[Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 19 août 1791.] 297 sera obligatoire pour tout le royaume. Voilà ce qui paraît constant. Eh bien, Messieurs, il s’ensuit donc de là que la législature, en suivant ces formes, en proposant cette loi, et cette loi étant décrétée dans les formes constitutionnelles, sanctionnée par le roi, et promulguée dans les formes constitutionnelles, pourrait établir un obstacle à la liberté de la presse, établir, par exemple, des censeurs. Il est impossible de répondre à cette observation; et cependant, Messieurs, non seulement vous voulez que les formes par lesquelles on fait les lois soient constitutionnelles et respectées; mais vous voulez aussi qu’il n’y ait jamais aucune loi même constitutionnellement décrétée, qui puisse mettre obstacle à la liberté de la presse, et en général, aux libertés reconnues à chaque homme sans le titre qui est actuellement à votre délibération. Dès lors il ne suffirait donc pas de dire que la législature ne pourra rien changer à la Constitution. Car, en ne changeant rien à la Constitution, elle ferait une loi qui empêcherait qu’on ne pût librement imprimer, en établissant des censeurs par lesquels on serait obligé de passer avant que de faire imprimer un ouvrage. Je dis donc qu’on n’aurait pas du tout atteint le bot en plaçant à la fin de l’article l’addition proposée, et je demande qu’elle soit expressément placée au titre actuel, dans la rédaction que M. Le Chapelier a proposée. (Applaudissements.) M. Fréteau-Saint-Just. Si l’on adoptait la disposition proposée par M. Le Chapelier, pour le titre 1er, il faudrait la répéter dans chacun des titres de la Constitution ; car, il y a dans la Constitution une foule d'articles aussi nécessaires, aussi essentiels que ceux qui nous occupent actuellement et qu’il est aussi indispensable de mettre à l’abri des entreprises des législateurs. Tel est, par exemple, l’article qui porte que le pouvoir exécutif suprême réside exclusivement dans la main du roi. Pourquoi alors ne pas placer la rédaction protectrice de M. Le Chapelier après chacun de ces principes essentiels à la conservation desquels nous sommes intéressés? Je demande que cette rédaction soit mise à la fin de la rédaction. M. Thouret, rapporteur. Examinons si l’addition que propose le comité présente des inconvénients et si elle n’offre pas quelque utilité. Tout le monde voit la distinction qu’il faut faire entre les droits naturels et civils, et l’organisation du gouvernement politique qui n’est faite que pour assurer la jouissance de ces droits. Il y a donc deux parties très distinctes dans le travail qui vous est soumis, savoir : les lois individuelles antérieures au gouvernement, puis le gouvernement lui-même. Le titre Ier qui nous occupe actuellement consacre les lois antérieures au gouvernement et on désire une expression qui assure une garantie contre les abus et les entreprises des législatures. Il y a donc quelque utilité dans la disposition qui vous est pronosée. Maintenant, y a-t-il des inconvénients? — On objecte que si la même clause ne se trouve pas insérée dans tous les titres, on pourra induire de retie garantie spéciale que les dispositions contenues dans ces titres ne sont pas également garanties. Mais la même clause se trouvera au-si à la fin de la seconde partie de noire travail; ce sera une clause générale de garanties pour toute la partie qui traite du gouvernement. Ce n’est donc qu’une redondance : le titre Ier, qui concerne les droits naturels et civils, est assez précieux pour avoir besoin d'une garantie spéciale, et pour que nous ne négligions pas une clause qui, fût-elle superflue, a de grands avantages, et qu’il n’y ait pas raison de ne pas employer si elle n’a pas d’inconvénients (Applaudissements.) (L’Assemblée ferme la discussion.) M. le Président. Voici, Messieurs, la rédaction proposée par M. Le Chapelier : « Le pouvoir législatif ne pourra faire aucune loi qui porte atteinte ou mette obstacle à l’exercice des droits naturels et civils consignés dans le présent titre et garantis par la Constitution. » (Cette disposition est adoptée.) M. le Président. Je mets aux voix les deux premiers paragraphes du titre premier dont je vais faire lecture. « La Constitution garantit comme droits naturels et civils : 1° Que tous les citoyens sont admissibles aux places et emplois, sans autre distinction que celle des vertus et des talents ; 2° Que foutes les contributions seront réparties entre tous les citoyens également, en proportion de leurs facultés ; 3° Que les mêmes délits seront punis des mêmes peines, sans aucune distinction des personnes. La Constitution garantit pareillement, comme droits naturels et civils : La liberté à tout homme d’aller, de rester, de partir, sans pouvoir être arrêté, ni détenu, que dans les cas déterminés par la loi, et selon les formes qu’elle a prescrites; La liberté à tout homme de parler, d’écrire, d’imprimer ses pensées, et d’exercer le culte religieux auquel il est attaché ; La liberté aux citoyens de s’assembler paisiblement et sans armes, en satisfaisant aux lois de police ; La liberté d’adresser aux autorités constituées des pétitions signées individuellement. Gomme la liberté ne consiste qu’à pouvoir faire tout ce qui ne nuit ni aux droits d’autrui ni à la sûreté publique, la loi peut établir des peines contre les actes qui, attaquant ou la sûreté publique ou les droits d’autrui, seraient nuisibles à la société. » (Ces 2 paragraphes sont adoptés.) M. Thouret, rapporteur , donne lecture du 1er alinéa du troisième paragraphe, ainsi conçu : « La Constitution garantit l’inviolabilité des propriétés, ou la juste et préalable indemnité de celles dont la nécessité publique, légalement constatée, exigerait le sacrifice. » M. Heurtault-Lamerville. Notre Constitution est fondée sur le territoire, comme sur les hommes. J’ai remarqué que, dans la Constitution, le mot de territoire n’est pas même prononcé. Cependant les propriétés territoriales sont le principe de toutes les autres. Je demande donc, Messieurs, que la disposition additionnelle que je vais avoir l’honneur de vous lire, soit adoptée et insérée dans le paragraphe : La Constitution garantit également, dans l’intérieur du royaume, la libre circulation de toutes les productions du territoire. *> L’Assemblée a cru devoir insérer, en tête du code rural, que le territoire français était libre comme les personnes. Je crois qu’il est essentiel,