67 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PA1 On demande la question préalable sur cette partie de la motion de M. Fréteau; elle est adoptée et le décret suivant est rendu : 1° Que les séances du soir seront consacrées exclusivement aux affaires qui concerneront les provinces, les municipalités et les individus, et qui n’intéressent pas le royaume entier; 2° Que les matières qui seront traitées à chaque séance du soir seront annoncées par M. le président à la séance du matin du même jour; 3° Qu’il n’y pas lieu de délibérer sur l’heure à laquelle finiront les séances du soir. M. le Président annonce qu’il a présenté au Roi le décret de l’Assemblée relatif à la Chambre des vacations du Parlement de Rouen, et que Sa Majesté l’a reçu avec une sensibilité dont il l’a chargé de faire part à l’Assemblée. Le Roi a revêtu de lettres patentes tous les arrêtés sanctionnés ou acceptés jusqu’au 3 no-. vembre; ils sont tous réunis, selon l’ordre de leur date, et Sa Majesté a cru nécessaire d’en renouveler et d’en assurer la publication. M. Pelletier de Saint-Fargeau demande que le comité des finances fasse lecture de son plan général sur les finances du royaume. Ce plan devait être présenté dans la séance de samedi ; il appuie cette demande sur la nécessité de méditer ce travail, et de le comparer avec le mémoire de M. Necker. M. le comte de Custine pense que le temps que prendrait cette lecture pourrait être plus utilement employé, et demande que le plan du comité soit imprimé et distribué. Cette proposition est adoptée. (Voyez le texte du rapport annexé à la séance.) M. le Président. M. Thirial, député de Château-Thierry, demande un passe-port illimité. Le passe-port est accordé. M. le Président indique plusieurs rassemblements de députés de généralités, concernant la division du royaume. On passe à l’ordre du jour relatif à la formation des assemblées primaires. M. de Custine. Le comité de constitution propose de marquer des espaces de 4 lieues carrées, portant le nom de cantons où se réuniraient 500 citoyens actifs, au moins, pour former des électeurs. Je crois que des assemblées primaires de 600 volants seront tumultueuses; je crains la perte de temps pour les ouvriers et les frais de déplacement pour les habitants des campagnes. Je propose donc de faire deux assemblées primaires dans chaque ville où il y aura plus de 600 votants et une assemblée primaire dans tous les lieux où il y aura cent votants, lesquels nommeront un électeur. M. Saborde, député de Condom. Les assemblées de district devraient être composées de deux députés de chaque ville, bourg ou village du ressort du district. M. Eianjuinais. Le seul objet de l’assemblée de canton est l’élection des représentants. Je propose trois articles. Premièrement. Il y aura des assemblées primaires ou de canton chargées de faire des élections. jEMENT AIRES. [16 novembre 1789.] Secondement. Toute municipalité qui fournira cent citoyens actifs formera une assemblée primaire. Troisièmement . Chaque communauté qui ne fournira pas cent citoyens actifs se réunira à telle autre qui sera indiquée par des assemblées provinciales. M. Pison du Galand. Le comité propose de réunir tous les citoyens actifs au chef-lieu du canton, pour nommer et envoyer à l’assemblée de département les électeurs chargés d’élire les représentants. Ce projet tromperait les vues de l’Assemblée. L’éloignement du chef-lieu du canton empêcherait les citoyens peu aisés de concourir à l’élection : les connaissances des laboureurs et des journaliers ne s’étendent pas au delà de leur foyer ; ils seraient obligés à rassemblée de canton de nommer d’après des suggestions étrangères. Je propose, pour éviter ces inconvénients : 1° De faire nommer un électeur par cent citoyens actifs ; 2° Que si le nombre des citoyens actifs ne s’élève pas à cent, il soit également nommé un électeur ; 3° Qu’il en soit nommé deux pour cent cinquante-un citoyens actifs. Ainsi les élections se feraient sans aucun transport dans chaque communauté. M. Démennier. Les fonctions des électeurs sont infiniment importantes; iis doivent nommer les membres de l’administration de district, ceux de l’Administration provinciale, et les représentants à l’Assemblée nationale ; il est donc nécessaire que cette nomination se fasse avec soin. La réunion des citoyens actifs d’une espèce quelconque rendra le choix plus sûr et propagera les lumières. Le moyen de rassembler ainsi un certain nombre d’électeurs produira cet effet, et compensera le second degré d’intermédiaire auquel le comité a renoncé, et qui avait pour but d’épurer les élections. M. Fillaret. Quand vous réunirez une communauté de trois cents membres avec une de deux cents, pour former une assemblée primaire de cinq cents citoyens actifs, la nomination des électeurs sera infailliblement faite par la communauté la plus considérable, et vous établirez ainsi une aristocratie funeste des grandes paroisses sur les petites. M. Defermon. J’ai cru qu’en donnant des municipalités à toutes les paroisses on renonçait aux assemblées primaires, et que chaque communauté nommerait ses électeurs en même temps que ses officiers municipaux. La réunion de plusieurs villages ne pourrait jamais se faire sans donner lieu à des querelles très-violentes. L’expérience que j’ai de l'effet de ces réunions dans ma province me prouve l’importance de cette considération. J’adopte la motion de M. Pison du Galand. M. Dupont propose de regarder comme élément de représentation le nombre des familles, et non celui des citoyens actifs. Il pense en conséquence qu’il faut accorder une députation directe à chaque paroisse de cent cinquante feux, et ordonner la réunion de celles qui ne contiendraient pas ce nombre de familles. 68 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [16 novembre 1789.] M. Martineau. Le plan du comité présente de grands avantages, et est d’une exécution très-facile, tandis que celui que proposeM.PisonduGa-land est tout à fait inexécutable. Il ne faut pas compter sur la réunion des villages par la distribution des cures ; il est certain que cette réunion ne pourra être fort considérable, parce qu’on ne fera .pas faire une lieue aux habitants des campagnes pour aller à la messe. Considérons donc les choses dans l’état où elles sont actuellement. 11 y a des paroisses de dix, de huit et de cinq feux; leur donnera-t-on une députation directe, ou les privera-t-on de leurs droits ? M. Pison du Galand devrait répondre à ces questions. On parle de l’aristocratie des communautés; mais ne se ferait-elle pas également sentir dans les assemblées de district et de département? On objecte aussi l'éloignement où les villages se trouveraient du chef-lieu du canton : ce chef-lieu, placé au centre de quatre lieues carrées, sera à peine à une lieue ou à une lieu et demie du village qui se trouvera sur la lisière du canton : on faisait bien plus de chemin pour aller tirer à la milice. M. Destutt de Tracy. Vous craignez de donner lieu à l’aristocratie des grandes communautés, en leur adjoignant les petites pour l’élection *, mais en donnant une députation directe aux petites paroisses, on s’exposerait à l’aristocratie des personnes. Pour peu que le seigneur soit aimé, pour peu q_ue le curé soit digne de son caractère, quelle ne sera par leur influence ? On propose de réunir les paroisses trop petites : c’est former un canton, c’est revenir au plan du comité. On en objecte aussi la distance : qu’est-ce que l’inconvénient de faire faire à des campagnards une lieue ou une lieue et demie une fois dans deux ans, comparé à celui de livrer les élections des villages à la disposition du seigneur et et du curé ? M. Thibault, curé de Souppes. Le comité se propose sans doute de faire représenter toutes les municipalités; mais lors de la réunion des électeurs dans l’endroit le plus important du canton, ils seront corrompus par les riches habitants de cet endroit. D’autres personnes ont proposé de réunir les petites municipalités; si elles sont unies à de grandes paroisses, il résultera de cette union l’inconvénient qui a déjà été représenté; si elles doivent l’être à de petites communautés, il faudra souvent s’écarter à une distance considérable pour opérer cette réunion. M. Target. Nous sommes tous animés du même esprit ; la seule question est donc de savoir si les moyens sont appropriés au but que nous nous proposons également. Que voulons-nous?... ( L’Assemblée avait déjà témoigné le désir de terminer la discussion, ét l’on crie : Nous voulons aller aux voix 1 ) Le point qui nous occupe est de la plus haute importance pour le bonheur du royaume, je ne puis donc croire qu’on veuille aller si rapidement aux voix. Opérer une représentation libre, universelle, et qui ne soit le produit d’aucune influence étrangère, voilà notre objet. On propose de réunir les petites communautés ; mais qui ordonnera cette réunion ? Ce devrait être l’assemblée provinciale, et elle n’existera pas alors. M. Target représente ensuite quelques observations faites par les préopinants, et notamment celle de M. Destutt de Tracy sur l’influence individuelle, et conclut en faveur du plan du comité, par le moyen duquel il n’y a, dit-il, aucune influence à craindre, tandis qu’on les craindrait toutes en adoptant les autres plans proposés. M. Gaultier de Biauzat. Le plan du comité est inutile, dangereux et impraticable. En divisant les districts en six cantons, chaque canton serait composé de six mille personnes, et pourrait députer directement au district. L’influence du curé, du seigneur, et les intrigues du brouillon du village suivraient aisément les votants à rassemblée du canton; il n’en sera pas de même pour celle du district ; la réunion d’un grand nombre de citoyens actifs anéantirait cette influence. On demande qui est-ce qui ordonnera la jonction des communautés? Cette réunion se fera d’elle-même. Une petite paroisse se confondra avec la paroisse voisine: et quoiqu’on affecte de ne pas prendre en considération l’objection de la distance du village au chef-lieu, je ne puis m’empêcher de la trouver très -raisonnable. M. Prieur. Vous n’êtes pas venus ici pour épargner quelques pas aux habitants de la campagne, mais pour assurer leur liberté ; établissez des cantons, si vous voulez avoir, par la suite, une représentation digne des grandes destinées de la nation. M. Dubois de Crancé. Il me paraît très-inutile de défendre le plan du comité. Si vous adoptiez celui de M. Pison du Galand, autant vaudrait décréter que vous n’admettez pour électeurs et pour éligibles que le curé, le seigneur et l’homme d’affaires. M. le duc de Ta Rochefoucauld appuie, ainsi que le préopinant, l’observation de M. Destutt de Tracy, qu’il regarde comme très-importante. M. le Président ayant exposé les diverses motions et établi la priorité des articles proposés par le comité, l’Assemblée a décrété successivement les articles suivants : 1° Chaque district sera partagé en divisions, appelées cantons, d’environ quatre lieues carrées, lieues communes de France; 2° Que dans tout canton il y aura au moins une assemblée primaire ; 3° Que lorsque le nombre des citoyens actifs d’un canton ne s’élèvera pas à 900, il n’y aura qu’une assemblée dans ce canton; mais, quand il s’élèvera au nombre de 900, il s’en formera deux de 450 chacune au moins ; 4° Chaque assemblée tendra toujours à se former, autant qu’il sera possible, au nombre de 600, qui sera le taux moyen, de telle sorte néanmoins que s’il y a plusieurs assemblées dans un canton, la moins nombreuse soit au moins de 450. Ainsi, au delà de 900, mais avant 1,050, il ne pourra y avoir une assemblée complète de 600, puisque la seconde aurait moins de 450; de ce nombre 1,050, et au delà, la première assemblée sera de 600, et la dernière de 450 au plus. Si le nombre s’élève à 1,400, il n’y en aura que deux, une de 600 et de l’autre de 800; mais à 1,500, il s’en formera une de 600 et deux de 450, et ainsi de suite, suivant le nombre des citoyens actifs de chaque canton. On propose de délibérer sur l’article suivant : « Chaque assemblée primaire députera au dis-