[Étatsgén. 1789. Cahiers.] reude stable à toujours les mesures que les Etats généraux jugeront convenables pour le retour du bon ordre. Art. 2. Il en est de notre paroisse, comme des autres, dans lesquelles le peuple souffre considérablement. 11 est donc d’une très-grande conséquence, pour la conservation de l'individu, que les Etats généraux prennent les mesures convenables pour assurer au peuple un prix bien modéré du blé : ce qui a occasionné et ce qui occasionne tous les jours des morts subites. Art. 3- L’impôt sur les terres et immeubles quels qu’ils soient, doit être également réparti entre toutes les classes de citoyens possédant fonds. Ça a été, jusqu’à présent, un fardeau qui a écrasé et qui écrase pire que jamais l’individu : toutes exemptions pécuniaires, en faveur de tous particuliers ou corps quelconques, devant être supprimées. Art. 4. La corvée, la milice, les lenteurs et les frais de justice, les occupations de terrains pour la confection des chemins, sont autant de maux qui pèsent principalement sur nous, auxquels il est pressant de remédier. Art. 5. 11 serait à souhaiter que les seigneurs, pour le bien et l’avantage de leurs vassaux, voulussent bien partager leurs terres en plusieurs lots, et leur en donner à chacun une portion. Par ce moyen, les seigneurs auraient la consolation de voir vivre leurs vassaux ; ou du moins que chaque fermier ne jouisse que d’une seule ferme,, au lieu qu’il y en a beaucoup qui en occupent deux, d’autres trois, d’autres quatre, et s’en tienne à son labour, sans entreprendre d’autre commerce; au lieu qu’il y en a beaucoup qui ne sont pas encore contents; font d’autre commerce, et n’occupent que presque moitié de ma-nouvriers que quatre fermiers occuperaient. Il n’y a qu’un seul homme qui vit. Il tient tous les journaliers sous sa domination, donne ce qu’il veut, par jour, aux journaliers, un prix assez modique. Pourvu qu’ils amassent, ils sont contents. Il yen a d’autres qui sont plus populaires; mais le nombre en est petit. Il y a trente, quarante ans, ils avaient des bidets d’environ 3 ou 4 louis, les plus huppés; ils vivaient, et le peuple aussi. A présent, ce sont des bidets de 30, 40 louis et plus; d’autres des cabriolets. Y a-t-il le labour en terre d’une ferme à vendre? ils s’en rendent acquéreurs à tel prix que ce soit; de sorte qu’il n’y a plus que la plupart d’eux qui vivent. "Art. 6. Il serait encore à désirer qu’il n'y ait qu’une seule mesure tant pour les terres que pour les mesures de blé et autres grains : ce qui occasionnerait moins de fraudes pour les mesures qui sont presque inégales dans tous les marchés. Tels sont nos vœux et nos désirs. Fait dans l’assemblée générale de Baiilet, le 14 avril 1789 ; et avons signé : Isoré, syndic; Louis Dupuis; B.-C. Meunier; N. Pillot ; “ A. Boucher; Lépine, et Guillaume, greffier. [Paris hors les murs.] 333 CAHIER Contenant le vœu et les doléances des habitants de la paroisse et baronnie de Ballainvilliers, composant le tiers-état ou ordre commun de ladite paroisse (1). TITRE PREMIER, Concernant les objets spécialement indiqués par Sa Majesté , et sur lesquels elle a témoigné désirer que scs peuples s’expliquassent , suivant le rapport fait en son conseil , le 27 décembre de Vannée dernière. Art. 1er. Que Sa Majesté sera très-humblement remerciée du dessein qu’elle a conçu de rétablir les séances périodiques des Etats généraux du royaume, et leur retour successif à jour fixé; au moyen duquel retour, tout article, qui ne pourrait recevoir sa décision en la tenue de la présente année, sera renvoyé à la délibération des Etats généraux prochains. Art. 2. Que ce retour périodique des Etats généraux sera fixé de quatre ans en quatre ans ; de sorte que chaque tenue commencera toujours par les ajourner à jour et lieu certains et fixes, pour la tenue qui devra s’ouvrir quatre ans après, sans qu’il soit besoin d’autre convocation, et sans qu’il puisse être rien changé à leur résolution sur ce point, si ce n’est lorsqu’ils seront de nouveau assemblés en exécution d’icelle : au moyen de quoi, les Etats généraux seront et demeureront ajournés pour la prochaine tenue au 1er mai 1796. Art. 3. Pourra, néanmoins, Sa Majesté, dans des cas urgents, comme de guerre défensive et autres cas semblables, convoquer l’assemblée extraordinaire des Etats généraux, ainsi qu’elle avisera, sans que ladite assemblée extraordinaire puisse préjudicier à l’assemblée périodique, en empêcher le retour fixe, traiter des matières dont celle-ci serait saisie, ni rien changer à ses résolutions positives ou négatives. En conséquence, aucune assemblée extraordinaire ne pourra se tenir que pour des objets nommément indiqués par les lettres de convocation; et les députés seront tenus d’y apporter des pouvoirs ad hoc\ en outre, la décision ne sera valable que par forme de provision, et à la charge de confirmation dans les Etats généraux ordinaires subséquents, s’il y avait lieu. Art. 4. Au décès de chacun roi, les États généraux seront assemblés, soit afin de pourvoir à la régence, si l’héritier présomptif est au-dessous de quatorze ans accomplis, soit pour le proclamer roi, s’il a ledit âge. L’assemblée, à cet effet, sera indiquée de plein droit au quarantième jour après le décès; et huitaine après ledit décès connu, tout bailli sera tenu de convoquer l’assemblée de son bailliage, pour y faire nommer les députés, auxdits Etats généraux ; faute de quoi, ceux qui auront assisté aux précédents Etats généraux périodiques seront censés députés de droit ; et le bailli en faute sera cité aux Etats généraux pour y rendre compte de sa conduite. Lorsque le roi aura quatorze ans accomplis, la régence cessera de plein droit, et les Etats généraux auront soin de pourvoir à la célébration du sacre pour lequel ils s’ajourneront d’avance. Dans tous les cas, cette célébration se fera de leur autorité et en présence des députés de la nation. Art. 5. Qu’il sera pareillement établi des Etats provinciaux dans chaque province, suivant le (1) Nous publions ce cahier, d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 334 [Étals gén. 1789. Cahiers.] vœu notoire des Etats généraux de Tours, et celui de Sa Majesté elle-même, connu par le rapport fait en son conseil, le 27 décembre dernier. Art. 6. Que ces Etats provinciaux auront la répartition de toutes impositions, et feront faire la perception de tous deniers royaux, exclusivement à tous autres. Qu’à cet effet, ils auront une caisse provinciale, où tous les deniers publics seront versés, et dont il sera rendu compte aux Etats généraux, sans qu’il puisse en être rien tiré que de la manière et pour les destinations qui auront été prescrites du consentement des Etats généraux. Que lesdits Etats provinciaux seront seuls compétents pour tous les objets d’administration de leur province, frais et dépenses publiques quelconques, sous l’autorité des Etats généraux, sans préjudicier néanmoins à la juridiction des cours des aides. Art. 7. Qu’il leur sera rendu compte exact, pour le passé, de toutes les dépenses faites au nom de la province, ou sur les deniers publics, relativement aux corvées, aux ateliers de charité, dépôts de mendicité, écoles vétérinaires, pépinières, plantations des grands chemins, et de tous autres généralement quelconques -, notamment de celles pour le tirage et l’entretien des milices, la construction ou entretien des canaux, aqueducs et autres ouvrages publics. Art. 8. Qu’ils donneront avis aux Etats généraux de toutes les malversations dans toutes les parties, et feront diligence pour procurer les restitutions qui devront avoir lieu, ou faire rentrer les produits qui auraient été divertis au profit des particuliers, notamment ceux des pépinières et de3 arbres de grandes routes. Art. 9. Qu’ils veilleront aussi à réprimer tous abus dans les administrations des hôpitaux et collèges fondés dans leurs provinces, ou pour les originaires d’icelles qu’ils pourront, à la poursuite et diligence de leurs syndics, requérir et faire ordonner devant juges' compétents, l’exécution des statuts desdits collèges auxquels leur province aura intérêt ; et icelle sera ordonnée à leur requête, conformément à l’ordonnance de Blois, nonobstant toutes choses à ce contraires, même par provision, et en tout état de cause, à peine de nullité. Art. 10. Que, pour faciliter cette justice, la juridiction ordinaire du chancelier de l’Université de Paris sera maintenue dans toutes ses prérogatives. Qu’il lui sera enjoint, et à son procurateur, de tenir la main à l’exécution des statuts des collèges de ladite université, nonobstant toutes choses à ce contraires, lesquelles seront réputées comme non avenues, le tout sauf l’appel simple des sentences rendues par ledit chancelier. Art. 11. Que lesdits Etats provinciaux se tiendront, toutes les années, à jour fixe, et sans qu’il soit besoin d’autre convocation. Que le jour de leur ouverture annuelle sera fixé à une époque qui précédera de trois mois celle fixée pour les Etats généraux, dont ils prépareront les matières, relativement à chaque province. Art. 12. Que l’élection des députés pour les Etats provinciaux se renouvellera toutes les années, par tiers; de manière néanmoins que le nombre ordinaire en soit doublé, quand il sera question d’y faire l’élection des députés pour les Etats généraux, ainsi qu’il a été établi par la province du Dauphiné. Art. 13. Que, dans ce cas, les députés, munis des cahiers de leurs commettants, auront pouvoir exprès pour, dans lesdits Etats provinciaux, faire choix des députés aux Etats généraux, et pour [Paris hors les murs.] en régler les pouvoirs, ainsi que pour réduire les cahiers en un cahier commun à présenter au nom de la province-Art. 14. Que dorénavant, selon le vœu exprimé par Sa Majesté, le 27 décembre dernier, le nombre des députés de chaque bailliage sera proportionné au nombre de sa population, autant qu’il sera possible, tant pour les Etats généraux que pour les Etats provinciaux ; et qu’en tous cas, la population sera la règle inviolable qui fixera les représentants de chaque province aux Etats généraux. Art. 15. Que si l’arrondissement des bailliages nuisait à cette règle, il sera pris, par Sa Majesté, les mesures convenables pour remédier aux inconvénients dudit arrondissement; de manière qu’il ne puisse apporter aucun obstacle à l’exécution perpétuelle de la règle dont on vient de parler, respectivement à chaque province. Art. 16. Que, dans la même vue, Sa Majesté fera tout ce qui sera nécessaire pour fixer les limites immuables desdites provinces, et afin d’en perfectionner les arrondissements, eu égard à la commodité des peuples. Elle pourra distraire de l’une ce qu’il est nécessaire d’ajouter à l’autre pour procurer plus sûrement cette commodité : ce qui aura lieu, surtout, par rapport aux terres mêlées ou enclavées, afin de faciliter l’assemblée des Etats particuliers dans chacune desdites provinces ; ei} sorte que ladite assemblée puisse se faire avec le moins d’incommodités et le moins de frais possibles. Art. 17. Que la plus grande félicité des sociétés , dépendant principalement de l’union qui doit régner entre les differents ordres dont est composé l’Etat, conjointement avec le monarque qui en esl le chef, le tiers-état improuvera tous écrits rendus publics, dans lesquels on s’est écarté de ce principe, et dont le clergé ou la noblesse ont eu lieu d’être choqués ; notamment ceux qui se sont permis de supposer que nous n’avions point de constitution, pour conclure, de là, qu’il nous en fallait une nouvelle, sans néanmoins que celte improbation puisse s’appliquer à la délibération des Etats du Dauphiné du 31 décembre dernier. En effet, ces Etats qui, par la sagesse de leur conduite et de leurs délibérations, ont mérité de donner l’exemple aux autres provinces, en désirant de concourir à procurer à la France une heureuse constitution, n’ont désiré que le renouvellement et le maintien des lois constitutionnelles qui assurent à jamais la stabilité des droitsfdu monarque et du peuple français. Art. 18. Que le tiers-état improuvera, de la manière la plus forte, les faux principes contenus dans lesdits écrits, concernant les droits sacrés de la propriété, ou ceux des privilèges légitimes de chaque ordre. Il improuvera surtout la fausse supposition que les tiers-état se soit formé par les affranchissements de servitude personnelle, ou qu’il n’ait pas été admis de tous temps aux Etats généraux. La fausseté de cette supposition est démontrée spécialement par les Etats généraux tenus à ingelheim l’an 788, antérieurement à tout affranchissement de servitude. La raison démontre également que l’admission aux Etats généraux n’a jamais dépendu de la noblesse de distinction, mais de la noblesse nationale dont le tiers-état jouit. En effet, la noblesse de distinction est moins de droit social que de droit des gens. Un noble français , s’établissant en pays étranger, jouit de sa noblesse. Le fils, qui lui naît en cé pays étranger, en jouit également. Tous deux, revenant en France, le premier y récupère ses droits nationaux, jure postliminii, et ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] [Élats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. il jouit de celui d’entrer aux Etats généraux. Son fils, au contraire, jouit bien de sa noblesse de distinction, mais il ne peut jouir du droit d’être admis aux Etats généraux qu’autant quedes lettres de naturalité lui rendront la noblesse nationale qu’il avait perdue par sa naissance étrangère. Ce n’est donc que celle-ci, et non l’autre, qui donne l’entrée aux Etats généraux, suivant la prérogative attachée au nom français. Voilà pourquoi l’empereur Frédéric ne connaissait aucun Français qui lie tut noble : Francus, dit-il, vere nomme etre nobilis ; et de là peut se tirer la conséquence légitime, que le tiers-état n’est qu’une section de l’ordre de la noblesse, section qui n’est pas plus ancienne que le règne de Philippe le Bel. Art. 19. Le tiers-état souscrira au règlement provisoire de Sa Majesté, porté en sa décision du 27 décembre dernier, et consentira que, pour cette fois, le nombre de ses députés aux Etats généraux ne soit qu’égal à celui des deux autres ordres réunis, sans néanmoins tirer à conséquence pour l’avenir, et sauf, aux Etats généraux, à se concilier sur ce point ; Sa Majesté ayant bien voulu, par son règlement du 24 janvier suivant, réserver à l’assemblée desdits Etats généraux le soin de remédier aux inégalités qu'on n’a pu éviter, et de préparer, pour l’avenir, un système plus parfait. Art. 20. Que si ce système plus parfait ne pouvait être établi dans les Etats généraux de cette année, le tiers-état, afin de ne point troubler l’union des intérêts et des volontés que Sa Majesté désire, se contentera qu’il soit réservé aux Etats généraux suivants de délibérer sur cet objet, et sur la manière dont les suffrages doivent être comptés ; d’autant qu’il est certain que les comtes ne venaient anciennement aux Etats généraux, qu’accompagnés de douze députés du peuple, sans compter d’autres citoyens, tant delà ville que de la campagne, 0001“ on voit la présence aux Etats généraux d’Ingelheim : cives oppidani, et dans ceux de Gompiègnede l’an 833, promiscuœ quœ œtatis et dignilatis populo (1). Art. 21. Que, pour la conservation des droits nationaux et des vrais principes monarchiques, les Etats généraux nommeront un ou deux historiographes, qui seront chargés de conserver à la postérité l’histoire des Etats généraux, de débrouiller celle des anciennes assemblées nationales, et de purger l’histoire française des erreurs ou faux principes que des écrivains mercenaires y ont entassés, afin de flatterie despotisme. Art. 22. Que les trois ordres de l’Etat seront maintenus dans tous leurs droits, soit communs ou respectifs, soit particuliers. Que la distinction humiliante pour le tiers-état, qui s’est pratiquée dans les derniers Etats généraux de Blois et de Paris, sera réputée comme non avenue, ainsi que la province du Dauphiné le demande. Enfin, que la seconde classe du premier ordre sera spécialement maintenue dans tous les droits qui lui appartiennent suivant les saints canons, nonobstant tous usages et possessions, édits, ordonnances, lettres-patentes, arrêts et jugements contraires, lesquels seront réputés comme non avenus ; etle titre de curé primitif sera déclaré abusif. A l’égard du tiers-état, le franc-fief sera aboli. Art. 23. Et pour former un lien durable entre l’administration particulière de chaque province et la législation générale, il sera établi irrévocablement qu’aucune loi ne pourra se former ni 335 être promulguée ou exécutée, que préalablement elle n’ait été arrêtée dans les Etats généraux du consentement du Roi présent, ou qu’elle n’ait été proposée par les Etats généraux, et agréée par le Roi ; ou enfin, arrêtée par le Roi en son conseil, et ensuite agréée par lesdits Etats généraux, et publiée en leur assemblée. Qu’en conséquence, et non autrement, elle sera publiée et enregistrée dans les cours souveraines qui auront la faculté de faire des remontrances ; lesquelles seront vues et examinées dans les Etats généraux suivants, à l’effet d’y avoir tels égards que de raison. Art. 24. Qu’afin de rendre ce droit de remontrances plus précieux pour le bien public, il ne sera proposé aucune loi aux Etals généraux, ni de leur part au Roi, que les propositions ne soient aussitôt envoyées aux différentes-cours souveraines, et par elles, à. tous les bailliages de leurs ressorts, afin qu’il soit délibéré sur le tout dans les Etats généraux subséquents, et que les députés qui devront les composer y apportent des pouvoirs ad hoc. Art. 25. Qu’après la délibération des Etats généraux, la loi proposée, ayant reçu leur consentement, et le Roi l’ayant établie suivant la maxime de l’édit de Pistes de l’an 864 : Lex fit consensu populi et constitutione regis , cet établissement ne sera néanmoins que provisoire. Les cours conserveront la faculté de faire, dans l’année, de nouvelles remontrances qui seront vues et examinées, de la même manière, dans les Etats généraux immédiatement suivants ; en sorte que nulle loi ne puisse être perpétuelle et irrévocable, qu’après avoir obtenu un second consentement de la nation dans une nouvelle assemblée desdits Etats généraux, suivant cette maxime du sixième livre des Capitulaires de nos rois : Legem quam noster edidit princeps stabili robore firmamus atque ut futuris temporibus observetur pari sententia de-finimus. Voilà une seconde approbation des Etats généraux bien marquée. Ces formes seront reconnues les seules capables de donner aux dispositions de la loi une stabilité durable. Art. 26. Que, pour donner cette stabilité durable aux dispositions des Etats généraux de cette année, qui en seront susceptibles, les mêmes dispositions seront proposées à l’examen des Etats généraux subséquents, afin d’y être confirmées et d’acquérir par là, moyennant le consentement du Roi, la stabilité que Sa Majesté désire leur donner. Art. 27. Qu’en remerciant très-humblement Sa Majesté de la promesse par laquelle elle a voulu rendre hommage à la justice, de n’exiger aucun impôt sans le consentement des Etats généraux de son royaume, et même de n’en proroger ni augmenter aucun sans cette condition, lesdits Etats généraux déclareront que telle est et doit être la loi fondamentale du royaume, ainsi qu’elle a dû. être observée de tout temps. Art. 28. Que, pareillement, il ne sera fait aucun emprunt, au nom de l’Etat, soit directement, soit indirectement, ni par le Roi, sans le consentement des Etats généraux, ni par les Etats généraux, sans le consentement du Roi, à peine de nullité et même de confiscation des capitaux prêtés -, attendu qu’aucun emprunt, fait au nom de l’Etat, ne pourrait s’acquitter que par un impôt, et que tout emprunt, à la charge de l’Etat, compromet les droits des races futures, s’il est à perpétuité. C’est pourquoi, lorsque la nécessité exigera un emprunt, il sera, en même temps, pourvu à son remboursement dans des temps marqués. Il ne pourra dorénavant être créé ni établi aucune charge ni office à titre de finance, (1) Dom Bouquet, tome V, p. 246. 336 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.| [États gén .1789. Cahiers . ] que ce ne soit du consentement des Etats généraux; et ladite finance ne sera dette de l’Etat, qu’au-tant qu’elle aura été employée au profit de l’Etat. Que, par les mêmes raisons, il ne sera entrepris aucune guerre offensive, à moins que, préalablement, les Etats généraux n’aient pourvu, de concert avec le Roi, aux fonds nécessaires pour la soutenir avec honneur. Art. 29. Qu’en outre, les Etats généraux eux-mêmes ne pourront accorder aucun impôt pour un temps limité, sans que le terme de l’octroi puisse excéder l’intervalle d’une assemblée d’Etats généraux à la suivante, ainsi qu’il est porté par les pouvoirs donnés aux députés de la province du Dauphiné, le 31 décembre dernier; en sorte que tout impôt accordé par les Etats expire nécessairement au jour auquel ils se seront ajournés par la subséquente tenue, en la manière portée par l’article 2 ci-dessus. Art. 30. Qu’enfin, nul impôt ne pourra être établi pour n’être supporté que par un seul ordre en particulier; mais que tous seront toujours communs avec tous les ordres indistinctement. Art. 31. Qu’alin de prévenir, de la manière la plus efficace, le désordre que l’inconduite ou l’incapacité des ministres du Roi pourraient introduire dans ses finances , chacun desdits ministres sera responsable aux Etats généraux; et en cas d’infidélité reconnue, le procès sera fait cl parfait aux coupables par les Etats généraux eux-mêmes. Art. 32. Que les Etats généraux seront seuls juges compétents, soit des cours souveraines en corps, soit des ministres, pour fait de leur ministère ; et enfin que les écarts ou infidélités desdits ministres puissent plus difficilement demeurer inconnus au Roi et à la nation, la publicité des écrits relatifs à l’administration, au gouvernement, ou à tout autre objet public, sera permise indéfiniment; et la liberté de la presse sera réputée un point de droit public. Mais, quant aux affaires particulières, cette liberté sera restreinte à ceux qui pourront y avoir intérêt, et qui alors seront tenus de mettre leurs noms en tête des écrits qu’ils feront imprimer. Art. 33. Qu’en conséquence de tous les articles ci-dessus, rédigés conformément aux intentions manifestées par Sa Majesté, l’article 1er de l’or-nance de 1667 sera déclaré comme non avenu, ainsi que tout ce qui a été fait à l’occasion des troubles de 1771 ; et il sera procédé à la révision de toutes les lois qui n’ont pas été revêtues du consentement des Etats généraux; auxquelles lois, néanmoins, l’on continuera de se conformer pour ne point troubler l’ordre public seulement, et jusqu’à ce qu’il y soit pourvu par la seconde assemblée des Etats généraux, à l’exception que, dès à présent, le graud conseil sera et demeurera supprimé, comme tribunal superflu et inutile: de manière que ce dont il connaît par attribution sera restitué aux tribunaux ordinaires; et les contrariétés d’arrêts seront jugées par le conseil du Roi de même manière qu’il juge les conflits de juridictions entre différentes cours souveraines. Art. 34. Qu’au nom de toutes les provinces, l’ordre de la succession au trône d’aîné mâle en aîné mâle, sera reconnu fondamental et irrêvo-ble, de même que l’indépendance dont la couronne et le Roi, joints à la nation, doivent jouir vis-à-vis de toutes puissances étrangères quelconques, et même, quant au temporel, de toute puissance spirituelle ; sans préjudice de la soumission aux saints canons, due par tout fidèle, quant au pur spirituel. En conséquence, le quatrième article du serment du Roi, lors de son sacre (1), ajouté aux trois autres (2), sans le consentement de la nation, et depuis le concile de Latran, sera et demeurera supprimé, sans que son insertion illégale puisse être censée avoir imposé au Roi aucune obligation nouvelle ou différente des lois du royaume. Art. 35. Les dispositions de justice, dont le cœur de Sa Majesté est rempli, ayant, seules, donné lieu au contenu des articles précédents, l’on ne peut se dissimuler qu’elles ne sont pas différentes de celles qui animaient Charlemagne ; et l’on sait que ce monarque, en rétablissant les Etats généraux et provinciaux, a posé les bases solides de sa grandeur. Le tiers-état sera donc persuadé qu’il est juste de supplier Sa Majesté d’accepter le surnom d 'Emulateur de Charlemagne. 11 espère que les deux autres ordres se réuniront avec lui pour décerner ce surnom à un prince qui, se modelant, en effet, sur l’exemple de Charlemagne, fera de meme le bonheur de ses peuples, et éclipsera, par ce moyen, tous les princes intermédiaires. S’il rencontrait des obstacles à l’exécution de ces desseins, ce serait l’affliction delà nation. Mais il n’en serait pasmoinsimmortalisépourles avoir conçus. Un semblable projet procura l’agrandissement d’Egbert, roi de Kent. Ce prince, en 799, vint eh France, pour apprendre de Charlemagne lui-même l’art de régner. 11 remporta avec lui lé plan de notre constitution. L’année suivante, il réunit le royaume de Wessex. En 808, il réunit encore celui des Merciens; et successivement sa réputation lui fit acquérir les quatre autres royaumes de l’île britannique (3). Par ce moyen, c’est la base de notre constitution française qui, depuis près de mille ans, fait le bonheur et la force de l’Angleterre entière, et qui a été l’origine véritable des privilèges légitimes de la province de Bretagne. Art. 36. Le Roi, ayant jugé légitime le vœu de ses sujets, pour que son nom ne fut plus terni par l’usage injuste des lettres de cachet, veut bien inviter les Etats généraux à examiner la question de savoir si elles doivent être absolument proscrites on non. Elles sont, pour l’ordinaire, l’arme dont se sert celui qui veut se soustraire aux lois, et se livrer impunément à l’injustice. Pourrait-on douter que, sous ce point de vue, elles ne soient opposées à la dignité royale, qui, devant la justice à chacun de ses sujets également, se trouve avilie, lorsqu’elle devient complice de la passion de quelque particulier en crédit ? Elle est faite pour protéger et défendre le (1) Le quatrième article de ce serment est ainsi conçu : Item de terra meâ ac juridictione mihi subsdita uni-versos hereticos , ab ecclesià denagatos pro viribus bond fide exterminare studebo. C’est la suite du troisième canon du concile de Latran de 1216, qui ordonne de dénoncer au Pape les princes qui négligeraient de s’y conformer, afin qu’ils soient excommuniés, et leurs sujets déliés du serment de fidélité. (2) Les trois premiers articles de ce serment du sacre, ont été tirés de la seconde partie du Capitulaire de Kirsy, du 7 juillet 877, étant le quarante-troisième des Capitulaires de Charles le Chauve. (3) Anno 799, Egbertus autem rex Cantarituarum in Franciam venit ad Karolum, ut disciplinam regnandi à Frnacis acciperet. Est enim gens ilia et exercitatione virium et concitate morum somnium occidentalium facile princeps. Det'uncto West-Saxonum reg. hoc anno, Britanniam reversus est et regnare cœpit anno sequenti, qui fuit KaroliXXIl (lib. XXXII, Chron. Alberici, pag. 128). Anno 800, régnât in Anglià Egbyrlhus West-Saxonum et Contuariorum de quo suprà diximus ; totum reg-num Merciorum regno suo computavit. (Ibid. , p. 152). 337 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] faible ; elle se manquerait elle-même, en se prêtant à l’opprimer. Enfin, les ministres ont tellement abusé des lettres de cachet, qu’ils ont laissé apercevoir le danger auquel le Roi pouvait être exposé par leur imprudence, ou par leur insolence, armée de son nom auguste. D’un autre côté, les partisans des lettres allèguent leur utilité pour l’honneur des familles. Ce n’est pas une réponse solide, que de traiter de préjugé l’opinion publique qui fait rejaillir sur les familles la honte du crime commis par quelqu’un de leurs membres. Quand même ce ne serait qu’un préjugé, il suffit qu’il existe pour en redouter les suites, dont on ne se mettra pas à l’abri en recourant aux raisonnements philosophiques. N’est-il pas plutôt vrai que le déshonneur du coupable ne rejaillit sur sa famille que par la présomption qu’elle a négligé de lui inculquer des sentiments d’honneur, et de veiller d’assez près sur sa conduite? C’est presque toujours la mauvaise éducation et le défaut de principes qui causent l’inconduite. Souvent les mauvais exemples, que l’on a trouvés dans le sein de sa famille, y influent pour beaucoup. Au moins n’y a-t-on pas toujours trouvé le respect pour les lois, ni cet esprit de justice qui ne permet pas de faire à autrui ce que nous ne voudrions pas qu’on nous fit. Ainsi, le déshonneur, qui retombe sur les familles, quand quelqu’un de leurs membres se rend coupable, n’est pas un simple préjugé, il n’est pas même inutile à la société qu’il subsiste. Car si l’on se croit obligé de l’éviter, il paraît que, faute d’avoir un moyen de s’y soustraire par le crédit, on prendrait des mesures pour en prévenir la cause, ët qu’il y aurait moins de coupables, quand l’espoir de l’impunité ne servirait plus à les enhardir au crime. Au surplus, si les lettres de cachet peuvent être utiles pour procurer un abri à l’honneur des familles, cela ne suffit pas pour les justifier. Leur utilité pour un seul cas ne prouve pas qu’elles doivent subsister pour tant d’autres circonstances où l’on n’oserait pas nier qu’elles soient toujours l’arme de l’injustice et de la calomnie, l’abus du crédit et de l’intrigue. Elles ressemblent enfin trop à l’usage du despotisme, pour qu’un prince sage en use sans rougir. Point de doute que le Roi ne puisse en user dans l’intérieur de sa cour, pour éloigner ceux dont les services ne lui seraient plus agréables, ou qui pourraient y être dangereux. Ainsi, il faut en restreindre l’usage au seul cas où il semble qu’elles sont utiles, en prenant les précautions nécessaires pour en assurer la justice; mais, les proscrire pour tout autre cas. 11 paraît qu’il est juste de les borner à s’assurer d’un coupable, afin qu’il soit jugé, ou par un tribunal public, ou par un tribunal domestique, et à prêter la force de coaction à ce dernier à qui elle n’appartient pas. Il est raisonnable qu’une famille ait un moyen légitime d’éviter le déshonneur dont elle est menacée, et qu’elle puisse réprimer celui qui l’expose à l’encourir. Le Roi, ne devant pas pénétrer dans l’intérieur des familles, ni exiger que des parents soient dénonciateurs de celui dont ils connaissent les déportements, il convient au. maintien du bon ordre qu’il y ait une justice domestique pour réprimer les désordres domestiques; et si cette justice doit exister, le Roi lui doit sa protection comme à toute autre. Par conséquent, il lui doit le secours de son autorité coactive. Gela posé, une famille doit être autorisée à s’assembler pour délibérer sur le sort d’un sujet qui court à sa perte; et sur sa délibération motivée, lre Série, T. IV. contenant nomination de trois avocats, avec pouvoir de juger, comme arbitres, de sa part. Une lettre de cachet peut être décernée pour s’assurer du coupable, afin qu’il soit jugé domestiquement par lesdits arbitres, conjointement avec deux autres arbitres qu’il aura lui-même la faculté de nommer. Alors, il faut lui donner copie de la délibération, de. famille, autorisée par l’ordre du Roi, avec injonction de déduire ses moyens de justification dans un délai marqué, etde nommer, de sa part, deux arbitres; sinon déchu. En déduisant ses moyens par écrit, il doit avoir la liberté de demander une seconde assemblée de famille dans un pareil délai, et d’indiquer ceux des parents qu’il croit devoir y assister pour sa défense, s’il y en avait quelques-uns qui n’eussent pas été appelés à la première. Enfin, sur la délibération nouvelle de la famille pareillement motivée, cinq arbitres nommés de part et d’autre, ou les trois nommés par la famille, si l’accusé n’en a point nommé dans le délai marqué, prononceront pour et au nom de la famille. Leur jugement étant prononcé, ex œguo et bono , et sans forme de procédure, le Roi peut ordonner qu’il sera exécuté, et décerner une lettre de cachet pour lui prêter l’autorité de coaction. Dans ce cas, la famille doit être à couvert de tout déshonneur; et lorsqu’elle aura ainsi prévenu toute plainte, en faisant les restitutions convenables, ou dédommageant les parties intéressées, la justice ordinaire ne doit plus s’en mêler, à moins que la famille elle-même ne se soit rendue coupable de malversation en ses fonctions. Mais, au contraire, quand la justice ordinaire a prévenu la famille, comme alors elle doit se reprocher sa négligence, il n’est pas juste qu’elle soit écoutée pour empêcher le jugement ou son exécution, ni même qu’elle puisse obtenir aucune sorte de grâce, à moins toutefois que le cas ne soit véritablement graciable. On pourrait aussi accorder une lettre de cachet dans la même forme, pour permettre de faire enfermer un coupable contre lequel on n’aurait pas acquis une conviction juridique, si l’ensemble de sa conduite fait craindre à sa famille qu’il ne parvienne enfin à la déshonorer. Voilà pour ce qui concerne le tribunal domestique; et un tel moyen de purger la société n’est pas à négliger. S’il s’agissait d’un crime d’Etat, la lettre de cachet devrait être pour s’assurer de la personne du prévenu, afin qu’il fût tenu de se justifier en l’assemblée des Etats généraux. Quant à la justice réglée, l’usage des lettres de cachet ne doit avoir lieu que pour mettre en ses mains un accusé qui pourrait lui échapper, si l’on ne s’assurait pas de sa personne. Mais alors, la lettre de cachet doit être réputée n’avoir de valeur ni de durée, que jusqu’après l’interrogatoire de l’accusé; et le juge doit demeurer libre de l’élargir sans autre révocation de la lettre de cachet, lorsqu’il n’y a pas lieu à l’accusation, ou que le jugement est rendu en faveur de l’accusé. Art. 37. La Bastille et son gouvernement seront supprimés. La vente des matériaux et du terrain sera employée à la translation de collèges au nord de Paris. Cinq collèges seront transférés de la sorte, savoir : celui de la Marche, celui de Lisieux, celui des Grassins, celui de Montaigu et celui de Beauvais. Les vingt-huit collèges, réunis dans celui de Louis-le-Grand , seront distribués dans lesdits cinq collèges à transférer; et ledit collège de Louis-le-Gi'and sera supprimé. 22 338 [États gên. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] Le college de la Marche et de Winville sera transféré le premier, et placé dans le couvent des Minimes de la place Royale, suivant le plan qui en a été dressé par le sieur de Saint-Far, architecte des hôpitaux. Lesdits Minimes de la place Royale seront réunis à ceux du bois de Vincennes ; et il leur sera donné, dans ledit bois, une étendue de terrain à l’estimation, jusqu’à concurrence de la valeur de leur dite maison de la place Royale; à la charge néanmoins de la réversion, en cas d’extinction de leur monastère dudit bois de Vincennes. Art. 38. Le bureau destiné à l’ouverture des lettres confiées à la poste sera supprimé : le secret de la poste étant, tout à la fois, de droit naturel et de droit des gens. S’il arrivait qu’une puissance étrangère se plaignît de sa violation, les coupables lui seront livrés, pour en faire telle justice qu’elle jugera convenable; et si la plainte est rendue par un particulier, citoyen français ou autre, les coupables seront bannis à perpétuité du royaume; dans l’un ou l’autre cas, leurs biens seront confisqués. TITRE II. Troupes militaires. Art. 1er. Afin d’épargner les dépenses énormes que les mouvements des troupes occasionnent inutilement, elles seront dorénavant provinciales. Chaque province sera tenue de les recruter à proportion de sa population, sur le montant des impositions publiques. Elles prêteront serment au Roi et à la patrie, et notamment de ne faire aucun usage de leurs armes contre la nation, ni pour répandre le sang du citoyen. Art. 2. Elles feront les travaux des grandes routes, et seront journellement occupées au travail, hormis les jours d’exercice militaire, une fois par semaine et le dimanche. Les jours de travaux leur seront payés par forme de haute paye, suivant le règlement qui en sera dressé. Art. 3. Le nombre desdites troupes sera diminué de moitié ; et jusqu’à ce .qu’elles soient réduites de la sorte, elles ne seront point recrutées; après quoi, elles le seront par les milices provinciales. Il sera accordé un congé absolu à tout soldat qui le demandera, en justifiant qu’il aura un domicile fixe et les moyens de vivre par-son travail, ou autrement : ce qui aura lieu actuellement jusqu’à ladite réduction à moitié. Art. 4. Les régiments étrangers ne seront point recrutés ; et ils seront réunis au fur et à mesure de leur diminution, ou incorporés dans les régiments français. Art. 5. En temps de paix, il n’y aura dorénavant aucunes troupes étrangères dans le royaume; et le régiment des Suisses sera licencié. TITRE III. Dette publique et finance. Art. 1er. Qu’il sera donné une connaissance exacte de la dette publique. Qu’elle sera scrupuleusement examinée pour connaître la sincérité et la bonne foi de toutes ses parties. Qu’après cet examen, ce qui se trouvera sincère et de bonne foi sera consolidé au nom de la nation, sans tirer à conséquence pour l’avenir; mais qu’en cas d’intérêts usuraires, ces intérêts seront réduits au taux légitime ; et l’excédant qui a été payé sera imputé sur les capitaux. Art. 2. Gomme les fonds ne rapportent pas même 4 p. 0/0, et qu’il est injuste que l’argent, qui n’en est que le signe, rapporte davantage, l’intérêt du prêt sera réduit, pour l’avenir, à 4 p. 0/0. Art. 3. Les créanciers de l’Etat dont les rentes se trouvent réduites au-dessous de 4 p. 0/0 pour leur capital seront exempts, à cet égard, de toutes impositions royales. Mais, quant aux renies qui excèdent 4 p. 0/0, il leur sera fait retenue de l’excédant à titre d’imposition pour les nécessités publiques. Art. 4. A l’égard des rentes viagères, il sera, au même titre, fait retenue d’un dixième seulement sur celles qui n’excéderont pas 8 p. 0/0, d’un huitième pour celles au-dessus, mais qui n’excéderont pas 10 p. 0/0, et d’un cinquième pour celles qui excéderont 10 p. 0/0. _ Art. 5. Que les deniers libres par des extinctions de renies viagères, ou amortissements de rentes perpétuelles, seront exactement employés à l’amortissement successif d’autres rentes perpétuelles, sans pouvoir être détournés à aucun autre usage. Art. 6. Pour toutes mutations, autres que par droits successifs en directe ou collatérale, il sera déduit un quint du capital des rentes perpétuelles sur l’Etat ; lequel quint tiendra lieu de toute retenue pour ce qui sera échu de l’année courante jusqu’au jour de l’acquisition, au moyen de quoi ladite rente sera acquittée jusqu’audit jour ; et il sera passé un nouveau contrat au nouveau propriétaire du montant des quatre quints restant, dont la rente courra, à l’avenir, à compter dudit jour, à raison de 4 p. 0/0, exempte de retenue. Art. 7. Quant aux rentes viagères, qui seront aliénées, il sera, pour ladite aliénation, déduit une année d’icelles, y compris l’imposition de ladite année. Art. 8. La dette du Roi étant consolidée au nom de l’Etat sous les conditions ci-dessus, il sera fait répartition à chaque province du montant qu’elle devra prendre dans sa caisse provinciale pour le faire parvenir directement aux payeurs, soit par rescription, soit autrement; de manière que le transport n’entraîne aucuns frais, sinon les voitures publiques seront tenues de faire ledit transport gratis ; ce qui se fera à, temps convenable pour que les payements ne puissent être retardés. Art, 9. Le tiers lot des abbayes et prieurés en commende étant destiné aux réparations et aux aumônes, que les titulaires font rarement, ce tiers lot sera mis en mains des provinces, et administré par les Etats provinciaux. Sur le produit des revenus d’icelui, lesdits Etats feront les réparations nécessaires qui en sont la charge ; ce qui restera chaque année desdits revenus sera employé en acquittement de portion de la dette publique. Art. 10. Les revenus des bénéfices, qui retomberont aux économats, seront pareillement administrés par les provinces où ils sont situés, et employés de même. Il ne sera pourvu d’aucun titulaire, ni aux abbayes ni aux prieurés, pendant l’espace de dix ans, afin que leurs revenus, servant à éteindre la portion des dettes de l’Etat, pour accélérer le soulagement des pauvres, ceux-ci se trouvent indemnisés des aumônes qui, depuis longtemps, ne leur ont point été faites. Art. 11. Au moyen de ce que dessus, la dépense qu’occasionnent les économats sera supprimée. Les pensions, dont ils se trouvent chargés, à la déduction d’un cinquième d’imposition royale, seront acquittées par les provinces proportionnellement aux revenus qu’elles auront en administration. Néanmoins, celles accordées à des ecclésiastiques pourvus de bénéfices seront [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. supprimées ; et dorénavant, il ne sera donné aucune pension sur cette partie. Art. 12. Tous les biens provenus ou à provenir d’ordres, couvents ou chapitres, seront administrés de la môme manière, jusqu’à ce qu’il soit possible d’en disposer avec utilité pour le public, soit en les rendant à leur ancienne destination, au cas qu’ils aient autrefois appartenu à des hôpitaux ou à des cures, soit autrement. Art. 13. Ces sortes de biens seront, avant toute autre destination, employés à établir des cures dans les lieux qui en manquent, surtout lorsque ces lieux sont séparés de la paroisse par des rivières, torrents ou ruisseaux sujets à débordements, ou quand le curé est obligé de biner ; c’est-à-dire de célébrer deux fois la messe le même jour. Dans tous les cas, la destination desdits biens ne pourra se faire sans l’avis des Etats de la province où ils seront situés; et le tiers restera toujours entre les mains de la province, pour faire les aumônes dont ils ont été grevés d’origine, ou pour établir des hôpitaux. Art. 14. 11 sera donné un état exact de toutes les pensions, afin de connaître celles qui peuvent souffrir, soit des diminutions, soit la déduction d’un cinquième à titre d’imposition royale, soit la suppression totale. Tous les deniers, fibres par l’extinction desdites pensions, tourneront absolument à la diminution de la taille, jusqu’à ce que les Etats généraux y aient pourvu autrement. Art. 15. Chaque partie de la dépense sera pareillement examinée pour savoir si elle peut être modérée ou différée à un autre temps, afin de parvenir à la fixité que Sa Majesté désire. Art. 16. L’entretien des grands chemins, qui ont été faits pour l’utilité ou l’agrément de quelques particuliers, cessera d’être au compte de l’Etat ; et l’on vérifiera si l’entretien de leurs emplacements ont été payés ou non aux propriétaires. Art. 17. Les chemins de chasse, qui se trouveront n’être pas . d’une nécessité indispensable dans les plaines, seront rendus à la culture ; et si les propriétaires ont reçu la valeur de leurs terrains, ils seront vendus au profit du Roi, à la diligence des Etats provinciaux, sinon ils seront rendus auxdits propriétaires. Art. 18. Les grandes routes ne seront plantées d’arbres que dans les provinces qui éprouvent la rareté du bois, ou aux approches de la capitale, à la distance de 30 lieues. Passé celle de 15 lieues, les arbres ne seront replantés que dans le fond des fossés collatéraux des grandes routes, afin de faire cesser ou au moins de diminuer le dommage qu’ils causent à l’agriculture. Art. 19. Le produit du bail des postes et messageries sera spécialement affecté à l’entretien des grandes routes, afin que la charge n’en tombe pas inégalement sur les provinces. Mais tout ce qui concernera lesdites routes sera sous l’inspection des Etats provinciaux. Art. 20. Un moyen d’économie bien plausible, c’est la réunion de toutes les saintes chapelles pour faire le service de la chapelle du Roi. Les obstacles que l’on opposerait à cette réunion utile ne pourraient jamais être que spécieux. Mais il faudrait que le mobilier de ces saintes chapelles fût vendu par les provinces, et que le prix en provenant fût appliqué à l’extinction de partie de la dette publique, ou à établir des hôpitaux qui soulageraient ceux trop nombreux de la capitale, ou enfin à transférer des collèges au nord de Paris. Art. 21. Le Roi pourrait encore trouver une ressource dans la revente des domaines aliénés, s’il [Paris hors les murs.] 339 n’était pas trop à craindre de causer trop de recherches. Au moins, Sa Majesté, en confirmant ces aliénations, du consentement des Etats généraux , aurait-elle le droit de l’extinction de toute banalité, servitude personnelle quelconque, et droits de péage de quelque espèce qu’ils soient. Art. 22. La vente des anciennes maisons royales et des terrains qui en dépendent, fournirait une autre ressource, tandis que la suppression de ces maisons ferait une économie considérable. On peut y ajouter la vente aux communes des terrains qui leur seraient nécessaires pour leurs pâturages ou leur approvisionnement de bois. Les primes des loteries royales, ajoutées à l’intérêt, seront déclarées usuraires, ainsi que les lots résultant des tirages ; et toutes dites loteries seront supprimées. Art. 23. L’Académie française n’est pas d’une utilité qui réponde à la dépense qu’elle occasionne. Sa suppression serait une économie sans inconvénient. Il en est .de même de la louve-terie. Art. 24. Lorsqu’on aura fait usage de toutes les ressources d’économie, on constatera s’il reste encore un déficit ; et les Etats généraux aviseront aux moyens d’y pourvoir de telle manière que tous les ordres y contribuent en commun. L’impôt territorial ne paraîtra pas le meilleur, si l’on considère que, frappant directement sur l’agriculture, il ruinerait ce nerf principal de tout Etat, et, par conséquent, en ferait languir tout le corps. 11 vaudrait mieux augmenter l’impôt sur le café, sur les vins et liqueurs étrangers, et sur tout ce qui est de luxe, comme le rouge et le blanc pour le visage, la poudre pour la chasse, et pour l’artifice, etc. Art. 25. S’il paraît juste que la nation se charge de la dette publique, comme cette dette a été contractée par des rois qui ont négligé de consulter les Etats généraux, et qu’en outre l’on comble le défi-cit,il serait juste que le trône fit de sa part un sacrifice propre à rendre le peuple capable de si grands efforts : ce serait d’abandonner aux provinces tous ses droits féodaux et censuels eu autorisant de les éteindre, savoir : les derniers, purement et simplement, et les premiers moyennant la remise équivalente, que les seigneurs inférieurs feraient au peuple : remise, néanmoins, qui ne commencerait d’avoir son exécution qu’après l’expiration des baux actuels du domaine. Par ce moyen, on parviendrait à établir le commerce des fonds que mille entraves tiennent dans l’inertie. Le Roi y gagnerait par le contrôle ou centième denier, et par le haussement des fonds qu’il conserverait dans son domaine, plus que des droits éventuels et minutieux ne peuvent lui produire de net. Alors, le franc-alleu serait le droit commun de la France, sauf les titres particuliers des seigneurs. On pourrait, en même temps, établir le retrait de libération publique en faveur des communes, qui, en cas de vente de la seigneurie du lieu, pourraient offrir, dans l’année, de rembourser l’acquéreur. Alors, en y ajoutant la capacité de posséder cette seigneurie, elles en éteindraient le droit onéreux, et revendraient les domaines en détail. Le Roi y gagnerait encore beaucoup par le contrôle et centième denier. L’agriculture se perfectionnerait, et le peuple serait bien plus en état de faire face aux charges publiques. Ce retrait serait préférable à tous autres. Art. 26. Il serait aussi convenable que le Roi éteignît, dans ses domaines, toutes banalités de 340 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] fours, de moulins et de pressoirs. Cet hiver a fait connaître les dangers des deux premiers spécialement. Art. 27. Les servitudes de cette espèce dans les terres des seigneurs ne pouvant avoir eu d’autre cause que la construction des fours, moulins et pressoirs, il n’y aurait point d’injustice de les déclarer rachetables, en payant lesdits fours, moulins et pressoirs, suivant l’estimation d’experts. Art. 28. Quant aux servitudes personnelles de mainmorte, forféance, formariage et autres semblables, qui dérogent à la franchise des personnes, comme elles sont opposées au droit du royaume, il serait juste de les éteindre absolument en les compensant préférablement à toutes autres, et jusqu’à due concurrence, avec la remise des droits féodaux mentionnés en l’article 25 ci-devant. On pourrait en faire autant pour l’extinction des droits de péage. Art. 29. Le clergé, pour acquitter ses dettes, sera libre d’aliéner tous ses droits seigneuriaux et de censive ; et il n’aliénera pas d’autres fonds, si ce n’est subsidiairement. Semblable aliénation sera permise à tous gens de mainmorte. Toutes charges seigneuriales et censives dues aux ordres, monastères, chapitres ou bénéfices dont la suppression aura lieu, seront réputées éteintes de plein droit ; et les biens, qui en étaient grevés, seront à l’avenir franc-alleu. La même extinction aura lieu à l’égard de tous les biens provenus de pareille suppression depuis quarante ans, lorsqu’ils se trouveront avoir ôté réunis à quelques autres ordres, corps ou bénéfices ecclésiastiques, par autre voie que par celle de l’acquisition ou échange. En cas de confiscation ou de déshérence, toutes charges semblables, dues aux possesseurs des biens confisqués ou deshérés, seront éteintes de plein droit en faveur du public. Le Roi ou les seigneurs qui profiteront du surplus de ladite confiscation ou déshérence seront tenus, dans l’année, de mettre hors de leurs mains en franc-alleu. Semblable extinction aura lieu clans tous les cas ci-dessus, pour toutes sortes de banalités et de servitudes, soit personnelles, soit réelles. A l’égard du droit de dîmes, dans tous les cas ci-dessus prévus, il sera réuni, de plein droit, à la cure du lieu. Celui de patronage de la cure, dans les mêmes cas, sera, de plein droit, transporté à la commune du lieu, qui en jouira alors inaliénablement et imprescriptiblement. Art. 30. Lorsqu’un seigneur aura éteint gratuitement les droits seigneuriaux et censuels, et toutes les servitudes réelles et personnelles de sa terre, cette terre sera qualifiée de seigneurie noble au moyen de ladite extinction ; si le seigneur n’est pas noble, il acquerra la noblesse transmissible. S’il est déjà noble, sa terre acquerra un degré de dignité, en sorte que, de plein droit, la simple seigneurie deviendra baronnie, la baronnie deviendra comté, le comté deviendra marquisat, et le marquisat deviendra duché. TITRE IV. Administration de la justice. Art. 1er. Les frais de la justice seraieut moins considérables pour le Roi, si, dans les affaires criminelles, suivies à la requête de la partie publique, et qui tombent toujours au compte du Roi, on n’usait point de papier marqué, et ce, à compter de l’expiration du bail actuel de la ferme. Art. 2. Un principal abus à réformer est celui qui concerne les audiences. Celle de la grand’¬ chambre du parlement est si chargée, qu’à l’exception de quelques causes remarquables, ou dont les parties ont du crédit, le plus grand nombre des autres ne peut jouir du bénéfice de l’audience. Le peuple surtout en est privé, ou il n'est placé qu’à des audiences dans lesquelles M. l’avocat général porte seul la parole. Par ce moyen, le peuple ne peut éviter d’être à la merci d’un secrétaire qui fait de ses fonctions un métier plus ou moins lucratif, suivant qu’il est plus ou moins honnête homme. Etant très-certain qu’il ne doit pas être permis de priver personne du droit naturel d’être entendu pour être jugé, il est de la justice la plus stricte de suppléer à l’insuffisance des audiences de grand’chambre. Les enquêtes en avaient généreusement offert le moyen ; et voici ce que les Etats généraux pourraient estimer raisonnable. Au lieu des listes et des rôles particuliers à la grand’chambre, ils seront formés de toutes les causes à plaider dans toutes les chambres, savoir ; la première en la grand’chambre ; la seconde, en la première des enquêtes ; la troisième, en la seconde chambre desdites enquêtes ; et la quatrième, en la troisième chambre ; ainsi de suite, jusqu’à ce que les rôles et les listes soient vidés, sans qu’aucune cause puisse être appointée, si ce n’est[par jugement et par plaidoirie des parties. Lorsqu’une cause sera appointée à l’audience d’une chambre , le jugement sera dévolu à la suivante, et de la dernière des enquêtes à la grand’chambre. Les nouvelles causes seront seulement ajoutées aux rôles, ou placées sur les listes, à mesure qu’elles se présenteront pour être jugées dans le même ordre. Les listes ne seront destinées qu’aux causes qui, par leur nature, requerront célérité et pour lesquelles il y aura, en chaque chambre, un jour destiné chaque semaine. Il y en aura deux autres destinées, dans chaque chambre, pour les causes dans lesquelles les gens du Roi doivent porter la parole; en sorte que la grand’chambre et la première dès enquêtes tiendront le même jour, et que la seconde et la troisième tiendront le lendemain de chacun desdits jours. Deux autres jours seront destinés aux causes où les parties seules plaideront. Et le samedi sera destiné aux causes pour lesquelles il y aura jour indiqué par arrêt dans chaque chambre, ou qui y seront affichées par le président. Chaque chambre tiendra audience de relevée une fois la semaine, à jours différents. Art. 3. Les Etats généraux croiront sans doute important de faire examiner quels pourraient être les moyens de remédier à l’abus des secrétaires, et d’établir une règle fixe par rapport aux épices. Art. 4. Il ne sera pas moins important de modérer les frais de procureurs et greffiers ; pour cela, de nommer des commissaires qui conféreront avec gens au fait de cette matière compliquée. Dès à présent, on peut supprimer les droits de conseil et de révision des procureurs. On peut, de même, dès à présent, remédier aux opérations ruineuses des jugements d’ordre et des directions en supprimant l’hypothèque générale, pour ne laisser subsister que l’hypothèque spéciale et privilégiée; en outre, en ordonnant que l’hypothèque spéciale ne sera acquise que par l’enregistrement du titre au greffe de la justice [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] 341 du lieu où les immeubles hypothéqués seront situés. En conséquence, les bureaux de la conservation des hypothèques, ceux des saisies réelles et ceux des consignations, seront supprimés ; et les droits de consignation aux greffes des lieux seront modérés. Art. 5. Il ne sera point permis d’interjeter appel d’aucunes sentences par défaut, mais seulement des sentences contradictoires. La prévention n’aura jamais lieu en matière civile ; et toute partie, requérant son renvoi devant le premier juge, y sera renvoyée sur sa simple réquisition juridique, ou sur celle du ministère public , à peine de nullité de jugement. Il ne sera point permis d’évoquer, sous quelque prétexte que ce puisse être. Mais en cas de litispendance devant le juge supérieur sur le même fait, et entre les mômes parties individuellement, lésdites parties, ou l’une d’elles, pourront demander d’être délaissées au juge supérieur qui serait saisi : ce que le premier juge sera tenu de faire, la litispendance lui étant prouvée, à moins qu’il ne soit en état de juger sur-le-champ, et à la même audience, sauf l’appel. Art. 6. En matière criminelle, l’on distinguera les cas graciables de plein droit, de ceux qui seront réservés au Roi. Le premier cas graciable de plein droit sera . celui de la légitime défense; et le second, l’accident, sans volonté ni dessein préalable. Dans ces deux cas, il ne serai pas besoin de lettres de grâce ; mais il sera permis au juge de prononcer que l’accusé était dans l’un de ces deux cas ; en conséquence, de le décharger de l’accusation. Dans les autres cas, qui pourraient paraître graciables, le juge prononcera suivant la loi, mais en déclarant que, néanmoins, le cas lui paraît graciable ; il réservera au condamné de se pourvoir aux grâces du Roi. Alors, l’appel ne sera Joint de droit; et si, aucune des parties n’appe-ant, le Roi accorde grâce, il suffira que ses lettres soient entérinées parle juge qui a prononcé ce premier jugement, pourvu que l’entérinement ait été demandé avant tout appel signifié. Art. 7. Celui qui se trouvera dans l’un desdits deux cas graciables, et de plein droit, pourra s’adresser au juge, avant toute accusation , et offrir de faire preuve de son allégation vis-à-vis de la partie publique. Sa preuve faite, il sera jugé comme il est dit en l’article précédent ; et il ne pourra plus être poursuivi que relativement aux dommages et intérêts dont il pourrait être tenu. Art. 8. Afin d’obvier aux frais de justice dans les campagnes, sans préjudicier aux droits des seigneuries, il pourrait paraître convenable de former des arrondissements de douze bailliages, dont on placerait le siège commun au centre. Chaque seigneur continuerait de nommer un bailli, et, en outre, un lieutenant. L’auditoire et les prisons seraient à frais communs. Les douze baillis et les douze lieutenants seraient assesseurs les uns des autres. Les baillis auraient la présidence à tour de rôle. Ils se partageraient en quatre colonnes de trois baillis chacune. Mais en cas d’empêchement, chacun d’eux pourrrait se faire substituer par un lieutenant ; et étant trois sur le siège, ils jugeraient tous les quinze jours les causes des douze bailliages. Ils seraient autorisés à juger sans appel les causes civiles dont l’objet serait au-dessous de 60 livres. L’appel de leurs jugements, en matière civile, se porterait aux grands jours de tous les baillis, qui se tiendraient de trois mois en trois mois, et où ils siégeraient au nombre de neuf avec trois lieutenants ; la pluralité de sept voix suffirait pour le jugement. En cas de partage, on appellerait au siège trois autres lieutenants qui départageraient. Les bailliages seraient appelés à tour de rôle. Les baillis, dont on jugerait les appels, ne pourraient être sur le siège. Mais ils exposeraient les motifs de leurs jugements, sans, pour cela, en être responsables. En cas d’empêchement légitime, ils pourraient faire exposer leurs motifs par leurs lieutenants. Les appels de ce bailliage finis, les baillis qui auraient jugé remonteraient au siège, ainsi des autres. Ces grands jours bailliagers seraient autorisés à juger sans appel des causes civiles dont l’objet serait au-dessous de 600 livres, ou , lorsqu'il s’agirait de questions qui exigent soit l’inspection, soit la connaissance des lieux, notamment en fait de bornages et limites, transactions sur ces objets, exécution de partage d’immeubles, anticipations , dégradations , mésus et dégâts champêtres , police rurare, servitude réelle quelconque et prescriptions. De plus, quand deux jugements seraient conformes, il ne pourrait y avoir lieu à l’appel, sinon pour contravention expresse à la loi. Et, dans tous les cas, l’appel ne pourrait être porté qu’au juge royal ayant le ressort sur tous lesdits bailliages. Toutes les fois, pareillement, que le juge royal d’appel confirmerait une sentence antérieure, il ne serait plus permis d’en appeler, sinon pour contravention expresse à la loi. Art. 9. Les affaires civiles seraient jugées. Mais les affaires criminelles seraient instruites par le bailli du délit, et jugées par lui avec les trois baillis en tour de tenir le siège de première instance. L’appel se porterait directement au parlement, lors seulement que la procédure aurait été réglée à l’extraordinaire. Art. 10. 11 est utile de supprimer les offices d’huissiers-priseurs. Il serait encore utile que l’on ne pût grever de substitutions que les personnes nées, si ce n’est par rapport aux seigneuries. Art. 11. 11 est utile aussi de supprimer le privilège des notaires de Paris, d’Orléans et de Montpellier, pour aller faire les inventaires dans toute l’étendue du royaume, parce qu’il n’en peut résulter que des frais' plus grands. Le juge du lieu doit être seul autorisé à faire l’inventaire, lorsqu’il y a des mineurs ou des absents ; de même que celui desdits absents, surtout lorsque de présomptifs héritiers se font envoyer en possession des biens. Il convient encore plus qu’il fasse seul l’inventaire du curé du lieu, du notaire, du greffier, du procurai fiscal et du lieutenant de sa justice, même celui du seigneur et du receveur des amendes. Art. 12. Il est important que la partie publique soit chargée de veiller aux intérêts des absents et des mineurs; en sorte que les uns ne restent point sans tuteur, et les autres sans curateur, donnés par la justice. Art. 13. Enfin, pour obvier aux procès fréquents, que l’on voit naître sur l’état des personnes, ou sur leurs succession et généalogie, il est à propos d’établir un règlement plus efficace que la tenue des registres de paroisse. On peut ordonner que la naissance et le décès de tout citoyen seront constatés par des procès-verbaux qui seront dressés par l’officier public des lieux, ou, à son défaut, par le syndic assisté des deux voisins plus prochains. Que, dans le procès-verbal, on signalera la mère de l’enfant, si elle est inconnue ; et 342 [États gén. 1789. Cahiers.] l’on dénommera les père et mère du défunt. Si les uns et les autres sont inconnus, on l’exprimera. Ce procès-verbal accompagnera l’enfant à baptiser , ou le corps du défunt , lorsqu’ils seront présentés à l’église ; et le curé en fera mention dans l’acte de baptême ou de sépulture, dont il donnera l’extrait au bas dudit procès-verbal. Quant aux mariages, il suffira d’en faire enregistrer l’acte dans huitaine, au greffe du lieu où l’on voudra établir son domicile. Mais le procès-verbal de naissance ou de mort sera déposé au greffe du lieu , pour y servir de minute. titre v. Commerce et agriculture. Art. 1er. Il serait utile, pour le commerce, d’éteindre tous les droits de péage. On a indiqué, article 21 et 28 du titre troisième, un moyen d’y parvenir. Art. 2. Le reculement des barrières du royaume serait une autre facilité pour le commerce, en supprimant tous les droits d’entrée et de sortie, afin qu’il n’y eût rien à payer dans tout le royaume, que" les droits d’entrée de la capitale. Art. 3. Le nourri du bétail souffre infiniment des aliénations et usurpations des communes et des partages que l’on en a faits. Il serait à propos de faire restituer ces communes, ou de n’y confirmer les possesseurs que moyennant une finance, et ceux quisout seigneurs des lieux, moyennant une remise équivalente de droits seigneuriaux, qui puisse dédommager le peuple de la perte de ses pâturages ordinaires. Toute plantation sur voirie doit appartenir au public, et son produit être destiné à l’entretien des chemins le long desquels elle règne. Art. 4. La vaine pâture est un droit imprescrip-tiblement attaché au territoire paroissial. Il y est porté préjudice de plusieurs manières. Les uns se sont permis d’enclore des campagnes presque entières, pour former des parcs de somptuosité ; les autres ont fait des clos dans la plaine; et en général, on empêche la vaine pâture dans les bois, quoique ce droit soit antérieur à toute propriété. Secondement, que l’on ne pût enclore autre chose que les attenances des habitations, et que les parcs ne pussent excéder la quantité de 60 arpents, sans payer une imposition qui pût dédommager le peuple pour l’excédant. Il serait juste, en troisième lieu, que toutes clôtures dans la plaine fussent supprimées, à moins que l’usage général du lieu ne l’autorisât. Enfin, il serait juste que la vaine pâture dans les bois, même domaniaux, fût libre pour le peuple de la paroisse, quand les bois seraient déclarés défensables ; sans quoi, c’est en pure perte que le public est privé de la vaine pâture. Art. 5. La multitude du gibier nuit encore à l’agriculture. Le lapin, surtout, est dévastateur, ainsi que le faisan ; et l’inexécution des lois respectivement aux pigeons cause un dommage énorme aux cultivateurs. Il serait juste de forcer les propriétaires de colombiers, d’enfermer leurs pigeons, et de les nourrir pendant les semailles et les moissons. Pour assurer l’exécution de cette règle, il n’y a point de meilleur moyen que de permettre à chacun, dans son champ, de tuer les pigeons qui y font dégât pendant les semailles ou les moissons seulement, avec faculté de se les approprier comme indemnité du dommage. Alors, on apra soin d’enfermer ses animaux, tandis qu’ils risç�ue-[Paris hors les murs.) ront d’être tués; et il n’y aura aucun dégât de leur part. Quant aux lapins, il est juste qu’ils soient détruits, et que chacun puisse les prendre ou les tuer dans son propre héritage, sans que cette prise puisse être réputée pour fait de chasse ; sauf néanmoins les droits des seigneurs qui ont titre de garenne, pourvu que leur garenne soit environnée, de chaque côté, de soixante arpents à eux appartenant. Il est encore juste que les seigneurs puissent être actionnés pour le dégât occasionné par leur gibier, et surtout par les faisans. Les chasses, enfin, ne doivent être permises que dans les champs absolument dépouillés ; et la liberté entière de récolter ne doit pas être gênée pour la conservation des nids de perdrix. Les Etats généraux croiront donc important que l’ordonnance des chasses soit corrigée et ramenée au point de justice qu’elle doit avoir, en supprimant les capitaineries. Art. 6. Le commerce de blé mérite surtout une attention particulière ; et cet hiver a fait sentir que l’exportation indéfinie pouvait exposer à une famine et à de grands désordres.. Le seul moyen d’empêcher que l’exportation ne soit nuisible, c’est de la prohiber absolument depuis le 1er août jusqu’au 31 mai de chaque année, et de ne la permettre que pendant les mois de juin et juillet. Alors, on voit la préparation de la moisson, et l’on ne vend qu’un superflu sans danger. Si, auparavant, on éprouvait une disette, on serait en état de forcer les marchands qui auraient acheté des blés de les conduire au marché des villes et bourgs, à peine d’interdiction de commerce et de confiscation des marchandises au profit des pauvres. Ensuite, on obligerait, à leur tour, les fermiers de conduire auxdits marchés ce qu’ils auraient au delà de leurs besoins. Art. 7. Il est nécessaire de prendre des mesures afin de réprimer les accaparements, soit par rapport au blc, soit par rapport au bois, ou autres marchandises de nécessité première. Il ne l’est pas moins de défendre aux meuniers tout commerce de blés et de farines, afin d’ôter l’occasion d’altérer ces denrées, ou de couvrir, par leur commerce, des rapines sur le public. Art. 8. L’introduction d’une mauvaise monnaie de l’évêque de Bâle, et des pays d’Allemagne, exige, pour la sûreté du commerce, que l’on fabrique des pièces de 6 sous à six pans et de 12 sous à huit pans. Art. 9. La caisse de Poissy et la régie des cuirs doivent être supprimées, de même que la Compagnie des Indes, comme nuisibles au public. Art. 10. Le mont-de-piété doit être supprimé, comme usuraire, et facilitant les vols. Art. 11. Tous corps de maîtrises sont également nuisibles au public ; et comme tels, doivent être supprimés , excepté la librairie, l’orfèvrerie, l’apothicairerie et ja-- chirurgie, sans qu’il puisse en être établi aucun autre. TITRE VI ET DERNIER. Objets particuliers. Art. 1er. Les lettres d’émancipation de mineurs, ayant l’âge de puberté, paraissent inutiles. Une sentence du juge, sur avis de. parents ou amis, suffirait, et n’aurait aucun inconvénient. Au moins, le tarif devrait-il être réformé et modéré, puisqu’il ruine des mineurs pauvres. Art. 2. Le centième denier ne devrait avoir ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 343 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les mars.] lieu, ni en partage de pères de famille, ni en démission de biens en faveur de leurs enfants, ni en fait de transactions et échanges. 11 est de l’honneur du gouvernement de le supprimer en succession collatérale. Cet impôt, imaginé par Domitien, fut proscrit par Nerva et par Trajan, comme indigne de subsister sous un bon prince. La manière dont Pline le jeune en a parlé aurait du l’ensevelir pour jamais dans l’oubli. Art. 3. Le contrôle devrait être très-modique en fait de transactions qui tendent à pacifier les parties. Art. 4. Il devrait également être très-modique en matière d’échange, et n’être perçu plus fort que suivant le montant de la soulte, ainsi que le centième denier. Art. 5. Egalement, en matière d’échange, les lods et ventes ne devraient être perceptibles qu’en raison de la soulte ; et les gens de mainmorte devraient être capables des échanges faits but à but ou à peu près, pourvu qu’il fût fait une estimation respective par-devant le juge des lieux. Ces sortes d’actes sont précieux à la tranquillité publique. Art. 6. Il se perçoit, au nom du Roi, un droit sur le vin des gens de la campagne, appelé le gros manquant ou le trop bu. • Il est palpable que cette perception est injuste. Les droits dus pour le cas de vente ne peuvent être étendus au cas où l’on n’a pas vendu, mais bu son vin. Nulle loi n’autorise ni de fixer au propriétaire ce qu’il pourra boire, ni supposer une vente de ce qu’il a bu au delà ; lorsque le vin n’est pas de débit, c’est un malheur pour le vigneron. S’il le boit, c’est afin qu’il ne soit pas perdu entièrement. Est-il permis d’aggraver son malheur en y ajoutant encore un impôt ? Il est donc de l’humanité du Roi de faire cesser une perception aussi inconcevable que contraire à ses intentions. Art 7, Il y a lieu de croire que les Etats généraux s’occuperont des milices, à l’occasion desquelles il s’introduit des désordres à réprimer, et qui troublent la tranquillité publique. Art. 8. La suppression de cette, foule de petits spectacles, qui n’ont pour but que de corrompre les mœurs du peuple de Paris, d’où le débordement se répand dans les campagnes, ne sera pas indigne de l’attention de l’assemblée nationale. L’éducation de la jeunesse la mérite encore davantage. Il serait à propos que les Etats généraux nommassent des commissaires pour s’occuper de ce dernier point, et y surveiller intermédiaire-ment en leur nom, de l’agrément du Roi. Fait et rédigé en l’assemblée desdits habitants de la paroisse et bailliage de Ballainvilliers, composant le tiers-état ou ordre commun de ladite paroisse et baronnie, le mardi 15 avril 1789, ainsi qu’il est porté au procès-verbal de ce jour, contenant nomination de députés pour porter le présent cahier : lequel, à cet effet, a été signé par ceux desdits habitants qui savent signer, et par nous, Jean-Joseph Morizot, ancien avocat au parlement, bailli dudit bailliage, prié et requis de présider ladite assemblée, assisté de maître Marie-Michel Meteyer, commis-greffier, ainsi qu’il est porté audit procès-verbal, lequel commis greffier a pareillement signé avec nous, après que, de notre main, le présent cahier a été coté par première et dernière pages, et paraphé au bas d’icelles ne varietur , observant que Vincent Robin et Louis Redon sont. d’avis que l’exportation ne soit pas permise. Signé Jacques Ledoux, marchand; Bellière; Jean-François Perrot ; Joseph Papin ; Roullon ; Michel Danest, syndic; André Perrot; Guillaume Baillion; Louis Redon ; H. Gossonnet; Antoine Nion; Etienne-Gilles Gillet; Antoine Robin; Jean-Louis Ghaimbault; Nicolas Lambert; Jacques Rous'seau; Vincent Robin; Morizot, et Meteyer. CAHIER Des doléances, plaintes et remontrances par les habitants de la paroisse de Bazemont (1). L’an 1789, le mercredi 14 avril de relevée, après l’assemblée convoquée au son de la cloche, en la manière accoutumée, nous, habitants de la paroisse de Bazemont, dépendante du Châtelet de Paris, tous nés Français, compris au rôle des impositions de ladite paroisse, étant tous assemblés dans la chambre à ce destinée, pour obéir aux ordres de Sa Majesté, portés en ses lettres données à Versailles, le 24 janvier dernier, pour la convocation et tenue des Etats généraux du royaume, et satisfaire aux dispositions du règlement y annexé, ainsi qu’à l’ordonnance de M. le lieutenant civil au Châtelet de Paris, dont du tout nous avons une pleine et entière connaissance par les lecture et publication qui en ont été faites, le 12 du présent mois, tant au prône de la messe paroissiale, qu’issue de ladite messe, au devant de la principale porte de l’église de Bazemont : ladite assemblée convoquée en exécution desdits ordres, règlement et ordonnance, à l’effet de rédiger le cahier des doléances, plaintes et remontrances de cette paroisse, ainsi que pour délibérer sur le choix des députés que nous sommes tenus de nommer entre nous; nous étant occupés de la rédaction dudit cahier, avons arrêté nos doléances, plaintes et remontrances ainsi qu’il suit : Bien public. Art. 1er. Les habitants de la paroisse de Bazemont, s’en référent à ce qui sera délibéré dans l’assemblée générale du Châtelet, sur ce qui concerne les besoins de l’Etat, la réforme des abus, l’établissement d’un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l’administration, et la prospérité générale du royaume. Les grands objets sont au-dessus de leur intelligence. Intérêts particuliers de la paroisse. Art. 2. Les susdits habitants demandent très-humblement au Roi qu’il plaise à Sa Majesté supprimer la capitainerie de Saint-Germain en Laye, et établir une règle fixe et constante, en vertu de laquelle on puisse obtenir les dédommagements convenables, en cas de délit occasionné par le gibier. Sans doute, que, parmi les personnes dont cette capitainerie blesse les intérêts, il se trouvera des hommes éloquents, qui exposeront avec force le tort de toute espèce que fait le gibier, le lapin surtout, et notamment le lièvre et la perdrix, qui sont plus multipliés qu’on ne saurait dire ; la dureté, et quelquefois l’injustice de ceux qui le conservent; les procédés tyranniques qu’autorisent ceux qui les commandent; le trafic honteux des cantons de chasse, qui en entraîne quelquefois un plus honteux encore, qui est celui de vendre le gibier, source malheureusement trop féconde du gibier le plus destructeur; les sommes considérables que font sortir des paroisses les amendes auxquelles on condamne, (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l'Empire. «