[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 479 Plusieurs amendements sont encore proposés. L’Assemblée décide qu’il n'y a pas lieu de délibérer sur les amendements, et décrète la condition d’éligibilité en ces termes : « La troisième qualité requise pour être éligible consiste à être domicilié de fait dans l’arrondissement des assemblées primaires, au moins depuis un an. » Quatrième qualité d’éligibilité :« Payer une imposition directe de la valeur locale de trois journées de travail. » M. l’abbé Grégoire attaque cet article ; il redoute l’aristocratie des riches, fait valoir les droits des pauvres, et pense que pour être électeur ou éligible dans une assemblée primaire, il suffit d’être bon citoyen, d’avoir un jugement sain et un cœur français. M. Duport. Voici une des plus importantes questions que vous ayez à décider. Il faut savoir à qui vous accorderez, à qui vous refuserez la qualité de citoyen. Cet article compte pour quelque chose la fortune qui n’est rien dans l’ordre de la nature. Il est contraire à la déclaration des droits. Vous exigez une imposition personnelle, mais ces sortes d’impositions existeront-elles toujours ? Mais ne viendrait pas un temps où les biens seuls seront imposés? Une législature, ou une combinaison économique pourrait donc changer les conditions que vous aurez exigées. M. Biauzat. Vous déterminez à la valeur d’un marc d’argent la quotité de l’imposition pour être député à l’Assemblée nationale. Pourquoi ne pas suivre le môme mode pour les autres assemblées? Indiquez donc pour les assemblées primaires une contribution équivalente aune ou deux onces d’argent. M. Robespierre. Tous les citoyens, quels qu’ils soient, ont droit de prétendre à tous les degrés de représentation. Rien n’est plus conforme à votre déclaration des droits, devant laquelle tout privilège, toute distinction, toute exception doivent disparaître. La Constitution établit que la souveraineté réside dans le peuple, dans tous les individus du peuple. Chaque individu a donc droit de concourir à la loi par laquelle il est obligé, et à l’administration de la chose publique, qui est la sienne. Sinon, il n’est pas vrai que tou3 les hommes sont égaux en droits, que tout homme est citoyen. Si celui qui ne paye qu’une imposition équivalente à une journée de travail a moins de droit que celui qui paye la valeur de trois journées de travail, celui qui paye celle de dix journées a plus de droit que celui dont l’imposition équivaut seulement à la valeur de trois ; dès lors celui qui a 100,000 livres de rente a cent fois autant de droit que celui qui n’a que 1,000 livres de revenu. Il résulte de tous vos décrets que chaque citoyen a le droit de concourir à la loi, et dès lors celui d’être électeur ou éligible, sans distinction de fortune. M. Dupont (de Nemours). Le comité de Constitution a commis une erreur en établissant des distinctions entre les qualités nécessaires pour être électeur ou éligible. Pour être éligible, la seule question est de savoir si l’on paraît avoir des qualités suffisantes aux yeux des électeurs. Pour être électeur il faut avoir une propriété, il faut avoir un manoir. Les [22 octobre 1789.] affaires d’administration concernent les propriétés, les secours dus aux pauvres, etc. Nul n’y a intérêt que celui qui est propriétaire; les propriétaires seuls peuvent être électeurs. Ceux qui n’ont pas de propriétés ne sont pas encore de la société, mais la société est à eux. M. Defermon. La nécessité de payer une imposition détruirait en partie la clause de la majorité, car les fils de famille majeurs ne payent pas d’impositions. La société ne doit pas être soumise aux propriétaires, ou bien on donnerait naissance à l’aristocratie des riches qui sont moins nombreux que les pauvres. Comment d’ailleurs ceux-ci pourraient-ils se soumettre à des lois auxquelles ils n’auraient pas concouru? Je demande la suppression de cette quatrième qualité. M. Démeunier combat, au nom du comité, les diverses objections faites contre cette condition. En n’exigeant aucune contribution, dit-il, on admettrait les mendiants aux assemblées primaires car ils ne payent pas de tribut à l’Etat-, ppurrait-on d’ailleurs penser qu’ils fussent à l’abri de la corruption ? L’exclusion des pauvres, dont on a tant parlé n’est qu’accidentelle ; elle deviendra un objet d’émulation pour les artisans, et ce sera encore le moindre avantage que l’administration puisse en retirer. Je ne puis admettre l’évaluation de l’imposition par une ou deux onces d’argent. Celle qui serait faite d’après un norabfe de journées deviendrait plus exacte pour les divers pays du royaume, ou le prix des journées varie avec la valeur des propriétés. La rédaction du comité pour la quatrième condition est adoptée. M. Alquier, membre du comité des rapports. , fait le rapport du mandement de l’évêque de Tréguier, et des circonstances qui l’ont accompagné. Il lit les différentes pièces d’une information faite par toutes les municipalités réunies du diocèse de Tréguier. Il en résulte que non-seulement ce prélat a excité le peuple à la sédition par son mandement, mais encore qu’il a concouru avec les nobles ae son diocèse à faire déserter de la milice nationale un nombre considérable de jeunes citoyens, qui, séduits par de l’argent et par des promesses, se sont engagés à n’obéir qu’aux entilshommes, et à les prendre pour leurs chefs. e plus grand nombre des témoins s’accordent à déposer que, députés vers M. l’évêque pour l’instruire des dispositions des jeunes gens en faveur de la noblesse, ce prélat a dit : « que si les municipalités du diocèse venaient défendre la milice de Tréguier, ce train ne durerait pas longtemps, qu’on ferait sonner le tocsin, et que les habitants des campagnes fondraient sur cette milice et l’écraseraient. » Les municipalités du diocèse ont dénoncé ces faits à l’Assemblée nationale. Le comité des rapports pense que le mandement est propre à exciter le soulèvement du diocèse, que cet écrit accuse le peuple français de ne plus aimer son Roi, qu’il calomnie les opérations de l’Assemblée, qu’il présente la division des ordres comme nécessaire au bonheur de l’Etat, etc. ; qu’enfin son auteur a abusé des fonctions de paix qui lui sont confiées, pour exciter les peuples à la révolte. Il propose un projet de décret. M. l’abbé de Mohtgazfn représente ce mandement comme une paraphrase exacte de la