[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 juillet 1790,] vous présenter une courte analyse ont été adoptés | par votre comité dans ses séances des 17 juin j dernier et 1er juillet. L’Assemblée ordonne l’impression et la distribution de ces rapports. ( Voy . ces pièces annexées à la séance de ce jour) . M. d’Ailly. Le comité militaire est tout prêt à vous faire un rapport sur les récompenses à accorder aux militaires qui auront bien mérité de la patrie. Je vous supplie de l'entendre avant de fixer votre opinion sur les rapports déposés par M. Camus. M. Defermon. Le comité de la marine se trouve dans la même situation que le comité militaire et vous demande d’entendre son rapport afin de concerter des dispositions communes avec le comité des pensions. M. Camus, président du comité des pensions. Le comité dont j’ai été l’organe, s’est borné aujourd’hui à des principes généraux. Les comités militaire et de la marine ne pourront donc présenter leur travail d’une façon utile que lors de l'établissement des règles particulières pour les diverses catégories de pensions. M. Félix de Wimpffen, membre de comités des pensions et militaire demande la parole pour un rapport sur les pensions des officiers. M. le Président prend le vœu de l’Assemblée qui décide que le rapport sera entendu. M. de Wimpffen, rapporteur (1). Messieurs, je suis chargé de vous présenter un projet de loi pour régler les récompenses que méritent des citoyens, qui, en se dévouant entièrement à la défense delà patrie, se soumettent aux privations les plus sensibles, s’éloignent des objets les plus chers, se séparent de toutes les douceurs de la vie pour se porter là où l’intérêt de la société les envoie, et qui font profession de braver les périls, la douleur et la mort partout où la chose publique en danger appelle leur courage et leurs talents à son secours; mais je dois vous observer, Messieurs, qu’il résulte des devoirs de cet état, qu’un pensionnaire militaire ne peut être assimilé à aucun autre, qu’autant qu’on lui tiendra compte des misères et des souffrances, compagnes inséparables de la guerre, et des changements continuels de climats et de régime, qui altèrent les tempéraments les plus vigoureux, et attaquent tellement la santé du soldat, qu’il est pour lui des jours qu’on pourrait évaluer à des années d’une vie paisible. Mais avant de vous exposer ce projet de loi, qu’il me soit permis, Messieurs, de déclarer que je pense, avec vous, que l’état de défenseur de la patrie est une trop belle condition, pour ne voir que du métal dans ce que la société doit aux pensionnaires, compris dans la section de travail qui m’est tombée en partage. Je crois que, dans un gouvernement libre, l’estime de la nation est la première, comme la plus flatteuse récompense que recherche quiconque est digne d’y porter le titre de citoyen. Une pension doit, à la vérité, être suffisante pour fournir aux besoins physiques et à l’exis-(1) Le Moniteur ne contient qu’un sommaire du rap' port de M. de Wimpffen. tence politique de celui qui l’a méritée, mais elle ne doit jamais être assez forte pour nourrir le luxe, ce séduisant destructeur des mœurs et des empires. Plus la nature des services rendus à une société est héroïque ou sublime, moins cette société peut les récompenser avec de l’or; car, s’il était même possible que la nation pût payer au militaire le prix des siens, je demande où sont les trésors qui suffiraient pour nous acquitter envers ces génies philosophes, dont les écrits forment le fleuve de lumières par lequel nous sommes arrivés aux jours de la liberté, en franchissant des siècles d’esclavage ! Je ne vous fatiguerai point, Messieurs, de tous les ennuyeux calculs qu’il m’a fallu faire pour découvrir une base d’où je pus pariir. Peut être eût-il été nécessaire de commencer par fixer votre attention sur l’état actuel des pensions militaires, et vous montrer l’état de passage qui doit nous conduire à l’état permanent que nous avons à vous proposer, et qui est l’objet de ce rapport. Mais peut être aussi vous suffira-t-il, en ce moment, d’être prévenus que les sommes qui seront déterminées par le projet de décret que nous avons à vous proposer n!arriveront à leur terme que par les extinctions successives dont il sera parlé, lorsqu’il vous plaira de m’ordonner de vous faire le rapport de l’état actuel et de l’état de passage. Ne devant cependant pas soumettre à vos délibérations un travail en finance, sans vous dire sur quoi il est appuyé, il ne dépend pas de moi de vous épargner entièrement l’ennui attaché à l’exposition des détails d’une matière sèche de sa nature. Je vous dirai donc que les recherches et les observations que j’ai faites, les contrôles et les registres que j’ai compulsés, m’ont appris: 1° Qu’il mourait, année commune, un vingt-troisième des sous-officiers et soldats retirés; et un vingt-six à un vingt-septième des officiers retirés ; 2° Qu’il disparaît, année commune, dessus les contrôles de l’armée, part mort, désertion, ou congés absolus, un douzième des soldats; et dessus le tableau de l’armée, par démission ou par mort, un soixantième des officiers de tous grades qui sont en position de mériter les grâces dont il s’agit. L’amélioration du sort de l’armée y diminuera immanquablement la mutation, que j’estime ne devoir plus monter, quant aux soldats, qu’à un vingtième ; et rester la même, quant aux officiers. Le fonds de l’armée, présumée de cent quarante mille hommes, non compris les officiers, devrait, d’après le calcul de la mutation du vingtième, se trouver renouvelé tous les vingt ans, et il ne devrait jamais s’y rencontrer de soldats à pensionner. Mais mes recherches, d’accord avec l’expérience que j’avais déjà, démontrent que la mutation est forte dans la queue de l’armée, et faible dans la tête, c’est-à-dire qu’elle roule aux cinq septièmes sur les soldats qui n’ont pas plus de vingt ans de service, et qu’elle diminue en proportion de leur ancienneté. De sorte qu’on peut supposer, avec fondement, d’après le principe du compte à tenir des campagnes de guerre, des embarquements et des garnisons hors de l’Europe, que dorénavant il se trouvera toujours, dans l’armée, dix mille hommes [Assemblée nationale.! qui auront depuis trente ans jusqu’à cinquante années de service; trente mille qui en auront depuis seize jusqu’à trente; et cent mille qui en auront seize et au-dessous. Nous sommes également fondés à supposer que sept à huit cents vétérans prendront leur retraite tous les ans, qui, obtenant l’un dans l’autre 300 liv. de pension, nécessitent annuellement une somme disponible de 225,000 livres. La mortalité parmi ces pensionnaires est d’un vingt-deux à un vingt-troisième. Multipliant donc par vingt-trois la somme disponible, nous trouvons qu’il doit être affecté à ces pensions un fonds de 5,175,000 livres. Le nombre des officiers de tous grades, susceptibles de mériter des pensions de retraite, est d’environ neuf mille. La mutation étant chez eux d’un soixantième, et le soixantième de neuf mille étant cent cinquante, il s’efface, année commune, cent cinquante officiers sur le tableau de l’armée; ce qui donne, en trente ans, quatre mille cinq cents officiers qui ont disparu sans retraite. En reste donc quatre mille cinq cents qui prennent leur retraite dans le cours de trente ans. Ce qui donne cent cinquante officiers à pensionner tous les ans. Evaluant les retraites, l’une dans l’autre, à 1,500 liv., il faut que les extinctions nous fournissent tous les ans une somme disponible de 225,000 livres. Or, les extinctions sont, comme nous l’avons dit, d’un vingt-six à un vingt-septième. Multipliant donc 225,000 par vingt - sept, il résulte qu’il doit être affecté aux pensions des officiers de tous grades un fonds de 6,075,000 liv. J’ignore par quel caprice la mort, qui d’ordinaire se rit de nos distinctions politiques, semble cependant s’y être associée pour ménager MM. les officiers généraux, dont la mutation ne passe pas le trente-troisième. Par suite de temps, ce corps, aujourd’hui si nombreux, ne devra plus être composé que d’officiers généraux en activité et d’officiers généraux retirés. Ainsi, après que vous aurez réglé le sort de ceux qui existent actuellement, qui se partagent une somme de 9,771,600 livres 10 sols, et sur laquelle je vous proposerai de faire une économie de six millions, il suffira d’affecter un fonds annuel de 500, 000 liv. aux retraites des officiers généraux, lorsqu’ils se trouveront réduits au nombre nécessaire pour le service de l’armée. Le comité a cru qu’aucune pension de retraite ne devait être accordée qu’après trente-cinq années de services; et que tenant compte des embarquements, des garnisons hors de l’Europe, et des campagnes de guerre, il fallait exiger que des trente-cinq années il y en eût au moins trente d’effectives. De sorte que ce ne serait qu’après trente années de services effectives qu’un militaire serait admis à compter ses embarquements, ses garnisons hors de l’Europe, et ses campagnes de guerre, à raison de six mois en sus pour chaque année d’embarquement ou de garnison hors de l’Europe, et d’une année en sus pour chaque campagne de guerre. Connaissant, Messieurs, vos principes et vos sentiments, le comité a porté une attention particulière sur celui qui est chargé du plus pesant fardeau de la guerre, sur celui que tant de gens élevés en grade, n’ont, jusqu’à ce jour, considéré que sous le rapport de leur ambition person-611 nelle ; sur le soldat enfin, et sur ceux des officiers parvenus par ce grade. C’est du soldat, en un mot, que votre comité s’est le plus essentiellement occupé, c’est pour lui seul qu’il vous propose une exception fondée sur ses besoins, fondée sur la justice, et encore sur votre désir de manifester à l’armée l’estime et la reconnaissance que mérite sa conduite patriotique. Votre comité a jugé qu’à la première époque où un soldat avait mérité de se reposer, il devait jouir de sa solde entière, dont la modicité n’est pas au-dessus des besoins de première nécessité ; et que, si ses facultés et sa volonté le retenaient plus longtemps sous les drapeaux, il fallait ajouter à cette solde la portion de la masse générale affectée à son habillement, et le total des masses de l’hôpital, de bois, lumière et lits militaires. Le total de ces masses, divisé en quinze par lies égales, formeront un supplément, dont il touchera autant de parties qu’il aura servi d’années au delà de trente-cinq. Le comité a modifié ce principe proportionné-ment aux bautes-payes des sous-officiers et caporaux, et aux appointements des sous-lieutenants, lieutenants et capitaines des dernières classes, qui, après trente-cinq ans de services, ne peuvent encore se trouver aussi reculés que parce qu’ils ont débuté par le grade de soldat. Il ajoute, auprès des sous-officiers et caporaux, la moitié de leur haute-paye; l’autre moitié de leur haute-paye est portée aux masses pour former les quinze parties de supplément. A l’égard des sous-lieutenants et lieutenants, il leur laisse la moitié de leurs appointements après trente-cinq années de services, et l’autre moitié est divisée en quinze parties pour le supplément. Quant aux capitaines, il a fixé le maximum, de ce grade à 2,400 livres pour toutes les classes de capitaines, par le motif exposé ci-dessus. Ainsi, tout capitaine qui se retirera après trente-cinq ans de services recevra donc, non pas la moitié de ses appointements, mais seulement les deux cinquièmes; les trois autres cinquièmes, divisés en quinze parties, forment le supplément de ce grade. Cette règle des deux cinquièmes pour principal, et des trois autres cinquièmes en supplément, est commune à tous les grades subséquents. Si l’on demandait maintenant pourquoi le comité militaire a reculé de cinq ans l’époque proposée par le comité des pensions, sur la sévérité duquel il paraissait difficile de renchérir, nous répondrions que c’est parce qu’on tient compte au militaire d'une nature de services qui lui est particulière; que cette faveur compense la sévérité, et que c’est ainsi que combine la justice. Partant des principes qui viennent de vous être exposés, le comité a l’honneur de vous soumettre le projet de décret suivant : PROJET DE DÉCRET. Le juste dédommagement que méritent les citoyens qui ont couru la carrière des armes, ne devant jamais être soumis à une estime arbitraire, et considérant, d’une part, les années qui, en s’accumulant, minent en silence les forces et les facultés de l’homme, et, d’autre part , les misères et les fatigues de la guerre, qui doublent l’action du temps, et voulant compenser les unes par les autres, l’Assemblée nationale décrète ce qui suit : ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (2 juillet 1790.]