426 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE les procès dont la connaissance leur est attribuée. Inutilement cependant aurions-nous mis ce tribunal en mesure d’expédier promptement les affaires qui concernent son attribution, si des obstacles apportés à l’envoi direct des pièces enchaînaient son zèle et son activité. Je vous ai déjà dit qu’après la destruction du bureau central des juges de paix, qui véritablement présentait les plus graves inconvénients, la commune de Paris s’était emparée, de sa propre autorité, du pouvoir que la loi assignait au bureau central des juges de paix; elle avait exigé que tous les procès-verbaux lui fussent adressés pour les ordonnancer; c’était substituer un abus à un autre. L’agent national et ses substituts, trop occupés pour pouvoir donner à ces actes l’attention nécessaire, les ordonnançaient, pour ainsi dire, au hasard ; toutes les autorités étaient perpétuellement occupées à faire des échanges des pièces et des procès-verbaux qui leur avaient été mal à propos adressés; souvent on ne se donnait pas la peine de faire ces renvois, et l’on m’a assuré qu’on trouverait peut-être au moins quinze cents procès-verbaux sous les scellés de Payan. Le redressement d’abus aussi contraires à l’intérêt public qu’aux prévenus a excité l’attention de votre comité, qui en a cherché le remède; il a pensé que le moyen le plus naturel et le plus facile de tarir la source du mal était d’autoriser les commissaires de police à faire eux-mêmes directement les renvois à l’autorité qui devra connaître des faits qu’ils auront constatés. Un officier public, en effet, qui a rédigé un procès-verbal, qui a entendu les témoins sur un délit, qui est saisi des pièces de conviction, peut beaucoup plus aisément le caractériser que celui qui n’a jeté qu’un coup d’oeil superficiel sur les pièces. L’erreur alors sera infiniment rare, pour ne pas dire impossible, surtout si, comme nous vous le proposons, vous les contraignez à citer le texte de la loi en vertu de laquelle ils motiveront le renvoi. Nous avons dû terminer notre travail en portant nos yeux sur un dernier objet : c’est l’organisation du greffe. Votre comité a pensé qu’il n’était pas possible de confondre en ce moment celui de la police municipale contentieuse et celui de la police correctionnelle. La réunion de ces deux juridictions, jusqu’à présent séparées, n’est encore que provisoire. Cette réunion semble limitée au temps que durera le gouvernement révolutionnaire ; vous ignorez, et votre comité ignore encore lui-même (car il n’a aucun plan fixe sur cet objet), quel est celui qu’il vous proposera définitivement d’adopter à l’époque dont nous parlons. Dans l’incertitude de cette détermination, il nous a paru prudent de laisser un dépôt aussi important qu’immense, puisqu’il remonte jusqu’au XIIe siècle, dans le local qui le recèle actuellement, sous la garde et la responsabilité de l’archiviste de la maison-commune. Les frais de déplacement seraient considérables; il en faudrait de plus grands encore pour disposer un local propre à le recevoir dans le ci-devant Châtelet, où le tribunal de police correctionnelle tient ses séances, et peut-être faudrait-il remettre un jour les choses dans leur primitif état. Vous voyez que l’ordre, la prudence et l’économie ont concouru à opérer une détermination que nous avons crue sage et peut-être indispensable. L’adoption de ces mesures donnera, nous l’espérons, à ce tribunal toute l’activité dont il peut être susceptible ; nous ne verrons plus des milliers de procès-verbaux s’accumuler sans recevoir de décision ; des pères et mères, des enfants, des citoyens ne languiront plus, oubliés dans les maisons d’arrêt ; innocents, ils seront rendus à leurs familles qu’ils nourrissent, à leur patrie qu’ils servent; coupables, ils seront encore utiles à la société par le salutaire exemple-que produira la punition prompte de leurs délits, et par les travaux qu’on aura droit d’exiger d’eux. Le rapporteur lit un projet de décret qui est ajourné (121). Art. I. - A Paris, le tribunal de police correctionnelle sera composé de quinze juges, servant par tour dans l’espace d’une décade. Ils tiendront audience tous les jours, et se diviseront en trois chambres qui leur seront assignées par le sort. II. - Les deux premières de ces chambres prononceront sur toutes les causes dont la connaissance est dévolue à la police correctionnelle. La troisième aura pour attribution le contentieux de la police municipale; elles pourront toutes juger au nombre de trois juges. III. - Il y aura près de ce tribunal un agent national et trois substituts ; la Convention nomme pour remplir la place d’agent national le citoyen... et pour substituts les citoyens... IV. - L’agent national sera seul chargé de la poursuite des délits, de la suite des jugemens, des arrivées, renvois, transfèrements des prisonniers : en un mot, de toute l’exécution aux termes des lois, tant de la police correctionnelle que municipale. V. - Les trois substituts seront chargés du travail des audiences; ils rempliront tour à tour, dans chacune des trois chambres, suivant l’ordre de leur nomination, les fonctions attribuées au ministère public. En cas de maladie ou de tout autre légitime empêchement, ils en préviendront l’agent national qui sera tenu de les remplacer. VI. - Le greffier de la police correctionnelle présentera autant de commis-greffiers qu’il est établi de chambres par le présent décret. VII. - Il sera extrait du greffe de la police municipale contentieuse tout ce qui est relatif (121) Moniteur, XXII, 203-204; Débats, n" 747, 273-277; J. Mont., n° 164; M. U., XLIV, 310-314. Mention dans Ann. R. F., n° 17 ; F. de la Républ., n° 18; Gazette Fr., n° 1011; J. Fr., n" 743; J. Perlet, n” 745; J. Paris, n“18; M. U., XLIV, 266; Rép., n° 18. Tous les journaux placent la lecture de ce rapport dans la séance du 17 vendémiaire, sauf le Moniteur, qui l’insère au 19. SÉANCE DU 17 VENDÉMIAIRE AN III (8 OCTOBRE 1794) - N° 71 427 à cet objet, depuis le 14 juillet 1789, pour être transporté dans le local du ci-devant Châtelet, où le tribunal de police correctionnelle, tient les séances. VIII. — Tout ce qui est antérieur à cette époque sera réuni aux archives de la maison commune ; l’archiviste de cette maison et le greffier de la police correctionnelle, chacun en ce qui les concerne, en donneront décharge au ci devant greffier de la police municipale, au bas du procès-verbal qui sera dressé de la remise des pièces. IX. - Cette remise s’effectuera dans le délai d’un mois au plus tard, jusqu’à ce qu’elle soit entièrement opérée : mais sans que le retard puisse excéder l’époque fixée par le présent décret, le citoyen Royenval, ancien greffier, qui est chargé de ce dépôt, recevra le traitement ordinaire qui lui est attribué en proportion du tems de son exercice. X. - Pour accélérer le jugement des procès, les commissaires de police feront directement, dans les 24 heures, l’envoi des procès-verbaux et des pièces servant à conviction aux greffes des différentes autorités qui en doivent connaître. Ils seront tenus d’énoncer dans l’ordonnance de renvoi, le texte de la loi qui les aura déterminés. XI. - L’envoi direct, prescrit par l’article précédent, n’empêchera pas le compte journalier qu’il sont dans l’usage de rendre à l’administration de police qui aura toujours le droit de l’exiger. On observe que le décret soumis à la discussion de l’assemblée est de la plus haute importance, que le projet n’a été distribué qu’hier fort tard, qu’on n’a pas eu assez de tems pour le méditer avec attention, et que la discussion, doit être renvoyée à la séance de demain, afin que la Convention soit mieux préparée à se décider par les moyens présentés par le comité (122). (122) J. Paris, n° 18.