312 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ]18 juin 1791.) « Le peuple de Bastia, après avoir secoué le premier, dans l’île, le joug du despotisme, regarde comme le plus grand de ses avantages d’être Français et Français libres, et proteste de vivre et mourir tel; mais son attachement pour la religion de ses pères et pour le Saint-Siège apostolique romain l’oblige à déclarer, comme il déclare solennellement, q Fil sera toujours con-liant dans les sentiments qu’il vient de manifester; persuadé que les pères de la patrie, les augustes législateurs de l’Empire, après les grands bien laits dont ils ont comblé la Corse et spécialement la vil e de Bastia, daigneront y ajouter celui de se rendre à l’humble et instante prière de tout un peuple au sujet d’une chose auss iin-téressante pour sa tranquillité. Fait l’an et le jour susdits. » (Suivent 6 pages de signatures.) Vous voyez, Messieurs, par ce que je viens de vous lire, qu’on était parvenu à égarer la grande majorité de la ville de Bastia ..... A droite : Non, ils ne sont pas égarés. A gauche : À l’urdre donc, monsieur ! M. Muguet de Nanthou, rapporteur ..... et la preuve en résulte de ce qu’on s’est emparé de la citadelle; de ce que les administrateurs du directoire du département ont été obligés de fuir. Mais cette nouvelle, quelque affligeante qu’elle soit, ne doit cependant pas jeter l’alarme dans le sein de l'Assemblée nationale. Le reste de la Corse, invinciblement attaché à la Constitution, et qui a juré de la défendre, est prêt à marcher contre la ville de Bastia ; et si le général Paoii, qui maintient votre Constitution avec le même courage et le même zèle qu’il a défendu la liberté de scn pays, n’avait retenu le zèle des habitants, et n’avait voulu prendre des mesures pour épargner les malheurs qui pouvaient résulter des mouvements des habitants de l’île contre Bastia, aujourd’hui la loi serait vengée. Le comité a pensé, Messieurs, que, dans cette circonstance, vous deviez auturber d’abord le directoire du département à se transporter dans la ville de Gorté, pour y exercer ses fonctions, jusqu’au moment où la tranquillité sera rétablie dans la ville de Bastia, et où la première assemblée électorale vous présentera un vœu sur ia ville qu’elle jugera convenable pour y placer le chef-lieu du département; que vous deviez également autoris; r l’évêque à transférer son siège, puisque sa personne ne peut plus être en sûreté dans une ville où une telle insurrection s’est manifestée ; que vous deviez ensuite prier le roi d’envoyer une augmentation de force publique dans l’ile de Cor?e, et principalement deux frégates pour obliger la ville de Bastia à se soumettre, et à rentrer dans l’ordre ; que vous deviez en même temps engager le roi à ordonner au commandant miliiaire, nommé pour ce département, ?e se rendre incessamment dans cette ville; qu’il y avait à cet égard une précaution à prendre, c’était de lui indiquer pour sa résidence la ville de Corlé, ainsi qu’au trésoiier, afin de ne pas abandonner la caisse militaire et les ressources de ce pays à la discrétion d’habitants qu’il est facile d’égarer. Le comité a pensé que des commissaires devaient être chargés de prendre des renseignements généraux sur la cause des troubles de la Corse et notamment sur la conduite de la municipalité et du commandant des troupes de ligne dans les journées des 3, 4 et 5 juin. En effet Messieurs, il n’est pas possible qu’une municipalité soit restée tranquille au milieu des agitations qui ont iroublé la ville de Bastia, sans qu’il existe entre elle et les ennemis de la chose publique une secrète coalition; mais le comité n’a rien voulu préjuger à cet égard avant d’être assuré d’une manière légale de sa conduite dans cette occasion. Le comité a pensé aussi que le commandant des troupes de ligne étant inculpé, sa conduite doit êtie également inspectée par les commissaires : Voici le projet de décret que votre comité des rapports vous propose : « L’Assemblée nationale, après avoir ouï son comité des rapports, décrète : « 1° Que le directoire du déparlement de Corse est autorisé à se transporter en la ville deCorté, pour y tenir provisoirement ses séances ; que le siège de l’évêché sera également transféré dans la même ville, sauf à la première assemblée électorale, à présenter son vœu au Corps législatif sur la ville où elle jugera qu’il soit le plus convenable de fixer definitivement soit le chef-lieu du département, soit le siège del’évêché; « 2° Que le roi sera prié d’envoyer dans le département de Corse une augmentation de force publique et deux frégates, et de donner des ordres au commandant militaire, nommé pour ce département, de s’y rendre incessamment, lequel, ainsi que le trésorier militaire, fixera sa résidence en la ville de Gorté; « 3° Que le roi sera également prié de nommer deux commissahes, lesquels, de concert avec le directoire du département, prendront toutes les mesures nécessaires pour rétablir la tranquillité publique et assurer l’exécution des lois; « 4° Que les commissaires prendront des informations sur les troubles qui ont eu lien en Corse, et notamment sur la conduite tenu ■, soit par la municipalité de Bastia, soit par les chefs des troupes de ligne dans les journées des 3, 4 et 5 juin, pour, après le rapport qu’ils en feront, être statué par l’Assemblée nationale ce qu’elle jugera convenable; « 5° Qu’il sera informé par-devant le tribunal de Gorté, auqu 1 l’attribution en est déférée, contre tous les auteurs et fauteurs des meurtres et attentats arrivés en la ville de Bastia depuis ie 29 mai jusqu’au 5 juin courant, ainsique contre ceux qui ont provoqué ia délibération du conseil général de la commune de cette ville, en date du 2 juin ; « 6° Que M. le Président se retirera dans le jour par devers le roi, pour porter le présent décret à sa sanction. » M. de Folleville. Je demande qu’il soit ajouté au décret la disposition suivante ; « Les commissaires, après avoir rétabli l’ordre, recevront aussi les plaintes qui pourraient être laites contre le département, relativement aux faits antérieurs à ce dernier événement. » Votre vengeance est louable, Messieurs, mais elle doit être impartiale. Je vous prie de remarquer, Messieurs, que quoique les citoyens de Bastia paraissent coupables, cependant ils ne sont pas sortis de toutes mesures. L’acte qu’pn vous dénonce n’a pas été accompagné de faits atroces comme on pouvait l’attendre d’un peuple très fier. ( Murmures à gauche .) Je veux dire, par 1 exemple, que M. Arena, qui aurait peut-être été 313 [Assemblée nationale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES-[18 juin 1791.] à la lanterne chez un peuple qui passe pour être très doux, a été seulement éloigné par ce penpl ■, qui a donné à tous les peuples, en insurrection, un exemple de clémence, ou, pour mieux dire, de respect pour l'humanité, qui est digne de considération. Ainsi je demande que mon amendement soit mis aux voix. M. Muguet de IVanthou, rapporteur. M. de Buttafuoco qui a paru au comité convaincu de la nécessité de mesures n’auiait pas dû faire répéter ici l’objection qu’il y a faite : le mot informations qui se trouve dans le projet de décret comprend tous les éclaircissements. Je vous dirai, Messieurs, que nous avons des preuves que le département de la Corse a montré le plus grand civisme dans tous les troubles qui ont existé, et qu’il ne faut pas le flétrir par une pareille disposition. ( Murmures à droite ; applaudissements à gauche.) M. l’abbé Peretti délia Rocca. S’il y a eu des troubles en Corse, c’est le département qui les a causés. M. SaliceUi. La plus grande preuve du civisme des administrateurs du département de ia Corse, c’est que M. deFulleville s’en plaint. (Murmures à droite; applaudissements à gauche.) Le projet de décret ne peut avoir d’aulre défaut que d’être trop modéré. Je vous avoue que, pour mon compte, je ne suis nullement alarmé de la rébellion qu ■ les moines et les prêtres, aidés d’un très petit nombre de factieux et de fanatiques, ont exci é dans la ville de Bastia. Je sais que, si le peuple des campagnes e-t obligé d’employer la force pour repousser ses attaques, il les mettra vite à la raison ( Applaudissements à gauche.) ; et je vous avoue que, s’il est réduit un jour à cette fatale nécessité, il se délivrera pour jamais d’une vermine dont il a été depuis si longtemps infecté. Je deraan le que le décret proposé par le comité soit adopté en entier. J’avoue que mon département se trouve dans une position particulière : il est éloigné de l'Assemblée nationale et il avoisine l’Italie. Le fanatisme a bimi fait quelques tentatives auprès de tous les départements du royaume, mais il a agi avec plus de force sur celui de la Corse. Il y a été allumé par des écrits envoyés de Paris mê ne, du sein de cettn Assemblée; il y a été allumé par la cour de Rome, car vous savez peut-être, Messieurs, que le Saint-Père, par une bonté paternelle toute, particulière, nous a envoyé un bref spécialement destiné au peuple de Corse dans lequel il parle constamment du < royaume de Corse », comme s’il ignorait que notre pavs n’est plus que petit département de l’Empire français. ( Murmures à droite.) Dans ces circonstances, le directoire du département a donné des preuves certaines du patriotisme le plus pur: il est certain que, sans lui, le fanatisme aurait fait d’autres progrès encore; c’est lui qui les a arrêtés; c’est encore lui qui les arrêtera. On a, dit-on, des plaintes à porter contre le département. Eh bien ! dans le projet de décret du comité, il est dit que les commissai es pourront [(rendre des informations sur toutes les causes des troubles et sur tous les faits arrivés en Corse. (Murmures à droite .) A droite : Cela n’est pas vrai. M. SaliceUi. Ça n’est pas vrai? A droite : Non! non! M. Salicettl. Si, c’est vrai! La question se trouve donc décidée. En conséquence, je demande la question préalable sur l’amendement de M. de Folie ville, et j’insiste pour que le projet de décret du comité soit mis aux voix. M. de Ruttafuoco. On veut soutenir le directoire du département de Corse; cependant il est dénoncé à l’Assemblée nationale par la ville de Bastia; toute l’île se plaint de lui... A gauche : Qui? qui? M. de Buttafuoco. Tout le monde. Nous avons à Pans des citoyens qui ont été arrachés de leur lit, mis au cachot, contraints do demander à s’embarquer et conduits à la mer, alors qu’il n’existait contre eux aucune preuve de délit. J’insiste sur l’amendement de M. de Folleviile. A gauche : La question préalable ! M. Groupil-Préfeln. Ou veut protéger les fanatiques et les rebelles. (L’Assemblée ferme la discussion et décrète u’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’amendement e M. de Folleviile.) M. Eianjuinals. 11 y a une omission dans le décret; c’est qu’on n’y a pas indiqué le lieu où se tiendra la première assemblée électorale qui devait se réunir à Bastia. M. Muguet de ÜVanthou, rapporteur. Elle devra se réunir à Codé. 11 suflit d’ajouter au. premier paragraphe, après les mots : « sauf à la première assemblée électorale », ceux-ci: « qui se tiendra également à Codé. » (Assentiment.) Voici notre projet de décret avec l’addition proposée par M. Lunjuinais: « L’Assemblée nationale, après avoir ouï son comité des rapports, décrète : « 1° Que le directoire du département de Corse est autorisé à se transporter en la ville de Codé, pour y tenir provisoirement ses séances; que le siège de l’évêché sera également transféré dans ia même ville, sauf à la première assemblée électorale, qui se tiendra également à Corté, à présenter son vœu au Corps iégis alif, sur la ville où elle jugera qu’il soit le [dus convenable de fixer définitivement, soit le chef-lieu du département, soit le siège de J’évêché; <> 2° Que le roi sera prié d’envoyer dans le département de Corse une augmentation de force publique et deux frégates, et de donner des ordres au commandant militaire, nommé pour ce département, de s’y ren ire inces.-amment, lequel, ainsi que le trésorier militaire, fixera sa résidence en la ville de Corté ; 3° Que le roi sera également prié de nommer deux commissaires, lesquels, de concert avec le directoire du département, prendront toutes les mesures nécessaires pour rétablir la tranquillité publique et assurer l’exécution des lois; « 4° Que les commissaires prendront des informations sur ceux des troubles qui ont eu lieu en Corse, et notamment sur la conduite tenue, soit par les chefs des troupes de ligne, dans les jour-