122 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE [La Cne Seignot, au M. de la guerre , Dijon, s.d.] (1). J’ai deux enfants, ils sont tous deux à la défense de la patrie. Qu’ils sont heureux. J’envie leur sort !... Celui de qui je n’ai point de nouvelles me disait : « Ne vous serait-il pas bien doux de pouvoir dire : Mon fils, à la fleur de son âge, est mort pour la nation, il a assez vécu, puisqu’il a eu le temps de payer à sa patrie ce qu’il lui devait ». Tels ont toujours été ses sentiments; s’il est mort, ce sont les dernières nouvelles qu’il m’a données; son nom est Edmé Seignot, grenadier du 24e régiment d’infanterie. Ou il est pris, ou il est mort. Je te supplie de me dire son sort quel qu’il soit. Veuve Seignot, P.c.c. Bouchotte. [Le chef de hon Guillot, au M. de la Guerre; Evian, 13 germ. Il] (2). « Citoyen ministre, Le 1er bataillon de la Mayenne-et-Loire, jaloux de posséder en son sein des héros, s’empresse de faire, par ton organe, promulguer leurs actions à tous les défenseurs de la patrie. Louis Guérin, caporal de grenadiers, natif de Candé, département de Mayenne-et-Loire, était avec sa compagnie à la bataille de Neerwinden le 18 mars (vieux style). Les grenadiers s’y battirent avec une intrépidité incroyable contre les grenadiers hongrois qui étaient en plus grand nombre. Le brave Guérin, après avoir tué 2 de ces esclaves, coucha en joue le 3e et le somma de se rendre, ce qu’il fit sur le champ, ce lâche colosse. René Rabaud, grenadier, natif de Chemiré-sur-Sarthe, département de Mayenne-et-Loire, se trouve enveloppé dans la redoute de Saint-Sauveur, à Valenciennes, dans la nuit du 25 au 26 juillet (vieux style) ainsi que la compagnie entière, par 2 ou 3 000 Anglais ou Autrichiens. Le brave Leclerc, lieutenant qui les commandait aima mieux y périr avec les 30 grenadiers que de leur céder, et les 13 autres, ne pouvant soutenir un choc aussi terrible furent jetés dans les fossés et battirent en retraite jusqu’à la poterie. Rabaud fut du nombre des blessés et fut laissé pour mort; il resta sur place étendu pendant 3 heures; il fut deshabillé totalement et roulé par ces scélérats avec la pointe de leurs baïonnettes. Ils le crurent mort et se retirèrent dans les palissades. Le malheureux Rabaud, rappelé à la vie par un miracle républicain, se releva tout couvert de son sang, nu, sans armes, et vit ses camarades étendus à ses côtés. Ce spectacle affreux lui suggéra de nouvelles forces pour monter par la brèche. R traversa toute la ville et vint dans cet état trouver le bataillon qui était aux palissades du réduit de la citadelle. «Me voilà, me dit-il, mon commandant, donnez-moi un habit, un fusil et que je retourne venger la mort de mes camarades. «Le sang (1) Mon., XX, 281; Audit, nat., n° 577 ; J. Mont., n° 160; M.U., XXXIX, 61; Débats, n° 583, p. 65; Rép., n° 124. Pas de mention dans J. Guillaume, Procès-verbaux du comité d’instruction publique. ruisselait de tous côtés sur le corps de ce brave sans-culottes; je l’embrassai et ne songeai qu’à lui procurer tous les secours qu’on doit à de tels hommes ou plutôt à de tels héros. Denis Tallourd, caporal de la 2e compagnie, natif de Candé, département de Mayenne-et-Loire; le 19 septembre (vieux style), à la prise du ci-devant château de la Duchère, devant Commune-Affranchie, fut le 1er qui monta à l’escalade. Trois muscadins firent sur lui une décharge; une balle traversa son chapeau au-dessus du front, une autre qui passa sous l’aisselle en emportant un morceau de son habit, enfin une 3e l’atteignit entre les deux cuisses et le blessa très légèrement. Cet évènement n’empêcha pas notre héros de sauter sur les muscadins; deux prirent la fuite et il fonça sur le 3e (le muscadin tué était un lieutenant-colonel, dont le volontaire a encore la monture et les épaulettes) avec sa baïonnette et lui dit : « Va muscadin, j’aurai ton sac ou tu auras ma vie » A l’instant le muscadin fut cloué et le volontaire, en servant sa patrie, pourvut à ses besoins en s’emparant de ses dépouilles ». Guillot, P.c.c. Bouchotte. 33 Les sous-officiers et dragons du 8e régiment en cantonnement à Ingelsheim, armée du Rhin, expriment l’horreur dont ils ont été pénétrés en apprenant que de nouvelles trahisons devaient détruire la liberté, pour laquelle ils ont juré de verser leur sang. Ils invitent la Convention nationale à rester au poste périlleux où le peuple la retient, et font don d’une journée de paie, produisant 377 liv. 10 s., pour les veuves et orphelins des défenseurs de la patrie. Mention honorable et insertion au bulletin (1). [ Ingelsheim , 21 germ. II] (2). «Mandataires du peuple, Notre fureur et notre indignation sont à leur comble. Eh quoi ! c’était au moment où toutes les parties de la République, les français, dont nous partageons les vœux et les sentiments, applaudissaient à vos glorieux travaux et vous invitaient à les continuer; c’était pendant que nous cimentions de notre sang la constitution républicaine que vous nous avez donnée, que des scélérats faisaient tous leurs efforts pour la renverser et pour nous replonger dans la vile apathie de la servitude et dans la rampante nullité de l’égoïsme. Grâces vous soient rendues, Législateurs, pour avoir sauvé de nouveau la République; vos lumières et votre courage énergique ont découvert cet horrible complot dont vous deviez être les premières victimes; écrasez maintenant l’hydre qui l’a vomi. Le peuple qui remit entre vos mains le pouvoir souverain, vous arma aussi de son foudre; frappez sur cette (1) P.V., XXXVI, 30 et 226. J. Sablier, n° 1272. (2) C 301, pl. 1076, p. 29. 122 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE [La Cne Seignot, au M. de la guerre , Dijon, s.d.] (1). J’ai deux enfants, ils sont tous deux à la défense de la patrie. Qu’ils sont heureux. J’envie leur sort !... Celui de qui je n’ai point de nouvelles me disait : « Ne vous serait-il pas bien doux de pouvoir dire : Mon fils, à la fleur de son âge, est mort pour la nation, il a assez vécu, puisqu’il a eu le temps de payer à sa patrie ce qu’il lui devait ». Tels ont toujours été ses sentiments; s’il est mort, ce sont les dernières nouvelles qu’il m’a données; son nom est Edmé Seignot, grenadier du 24e régiment d’infanterie. Ou il est pris, ou il est mort. Je te supplie de me dire son sort quel qu’il soit. Veuve Seignot, P.c.c. Bouchotte. [Le chef de hon Guillot, au M. de la Guerre; Evian, 13 germ. Il] (2). « Citoyen ministre, Le 1er bataillon de la Mayenne-et-Loire, jaloux de posséder en son sein des héros, s’empresse de faire, par ton organe, promulguer leurs actions à tous les défenseurs de la patrie. Louis Guérin, caporal de grenadiers, natif de Candé, département de Mayenne-et-Loire, était avec sa compagnie à la bataille de Neerwinden le 18 mars (vieux style). Les grenadiers s’y battirent avec une intrépidité incroyable contre les grenadiers hongrois qui étaient en plus grand nombre. Le brave Guérin, après avoir tué 2 de ces esclaves, coucha en joue le 3e et le somma de se rendre, ce qu’il fit sur le champ, ce lâche colosse. René Rabaud, grenadier, natif de Chemiré-sur-Sarthe, département de Mayenne-et-Loire, se trouve enveloppé dans la redoute de Saint-Sauveur, à Valenciennes, dans la nuit du 25 au 26 juillet (vieux style) ainsi que la compagnie entière, par 2 ou 3 000 Anglais ou Autrichiens. Le brave Leclerc, lieutenant qui les commandait aima mieux y périr avec les 30 grenadiers que de leur céder, et les 13 autres, ne pouvant soutenir un choc aussi terrible furent jetés dans les fossés et battirent en retraite jusqu’à la poterie. Rabaud fut du nombre des blessés et fut laissé pour mort; il resta sur place étendu pendant 3 heures; il fut deshabillé totalement et roulé par ces scélérats avec la pointe de leurs baïonnettes. Ils le crurent mort et se retirèrent dans les palissades. Le malheureux Rabaud, rappelé à la vie par un miracle républicain, se releva tout couvert de son sang, nu, sans armes, et vit ses camarades étendus à ses côtés. Ce spectacle affreux lui suggéra de nouvelles forces pour monter par la brèche. R traversa toute la ville et vint dans cet état trouver le bataillon qui était aux palissades du réduit de la citadelle. «Me voilà, me dit-il, mon commandant, donnez-moi un habit, un fusil et que je retourne venger la mort de mes camarades. «Le sang (1) Mon., XX, 281; Audit, nat., n° 577 ; J. Mont., n° 160; M.U., XXXIX, 61; Débats, n° 583, p. 65; Rép., n° 124. Pas de mention dans J. Guillaume, Procès-verbaux du comité d’instruction publique. ruisselait de tous côtés sur le corps de ce brave sans-culottes; je l’embrassai et ne songeai qu’à lui procurer tous les secours qu’on doit à de tels hommes ou plutôt à de tels héros. Denis Tallourd, caporal de la 2e compagnie, natif de Candé, département de Mayenne-et-Loire; le 19 septembre (vieux style), à la prise du ci-devant château de la Duchère, devant Commune-Affranchie, fut le 1er qui monta à l’escalade. Trois muscadins firent sur lui une décharge; une balle traversa son chapeau au-dessus du front, une autre qui passa sous l’aisselle en emportant un morceau de son habit, enfin une 3e l’atteignit entre les deux cuisses et le blessa très légèrement. Cet évènement n’empêcha pas notre héros de sauter sur les muscadins; deux prirent la fuite et il fonça sur le 3e (le muscadin tué était un lieutenant-colonel, dont le volontaire a encore la monture et les épaulettes) avec sa baïonnette et lui dit : « Va muscadin, j’aurai ton sac ou tu auras ma vie » A l’instant le muscadin fut cloué et le volontaire, en servant sa patrie, pourvut à ses besoins en s’emparant de ses dépouilles ». Guillot, P.c.c. Bouchotte. 33 Les sous-officiers et dragons du 8e régiment en cantonnement à Ingelsheim, armée du Rhin, expriment l’horreur dont ils ont été pénétrés en apprenant que de nouvelles trahisons devaient détruire la liberté, pour laquelle ils ont juré de verser leur sang. Ils invitent la Convention nationale à rester au poste périlleux où le peuple la retient, et font don d’une journée de paie, produisant 377 liv. 10 s., pour les veuves et orphelins des défenseurs de la patrie. Mention honorable et insertion au bulletin (1). [ Ingelsheim , 21 germ. II] (2). «Mandataires du peuple, Notre fureur et notre indignation sont à leur comble. Eh quoi ! c’était au moment où toutes les parties de la République, les français, dont nous partageons les vœux et les sentiments, applaudissaient à vos glorieux travaux et vous invitaient à les continuer; c’était pendant que nous cimentions de notre sang la constitution républicaine que vous nous avez donnée, que des scélérats faisaient tous leurs efforts pour la renverser et pour nous replonger dans la vile apathie de la servitude et dans la rampante nullité de l’égoïsme. Grâces vous soient rendues, Législateurs, pour avoir sauvé de nouveau la République; vos lumières et votre courage énergique ont découvert cet horrible complot dont vous deviez être les premières victimes; écrasez maintenant l’hydre qui l’a vomi. Le peuple qui remit entre vos mains le pouvoir souverain, vous arma aussi de son foudre; frappez sur cette (1) P.V., XXXVI, 30 et 226. J. Sablier, n° 1272. (2) C 301, pl. 1076, p. 29.