient remplies par un p e-mier commis du contrôle général qui, n’étant pas aussi en évidence qu’un commissaire du roi et n’ayant pas les mêmes motifs d’ému lation, sera en quelque sorte fondé à ne pas se c roire assujetti aux mêmes obligations et (rapportera jamais, dans ses soins et dans l’étude de cetie administration, le même zèle, les mêmes connaissances et la même application que celui qui en sera spécialement chargé par état et par honneur. C’est d’ailleurs le seul moyen de conserver, dans cette partie si importante à la prospérité de l’Empire, ce centre d’unité sans lequel il est impossible d’obtenir de grand sucrés et de parvenir à des résultats généralement utiles. M. l’abbé Gouttes s’élève contre l’existence (1) Voyez le rapport de M. Lebrun, du 31 octobre, et la discussion du 4 novembre 1790, Archives parlementaires, tome XX, pages 168 et 270. d’une direction générale des ponts et chaussées. Ii représente le directeur général comme étranger aux connaissances pratiques et aux mystères de cet art dont il ne partage point les travaux. Ce chef n’est qu’un conseiller d’E'at et rien de plus. S’il met la main à l’œuvre, ce n’est que pour gâter d s travaux qu’il ne connaît pas. Il conclut à ce qu’il n’y ait fias d’autre chef du corps des ponts et chaussées que le premier ingénieur de France. M. Aicvandre de Beauhanmis. Il m’est impossible de concev ir une grande administration, comme celle des ponts et chaussées, qui ne soit jias soumise à un centre commun d’autorité et de surveillance, à une direction générale. Je n’in-tére-serai pas l’Assemblée en faveur du directeur actuel, dont les qualités personnelles et le patriotisme lui sont connus, et qui a eu la vertu de refuser le ministère auquel il était appelé. Aucune considération personnelle ne doit influer sur la détermination de l’Assemblée; mais je remarquerai, en faveur de la direction générale, que, depuis qu’elle est établie et surtout depuis qu’elle est ondée à un homme recommandable par son zèle et par ses lumières, l’administration des ponts et chaussées a été considérablement améliorée... Les propositions qu’on vous a faites pour remplacer la direction générale me paraissent préjuger une grande question : celle de savoir s’il serait convenable de mettre à la tête des différentes administrations des gens de la même profession, ou s’il ne serait pas plus utile de confier la direction des departements, de celui des ponts et chaussées, comme de celui de la guerre, de la marine, etc., à des personnes non intéressées, à des hommes de loi, à des magistrats qui auraient donné des preuves de mérite et de probité... Je demande la question préalable sur l’amendement de M. Legrand. M. de Sérent appuie cette opinion. M. de Folleviile. Je demande que la direction des punis et chaussées soit confiée au ministre de l’intérieur. M. Bcfermon. Je crois qu’à moins de créer un rn mstre particulier des ponts et chaussées la place de directeur général est inutile. Les projets du travaux publics seront proposés au Corps législatif par les administrations du département; ces administrations consulteront des hommes de l’art : ch st donc à l’assemblée des ponts et chaussées, et non aux lumières individuelles d’un directeur, qu’il faudra recourir. C’est dans le Corps législatif que les projets de travaux publics seront discutés; il seia composé des députés de tous les départements du royaume. Cette réunion de lumières suffira, sans doute, pour empêcher l'admission de plans partiels qui ne seraient utiles qu’aux intérêts d’un département, au préjudice de ceux des départements voisins. Les travaux seront ordonnés par la législature, les fonds seront accordés par la législature; les plans .-eront préalablement examinés par des hommes de l’art proposés par les dép irtements, qui vérifieront les faits. D’après cela, je ne vois pas à quoi servirait une direction générale des ponts et chaussées. M. Goupil. Sous le ministère de Turgot, du grand Turgot, il n’y eut point de direction géné-' raie des ponts et chaussées. Colbert, le trois fois grand Colbert, réunit au ministère des finances le département des ponts et chaussées. Je ne vois [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 décembre 1790.] ici qu’une seule objection: l’administration des ponts et < haussées n’avait pas la même étendue, n’était pas aussi compliquée qu’aujourd’hui. Je réponds que vous avez sagement réduit à un irès petit nombre de fonctions celles du ministère des finances; c’est au ministère de ce département à surveiller les travaux des ponts et chaussées. Un directeur général, étab i à la tète de cette administration, serait un ministre des ponts et chaussées, et je ne vois pas la nécessité de multiplier les ministres; le résultat de cette multiplication d’agents en chef et de surveillants serait d’affaiblir et de rendre illusoire la responsabilité. M. Lebrun, rapporteur. Le préopinant et ceux de son avis paraissent n’avoir pas compris l’objet du plan de votre comité. Il ne s’ag t pas de créer un ministre des ponts et chaussées; mais vous ne pouvez pas empêcher le roi, chef et surveillant de cette administration, d’établir un intermédiaire entre son ministre et les ponts et chaussées. M. Einmery. Je demande que l’Assemblée ajourne la question de la suppression de la place de directeur général des ponts et chaussées jusqu’au moment où elle s’occupera de i’orgauisatiun du ministère. (L’ajournement est prononcé.) M. Bureaux de Pusy. Le projet de décret qui vous est soumis au nom du comité des finance s a évidemment pour objet l’économie, l’harmonie et la perfection des travaux publics. Je pense qu’il est superflu d’insister sur lu nécessité de les coordonner et de les diriger de manière à ce que, procurant les avantages de l'agriculture et du commerce, ils puissent encore concourir à la défense de l’Eiat. De tous les objets d’industrie confiés à la surveillance du corps des ponts et chaussées, il n’en est piesque aucun qui, dans nos provinces frontières, ne puisse réunir ces différentes propriétés; mais, pour atteindre à ce point de periec-tion, il faut que les connaissances mercantiles et agricoles s’allient aux combinaisons militaires et s'entraident mutuellement. C’est faute de cet accord que l’on a vu se multiplier les exemples de tant ue projets connus et exécutés d’une manière si préjudiciable aux tinanees de l’Etat et à la défense de ses frontières, et qu’on les verrait se multiplier encore avec d’autant plus d’abondance et de danger que les moyens d’en arrêter l’abus seraient moins déterminés, moins précis, moins clairement indiques par l’Assemblée nationale. Au nombre des travaux publics les plus importants ou peut compter ceux des ports de mer. Tous les ports sont plus ou moins susceptibles d’être considérés comme postes militaires, et à ce titre le corps du génie pourrait réclamer la surveillance et la direction des travaux qui les concernent. Cependant il faut convenir qu’il en est beaucoup, tels que ceux de Rouen, d’Honfleur, de Nantes, de Bordeaux, où les dispositions militaires ne paraissent qu’eu seconde ligne et ne sont que des accessoires subordonnés aux vues commerciales; d’autres, au contraire, tels que ceux de Toulon, de Gherbuuig, de Dunkerque, compoitent au plus haut degré les préparatifs de la uefense et sont en quelque sorte des des du royaume : d’autres participent également de ces diliérentes propriétés. Or, comme l’artiste militaire auquel sont confiés 477 les travaux de la défense n'a pas d’autres procédés d’exécution, d’autres principes deco'Struction, que l’artiste civil, il peut remplir tes fonctions de ce dernier, et la proposition rétiproque n’existe pas; car la disposition générale de-forteresses, la combinaison, la relation, l’ensemble de leurs parties forment un art particulier entièrement distinct des conceptions de l’architecture civile. H suit de ces vérités incontestables que, dans les travaux dont il s’adt, l’artiste militaire peut toujours suppléer l’artiste civil, sans qu’il y ait réciprocité. Si ce raisonnement no mène pas à conclure que tous les ports devraient, ou du moins pourraient être confiés avec avantage au corps du génie, au moins en résulte-t-il qu’il serait utile et convenable de les distinguer en deux classes : l’une de ports militaires et l’autre de ports civils, et d’en couder les travaux au corps du génie ou à celui des ponts et chaussées, selon leur objet et selon que leur destination se rapporterait plus particulièrement à la guerre ou au commerce. Passant de l’examen des travaux des ports à la généralité des travaux publics qui s’exécutent dans les departements des frontières, j’observe que tous, sans exception, ont une relation inévitable avec les moyens défensifs militaires ; l’établissement d’uu canal, la construction ou l’emplacement d’un pont, le dessèchement d’un marais ou d’uu étang, le percement d’une forêt, la direction d’une route, tous ces moyens, dis-je, seront liés d’une manière plus ou moins immédiate au système défensif adopté pour la partie des frontières où ils s'exécutent; tous peuvent avoir une inlluence directe sur la valeur des forteresses qu’ils avoisinent ; il est donc raisonnable et nécessaire qu’ils ne puissent s’exécuter sans la participation et sans le concours de ceux auxquels la délense de l’Etat est plus immédiatement confiée. Je demanderai donc qu’il soit donné connaissance aux inspecteurs généraux et aux directeuis des fortifications des projets de travaux publics qui devront s’exécuter dans les départements où iis seront employés, afin qu’ils puissent en rendre compte au ministre de la guerre, lui faire connaître ce en quoi ils peuvent servir ou préjudicier à la défense de l’Eut, proposer les modifications capables de la concilier avec les besoins de l’agriculture et du commerce, et entiu qu’ils soient autorisés à vérifier si l’exécution est conforme aux projets convenus. Je demanderai de plus, et toujours par les mêmes motifs de convenance et d’utilité publique, que ceux de ces travaux qui ont la plus grande influence sur les moyens militaires, tels que les canaux et les redressements ou curements des rivières, soient toujours confiés au corps du génie. Les rapports de ces sortes d’ouvrages avec le système des forteresses sont de tous les jours, de tous les moments; et une chose qui paraîtra peut-être extraordinaire, mais qui n’en est pas moins véritable, c’est que dans les pays plats, tels que le département du Nord et 'une partie de celui du Pas-de-Calais, le système hydraulique est combiné avec tant de précision qu’on ne pourrait faire varier de six pouces, en plus ou en moins, les radiers des écluses ou des sas de tel canal, sans que ce léger changement n’in-fluâl, d’une manière essentielle, on sur la culture des terres, ou sur la navigation des canaux, ou sur la délense des places de guerre, qui rassemblent, ou dégorgent, ou paitagent les eaux du pays. Entin, j’ajouterai qu’il n’est aucun de ces ouvrages qui ne puisse remplir le but de la