368 {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 juin 1790.1 et non un décret particulier au département de l’Ain. (Ces diverses propositions sont adoptées.) L'ordre du jour est la suite de la discussion sur toutes les parties des dépenses publiques. M. l*ebmn, rapporteur. Dans votre séance du 12 juin, vous avez déjà décrété sur la régie générale des domaines l’article 1er, qui fixe à 450,0001. le traitement des administrateurs généraux des domaines; mais il reste d’autres articles et je vais en donner lecture : « Art. 2. L’abonnement fait avec la ferme des postes, pour le port des lettres et paquets, demeurera résilié à compter du jour de la publication du présent décret. « Art. 3. Les frais de comptabilité seront supprimés à compter du premier janvier dernier. « Art. 4. La gratification de 34,000 livres accordée aux principaux employés, celle accordéeau sieur Rasclé, le traitement de 3,000 livres pour la législation des hypothèques, cesseront du jour de la publication du présent décret, et les honoraires du conseil seront réduits à 10,000 livres. » (Les articles 2, 3 et 4 sont successivement adoptés sans discussion.) M. liebrun lit l’article 5; il est ainsi conçu: «Le contrôleur général des finances mettra incessamment sous les yeux de l’Assemblée l’état des économies qu’il est possible d’effectuer dans les frais de régie et de perception. » M. Lecontenlx de Cantclcn. Le directeur des domaines de Rouen a 60,000 livres; le moindre des directeurs de province a 20,000 livres. M. Hernoux. Vous avez décrété une di minution considérable dans la régie des domaines ; et l’on vous propose défaire mettre incessamment sous vos yeux l’état des économies qu’il est possible d’effectuer dans les frais de régie et de perception. Il se présente ici une question : Diminuera-t-on le traitement de chaque employé, à proportion de la réduction totale, ou diminuera-t-on le nombre des commis ? J’observe d’abord qu’il y a un grand nombre de commis inutiles, dont le traitement est beaucoup trop considérable ; c’est sur ceux-là surtout que doit porter la réduction. Il faut pour cela que vous puissiez déterminer le nombre des places inutiles, afin de prévenir l’injustice de conserver les traitements de faveur en supprimant des emplois occupés par des sujets qui se sont avancés en travaillant utilement pour la chose publique. Je demande que M. le président du comité des finances soit tenu d’écrire à M. le premier ministre des finances, pour lui demander de faire faire, dans le courant de la semaine prochaine, des états signés et certifiés des différents employés, tant au bureau de Paris que dans les provinces, avec les noms de chacun, les émoluments qu’ils ont reçus dans les trois dernières années, et les parties sur lesquelles ces émoluments ont été payés; enfin, la réduction qu’il croit convenable de faire en raison de la suppression de la gabelle, etc. Je demande en même temps que ces détails soient imprimés et remis à chacun des membres de l’Assemblée. M. Regnaud (de Saint-Jean-d' Angely). Cette motion, infiniment intéressante, parait s’étendre sur toutes les régies; mais, dans ce moment, il s’agit de prendre des dispositions provisoires. Il y a des disproportions sensibles entre le traitement que vous avez fait aux administrateurs généraux et ceux que reçoivent actuellement les directeurs de province. Si l’on peut se plaindre avec raison de la quotité excessive de ceux-ci, il n’en est pas de même à l’égard des employés subalternes ; les contrôleurs des campagnes ont des appointements aussi faibles que ceux des directeurs sont prodigieux. Ces contrôleurs ne peuvent plus faire les fonctions de notaire, puisque vous avez déclaré ces fonctions incompatibles avec les emplois qu’ils exercent. Il ne faut donc pas toucher à leurs traitements, mais dire que les réductions sur les directeurs seront faites de manière que le minimum soit de 6,000 livres, et le maximum de 10,000 livres. M. de Lachèze. Ce minimum me paraît beaucoup trop fort; le traitement fixe d’un grand nombre de directeurs ne s’élève pas à cette somme. L’abus véritable, et qui porte le produit de ces places à 40,000 livres et plus, c’est qu’ils font valoir sur la place l’argent de leur recette. Sans doute l’Assemblée exigera dii premier ministre des finances qu’il prenne des précautions à cet égard. Je pense que le minimum doit être de 3,000 livres, et le maximum de 6,000 livres. M. Martineau. Il faut d’abord demander l’état des employés, ainsi que l’a proposé M. Hernoux; sans cela la réduction qu’on vous propose pourrait être très peu utile. L’ajournement de la fixation du traitement des directeurs est arrêté. La motion de M. Hernoux est décrétée ainsi qu’il suit : « Le premier ministre des finances sera tenu de faire fournir dans la semaine, au comité des finances, les états des emplois existant dans les bureaux de la ferme, de la régie et de l’administration des domaines, du traitement dont jouit chaque commis depuis trois ans, et de celui qu’il convient de leur accorder pour la présente année; lesquels états seront imprimés et envoyés au domicile des différents membres de l’Assemblée. » M. Vjebrun, rapporteur. Vous avez ordonné le rapport du décret par lequel vous aviez fixé, le 12 juin, le traitement des régisseurs généraux à 700,000 livres. Le comité des finances m’a chargé d’insister sur cet article. Les régisseurs empruntaient pour faire leurs avances; ils recevaient les intérêts à raison de 5 pour 100, et, comme ils empruntaient pour le gouvernement, ils étaient forcés à le faire au même taux. Il est des réductions plus dangereuses que la prodigalité. La forme des régies changera dans quelques mois. Des réductions humiliantes produisent le découragement; l’Etat est mal servi; des maîtres avares ne trouveront jamais des serviteurs économes et zélés; les régisseurs généraux avaient 1,700,000 1. ils se sont réduits à 700,000 livres; vous ne pouvez pas exiger de leur patriotisme un sacrifice encore plus excessif. Le comité pense donc que le décret que vous avez rendu doit être maintenu. M. Fréteau. Des administrateurs m’ont écrit pour déclarer que quand le bien de l’Etat exigerait qu’ils fussent traités d’une manière moins avantageuse, leur zèle ne serait point ralenti. Ces administrateurs sont M. Deyniau et MM. de La Borde père et fils, d’Auch. M. de La Borde fils, 869 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PA] qui m’a écrit en son nom et au nom de son père, est présent; il ne me désavoue pas. (. L'Assemblée applaudit. M. de La Borde fils , placé à la tribune des députés extraordinaires , se retire pour se soustraire à ces témoignages flatteurs.) M. Charles de Lameth. Je demande que le nom de ces administrateurs soit inséré dans le procès-verbal. Les actes de désintéressement sont assez rares pour que nous nous empressions de prendre acte de ceux qui parviennent à notre connaissance. M. Fréteau. M. de La Bordé père est, depuis très longtemps, chargé de l’emploi dans lequel il a montré autant de zèle que de désintéressement. Il a élevé les produits de 6,000 livres à 300,000 livres, et il demande d’être traité sans aucun bénéfice, si l’Assemblée le croit nécessaire pour les besoins du Trésor public. Le comité a imprimé, dans trois endroits de son rapport, que si on réunissait la régie et les domaines, trente personnes feraient à l’aise le travail de ces administrations, et il y a vingt-huit administrateurs et vingt-huit régisseurs. M. le Président. L'article l®r de votre décret du 12 juin concernant la régie générale est ainsi conçu : « Les remises allouées aux régisseurs généraux « ne pourront excéder 700,000 livres et leurs « droits de présence sont supprimés. » L’amendement consiste à réduire la somme de 700,000 livres à 450,000 livres. L’amendement est mis aux voix et adopté. En conséquence l’article se trouve ainsi rédigé : « Art. 1er. Les remises allouées aux régisseurs généraux ne pourront excéder 450,000 livres et leurs droits de présence sont supprimés. M. liebrun, rapporteur , donne lecture de quatre articles concernant V administration des postes, qui sont décrétés, sans discussion, ainsi qu’il suit : < « Art. 1er. Les gages attribués aux maîtres des courriers seront rayés du compte de la dépense publique. « Art. 2. Les gages des maîtres de postes, créés par édit de 1715, et qui ne sont pas appliqués au service des malles, et les indemnités qui leur étaient accordées, sont supprimés, à compter de la date du décret qui a fixé leurs indemnités pour la suppression de leurs privilèges. « Art. 3. La dépense du travail secret, la place et les appointements de l’inspecteur général des postes sont pareillement supprimés. « Art. 4. Il sera statué sur le traitement de l’intendant des postes et sur le conseil des postes, après le rapport 'qui sera fait incessamment sur le régime de cette partie; et cependant l’intendant des postes et le conseil des postes continueront leurs fonctions comme par le passé. » M. le marquis de Itfont-d’Or, député de Lyon , demande une prolongation de congé, pour le rétablissement de sa santé. Elle lui est accordée. M. Bouche propose de donner à l’Assemblée des nouvelles de l'état actuel de la ville d’Avignon. Il fait lecture d’une lettre datée du 13 de ce mois, et qui lui a été adressée. — « Nous avons beaucoup de grâces à rendre à vos compatriotes, qui sont actuellement les nôtres ; ils lï6 Série. T. XVI. LEMENT AIRES. [19 juin 1790.] ont tout abandonné pour voler à notre secours. Les gardes nationales de Château-Renard, Orange, Saint-Esprit, Rochebrune, sont venues avec leurs officiers municipaux : nous avons été obligés d’envoyer des courriers jusqu’à Marseille, pour arrêter l’empressement des autres villes. Vos maires et vos troupes ont arrêté les malheurs qui étaient prêts à arriver. Tous les prêtres auraient été pendus, si nos bons voisins n’eussent contenu la juste fureur du peuple. Les coupables ont été pris en flagrant délit; ilsseronttous jugés par des juges d’Orange ; on va les transporter dans les prisons de cette ville : les coupables sont au nombre de deux mille. « Nous avons été au moment d’un carnage épouvantable ; on ne se connaissait plus ; on faisait feu de toutes parts, des fenêtres et des toits des maisons. La poltronnerie des aristocrates nous a bien servis; je dis la poltronnerie, car tout homme qui s’aime à l’excès, ou qui n’aime que lui, est un poltron. Ils ont fui devant des hommes qui avançaient sur eux, sans munitions et malgré le feu qu’on faisait de toutes parts. En deux heures tous nos ennemis ont été dissipés. Il n'y a que huit citoyens blessés, mais beaucoup d’habits et de chapeaux ont été percés par des balles. Nous sommes enfin bien récompensés de tant de maux ; le peuple a ouvert les yeux. Le 12, tous les districts ont délibéré de se réunir au peuple français; les armes de France ont été placées partout; celles du pape ont été enlevées avec décence. On vient de chanter un Te Deum sur la place du Palais, au bruit du canon et en présence de soixante mille gardes nationales : les officiers et les soldats se sont embrassés, et ont prêté, avec le peuple, le serment d’être fidèles à la nation française, à la loi et au roi, et de verser jusqu’à la dernière goutte de leur sang pour maintenir vos décrets. La ville d’Orange nous a laissé trois cents hommes. Nos députés vont partir. » Cette lecture donne lieu à des applaudissements et à des murmures. M. de Cazalès monte à la tribune. On demande l’ordre du jour. M. de Cazalès. Mais, Messieurs, il est impossible qu’on souffre la lecture de lettres écrites par des sujets qui, à tort ou à droit, sont en insurrection contre un souverain. On décide de passer à l’ordre du jour, et l’Assemblée se retire dans les bureaux pour procéder à l 'élection du président et des trois secrétaires. La séance est levée à trois heures moins un quart. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. LE BARON DE MENOU, EX-PRÉSIDENT. Séance du samedi 19 ;iuw, au soir (1). La séance est ouverte à six heures du soir. M. le baron de Menon, ex-président , occupe 24 (1) Cette séance est incomplète an Moniteur .