80 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE seroient chargés de la rédaction de l’adresse de félicitations. Le lendemain vingt-un, à l’instant ou les citoyens étoient assemblés pour partir la section avoir adopté à l’unanimité la rédaction de l’autre part comme l’expression fidèle de ses sentiments et de ses principes. Signé Leduc, président, Maire, secrétaire. b Les citoyens de la section du Mont-Blanc, en masse, se présentent et défilent dans le sein de la Convention (42). [La section du Mont-Blanc à la Convention nationale ] (43) L’orateur à la barre : Législateurs, La section du Mont-Blanc dominée par quelques individus égarés ou perfides, n’a pu jusqu’ici vous faire connoitre ses véritables principes, ses véritables sentimens. Des citoyens se sont présentés à votre barre pour y réclamer, au nom de la section, la liberté de Marchand, justement réincarcéré depuis par un décret. D’autres se rendant arbitrairement les interprètes de son opinion ont porté aux jacobins une adhésion à l’adresse contre-révolutionnaire de Dijon. La section désavoüe ces démarches auxquelles elle n’eut point de part, et elle a rapporté les arrêttés qu’on a pris à ce sujet dans le lieu de ses séances à une heure proscrite par la loi. Pour que vous ne doutiez point du bon esprit qui l’anime, elle vient aujourd’huy en masse vous assurer de son dévouement et vous faire sa profession de foi. La section du Mont-Blanc veut la liberté, l’égalité, l’unité et l’indivisibilité de la république. Elle croit qu’un républicain n’est libre que lorsqu’il peut sans crainte faire usage de sa pensée, l’exprimer comme il veut et agir comme il le croit utile et conforme aux loix. Elle pense que dans la république il ne peut y avoir qu’un seul faisceau, le peuple, un seul centre, la représentation nationale, elle sait que, si l’égoïsme est un crime pour le patriote, s’il doit sacrifier tout intérêt personnel à l’intérêt général, le peuple de son côté, le peuple en masse ne doit voir que lui et ne jamais s’attacher à ces factions qui usurpent son nom pour détruire son unité. La section du Mont-Blanc gémit sur ces tems malheureux où la tirannie pour frap-(42) Bull., 22 vend. (43) C 322, pl. 1353, p. 20. Moniteur, XXII, 219-220 ; Bull., 22 vend.; Débats, n° 750, 322-323; Ann. Patr., n° 650; Ann. R.F., n° 21; C. Eg., n’ 785; F. de la Républ., n“ 21; Gazette Fr., n” 1015; J. Fr., n" 747; J. Mont., n° 1; J. Paris, n° 22; J. Perlet, n° 749; Mess. Soir, n" 785; M.U., XLIV, 388-389. per indistinctement toutes ses victimes jettait le voile du ridicule sur l’honneur et sur la vertu, elle reconnoit le même sistème dans ces hommes qui demandent le retour de la terreur. La surveillance, l’activité, la force, telles sont les vertus du gouvernement, mais ces vertus seroient des crimes sans la justice. Maintenez-la, législateurs, et que le glaive des loix semblable à la flèche de Tell, épargne l’innocent que le crime offre à ses coups, et frappe l’oppresseur qui les brave. Respect à la loi, amour ardent des principes, haine et mort aux factieux, aux contre-révolutionnaires de toute espèce, voilà la profession de foi de la section du Mont Blanc. Ne souffrez pas qu’il s’élève entre le peuple et vous aucune puissance intermédiaire, conservez le courage que vous avez développé le 10 thermidor et qui vous a environné de l’amour du peuple et couvert de sa gloire. Anéantissez tous les aristocrates, tous les conspirateurs, quels que soit le lieu où ils se réfugient et le caractère dont ils sont revêtus; décrétez que tous les prévenus de complicité avec le dernier tyran soient jugés sans délai, acquittés s’ils sont innocents, et punis s’ils sont coupables. La section du Mont-Blanc a entendu avec enthousiasme la lecture de votre adresse sublime au peuple françois; elle voit avec reconnois-sance que vous vous occupez sans relâche du bonheur public, que vous protégez les sciences, que vous vivifiez le commerce et que vous récompensez les vertus comme vous savez punir les crimes. La fête de Jean-Jacques Rousseau est une époque qui sera toujours chère à la section du Mont-Blanc. Elle se rappellera avec sensibilité qu’au moment où la Convention nationale a consacré les principes de la justice, elle a décerné les honneurs publics à l’homme immortel qui le premier établit les bases d’un gouvernement libre sur la justice et sur l’humanité. Vive la république. Vive la Convention nationale. Cavaignac, président [et orateur ] ; Duperrée, secrétaire. [Extrait du procès-verbal de l’assemblée générale de la section du Mont-Blanc, du 20 vendémiaire an III\ (44) L’assemblée arrête 1°. qu’elle désavoue l’adhésion donnée en son nom, par cinq ou six individus à l’adresse infâme dite de Dijon, et délibérant sur cette adresse elle l’improuve comme injurieuse au peuple français et à la justice nationalle. 2°. arrête aussi qu’elle désavoue également l’arrêté en vertu duquel des individus ont été surprendre la rehgion de la Convention nationale en lui demandant la liberté, du scélérat (44) C 322, pl. 1353, p. 21. SÉANCE DU 21 VENDÉMIAIRE AN III (12 OCTOBRE 1794) - N° 17 81 Marchand sans jugement ou un rapport préalable du comité de Sûreté générale, ce qui est contraire aux principes de l’égalité. 3°. qu’elle se rendra en masse demain à la Convention nationale pour lui renouveller le dévouement des citoyens de la section, de lui donner connoissance des désavoeux formels énoncés dans le présent arrêté et lui déclarer qu’autant les patriotes véritables amis de la liberté et de l’égalité doivent leur inspirer d’intérêt autant ils doivent redoubler d’énergie et de courage pour anéantir les aristocrates et les conspirateurs quelque soit leur nombre, le cou-rage du républicain le met au-dessus de ce calcul. Quelque soit le repaire où ils se réfugient, il ne doit pas en exister pour eux, quelque soit leur carctère la loi n’en admet aucun pour des coupables. 4°. qu’il sera demandé à la Convention nationale qu’elle décrète que tous les scélérats complices de la conspiration qui a éclaté le neuf thermidor soient promptement arrêtés, jugés et punis suivant les lois révolutionnaires. 5°. que le discours prononcé par le citoyen Cavaignac et le présent arrêté seront envoyés au comité de Sûreté générale. Un citoyen a lu à l’assemblée un projet d’adresse à présenter demain à la Convention nationale, l’assemblée l’a adopté à l’unanimité au milieu d’applaudissements et de cris réitérés de vive la République ! vive la Convention nationale et elle a arrêté qu’il serait envoyé aussi au comité de Sûreté générale. Signé Duperrée, secrétaire greffier, Cavaignac, commissaire. Réponse du Président (45). Le voeu que la section du Mont-Blanc vient d’exprimer est une nouvelle preuve, que si l’on égare quelquefois le peuple, il ne tarde point à se rendre à la voix de la vérité. Les exemples que vous nous rappelez, doivent faire sentir à tous les bons citoyens combien il importe de demeurer religieusement attaché au principe, qui veut qu’aucune réunion particulière soit le peuple, et que ses représentans puissent seuls parler et agir en son nom. La Convention nationale a entendu avec satisfaction l’hommage que vous rendez aux vérités étemelles qu’elle vient de proclamer : je vous admets en son nom aux honneurs de la séance. MERLIN (de Thionville) : Je demande la mention honorable et l’insertion au bulletin de l’adresse qui vient de vous être présentée. Je demande aussi que la Convention examine si ceux-là ne sont pas criminels, qui, usurpant la voix du peuple, viennent ici réclamer la mise en liberté de scélérats. Ce sont les mêmes hommes qui sont venus demander l’élargissement de Clémence et de Marchand, qui, dans la section du Mont-Blanc, ont voté pour (45) Bull., 22 vend. l’adresse de Dijon, et tâché d’étouffer les grandes vérités que l’Adresse de la Convention a mises sous les yeux du peuple (46). [De tels hommes, dit Merlin, si on pouvoit les croire les interprètes des sentimens du peuple, feroient croire qu’il est composé d’anthropophages.] (47) Citoyens, quand le peuple est livré à lui-même et dégagé de la terreur, vous le voyez en masse se presser dans le sein de la représentation nationale et vous faire connaître ses véritables sentiments; au contraire, lorsqu’il est comprimé, cinq ou six individus viennent vous de Sûreté générale porte un oeil sévère sur ces usurpateurs de la souveraineté du peuple (48). [C’est aujourd’hui le moment d’agiter la question, si quelques intrigans ne sont pas coupables, lorsqu’ils usurpent la place du peuple, et viennent présenter un voeu qu’il n’a point exprimé, pour faire croire que le peuple français est un peuple d’égorgeurs. Je demande que le comité de Sûreté générale soit chargé d’examiner s’il ne convient pas de présenter un projet de loi pénale contre ces hommes. ( Applaudi )] (49) CRASSOUS : Je m’oppose à la proposition de Merlin. Toutes les fois que nous marchons d’accord avec les principes, nous sommes bien sûrs d’avoir l’assentiment général. A qui appartient dans les sections la police intérieure? aux sections elles-mêmes. C’est à elles à repousser telle ou telle motion. La section du Mont-Blanc est venue désavouer des opinions qui, à ce qu’il paraît, ne lui conviennent pas. Tout est rempli par là ( On murmure ). Dans les assemblées politiques il n’est pas étonnant de voir adopter partiellement des motions qui sont ensuite réprouvées par l’assemblée entière ; cela est vrai dans l’assemblée représentative comme ailleurs. Il n’y a donc rien à faire à cet égard, à moins que les conséquences de ces motions ne compromissent la sûreté publique; car, en prenant une mesure ultérieure, vous gêneriez la liberté des opinions, qui doit être aussi absolue que la liberté de la presse. THURIOT : Sans doute, citoyens, il faut conserver la liberté des opinions, et c’est précisément à sa conservation que tend la mesure proposée par Merlin. Ceux-là ne sont point amis de la liberté des opinions, qui, le poignard à la main, forcent leurs concitoyens de voter comme eux, sous peine de mort; ceux-là ne sont point amis de la liberté des opinions, qui disent : Encore un moment, et le règne de sang va ressusciter ; [Mouvements d’horreur (50)] ceux-là ne sont point amis de la liberté des opinions, qui, avec une bande d’assassins, se rassemblent dans les sections, aux heures où les bons ci-(46) Moniteur, XXII, 220. (47) Débats, n° 750, 322. (48) Moniteur, XXII, 220. (49) M.U., XLIV, 333. (50) Gazette Fr., n" 1015.