[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 septembre 1790.] 316 nal sur la question principale, ainsi posée : t La dette non constituée de l’Etat et celle du ci-devant clergé seront remboursées, suivant l’ordre qui sera indiqué, en assignats-monnaie, sans intérêts. » L’amendement de M. Camus est joint à cette proposition. On invoque le règlement contre la demande de l’appel nominal. Un de MM. les secrétaires lit les dispositions suivantes : Les voix seront prises par assis et levé, et s'il y a du doute elles seront recueillies par appel nominal. M. de Crillon le jeune. Je déclare que mon opinion personnelle étant qu’il doit y avoir en circulation 1,200 millions d’assignats, par l’ambiguité du décret proposé par M. Camus, il m’est impossible de voter. On croirait, ce qui n’est pas, que l’Assemblée décrète plus de 1,200 millions, et que ces assignats feront la roue. Il faut dire qu’il sera fait une émission de 800 millions d’assignats qui, réunis aux 400 millions déjà décrétés, formeront la somme de 1,200 millions; qu’il ne pourra être fait une autre émission que par un décret de l’Assemblée nationale, et d’après les renseignements qui seront donnés par les départements. M. de Mlenon. Nous appuyons l’amendement de M. de Crillon. Un de MM. les secrétaires fait lecture de la motion principale avec l’amendement décrété : « Art. 1er La dette non constituée de l’Etat, et celle du ci-devant clergé, sera remboursée, suivant l’ordre qui sera indiqué, en assignats-monnaie, sans intérêts. « Art. 2. Il n’y aura pas en circulation au delà de 1 ,200 millions d’assignats, compris les 400 millions déjà décrétés. «* Art. 3 Les assignats qui rentreront dans la caisse de l’extraordinaire seront brûlés; et il ne pourra en être fait une nouvelle fabrication et émission sans un décret du Corps législatif, toujours sous la condition qu’ils ne puissent ni excéder la valeur des biens nationaux, ni se trouver au-dessus de 1,200 millions en circulation. » On applaudit. — On demande à aller aux voix. L’appel nominal est de nouveau réclamé. M. de Folleville. M. le président, vous devez exécuter le règlement, il ordonne qu’on aille aux voix par assis et levé. La motion principale est mise aux voix. M. de Folleville réclame le doute, et demande l’appel nominal. — La droite l’appuie. M. le Président. Je ne crois pas qu’il y ait du doute, cinq de MM. les secrétaires sont du même avis. M. de Folleville et la partie droite renouvellent la demande de l’appel nominal. Après de longues agitations, M. le président propose de faire une seconde épreuve, ou de consulter l’Assemblée pour savoir s’il y a du doute. M. de Folleville. Le règlement dit positivement que s’il y a du doute on procédera à l’appel nominal. M. de Mirabeau demande la parole. M. de Faucigny. Si l’on ne procède pas à l’appel nominal, j’invite tous ceux de mon opinion à manifester demain leur vœu par écrit. (Une partie du côté droit se lève pour répondre à cette invitation.) M. de Montlosier. L’appel nominal éclairera les consciences. La partie gauche demande l’appel nominal, et l’on y procède. La motion principale amendée est adoptée à une majorité de 508 voix contre 423. (On applaudit de toutes parts.) La séance est levée à huit heures et demie. ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 29 SEPTEMBRE 1790. Des assignats, par M. Duport, député de Paris (1). Lorsqu’on vous proposa, Messieurs, il y a 3 mois, le projet d’une vente de 400 millions aux municipalités, j’osai la combattre dans cette tribune, comme présentant une manière partielle et dangereuse de disposer des biens nationaux. Aujourd’hui l’on soumet à votre délibération une idée vaste et grande, la seule, à mon sens, qui soit en proportion avec nos besoins et les circonstances, qui arrive jusqu’à la racine de nos maux, qui rétablisse nos finances, notre agriculture, qui ranime partout le travail , ce premier besoin de tous les pays policés, ce principe unique de la richesse, de là prospérité et de la tranquillité publique; la seule enfin qui soit le sceau et comme la garantie de notre heureuse Révolution. Ce n’est pas ici le lieu de savoir si la France même, sans les propriétés immenses qu’elle possède, ne devrait pas créer un papier circulant, pour suppléer à la rareté des espèces : il n’est pas temps d’examiner si, au sortir d’une Révolution aussi complète, après la réunion de tant de causes naturelles et forcées de la disette numéraire, il ne serait pas nécessaire de créer un papier circulant qui pût rendre inutiles les efforts de nos ennemis, en soutenant notre commerce, notre agriculture, et nous aider à franchir, sans désastre, le court intervalle qui nous sépare encore des jours de la paix et de la prospérité. Mais vous refuseriez d’entrer dans tous les détails longs et abstraits de cette importante question, et vous désirez que la discussion se resserre dans les bornes que lui assigne la situation actuelle des choses. Je vais donc examiner la question des assignats, en la liant aux différentes circonstances qui les accompagnent, et aux diverses conditions sous lesquelles on propose qu’ils existent. Quelle est notre position actuelle? nous avons des dettes exigibles, et pour les payer, nous n’avons que deux moyens : vendre des biens qui sont en régie, et établir des impositions. Quel (1) J’ai cru qu’il était utile de présenter les idées suivantes avant la décision de l’Assemblée nationale, et que, celte opinion étant trop longue pour lui être présentée à la tribune, je pouvais espérer qu’elle serait lue, moins pour la manière dont la question est traitée que pour son importance.