30 janvier 1790.] 397 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. borne donc à donner lecture du projet de décret. La discussion est ouverte. M. Duport. Rien n’est plus utile et plus instant que d’abolir le régime vicieux des anticipations, source de tous les abus de confiance, au moins à commencer du 1er janvier 1791. Le comité des finances doit bientôt s’occuper de parer au déficit que cause l’impossibilité de renouveler les anticipations. Il est presque impossible que le nouveau système d’impositions, qui doit succéder à celui qui existe, commence avant le 1er janvier 1791. L’on peut supprimer dès à présent les receveurs-généraux, et faire compter les receveurs particuliers directement au trésor royal; mais s’il y a de l’inconvénient à changer dans ce moment trop brusquement la forme de l’imposition directe, il faut au moins prendre des précautions pour empêcher d’un côté les vexations en faisant viser les contraintes, et de l’autre, veiller à ce que toutes les opérations des receveurs soient connues et contrôlées ; cela est nécessaire pour exciter le zèle des receveurs-généraux, soutenir la perception, et donner aux assemblées de districts et de départements les connaissances nécessaires aux fonctions dont elles vont être chargées. M. Bouche. Je propose d’ajouter que le présent décret ne change en rien le mode de perception établi dans les pays d’Etats, où les préposés des municipalités verseront, comme auparavant, dans les caisses des trésoriers provinciaux, dits trésoriers des Etats, lesquels continueront de verser directement dans le trésor public. M. Rewbell. 11 ne faut pas que les impôts passent par tous les canaux qui les absorbent, comme en Alsace où les frais fictifs coûtent 200,000 livres à la province. Je propose en conséquence un amendement appuyé par tous les députés de l’Alsace, portant que les députés de cette province feront parvenir l’impôt de 1790 au trésor public, par telle voie directe qui sera concertée entre eux et le pouvoir exécutif. M. Salle combat le projet du comité, et cherche à prouver qu’il ne peut être admis. Il parle avec force contre les financiers et contre les projets sinistres qu’ils peuvent exécuter s’ils parviennent à faire disparaître le numéraire. Il demande qu’il n’y ait lieu à délibérer. M. Anson. Je respecte les intentions du préopinant; j’admire son zèle; mais il nous écarte de la question. L’affaire actuelle est une affaire d’ordre et d’habitude, pour la perception des droits; les frayeurs du préopinant ne doivent pas vous alarmer. La finance ne peut vous nuire, elle est anéantie par la constitution. M. de Robespierre. Attendu que le système de la recette actuelle doit subsister jusqu’à ce qu’il ait été expressément révoqué, l’Assemblée nationale doit déclarer qu’il n’y a lieu à délibérer sur la proposition d’ordonner qu’il sera conservé pendant toute l’année 1790. M. Lecoutculx. Les financiers ne sont pas dangereux dans une révolution. Que l’Assemblée opère avec courage. On vous a parlé de la caisse d’escompte; il est certain que le numéraire manque; votre décret en fixe la circulation dans les provinces où il y a stagnation dans les impositions directes et indirectes ; elles manquent de numéraire, et n’envoient rien. L’industrie de Paris est diminuée; l’économie la plus sévère s’y porte sur tous les objets; les grands propriétaires reçoivent moins de leurs terres, et d’autres sont absents ; mais à cela il y a remède, c’est de ne pas accroître la méfiance sur ceux qui coopèrent à l’administration. Quant à la caisse d’escompte, les mêmes terreurs ont été portées à l’assemblée des représentants de la commune de Paris ; des commissaires ont eu des séances avec les actionnaires et les députés du commerce. Ils ont été tranquillisés sur le sort de la caisse. Il est possible que ceux qui font de l’argent uu trafic honteux se soient établis auprès d’elle. Je vous prie de nommer des commissaires pour voir les opérations, et qu’elles soient mises sous la sauvegarde do votre vigilance. M. Anson. Le comité des finances, d’après la discussion qui vient d’avoir lieu, modifie son projet de décret. M. Anson donne lecture de la nouvelle rédaction qui est adoptée en ces termes : « L'Assemblée nationale a décrété et décrète ; Art. 1er. Les préposés aux recouvrements des impositions directes, dans les différentes municipalités du royaume, seront tenus de verser entre les mains des receveurs ordinaires des provinces, chargés dans les années précédentes de la perception de ces impositions, le montant entier des impositions de l’exercice de 1790, et des exercices antérieurs dans la forme et dans les termes précédemment prescrits par les anciens règlements. Art. 2. Attendu que les contribuables seront soulagés dans l’année présente par la contribution de ci-devant privilégiés, qui tourne à leur décharge, les trésoriers ou receveurs-généraux, entre les mains desquels lesdits receveurs verseront le montant de leurs recettes, seront tenus de* faire de leur côté toutes les diligences pour que les impositions de 1790 et des années antérieures soient acquittées entièrement dans les six premiers mois de 1791 au plus tard. Art. 3. Les contraintes ne pourront être décernées que sur le visAdes directoires des districts, lorsqu’ils seront établis. Art. 4. Tous les receveurs particuliers seront tenus d’envoyer mois par mois l’état de leur recette et de ce q ui reste dû aux directoires des districts de leur arrondissement, lesquels seront tenus de l’envoyer au plus tôt au directoire du département. Art. 5. Lesdits trésoriers ou receveurs-géné-rauxet particuliersne pourront faire compensation des fonds de leurs recettes avec ceux de leurs cautionnements ou finances. Art. 6. Dans les six premiers mois de 1791, lesdits trésoriers ou receveurs-généraux remettront aux administrateurs des différents départements, un état au vrai de leurs recouvrements ; quant aux comptes définitifs, tant de l’exercice de 1790 que des années antérieures, ils seront présentés par eux à la vérification dans le courant de l’année 1792 au plus tard, devant qui, et ainsi qu’il sera ordonné par l’Assemblée nationale. M. le Président indique l’ordre du jour de la séance du soir qui aura lieu à 6 heures. Il invite ensuite l’Assemblée à se retirer dans ses bureaux 398 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 janvier 1790.] pour y procéder à lanomination d’un président et de trois nouveaux secrétaires. M. le Président donne connaissance du résultat du scrutin pour la nomination du comité de mendicité. Les membres élus sont : MM. le duc de Liancourt. de Coulmiers, abbé d’Abbecourt. Prieur. Massieu, curé de Sergy. La séance est levée. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DÉMEUNIER, ANCIEN PRÉSIDENT. Séance du samedi 30 janvier 1790, au soir (1). M. Démeunier, ancien président, occupe le fauteuil. 11 annonce que la santé de M. Target ne lui a pas permis de venir à l’Assemblée et que les mêmes raisons ont empêché M. l’abbé de Montes-quiou de prendre sa place. M. le vicomte de Woailles, l’un de MM. les secrétaires, fait lecture des adresses de différentes villes, bourgs et communautés, contenant les témoignages du plus profond respect et l’adhésion la plus entière pour tous les décrets de l’Assemblée nationale, dans l’ordre qui suit : Adresse des citoyens de la ville de Châlons-sur-Marne, réuuis en assemblée générale de la commune, pour le serment de leurs nouveaux officiers municipaux. Us saisissent avec empressement cette circonstance pour présenter à l’Assemblée nationale le respectueux hommage de leur reconnaissance et de leur soumission aux décrets émanés de sa sagesse. « Ce jour, disent-ils, nous annonce toute l’étendue de pouvoir que vous avez reconquis au peuple français; il se choisit des chefs pour maintenir sa dignité, et cette dignité ne peut plus être impunément méconnue ou blessée : le titre de citoyen, cher à nos cœurs, étouffera les germes de discorde que faisaient naître tant d’intérêts opposés. Leur souvenir pourrait encore conserver des semences de division, mais les principes consacrés par vos décrets les ont proscrites sans retour; les préjugés sont vaincus, etl’amour seul de la patrie l’emporte aujourd’hui. «Les nouveaux officiers municipaux expriment, dans une adresse séparée, les mêmes sentiments d’admiration et de dévouement. Adresse de félicitation, remercîment et adhésion de la communauté d’Avrolles en Bourgogne; elle fait le don patriotique de la somme de 3, 61 1 livres et destine au soulagement des pauvres une somme de 800 livres, provenant de la contribution sur les ci-devant privilégiés. Lettre des officiers du régiment royai-dragons, en garnison à Commercy, qui annoncent avoir lu avec les sentiments de la plus vive et la plus respectueuse reconnaissance à leur régiment assemblé, les témoignages d’estime et de bienveillance dont l’Assemblée nationale l’a honoré. Ils protestenlque, toujours fidèles à leur serment, ils n’emploieront jamais leurs armes que pour la défi) Cette séance est incomplète au Moniteur. fense de la patrie et le maintien de lois qui assureront invariablement la liberté, le bonheur et la gloire de l’empire français. Adresse delà ville de Yoiron en Dauphiné, qui adhère avec une respectueuse reconnaissance à tous les décrets rendus et à rendre par l’Assemblée nationale; elle demande d’être chef-lieu de district. Adresse des prébendés de l’église cathédrale de Carcassonne, qui, pénétrés d’admiration pour les travaux de l’Assemblée nationale, se soumettent avec joie à tous ses décrets ; ils font le don patriotique du superflu de l’argenterie de leur église, inutile au service divin. Adresse d’adhésion et dévouement des notaires et procureurs de la ville deGourrin en Bretagne; ils demandent avec instance la conservation du siège royal établi dans celte ville. Adresse d'adhésion de la communauté d’Hui-neux ; elle fait le don patriotique dn produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés. Adresse de la communauté de Liancourt, près Clermont-en-Beauvoisis, qui exprime avec énergie les sentiments d’admiration, de reconnaissance et de dévouement, dont elle est pénétrée pour le Roi et l’Assemblée nationale ; les officiers municipaux attestent qu’ils ont vu se présenter à leur bureau, non seulement les personnes les plus aisées, mais encore les vignerons, les artisans, les journaliers, les domestiques; non seulement les chefs de famille, mais encore les veuves, les jeunesgensde l’un et de l’autre sexe, et jusqu’aux petits enfants; de manière que la contribution patriotique, soit en promesses obligatoires, soit en argent, soit en bijoux, monte actuellement à la somme de 6,084 livres Cette communauté destine en outre l’emploi du produit de de la contribution sur les ci-devant privilégiés en ateliers de charité. Lettre de M. Vassan, major du régiment des chasseurs à cheval des Evêchés, en garnison à Belfort, dans laquelle il annonce que les officiers et soldats français ont reçu avec sensibilité les marques de justice que les représentants de la nation donnent à leurs frères, qui seront toujours jaloux de mériter l’estime de leurs concitoyens par leur entier dévouement à la patrie et au Roi, qui n’est qu’un avec elle. Adresse d’adhésion des communautés de Sar-trouville et de Sanois, élection de Paris ; elles demandent que le bourg d’Argenteuil soit le chef-lieu d’un district et le siège d’une justice royale. Adresse de la nouvelle municipalité de la ville de Cosne, qui annonce que la plus grande concorde a régné dans sa formation ; elle consacre les premiers moments de son existence à jurer, entre les mains de l’Assemblée nationale, un dévouement absolu pour l’exécution de tous ses décrets. Adresse de renouvellement d’ahésion et félicitation des citoyens de la ville du Mans ; ils font surtout éclater les sentiments de l’amour le plus tendre, et du dévouement le plus absolu pour la personne sacrée du Roi; ils font le don patriotique de leurs boucles d’argent. Adresse du même genre des habitants de Saint-Cloud; ils réclament contre une concussion qu’ils estiment plus de 160,000 livres, et offrent cette somme en don patriotique. Adresse d’adhésion de la communauté deGasny, près Vernon-sur-Seine ; elle réclame l’exécution d’une délibération contre les usurpateurs d’un terrain communal. Adresse de félicitation et dévouement de la