[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j 28frn™emei)re 1793 303 délits qui n’auraient pas été prévus par le code pénal et par les lois postérieures, ou dont l’incivisme et la résidence sur le territoire de la République aurait été un sujet de trouble et d’agitation, seront condamnés à la peine de déportation. « La Convention nationale décrète en outre que les juges des tribunaux criminels en appli¬ quant cette peine aux cas prévus par l’ article cité, pourront la prononcer temporaire ou à vie, suivant la circonstance et la. nature des délits. » « En raisonnant par induction de ces trois articles, il paraît que les tribunaux criminels ont le droit de prononcer sur les délits non prévus par le code pénal et par les lois posté¬ rieures, et auxquels on ne peut qu’appliquer la peine de déportation. Et, en effet, comment pourrait-on concevoir le droit d’appliquer une peine à un délit dont on ne serait pas compé¬ tent de connaître? Cependant, législateurs, comme cette opinion n’est fondée que sur un raisonnement et non sur un texte formel de la loi; que d’ailleurs le ministre de la justice, consulté par moi sur l’étendue de la compé¬ tence des tribunaux criminels relativement aux délits contre-révolutionnaires, m’a mandé itérativement qu’elle se borne à ce qui est renfermé dans les lois des 19 mars, 7 et 9 avril derniers, je crois devoir consulter la Conven¬ tion nationale sur la question de savoir si les tribunaux criminels peuvent connaître des délits contre-révolutionnaires, dont parle ladite loi du 7 juin dernier, et comme ces délits, qu’un propos, une démarche inconsidérés, peuvent caractériser, se multiplient et se découvrent aisément par l’active surveillance de toutes les autorités constituées et des sociétés popu¬ laires, je demande qu’au lieu d’aller juger ceux qui en sont prévenus, dans les villes où ils ont été arrêtés, ils soient conduits en celles où les tribunaux criminels tiennent séances pour y être jugés. Plusieurs raisons d’utilité publique me paraissent devoir faire accueillir cette proposition : 1° les déplacements fréquents des tribunaux criminels retardent malgré moi la marche des opérations ordinaires; au retour d’une absence de quatre à cinq jours et quel¬ quefois de onze à douze jours, pendant lesquels je ne peux suivre ni même connaître les affaires qui arrivent, ni m’entretenir au niveau de ma correspondance, je me trouve surchargé d’un travail auquel je ne peux suffire ; 2° Ces déplace¬ ments sont coûteux à la République, et il est de mon devoir, comme citoyen, de fixer sur ce point, législateurs, votre attention. Ils sont d’autant plus ruineux que l’envahissement du territoire français par les Impériaux nous force à faire de longs détours pour arriver où on nous envoie, non sans danger, pour nous, de devenir la proie de l’ennemi. A l’époque de l’infâme trahison de Dumouriez, il y a eu quelques raisons de rendre ambulants les tribunaux criminels. Je crois ces raisons évanouies, et si j’en fais l’observation, c’est que, malgré l’activité que je mets à remplir la tâche que m’impose ma place, elle est aujourd’hui si prodigieuse qu’avec des déplacements réitérés, je ne puis y suffire, surtout n’ayant ni substitut, ni aide, ni secré¬ taire ou écrivain, et surtout en suivant cons¬ tamment le système que j’ai pris de tenir le double de tout ce que j’écris. « Dans un poste aussi délicat, aussi essentiel à l’ordre public que le mien, oette préoaution est nécessaire pour ne point être victime de la calomnie et de la malveillance des égoïstes. La population du département du Nord est de près d’un million d’habitants; ce départe¬ ment est, depuis longtemps, le théâtre de la guerre; des troupes innombrables y ont leur séjour et un passage continuel; ce département est situé dans toute son étendue à une lieue des frontières; la superstition et les prêtres, enfants de l’ignorance et de la fourberie, y régnaient avec plus d’empire que partout ailleurs; la richesse du sol et celle de l’industrie, des arts et du commerce y ont fait établir et multiplier les agents de l’ancien ordre de la justice et des finances : tout cela y a fait mul¬ tiplier les délits de tout genre, et, dans ce mo¬ ment, où nos ennemis emploient toutes leurs ressources pour mettre la chose publique en subversion, j’avoue que je désire que la Con¬ vention nationale me donne un adjoint, c’est-à-dire un substitut ou écrivain au traitement de 1,200 livres. Je ne peux pas en trouver un pour 600 livres, et, n’ayant point de fortune, je ne peux pas y puiser de quoi payer les ser¬ vices qu’on pourrait me rendre. Au surplus, je ne demande ce secours que dans les circons¬ tances du moment ; que demain la paix se fasse, l’accusateur public pourra seul faire sa besogne, et alors je serai le premier à demander qu’on me retire un écrivain dont je n’aurais que faire. Mais aujourd’hui, je le dis et avec vérité, je suis écrasé, et je n’ai, ni le jour ni la nuit, ni repos ni trêve; il paraît au surplus que les représentants du peuple, commissaires dans ce département, veulent nous faire juger les délits réservés par la loi du 10 mars dernier, au tribunal extraordinaire, à Paris, dans les lieux mêmes où résident ceux qui en sont pré-» venus, ce qui nous fera déplacer à chaque ins¬ tant. Dans ce cas, comment suffirai-je seul à ma besogne? « Législateurs, la peine de la déportation entraîne, avec elle, la confiscation des biens des déportés au profit de la République. Cela n’offre aucune difficulté lorsque la peine de déportation est prononcée à vie. En est-il de même quand elle est temporaire. Je vous observe à cet égard, législateurs, qu’ils est des cas où vous laissez aux tribunaux criminels le droit de prononcer cette peine temporaire ou à vie; suivant les circonstances et la nature des délits. C’est ainsi que s’en exprime un décret du 7 juin dernier, relativement aux délits non prévus par le Code pénal et par les lois postérieures. « Douai, 23 brumaire, 2e année de la Répu¬ blique, une et indivisible. « Ranson. » « La Convention nationale, après avoir en¬ tendu le rapport de son comité de législation [Merlin {de Douai), rapporteur (1)] sur la péti¬ tion des officiers municipaux de Ham, tendant à savoir si celui d’entre eux qui vient de décéder peut et doit être remplacé par le premier notable, quoiqu’il se trouve beau-frère du maire; « Considérant que l’article 12 de la loi du (1) D’après la minute du décret qui se trouve aux Archives nationales, carton C 283, dossier 788, 304 | Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j Lf$“embre t“ 14 novembre 1789 décide nettement eette ques¬ tion pour la négative, et qu’il n’y a été dérogé par aucune loi postérieure, « Déclare qu’il n’y a pas lieu à délibérer. « Le présent décret ne sera point imprimé; il sera seulement inséré au « Bulletin » et le mi¬ nistre de l’intérieur en adressera une expédition manuscrite à la municipalité de Ham (1). » « La Convention nationale, après avoir en¬ tendu le rapport de son comité de législation [Merlin {de Douai), rapporteur (2)], sur la péti¬ tion du citoyen Chavaut» tendant à taire déclarer que, par l’efEet du laps de vingt ans depuis le jugement du ci-devant parlement de Dijon, du 5 décembre 1765, exécuté par effigie, qui l’a con¬ damné, par contumace, aux galères perpétuelles, il doit être censé n’avoir jamais été en état de mort civile, et qu’en conséquence il peut prendre part à des successions échues dans l’intervalle de sa condamnation à la prescription qui l’a libéré de la peine; « Considérant que les dispositions de la loi $u 16 septembre 1791, et du Code pénal du 20 du même mois, invoquées par le citoyen Chavaut, ne peuvent recevoir ici aucune application, tant parce qu’elles sont postérieures à l’ouverture des successions dont il s’agit, que parce que, dans l’esprit de ces lois, les condamnations à peines afflictives ou infamantes n’emportent jamais mort civile; qu’ainsi la question proposée doit être jugée d’après les principes qui étaient en vigueur avant la publication de ces mêmes lois, et que c’est aux juges à faire l’application de ces principes; « Décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer. « Le présent décret ne sera point imprimé. Il sera seulement inséré au « Bulletin ». Le ministre de la justice en adressera une expédition manus¬ crite au tribunal du district de Nantua (3). » Suit la pétition du citoyen Chavaut (4). Aux citoyens législateurs composant la Conven¬ tion nationale. « Un jugement du ci-devant Parlement de Bourgogne, du 5 décembre 1765, exécuté par effigie, qui condamne par contumace, aux galères perpétuelles, un accusé, peut-il être mis à exécution après le laps de 28 ans? « Par ce laps, le particulier condamné par contumace n’est -il pas innocenté; n’est -il pas fondé à répéter de ses parents qui jouissent de ses biens non seulement les successions qui lui étaient échues avant sa condamnation, mais encore celles qui, depuis, lui sont ar-(1) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 206. (2) D’après la minute du décret qui se trouve aux Archives nationales, carton C 283, dossier 788. (31 Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 106. (4) Archives nationales, carton Dm 2, dossier 36 (Gex). rivées? Ce particulier est natif et originaire du ci-devant pays du Bugey où la confiscation n’avait pas lieu. Faits. « Basile Chavaut, citoyen’ d’Isenave, dépar¬ tement de l’Ain, district de Nantua, décéda le 23e janvier 1760, il laissa cinq enfants. « Il institua pour ses héritiers universels Augustin, Claude-Antoine et François Chavaut, ses trois fils; il laissa [à Marie-Antelmette et Laurence Chavaut, ses deux filles, une légitime telle que de droit. « Les héritiers Chavaut, pour lors mineurs, de 2 ans {sic), Jean-Baptiste Chavaut, leur oncle, leur fut donné pour tuteur et curateur. « Il géra les biens de ses neveux depuis 1760 jusqu’en 1781, temps auquel il décéda sans disposer. A cette époque, Claude-Antoine Chayaut, l’un des héritiers de Basile Chavaut, ouvrier en soie, demeurait à Lyon; Claude-François, son frère, était au service de l’État et Augustin était absent, à cause de poursuites faites contre lui, relativement au crime dont il était accusé. « Marie-Antelmette Chavaut, l’une de leurs sœurs, mariée avec Vincent Chapuis, s’étant fait céder la portion qui appartenait à Claude-Antoine Chavaut, son frère, ouvrier en soie, à Lyon, s’y mit en possession en 1781, non seule¬ ment de tous les biens de Basile Chavaut, son père, mais encore de tous ceux de Jean-Baptiste Chavaut, son oncle. « François Chavaut, qui était au service de l’État, n’a pas reparu au pays, l’on ignore s’il est vivant, et le lieu de sa demeure. « Augustin Chavaut, qui avait é.é condamné par contumace aux galères perpétuelles par jugement du ci-devant Parlement de Dijon, est revenu au pays dans le commencement de cette année. Il s’est adressé à Marie-Antelmette Chavaut, sa sœur et Vincent Chapuis, son mari, qui pos¬ sèdent tous les biens de Basile Chavaut et de Jean -Baptiste Chavaut, ses père et oncle. « Il lui a demandé le relâche du tiers qui lui revenait dans les biens de Basile Chavaut, son père; un quart qui lui était échu dans ceux de Jean-Baptiste Chavaut, son oncle, décédé en 1781 pendant son absence, enfin le partage pro¬ visionnel des biens échus à François Chavaut son frère, absent depuis 14 ans sans que l’on sache s’il est vivant ou mort, ni le lieu de sa demeure, aux offres qu’il faisait de donner caution et de rendre la portion qu’il recevrait avec restitution de fruits dans le cas où Fran¬ çois Chavaut reviendrait. « Le refus que fit Marie-Antelmette Chavaut d’accueillir les demandes de son frère détermina celui-ci à provoquer, suivant la loi, le tribunal de famille. « Ce tribunal formé a fait droit, par sa déci¬ sion motivée du 28 juillet dernier, sur. toutes les demandes d’Augustin Chavaut. « Sa sœur a interjeté appel de cette décision au tribunal du district de Nantua, où elle sou¬ tient que, quoique son frère ait prescrit le crime et la peine par l’espace de 28 années, il est tou¬ jours censé mort civilement ; que, par conséquent, ü est incapable de répéter la portion qui lui était échue avant le crime dont il était accusé, et qui a donné lieu à la mort civile, que cette