(Convention nationale.] AftCBlVBS PARLEMENTAIRES. ' 435 ' ' 4 ( * aecemDre 1 (3o aurez-vous toujours besoin d’être réveillés par la voix terrible des Sans-Culottes pour vous bâter dans votre marebe révolutionnaire? Quoi, la vengeance nationale frappe dans tous nos départements les ennemis de la liberté et Vous qui avez ordonné cette vengeance vous siégez tous les 'jours à côté des fauteurs de la guerre civile, ils vivent dans la paix, et là-haut où le peuple trompé les a placés, ils voient avec sé¬ curité tomber les têtes qu’ils avaient eux-mêmes fédéralisées ! Vous venez de punir les Brissot, les G-orsas, les Pétion, mais tous ces lâches automates qui les suivaient et à qui il n’a manqué que du talent pour être aussi cou¬ pables qu’eux, où sont-ils? Leur inutilité vous a -t -elle empêché de les remarquer? ou pensez-vous que la peur leur ait donné du patriotisme? Non, s’ils se traînent à présent sur le penchant de la Montagne, c’est qu’ils voient la mort dans la plaine. Réveille-toi donc encore une fois, Montagne redoutable, vomis tes laves de feu et balaye tous ces vils insectes qui ternissent ton éclat. Oui, il faut que la Convention soit épurée, car des Montagnards rougissent d’être représen¬ tés par des hommes qui seraient au moins décla¬ rés suspects s’ils n’étaient pas nos députés. Représentants du peuple, épurez-vous et restez à votre poste jusqu’à la paix, voilà la volonté des Sans-Culottes de Sordes, et surtout rappelez-vous que votre œil vigilant ne doit pas quitter ces hommes doubles qui maintenant arrivés au sommet de la Montagne sont encore couverts de la boue des marais qu’ils ont quitté de peur. « A Sordes, le 13e jour du 2e mois, 2e année de la République française. « Vr Broussonel, 'président; Bachelard fils aîné; secrétaire. » La Société populaire de Roehefort fait part à la Convention nationale, que, dans cette eom-mune, le monstre du fanatisme est mort; qu’on n’y connaît plus que l’Eternel; que son culte est. l’amour de l’humaniîé, de la liberté et de l’éga¬ lité; qu’ü n’y a plus ni luthériens, ni catholiques, ni calvinistes; il n’y a que des hommes qui rai¬ sonnent en vrais républicains, totalement déli¬ vrés du joug des superstitions. « Dix jours avant que l’évêque de Paris a paru à la barre, ajoute cette Société, nos prêtres avaient purifié le tem¬ ple, en y brûlant leurs lettres de charlatanisme, aux vives acclamations de tout le peuple. Nous aimons nos frères de Paris, nous voulons tou¬ jours autant qu’eux le bonheur de l’humanité. » Elle envoie le récit de la fête civique qui a eu lieu dans cette commune le 10 bramaire, et encore le procès-verbal par lequel cette Société et tous les habitants de la ville, tant marins que militaires et autres, manifestent leur indignation de toutes les atrocité» commises par les Anglais, de l’assassinat de Beauvais et Pierre Bayle; ils en demandent une vengeance éclatante, et ont tous juré d’aller jusques dans Londres incendier cette nouvelle Carthage et détruire tous les ports de cette île insolente. Mention honorable, insertion au « Bulletin » (1). (!) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 285. Suit l’adresse de ta Société populaire de Roche-fort (1). Adresse de la Société populaire de Roehefort, département de la O nar ente-Inférieure, à là Convention nationale. « Citoyens représentants, « Les citoyens de Roehefort s’empressent de porter dans le sein de la Convention une récla¬ mation que leur suscite leur amour pour la vérité. Des cultes ridicules, mais consacrés de¬ puis dix -huit siècles, viennent d’être anéantis dans cette commune. Les mystères, les miracles, les prêtres, leurs jongleries, toutes les stupidités du fanatisme, tous les tableaux, toutes les images des imbéciles ou des fripons béatifiés, les livres mensongers, les ornements des églises, enfin jusqu’à ces inutiles monuments de l’or¬ gueil, tout a disparu : Roehefort a mille ans depuis la dernière décade. Le fanatisme, ee monstre dégoûtant qui ne vit que de carnage et de sang, qui ne ss plaît qu’au milieu des in¬ cendies et des tombeaux et qui fait descendre l’homme au-dessous de la brute, eh bien, ci¬ toyens représentants, ce monstre qui si long¬ temps avait enchaîné les Eochefortains, n’est Eas seulement blessé, il est mort; Laignelot et iequinio, philosophes rares par leurs lumières et leur courage, lui ont porté le premier coup, les habitants de cette étonnante commune l’ont achevé ! On ne connaît plus ici que l’Eternel. Son culte, c’est l’amour de l’humanité, de la liberté et de l’égalité ; il n’y a plus ni ministres ni prêtres, mais de simples prédicateurs de mo¬ rale : un seul temple dédié à la vérité reçoit aujourd’hui tous nos concitoyens; il voit se confondre dans le sentiment de la fraternité vivement exprimé sous sa voûte les rivalités et les haines que les différentes sectes religieuses avaient nourries jusqu’à ce moment parmi eux et qui avaient autrefois inondé ce sol du sang de nos frères. C’est ce qu’ont fait nos bons amis, vos dignes collègues ; il n’y a plus ni luthériens ni catholiques, ni calvinistes, il n’y a que des hommes qui raisonnent et qui sentent de vrais républicains; apprenez-le, citoyens représen¬ tants, à toute la France, et rendez aux Roche-fortains la justice qui leur est due; dites qu'ils ont été les premiers à se délivrer totalement du joug des superstitions; nous voyous que les papiers publics attribuent cet honneur à la com¬ mune de Paris, qui vient de conduire son ci-devant évêque à la barre, nous revendiquons cet honneur ; dix jours auparavant, nos prêtres avaient purifié le temple en y brûlant eux-mêmes leurs lettres de charlatanisme en pré¬ sence et aux vives acclamations de tout le peuple. Nous aimons nos frères de Paris et nous sommes' justes à leur égard, ils doivent l’être envers nous. Ils ont assez versé de sang pour la patrie; ils ont assez donné de grands mouve¬ ments à la Révolution française; ils ont enfin assez souvent bien mérité de la République pour qu’ils n’aient pas besoin de nous frustrer de la jouissance que nous éprouvons d’avoir saisi les premiers cette occasion de montrer que si nous (1) Archives nationales, carton C 285, dossier 831. 436 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, i î1 f�'Pair® an ” 4 ) 1er décembre li93 ne pouvons pas toujours, nous voulons du moins toujours autant qu’eux le bonheur de l’huma¬ nité. « Vieilh, ex-président; Berthouy, président de la Société populaire de Bochefort; Bar-bault-Royer, Indien, secrétaire; Gué¬ rin, secrétaire; Gustave Charrier, secré¬ taire. » Bécit de la fête civique qui a eu lieu à Bochefort le dernier jour de la première décade du mois de brumaire de l’an II de la Bépublique, une et indivisible (1). Cette journée digne de faire époque dans l’histoire de la République française, a vu expi¬ rer à Rochefort le fanatisme religieux et les pré¬ jugés féodaux; elle a vu aussi le peuple recom¬ mander, de sa voix puissante, à la postérité, la mémoire de deux hommes morts en le défen¬ dant. Depuis leur arrivée dans cette commune, Lequinio et Laignelot, représentants du peuple, députés dans le département de la Charente-Inférieure, répandaient la lumière de cette phi¬ losophie devant laquelle tombent les rois et les prêtres, et qui rappelle au peuple qu’il est la source de tous les pouvoirs et que la vérité est son domaine. La conviction gagnait les esprits; les habi¬ tants de Rochefort, la foule de marins qui y attendaient l’ordre d’aller fondre sur l’ennemi, tous connaissaient enfin la liberté, tous se sen¬ taient animés des sentiments généreux qu’elle inspire. Le peuple, en un mot, se reconnaissait lui-même, il n’attendait que le moment de se prononcer. Le dernier jour de la première décade de bru¬ maire, les corps administratifs, la Société répu¬ blicaine, les habitants de la commune et des en¬ virons, précédés d’une musique militaire, se portent à la demeure des représentants du peuple, d’où ils les accompagnent sur la prin¬ cipale place de la commune. Au milieu s’élevait un autel, il était simple, mais la liberté debout y faisait briller son fer aux yeux des bataillons de la garde nationale et des soldats de la marine et de l’artillerie. Des citoyens se présentent, c’étaient de véri¬ tables républicains qui, humiliés de porter des noms odieux, demandent de les changer; leur vœu est accueilli avec transport, le premier qui avait Laignelot pour parrain, et la municipalité pour marraine, reçoit celui de La Montagne; le second, nommé par Lequinio, celui de La Vertu; ils se nommaient jadis Le Roi et Gentilhomme; ils sont régénérés, et le canon, comme aux Tui¬ leries, annonce une seconde fois aux Français que ces noms seront pour jamais proscrits. Lequinio et Bertouy, président de la Société, oélèbrent par un discours cet acte régénérateur. On voit paraître un sarcophage, il était sur¬ monté d’une urne enlacée de rubans tricolores. entourée de lauriers et de cyprès, des marins le portaient ; ils venaient offrir à la reconnaissance, (1) Archives nationales, carton G 285, dossier 831. aux regrets des cœurs français, le souvenir des braves Mulon et Tartu, capitaines de vaisseau, morts en défendant la patrie. Tous deux avaient combattu des bâtiments supérieurs en force, tous deux victimes de leur courage, furent frap¬ pés à mort. Le premier vit s’échapper avec sa vie la victoire qui s’était déclarée pour lui; le second, plus heureux, vit en mourant son ennemi vaincu prendre la fuite. « Vous n’êtes pas ou¬ bliés, braves marins, compagnons de leur gloire, vous aussi vous avez part à la reconnaissance et aux regrets de vos compatriotes; vous, dont les bras et la valeur décident du sort des com¬ bats, et soutiennent ou abattent les empires. Les mânes de Mulon et Tartu demandaient un sacrifice; on brûle devant le sarcophage un amas de commissions, brevets, actes et titres royaux, monuments de l’aristocratie qu’ils avaient si avantageusement combattue. La 2e régiment d’artillerie y joignit son ancien drapeau. » Cette amende honorable faite à la Raison, on marche en silence vers le temple de la Vérité. Un citoyen, membre de la Société populaire, monte à la tribune; il retrace aux marins les vertus de ces deux martyrs de la liberté; il fait passer tour à tour dans leurs cœurs, et le désir de les imiter, et la soif de les venger. Le fils de Tartu était présent; cet enfant qui avait vu jaillir sur lui le sang de son père, mêlait les accents de sa douleur à l’attendrissement de tout le peuple. « Je jure de le venger », s’écrie-t-il. Aussitôt la Société républicaine l’adopte et per¬ met au capitaine Leissegne de se charger de Son éducation. Dans cette journée à jamais mémorable pour la commune de Rochefort, des ci-devant curés et prêtres des cantons voisins avaienUapporté leurs brevets d’imposture; ils montent* dans la chaire, ils proclament enfin la vérité qui les oppresse. Les deux représentants rappellent avec énergie et sensibilité les bienfaits de la Constitution qui rend à la nature sa majesté et au peuple ses droits, et les lettres de prêtrise sont livrées aux flammes aux cris multipliés de : Vive la Bépublique ! Les patriotes du culte protestant qui n’atten¬ daient sans doute que cet exemple pour se mon¬ trer, s’élancent à leur tour à cette tribune et y abjurent solennellement leur erreur. Le juif ne se présente pas. Le peuple se tourne vers le tabernacle, il n’y voit plus ce Dieu multiplié à l’infini dans des morceaux de pain, l’objet de ses adorations ridi¬ cules tant qu’il fut dans l’erreur. Des souvenirs amers l’indignent, et les représentants du peuple, avec le maire, le procureur de la com¬ mune et le président de la Société, purifient le prétendu saint des saints, en y déposant l’Acte constitutionnel, au son des instruments et aux accents de l’hymne de la Liberté. Le peuple reconduit les pères de la patrie à leur demeure; ils ont la douce satisfaction de se convaincre qu’il connaissait la Révolution, qu’il la voulait et qu’il se sentait enfin né pour le bonheur auquel la raison peut le conduire. Puisse une pareille journée luire dans toutes les communes de la République ! Signé : Bertouy, président de la Société popu¬ laire de Bochefort, déporté de la Guadeloupe; Barbauet-Royer, Indien, H. Lambert, G. Charrier, secrétaires.