94- [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Un secrétaire fait lecture du procès-verbal de la séance du 3 frimaire; la rédaction, mise aux voix, a été adoptée (1). Le comité de surveillance de la commune de Sézanne, félicite la Convention d’avoir terrassé l’hydre de l’aristocratie, d’avoir fait frapper du glaive de la loi les têtes coupables et l’invite à rester à son poste. Mention honorable, insertion au « Bulletin » (2). Suit la lettre du comité de surveillance de la commune de Sézanne (3). Le comité de surveillance de la commune de Sézanne, à la Convention nationale. « Sézanne, le 22 brumaire de l’an II de la République française, une et indi¬ visible. « Les temps sont arrivés. Cessez tristes cahos (sic) Paraissez, éléments. « Us ont paru, ils s’organisent, citoyens créa¬ teurs. Depuis le 31 mai 1793 vos travaux sublimes, votre intrépidité ont terrassé l’hydre de l’aristocratie. Soyez inébranlables à votre poste, frappez et ne vous lassez point que la dernière tête de l’hydre écrasée purge notre atmosphère et rende éternelle la sérénité du ciel républicain. « Les membres du comité de surveillance de la commune de Sézanne. » (Suivent 9 signatures.) La Société populaire de Sorèze félicite la Con¬ vention sur ses travaux; elle jure fidélité, dévoue¬ ment à la Convention. Mention honorable, insertion au « Bulletin » (4). Suit V adresse de la Société populaire de Sorèze (5). La Société populaire de Sorèze, à la Convention nationale. Sorèze, le 7e jour de la 3e décade du 1er mois de l’an II de la République française une et indivisible. « Citoyens législateurs, « La Société populaire de Sorèze, ralentie dans sa marche par des membres tièdes, en-(1) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 146. (2) Ibid. (3) Archives nationales, carton C 285, dossier 828. (4) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 146. (5) Archives nationales, carton C 285, dossier 828. travée par des malveillants, a banni les uns et les autres de son sein, et, ainsi épurée, elle offre à la Convention un hommage digne d’elle : l’hommage d’un patriotisme pur et ardent. « Entre les mains de deux membres du comité révolutionnaire du département du Tarn, nous avons juré notre adhésion aux journées mémorables des 31 mai, 1er et 2 juin, où la Montagne a heureusement triomphé de ses ennemis. Nous avons voué exécration aux tyrans, aux fédéralistes, aux modérés, à tous ceux qui ont osé espérer d’arrêter ou de ra¬ lentir la marche révolutionnaire; nous avons juré obéissance et soumission à toutes les mesures qu’a décrétées ou décrétera la Con¬ vention nationale, seul centre d’unité des Français. Ce serment a été répété avec en¬ thousiasme par tous les membres de la Société, par la masse du peuple accouru en foule, par 350 jeunes élèves qui ont mis dans ce serment l’enthousiasme et la franchise qui caracté¬ risent la jeunesse. « Nous avons voté des actions de grâces aux membres fermes et éclairés qui, du haut de la Montagne, ont découvert, déjoué et fourvoyé les ennemis de la chose publique, et des vœux pour que la Convention, ferme à son poste, ne le cède à ses successeurs que lorsqu’elle pourra lui remettre la République affermie sur des bases immortelles, triomphant de ses ennemis et à l’abri des atteintes de l’aristo¬ cratie et du fanatisme. « La solennité de ce serment n’a pas été inutile à la chose publique, les commissaires du comité révolutionnaire ont eu à peine fait une invitation, que les citoyens, à l’envi, ont apporté leur numéraire pour le changer contre la, monnaie républicaine, et ils semblaient s’être déchargés d’un fardeau en déposant ces mé¬ dailles corruptrices du despotisme. Un grand nombre même a dédaigné le change, et, dans quelques minutes, dans un lieu peu opulent, plus de 1,000 écus ont été déposés sur le bureau pour le besoin des familles des volontaires. « Les élèves de l’école ont été éiectiisé;; chacun d’eux a offert ce qu’il avait, et tous ensemble ont offert, ce qu’ils avaient offert plusieurs fois, l’argent destiné à leurs menus plaisirs. Des larmes d’attendrissement cou¬ laient ,de tous les yeux. La sensibilité autant que l’énergie doivent caractériser les citoyens. « Législateurs, achevez votre ouvrage, à votre voix les citoyens levés en masse vont chasser les satellites des despotes qui infectent les frontières de la République ; à votre voix, les Sociétés populaires réunies en masse écra¬ seront leurs ennemis qui déchirent ou minent son sein. « Les membres de la Société populaire de Sorèze, « P. Chailas aîné, secrétaire; Fabre, pré¬ sident; J. -B. Tronq, secrétaire. » Clément, juge provisoire au tribunal militaire de l’armée du Rhin, y faisant les fonctions d’ac¬ cusateur, rend compte des différentes mesures [Convention nationale.] révolutionnaires qui sont prises dans ce départe¬ ment et à l’armée. Mention honorable, insertion au « Bulletin » (1). Suit le texte de la lettre du citoyen Clément d'après un document des Archives nationales (2). « Strasbourg, le 29 e brumaire an II de la République une et indivisible. « Citoyen Président, « Il faut presque toujours aux Français un événement pour les porter à la hauteur des circonstances, et les forcer à se connaître eux-mêmes. L’abandon des lignes de Wissem-bourg eût été un grand malheur poui nou-. s’il n’eût servi à anéantir la grande conspira¬ tion dont le foyer était à Strasbourg, et s’il n’eût, dans cette ville, servi à favoriser la loi du maximum qui met au pair, aujourd’hui, l’argent et les assignats. Grâce aux grandes mesures que les représentants du peuple ont prises et autorisées, la ci-devant Alsace nous est rendue (car elle était vendue). Grâce à l’exacte et sévère exécution de ces mesures, les muscadins sont déjoués et se consomment en silence vis-à-vis d’eux - mêmes ; i’ égoïste ouvre son tonneau rempli de monnaie de cuivre et la porte sur son comptoir; l’accapa¬ reur est saisi et livré au glaive de la loi révolu¬ tionnaire et ses fonds entrent au Trésor de la République; le tribunal militaire (dont je suis membre) met ces grandes mesures à exécu¬ tion et les agents et suppôts de cette infernale conspiration sont, ou fusillés, ou destinés à l’être. Chaque jour les partisans de l’ennemi payent de leur vie leurs trames audacieuses pour livrer leur patrie, et chaque mort de ces scélérats est une victoire remportée sur la trahison et sur l’indiscipline militaire qu’elle avait suscitée. Chaque jour enfin montre à l’armée que la loi de Légalité est mise à exé¬ cution, dans les individus, du général au fusilier, également traîtres, à genoux à côté l’un de l’autre et fusillés. « L’ affaire d’hier, 28 courant, prouvera le mérite de l’exécution de cette loi sage et bien¬ faisante, ce jour sera à jamais mémorable par la valeur du soldat français; convaincus qu’il n’existe plus parmi eux, ou que bientôt il n’existera plus ni marchands de redoutes, ni vendeurs des lignes de Wissembourg, il (sic) s’est battu avec autant de courage que d’opi¬ niâtreté. Tu recevras, citoyen, par d’autres, et plus en détail, les beaux traits qui carac¬ térisent le soldat français dans cette mémo¬ rable journée. Je me contenterai de te faire part de ce que j’ai vu sur les lieux par moi-même. « Dans le moment de l’affaire, j’ai conduit deux criminels entre la x>remière et la seconde ligne de l’armée pour y être fusillés. En tra-(1) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 146. Cette lettre est mentionnée dans le rapport fait par Barère à la séance du 4 frimaire. (Voy. ci-dessus, séance du 4 frimaire an II, p. 72). (2) Archives nationales, carton C 285, dossier 828. 95 versant les bataillons, et les assurant qu’ils pouvaient maintenant marcher au feu avec confiance, les cris de : Vive la République! Périssent les traîtres! m’empêchaient d’en dire davantage. Arrivé au lieu de l’exécution (qui était entre le feu et la seconde figue), les deux criminels ont subi leur mort et ont été foulés aux pieds de quelques chevaux, au milieu des mêmes cris de : Vive la République! Périssent les traîtres ! Tous les soldats voulaient marcher à l’ennemi, mais ce n’était pas encore le mo¬ ment; ils en gémissaient. Je me suis de suite transporté à la scène, où le courage, plus que jamais, s’est montré. Déjà, en route, les blessés témoignaient combien nos grandes mesures étaient salutaires. Non, citoyen Président, je n’ai pas assez d’énergie pour te peindre les traits que j’ai recueillis et le courage des guerriers, malheureusement blessés. Mais sous quel style ce puisse être, iis méritent d’être publiés. « J’ai donc rencontré un chasseur qui, le bras percé d’une balle, s’en allait gaiement à l’hôpital et racontait ce qui se passait de satisfaisant à l’affaire. J’ajouterai que ce même chasseur (dont je gémis de ne point savoir le nom) étant pansé dit : Je ne souffre plus, fai encore bras et je veux aller combattre ave-mes frères d'armes. On s’y oppose, et ses pleurs ont coulé. « Plus loin j’ai rencontré, dans une charrette, un autre brave militaire (que je ne connais pas plus, avec regret), et, s’adressant à moi, dit : J’ai la jambe cassée! Vive la République ! Cela va bien là-bas (en me montrant le combat); il faut foutre, être soldat ou ne pas s'en mêler! Ce trait me fait croire que c’est le même qui, à l’hôpital, pendant qu’on lui sciait la jambe, et tout le temps de l’opération, criait : Vive la République ! « J’ai vu avec satisfaction qu’en parcourant les lignes, et dans l’affaire même, je n’ai ren¬ contré ni vu qu’un seul fusilier qui se reposait et qui paraissait le faire par lâcheté : deux. mots de menace ont suffi pour le faire rentrer dans tes rangs. « Jamais feu plus terrible que celui de ce jour -là; jamais plus de courage, et aussi jamais moins de fuyards, puisque de toute la journée, moi et quelques juges du tribunal militaire n’avons rencontré que celui qui nous a paru feindre. « D’après ces traits, citoyen Président, tu peux être persuadé que l’ennemi ne peut avoir un avenir agréable et surtout d’après un changement de discipline aussi subit que le nôtre. Que vont -ils faire? leurs moyens de conquérir étant détruits. Plus de marchands de redoutes, plus de conspirateurs publics, les traîtres, leurs agents ont péri ou périront. Nous avons porté la terreur chez les sauve-qui-peut, nous avons une discipline qu’ils para¬ lysaient; ils n’ont donc plus que peu de mo¬ ments d’existence et la Montagne jouira du fruit de ses travaux. « On se bat, cela va, cela ira. Vive la Répu¬ blique une et indivisible ! « Le juqe provisoire du tribunal militaire de l'armée du Rhin y faisant les fonctions d'accu¬ sateur, a Clément. » ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 5 frimaire an II 9� nAvomhrn A