588 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [l°r juillet 1790.] et que nous n’ayons plus que des pauvres. Je ne doute pas que votre sagesse ne vous fasse trouver de promptes ressources. En conséquence, je vous proposerai d’ordonner que tous ceux dont les directoires de département et de district auront constaté les pertes, seront dispensés, pour la présente année, des impositions et de la contribution patriotique; et qu’afin de procurer le soulagement des pauvres de la dernière classe, les curés toucheront, dès cette année, leur entier traitement de 1,200 livres. Voici le projet de décret que j’ai l’honneur de soumettre à l’Assemblée nationale : « L’Assemblée nationale, informée par les députés du Béarn et du pays de Soûle, des dégâts immenses causés dans ce pays par d’excessives inondations, tellesqu’on n’enavait jamais éprouvé de pareilles; et instruite par les mêmes députés de l’impossibilité où ce désastre met les malheureux riverains de payer leurs impositions, et notamment leur contribution patriotique, dont le terme est à présent exigible, a décrété et décrète: 1° que ceux dont le directoire du département aura constaté les pertes seront, à proportion d’icelles, déchargés ou de la totalité, ou d’une partie de leurs impositions de cette année, ainsi gue de leur contribution patriotique; 2° qu’afin que les pauvres les plus nécessiteux puissent être secourus par leurs pasteurs, ceux-ci recevront, cette année même, leur entier traitement de 1,200 liv., l’Assemblée nationale dérogeant, à leur égard, au décret qui porte que le supplément de congrue des curés ne leur sera payé que dans les six premiers mois de 1791. » (L’Assemblée ordonne le renvoi de ce projet de décret au comité des finances.) M. de Ooisgelin, archevêque d'Aix, demande la permission de s’absenter pour six semaines, après la fédération du 14 juillet. Ce congé est accordé. M. l’abbé Le François demande que l’Assemblée rende un décret pour terminer une difficulté qui a surgi dans la municipalité de Lorme, dans les environs de Belesme. Il se plaint, en même temps, de n’avoir pas trouvé au comité de Constitution les pièces de cette affaire. M. Démeunier. Un de vos décrets renvoie aux départements la connaissance de tout ce qui concerne la formation des municipalités. Quoique votre comité ait déjà renvoyé douze mille cahiers qui lui ont été remis sur cette matière, il lui en reste encore soixante mille. Depuis la division du royaume en 83 départements, on a fait une égal nombre de cartons dans lesquels on travaille à classer toutes les pièces qui ont été remises; le préopinant n’a pu trouver ce u’il cherchait parce qu’il n’y avait pas d’ordre ans le bureau du comité, mais bientôt toutes les pièces seront classées et il trouvera dans le carton de son département les pièces qu’il veut consulter. V ordre du jour est la discussion du projet de décret présenté par le comité ecclésiastique sur les fondations et patronages laïques (1). M. Durand de Maillane présente dans les (1) Voy. le rapport de M. Durand de Maillane, séance ÔU 20 mai 1790, Archives parlementaires, t. XV, p. 603. termes suivants la suite du rapport sur les fondations et patronages laïques (1). Messieurs, les matières du rapport sur les fondations et patronages laïques ne sont pas plus difficiles que les autres à éclaircir et à comprendre ; elles ont toutes leurs principes, et l’Assemblée nationale, dont les décrets sont et doivent être fondés en raison, impose à ses comités l’obligation de ne lui en proposer aucun qui ne soit, autant qu’il se peut, évidemment juste. Notre premier rapport imprimé, et déjà communiqué à tous MM. les députés, aura sans doute suffi, aux yeux du plus grand nombre, pour justifier les décrets dont il présente le projet ; mais n’ayant pu qu’indiquer les principes de la loi, qui ne sont pas la loi même sur laquelle l’Assemblée nationale doit ici fonder la sienne, s’agissant d’ailleurs d’un sujet qui, par l’intérêt personnel, rend nos moyens moins heureux, et la conviction plus difficile, au jugement des patrons et collateurs qu’elle blesse, nous avons cru convenable, et même nécessaire, de donner à notre premier rapport une suite, où, par les principes mêmes du droit et de la pratique, nous portions sa défense jusqu’à la démonstration; c’est tout l’objet de ce second travail. En justifiant ainsi pleinement le projet du comité, nous abrégerons la discussion, parce qu'on n’aura plus à faire ou l’on ferait en vain des questions gui trouvent d’avance leurs réponses et leurs solutions dans les maximes et les décisions que nous allons exposer, sans trop nous appesantir sur leurs preuves: 1° Les auteurs remarquent d’abord que le premier exemple des patronages est dans la fondation d’un évêque. La distinction entre les patronages laïques et ecclésiastiques est moderne ; elle est, suivant M. d’Héricourt, du treizième siècle. 2° Les uns et les autres n’ont et ne doivent avoir pour unique objet que la plus grande gloire de Dieu et le soulagement des pauvres; et, en effet, telle que soit une fondation religieuse, telles que soient ses conditions et sa forme, on fait injure au fondateur, si on suppose des vues ou des intentions différentes. 3° Non seulement les canons, mais les lois du royaume défendent aux patrons de toucher aux biens de leurs patronages. Ces lois sont même très anciennes, puisqu’elles remontent jusqu’aux capitulaires (2). Le droit de présentation, qui a été accordé par l’église aux patrons et à leurs héritiers, est de sa nature spirituel ; c’est M. Fleury lui-même qui nous l’apprend, en parlant de l’aliénation du patronage (3) : « Le patronage, dit-il, suit l’aliénation de la terre dont il est un accessoire, mais il ne peut être vendu séparément, parce que c’est un droit spirituel... Il ajoute, le patron doit la protection à l’Eglise, ce qui se réduit à présent à veillera la conservation de ses droits. Le patron ecclésiastique se peut faire rendre comte du temporel ; le patron laïque n’a que la voie d’avertir l’évêque pour empêcher ladissipa-tion. Le même auteur ajoute encore : gue le patronage se perd quand le titre du bénéfice est éteint. » 4° Telles sont, en abrégé les règles concernant les patronages en général : c’en est une aussi que le patronage ne donne absolument que le droit de présenter au bénéfice ; et il est tout nou-(1) Ce rapport n’a pas été inséré au Moniteur. (2) Capital, ad pistas, c. 9. (3) lnst\t. eccles., 2, part. ch. XVI. (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. juillet 1790.] «89 veau dans l’Eglise qu’un patron ou fondateur confère lui seul le bénéfice, de manière que le collataire en prenne possession, et en fasse les fonctions sans l’interposition d’un évêque ou autre supérieur ecclésiastique. Le droit canon n’en fournit point d’exemple, et il réprouvemême ces collations laïcales, et avec quelque raison; car elles ne datent certainement que du règne féodal qui a fait nos prélats seigneurs : ceux-ci n’ont plus vu dès lors que le bien dont ils jouissaient eux-mêmes, dans toutes les espèces d’inféodations ; ils sont devenus ainsi par la féodalité plus complaisants pour les patrons et les seigneurs que jamais l’Eglise ne l’avait été, avant cette ancienne et funeste révolution. De là donc les pleines collations accordées à des laïques pour des bénéfices qui, comme tous les autres bénéfices, avaient été décrétés et spiritualisés par les évêques; ceux-ci n’ont pas même refusé cette collation pour des cures : et c’est alors encore que s’est introduit la maxime que toute fondation, toute dotation, où la construction, emporterait le patronage de droit sans aucune réserve : enfin, ne pouvant permettre la vente séparée d’un patronage, comme chose spirituelle, on l’a permise avec la glèbe, d’où sont venues la distinction des patronages réels et personnels, l’hérédité de ce dernier, et tous les honorifiques des seigneurs eux-mêmes, avec la préséance dans les églises; ce qui a toujours offensé la modestie et l’égalité chrétiennes. 5° Cependant, si excessives qu’aient été ces complaisances en faveur des patrons, les choses n’ont jamais été jusqu’à renverser les règles ecclésiastiques, jusqu’à rendre les patrons maîtres des biens de leurs patronages : ils en ont eu l’inspection, ils ont eu la collation même des bénéfices de leur fondation : mais ces bénéfices une fois spiritualisés par l’Eglise, rien n’a pu les changer, moins encore un simple droit de plus dans la forme des provisions. Tout ce que cela a pu produire, c’est d’avoir rendu les collateurs laïcs indépendants des supérieurs ecclésiastiques dans leurs collations; et c'est dans ce sens que Dumoulin a dit, de ces bénéfices à pleine collation laïque, qu’ils formaient une possession purement temporelle ; que les collateurs n’avaient à cet égard aucun supérieur, et qu'ils pouvaient disposer de leurs droits par donation entre-vifs : c’est ce que cet auteur a dit dans son commentaire sur la règle de infirmis , n° 417, sur quoi Louet et Vaillant l’ont repris, et de manière à nous donner de ces bénéfices à collation laïcale, la juste idée que chacun doit en avoir. Sed ex verbis Molinœi , n° 417, canonicatus et alia bénéficia adpuram Regis {et laicorum), colla-tionem spectantia, magis secularia et profana bénéficia quam ecclesiastica dici, nonnullos in er-rorem induxerunt. Ce ne sont point, dit M. Louet, des bénéfices qui soient différents des autres ; ils sont sujets, relativement au titulaire, aux règles et aux constitutions ecclésiastiques ; il faut les exprimer : ils produisent l’incompatibilité, la réplétion, la simonie, la prescription ; ils sont enfin soumis à toutes les charges ecclésiastiques : hœc bénéficia censenda sxmt vere ecclesiastica . Ce sont les propres termes de Vaillant, et qui ont fait dire au nouvel éditeur des lois ecclésiastiques de M. d’Héricourt, que le sentiment de Dumoulin n'avait point trouvé de sectateurs. Nous voyons en effet que tout ce que l’opinion de Dumoulin a produit de particulier à l’égard de ces bénéfices de collation laïque, c’est que les collateurs ecclésiastiques n’ont pu s’en mêler, pas même par dévolu, ni dévolution; il y a là-dessus deux arrêts remarquables du parlement de Paris (1675, 1697, dates assez modernes), rapportés dans Âugeard et le Journal du Palais. Mais ces arrêts ne préjugent absolument rien, si ce n’est pour la collation, c’est-à-dire pour la forme des provisions que les collateurs laïcs sont en droit d’accorder pour ces bénéfices dans une entière indépendance des supérieurs ecclésiastiques; encore même si ce sont des cures ou des bénéfices à charge d’âmes, il faut joindre à la provision la mission canonique, ou l’institution autorisable de l’évêque ; cela est établi par les coutumes mêmes (1), et était devenu d’un usage absolument nécessaire, depuis que nos rois s’en étaient fait une loi pour eux-mêmes, par l’édit de 1682 sur la Régale : et, à ce sujet, Messieurs, il est bon de faire ici deux observations importantes : 1° La première, que dans les plaidoiries sur les arrêts dont j’ai parlé, il était établi et convenu, tant par les avocats des parties, que parles gens du roi, que les bénéfices à collation laïque, comme les bénéfices à simple patronage qui ne donne que la présentation, étaient nécessairement spiritualisés par le décret de l’évêque, ou bien ce n’était que de simples services à l’entière volonté des seigneurs qui les payaient ; en sorte qu’il y avait une très-grande différence entre ces bénéfices et ceux qui sont ou qui étaient à la pleine collation du roi. Le roi, disent les mêmes jurisconsultes, avait par lui même, par le droit particulier de son caractère sacré, et comme ecclésiastique, le droit de fonder des bénéfices sans l’interposition de l’autorité ecclésiastique ; et cependant, Messieurs, vous le savez, nous sommes tous témoins de la générosité vraiment royale avec laquelle notre monarque a sacrifié tous ses droits, dans la disposition des bénéfices et de la police ecclésiastique, à la liberté de la nation, au bon ordre et à la régénération des premières et plus pures règles en cette matière. Eh 1 qui donc d’entre ces sujets, et clercs, et laïques, dont aucun ne peut se flatter d’avoir autant de droits qu’en avait Sa Majesté (eh 1 quels droits? ils sont d’une bien autre importance que ceux des patrons et collateurs particuliers 1); qui donc d'entre ceux-ci, après l’exemple du monarque, oserait, je ne dis pas seulement, l’im-prouver, mais ne pas se faire un mérite de le suivre? Que si quelqu’un d’eux alléguait que nos rois n’ayant jamais cessé de ne faire qu’un avec la nation, n’avaient pas les biens de leurs fondations en propriété, comme les particuliers fondateurs, on ne saurait trop nier qu’ils n’eussent, par leur propre personne, des droits d’une autre nature, et bien plus favorables que ceux de ces particuliers, sur les choses ecclésiastiques, et principalement sur le choix des premiers ministres de l’Eglise ; et voilà néanmoins que Louis XVI les abandonne sans retour, au bien de la religion et au salut de l’Etat; voilà que, par un patriotisme supérieur même, si je puis le dire, a celui dont on se fait honneur dans cette Assemblée même, Louis XVI se plaît à faire tous les sacrifices nécessaires au bonheur et à la liberté de son peuple; il lui laisse sans regret le choix de ses officiers municipaux, de ses juges, de ses pasteurs ; il consent à la perte de ses riches nomi-(1) Nivern. Tit, des Fiefs, art. 18 ; Coquille, mo [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1« juillet 1790.] nations, de toutes ses prérogatives personnelles dans la dispensation des places et des grâces ecclésiastiques, pour ne les voir occupées ou possédées que par ceux que le peuple lui-même en jugera dignes. Eh I qui donc, encore une fois, qui d’entre ce qu’on appelle patron, soit à présention, soit à la collation laïque, se refuserait, après cet exemple, à des privations que la justice même exige d’eux ; car, Messieurs, ce n’est point, je le répète, à l’égard des collateurs laïques une injustice qu’on leur fait, en comprenant, dans les biens qui sont à la disposition de la nation, les biens des bénéfices de leur collation. Ces bénéfices ont été, tout comme les autres, spiritualisés, et si cela n’était, ce ne serait plus que des places, des prestimonies purement profanes et libres ; ce serait des services stipendiés, pour ainsi parler, du jouraujour, et remplisou acquittés par tel ou tel autre prêtre qu’il plaîtau fondateur, ou à ses héritiers de choisir et d’employer à cette œuvre : mais ce ne serait point des bénéfices, c’est-à-dire des titres perpétuels avec offices et revenus ecclésiastiques, ce qui forme proprement les bénéfices, et qu’il est au pouvoir de la nation de réformer et d’éteindre en disposant des biens qui en dépendent, de telle manière cependant que pourvoyant, dans les termes des décrets de l’Assemblée nationale, aux services comme aux charges du bénéfice supprimé, les fondateurs ou leurs héritiers n’aient aucune juste plainte à faire. 6°� Chacun sait que par l’édit de 1695, les évêques sont autorisés à régler l’exécution des fondations dans leurs visites. Sans doute que si les patrons en général étaient considérés comme les maîtres des biens attachés aux fondations, cette ordonnance les aurait appelés aux arrangements et aux changements qu’elle permet aux évêques de faire à ces fondations, et néanmoins l’édit de 1695 n’y appelle que les officiers des lieux ? C’est la remarque de tous ceux qui ont écrit sur ce fameux règlement, l’ouvrage du clergé, contre lequel il ne parait pas que jamais en aucun temps, en aucun cas, et sous aucun prétexte, les patrons et collateurs laïques aient fait valoir des droits de propriété sur les biens de leurs patronages ; ils ont pu, ils ont dû en empêcher l’aliénation et les protéger, mais jamais pour leur profit particulier, parce que leur droit de présentation ou de collation n’est qu’un droit spirituel de sa nature, et purement facultatif dans son exercice. 7° C’est une maxime dans le droit ecclésiastique qu’une fondation peut être révoquéejusqu’à son homologation, c’est-à-dire jusqu’au décret ecclésiastique ; elle n’est considérée jusqu’alors que comme un simple projet, mais il est établi aussi qu’elle est irrévocable après l’homologation de sorte que les bénéfices à collation laïque ayant été ainsi fondés avec homologation et décret ecclésiastiques, leurs biens ne sont plus et ne peuvent plus être à la disposition des fondateurs ou de leurs héritiers. Leurs dons ont été acceptés, et dès lors ils sont devenus irrévocables, quels que soient les événements dont ils ont été suivis, surtout quand laloi même les autorise; et certes, on ne contestera pas à l’Assemblée nationale le pouvoir de procéder à des réformes utiles et nécessaires au bien de la religion et de l’Etat: ce ne sont point ici des usurpateurs, des intrus qui s’emparent ou dévastent les biens du patronage ou de la fondation laïques ; alors seulement les fondateurs ou leurs héritiers auraient un juste droit de réclamation : mais il n’v a rien depareil, et peut-être queje combats vainement d’avance des obstacles qu’on se ferait tort de mettre aux articles que le comité ecclésiastique propose à l'Assemblée de décréter. 8° C’est une autre maxime en France, attestée singulièrement par ceux qui ont écrit sur les libertés de l’Eglise gallicane, que les commutations des fondations et les nouvelles applications des legs pieux, appartiennent aux magistrats séculiers, qui, dans un pareil cas, n’ont besoin de recourir aux évêques que pour se concerter avec eux et suivre les ordonnances que ces changements les obligent de faire relativement aux services spirituels qui y sont attachés. La raison qu’en donne M. Dupuy est que les fondations n’étant et ne pouvant être faites que par des testaments et des contrats, qui sont des actes purement civils, ce n’est que par la loi civile qu’on en peut régler l’exécution ou la changer. Ue là venait la compétence des parlements en cette matière ; de là, par conséquent, et avec bien plus de raison et de convenance, la compétence de l’Assemblée nationale pour décréter ce qui lui est proposé. 9° Nous avons déjà répondu, dans notre rapport imprimé, aux objections communes sur la foi des contrats, des promesses et des conditions dans les donations publiques et particulières, ecclésiastiques et civiles ; nous n’y reviendrons pas, mais nous répondrons ici, et d’une manière un peu moins générale, à la question qui nous a été faite de divers endroits, touchant les services des messes dans les châteaux, à défaut desquels certains patrons, ou les maîtres de ces châteaux, se proposent, dit-on, de retenir les biens de ces fondations, si on les prive du service qui y est attaché. D’abord, sur cette question, il y a une première distinction à faire entre ces sortes de services particuliers qu’il ne faut pas confondre. Ou ce sont des services qui tiennent à un titre de bénéfices, ou ce sont des services libres non fondés par l’autorité de l’Eglise, et dans la forme dont nous avons parlé dans notre premier rapport. Si la messe-qui se dit dans un château n’est qu’un service que les seigneurs aient établi pour leur commodité avec la simple permission de l’évêque, et auquel néanmoins il y ait des biens attachés, ce n’est alors qu’un oratoire domestique, d’un établissement tout profane qui n’a rien attribué à l’Eglise sur les biens qui en dépendent. Mais si, pour la stabilité et la perpétuité de ce service, on a procédé à son établissement dans la forme solennelle d’un décret ecclésiastique qui l’ait érigé en titre de bénéfice, dont le seigneur ou patron ait la présentation, ou même la pleine collation, c’est alors un bénéfice comme tous les autres bénélices, avec office et revenus ecclésiastiques, que les seuls ecclésiastiques sont capables de posséder et d’exercer. Il faut doncque ce bénéfice, ce service demesses, érigé en bénéfice, et possédé par un chapelain qu’on ne peut plus révoquer, subisse le sort de tous les autres bénéfices que l’Assemblée nationale a trouvé bon de supprimer par son décret du 13 de ce mois, et que les biens qui en dépendent soient compris dans le nombre de ceux que le décret du 2 novembre 1789 a déclarés être à la disposition de la nation. Dans l’autre supposition, c’est-à-dire si le service ne se fait qu’en vertu d’une simple permission de l’évêque qui a autorisé Je seigneur ou le maître du château d’avoir un autel domestique [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [!•«• juillet 1790.] 59 1 dans sa maison, pour pouvoir y faire célébrer la messe, ne s’agissant plus alors de bénéfice, ni de titre ecclésiastique, dont le patron ait la présentation ou la collation, la nation n’a pas plus à y voir que l’Eglise elle-même ; mais il dépend entièrement de l’évêque de révoquer, ou de permettre la continuation deceservice, lequel ne s’est jamais accordé dans l’Eglise à des particuliers, que sous certaines réserves pour les droits de l’Eglise paroissiale, et les devoirs de chaque paroissien envers elle : l’on peut dire même que si un pareil service ne profite pas aux pauvres habitants voisins du château éloigné de la paroisse, le seigneur à qui rarement manquent les voitures, ferait mieux, et pour lui-même et pour les autres que son exemple édifierait, d’aller trouver Dieu dans son temple, au lieu de le faire venir chez lui; car voici comme Agobard, archevêque de Lyon, parle de ces services dans les châteaux : qui dômes ticos sacer dotes a suis episcopis accipiunt pro suis capellis et oratoriis, ut eorum occasione deserant ecclesias, majoris ordinis sacerdotes ( puta parochos) sermones et officia publica... impiam illam esse temporis sui consuetudinem , ex qua inter earum capellarum clericos pudenda oritur ignorantia , et quod illi nobiles sensim a vera eccle-sïa recedant. Tract, de Privil. et Jur. Sacerd. Il est vrai cependant que cet usage prend son origine de l’exemple même de Constantin, qui avait de pareils autels dans son palais, et même dans ses armées, ce qui a été suivi par nos rois et imité par les seigneurs, à qui certainement on ne peut en faire un reproche, mais qui se rendaient répréhensibles si, sans égard pour la distinction que nous venons défaire, ils s’appropriaient des biens qui ne leur appartiennent point. Les départements s’entendront avec les évêques diocésains pour tous Jes différents services attachés aux bénéfices éteints ; ils prendront le parti, ou de supprimer, ou de réduire, ou de conserver tout ce que le bon ordre, la justice et le bien public leur prescriront à cet égard. L’Assemblée nationale n’a sur cette matière que des règles générales à fixer, d’après lesquelles les départements doivent agir dans l’esprit des dispositions qu’elles renferment ; et c’est précisément ce que le comité ecclésiastique propose à l’Assemblée de décréter. La question des services dans les châteaux n’est pas la seule qui nous ait été faite depuis l’impression de notre rapport ; et comme il importe beaucoup de gagner du temps dans nos discussions, nous avons cru devoir y répondre dans cette suite d’imprimé, également destinée à accélérer et à éclairer les délibérations de l’Assemblée nationale. On nous a dit, d’une part, que notre rapport n’a pas tracé distinctement la ligne de démarcation entre les bénéfices en patronage et collation ecclésiastique, et les bénéfices en patronage et collation laïcaie. Le même nous a dit, que les pertes des patrons et collateurs laïques pourraient être compensées par des nominations à des bourses dans les nouveaux collèges ou séminaires; d’autres ont représenté, qu’en certains pays, on tenait extrêmement à des fondations paroissiales où presque toutes les familles du lieu étaient intéressées. Quelques-uns ont défendu leurs bénéfices héréditaires, comme affectés inviolablement à la parenté du fondateur; et enfin, diverses églises ont réclamé leur conservation, mais singulièrement la Sainte-Chapelle de Yincennes, fondée par Charles V, et uniquement destinée à prier Dieu pour nos rois et reines , vivants et morts • A la première objection qui tombe sur mon rapport, je réponds que dans ce rapport, dont le comité a bien voulu me confier la rédaction, je n’ai pas dû traiter cette matière dans une forme scholastique. Je n’ai pas dû m’y attacher aux divisions grammaticales; mais il m’a paru qu’il était et plus convenable et plus court de raisonner par les principes mêmes, que par leur définition ou par leurs conséquences. Croyant être parvenu par ce moyen à démontrer que, tant les bénéfices qu’on appelle en patronage ou à pleine collation laïcaie, et que les autres en patronage et collation ecclésiastique, sont de même nature dans leurs titres, et que la différence ne se rencontre que dans la forme de leurs provisions. Et en effet, ou ces bénéfices, tels qu’ils soient, ont été formés par l’église elle-même, ou elle ne s’est point mêlée de leur fondation. Dans le premier cas, ce sont nécessairement des titres ecclésiastiques; dans l’autre, ce sont des établissements purement profanes, formés au gré des fondateurs à qui il aura plu d’y former, sous le bon plaisir de l’évêque diocésain, des places, non point ecclésiastiques, mais pour des fonctions ecclésiastiques, ce qui n’est nullement un bénéfice : nous l’avons assez dit. Ainsi la règle que nous avons proposée présente la seule bonne distinction à faire; elle forme elle seule cette ligne de démarcation que l’on demande, et il n’a pas été permis d’en tracer une autre entre ce qu’on appelle bénéfice et ce qui ne l’est pas, quoiqu’il en porte le nom. Les bénéfices en patronage et collation iaïcales ont-ils été fondés, érigés, et dotés même sous l’autorité et par l’autorité même de l’église? Ils sont dès lors vrais titres ecclésiastiques; ils sont bénéfices dans leur origine et de leur nature, quoique leur patronage, leur collation même, aient été accordés à leurs fondateurs ;et à leurs héritiers. Voilà encore une fois le principe, la règle générale, et la seule d’après laquelle le comité ecclésiastique a arrêté et dû arrêter les articles qu’il propose à l’Assemblée de décréter. L’Assemblée les pèsera dans sa sagesse, et l’on ose espérer de ses lumières et de sa justice qu’elle les adoptera, parce que le comité ecclésiastique n’a fait que suivre, dans ses décisions, la raison même et la doctrine des auteurs les plus instruits en ces matières. Ces auteurs ne mettent quelque différence qu’entre les bénéfices à simple patronage laïque et les bénéfices à pleine collation laïcaie, et cette différence ne tombe point sur le titre même de ces deux espèces de bénéfices, parce que les uns et les autres ont été également spiritualisés dans leurs fondations par l’autorité de l’Eglise ; elle n’est que dans la manière d’y pourvoir. Le coliateur ecclésiastique, c’est-à-dire l’évêque ou l’ordinaire peut toujours conférer le bé-fice à patronage laïque, même dans les quatre mois; sa collation sera sans doute nulle, si le patron use de son droit dans ce même délai ; mais si le patron laisse passer les quatre mois sans présenter un sujet à l’évêque, le collataire de celui-ci sera maintenu; ce qui prouve que l’évêque n’est point étranger aux provisions mêmes du bénéfice en patronage laïque. Mais il en est autrement à l’égard des bénéfices à pleine collation laïcaie. Jamais, dans aucun cas, l’évêque, ni même aucun supérieur ecclésiastique n’a dû participer à cette collation, pas même après les six mois qui, suivant le concile de Latran, donnent ouverture à . la dévolution 592 {Assemblée nationale.] de toutes collations de bénéfices : les arrêts de 1674 et 1697, l’ont ainsi jugé; et tout récemment un autre du grand conseil, en 1744, a jugé de plus que la collation de l’évêque ou du supérieur ecclésiastique est nulle, lors même que le collateur laïque l’a consentie sans l’avoir faite. La raison qu’on en donne est que le collateur laïque n’ayant sa pleine collation qu’à cause de la temporalité de sa fondation, la puissance ecclésiastique n’a ou ne doit avoir aucune action sur elle. Cette raison est-elle suffisante, est-elle même bien concluante à l’égard d'une temporalité liée à la spiritualité? Elle me paraît avoir été la seule bonne à donner dans un temps où tout ce que le régime féodal avait produit d’extraordinaire ne paraissait que naturel et légitime; car du moment qu’il est reconuu que l’Eglise elle-même a érigé le bénéfice; du moment que la fondation des chapitres dont les prébendes sont à la pleine collation laïcale, a été reçue, homologuée, décrétée par l’autorité ecclésiastique; du moment enfin que le bénéfice ne peut être conféré par le fondateur laïque, qu’à un clerc, lequel seul peut jouir de ses revenus, à raison de l’office spirituel dont il s’acquitte, beneficium propter officium , ce n’est plus dès lors une pure temporalité, encore moins lorsque ce bénéfice, tout conféré qu’il est pleinement par un laïque, est mis au rang de tous les autres bénéfices ecclésiastiques, pour tous les effets ecclésiastiques que ceux-ci produisent, comme pour l’expression, pour l’incompatibilité, pour la réplétion, pour la simonie, etc. Dans ces circonstances, tout ce que le comité ecclésiastique a pu faire de mieux, et de plus conforme aux règles et à la nature même des choses, a été de comprendre, dans ses réformes et dans ses suppressions, les bénéfices en patronage et à collation laïcale, comme les autres, parce que s’ils diffèrent entre eux dans la forme des provisions, ils sont absolument les mêmes dans leur consécration, dans la forme primitive de leur érection ecclésiastique, par laquelle il leur a été imprimé un caractère commun de religion, que la manière différente d’y pourvoir n’a ni détruit, ni effacé; en sorte que, par là même, le patron, non plus que le collateur laïque, n’avant aucun droit ni sur le titre même du bénéfice,” ni sur les biens qui en dépendent, ils n’ont d’autres sacrifices à faire, dans leur suppression, que celui de leur collation. Qu’on juge, d’après ces explications, si dans les principes de l’Assemblée nationale, si dans l’esprit de sa constitution qui va droit au bien général, sans s’arrêter, ou sans pouvoir s’arrêter au mal particulier qu’elle fait inévitablement, et avec regret ; qu’on juge, si elle doit, après l’abolition du régime féodal, après l’abolition des justices seigneuriales et de tous leurs honorifiques, fournir en indemnité des bourses de collèges, de séminaires, pour des nominations ecclésiastiques que l’esprit féodal avait fait accorder à de simples laïques, contre toutes les lois de l’Eglise; car rien n’est plus sévèrement défendu par les Canons. Je ne parle pas ici des simples patronages dont l’origine est plus ancienne et plus générale dans l’Eglise, mais des pleines collations iaïcales, dont la laveur extraordinaire, déjà condamnée par les lois de l’Eglise, ne saurait aujourd’hui former un titre contre elle-même, pour en exiger une indemnité. Cet exemple d’ailleurs, que rien ne justifierait, aurait de la conséquence pour les patrons mêmes : quoique leur simple présentation ne donne que Je droit à la chose, et non le droit dans la chose, [1« juillet 1790.] comme fait la collation, jus ad rem et non in re, peut-être voudraient-ils s’autoriser des prétentions des collateurs laïques à une indemnité, pour en élever de pareilles; et certainement les unes sont aussi peu fondées que {es autres : car à l’égard même des collateurs laïques, il est bon d’apprendre que tous les biens attachés aux bénéfices dont ils ont la pleine collation, ne sont pas tous du propre patrimoine du fondateur. Ces églises possèdent, comme les autres, des dîmes ecclésiastiques, des obits, des biens enfin étrangers à leur première dotation, laquelle encore peut n’avoir été qu’une restitution, ou directe, ou indirecte, soit de dîmes, soit d’autres biens, à l’Eglise et aux pauvres ; et comment alors fournir une indemnité avec justice, pour un simple droit de collation? D’autre part, nous l’avons dit, qui d’entre ces collations peut avoir en cette partie autant de droits qu’en avait le roi? et cependant Sa Majesté ne paraît que satisfaite de ce que la nation a pris sur elle-même le choix des ministres ecclésiastiques dont elle avait ci-devant et le patronage et la pleine collation. Ce serait donc une demande aussi peu décente que juste, que celle d’une indemnité pour une réforme qui, dans le temps présent, tient au bien général et au salut de l’Etat. Nous avons dit là-dessus tout ce que nous devions dire, dans notre premier rapport, et nous n’y reviendrons pas. Quant aux réclamations que fait une autre sorte d’intérêt privé dans les cantons où les pères de famille s’étaient ménagé un établissement commode pour leurs enfants, par le moyen de ces places ecclésiastiques de filleuls, agrégés, communalistes, etc. dans les paroisses, le principe en est très vicieux, si les effets en sont profitables aux descendants des fondateurs. La religion certainement n’y gagne rien, et je n’ai besoin, pour le prouver, que de renvoyer à tous les procès que de pareils établissements ont occasionnés entre les curés et ces prêtres agrégés dans leurs paroisses. C’est une source de divisions, de rivalités et de gêne, surtout dans les fonctions curiales. Les plaintes, à cet égard, sont communes dans toutes les églises où se rencontrent de pareils établissements, et il n’est pas de preuve moins équivoque d’un abus, ainsi que de la nécessité d’y remédier, que quand la voix qui le dénonce est universelle; ce qui doit certainement s’appliquer à presque tous les abus que nos décrets font disparaître. Cependant, comme le comité ecclésiastique, tout en condamnant ces établissements, a laissé aux départements le soin de concerter avec l’évêque diocésain les moyens de remplacement pour les services utiles à la religion ou aux mœurs, on doit juger qu’il n’a voulu que justifier, et en principes et en droit, la suppression qu’il propose, et qui est par elle-même aussi nécessaire qu’aucune autre au nouvel ordre établi, dans la partie ecclésiastique, par notre salutaire Constitution. L’Assemblée jugera encore, dans sa sagesse et sur un rapport particulier de son comité de Constitution, s’il entre dans le plan de ses régénérations de laisser subsister, après l’anéantissement de toutes les supériorités féodales et pécuniaires, après celles des titres et des dignités, enfin après l’abolition de tous les droits individuels à la chose publique, les droits de nomination à des bourses, comme aussi si ces bourses elles-mêmes peuvent compatir avec le nouvel esprit de liberté, d’égalité et d’émulation générales et communes; si désormais les talents auront besoin d’être cherchés , ou prévenus, ou soldés par la nation ; si enfin ils ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [I0'1 juillet 1790.] auront besoin d’être encouragés par d’autres récompenses que par les élections que notre Constitution promet et assure au patriotisme et au vrai mérite dans toutes les classes de citoyens. C’est tout ce que je me permets de dire sur cette question, dont le comité ecclésiastique ne s’est point occupé; je ne la rappelle qu’en réponse ou en réfutation de l’indemnité proposée pour des collateurs laïques, qui peut-être n’y pensent pas ou y penseraient en vain. Il me reste à dire un mot des patronages familiers qu’on a osé représenter comme un patrimoine que la nation devait respecter. Gomme si, indépendamment des principes qui donnent de ces bénéfices héréditaires une bien autre idée, il avait jamais été permis ou bien édifiant qu’il se fit dans l’Eglise des placements ou des affaires d’intérêt en spéculation et dans la forme de pareils bénéfices, c’est-à-dire dans une forme qui, en dégradant les ministres et le ministère dans l’Égiise, affectât si bien la possession à une race, que jusqu’à son entière extinction, et même après, ni l’Eglise, ni la nation elle-même ne pût jamais y toucher. Après ce que nous venons de dire des pleines collations laïcales, il n’est certainement pas nécessaire d’y rien ajouter pour faire sentir l’injustice, je dirais presque le ridicule de la demande de ces patrons à simple présentation, pour leurs familles; ce qui n’empêche pas que ceux d’entre eux qui, dans leur situation, auraient des droits aux secours de leurs patronages, ne puissent et ne doivent les faire valoir avec succès auprès des départements, qui sauront toujours les distinguer de ceux qui provoqueraient leur bienfaisance sans aucun titre. Quant à la Sainte-Chapelle de Vincennes, dont la fondation n’a eu pour objet que de faire prier continuellement Noire-Seigneur pour nos rois et leur auguste famille, c’est un arlicle déjà préjugé, non seulement par le projet de sa suppression, et de celle de toutes les Saintes-Chapelles du roi, antérieur à l’Assemblée nationale, mais encore par tous les autres abandons de Sa Majesté, et dont nous avons cru pouvoir proposer l’exemple aux collateurs particuliers. Si la Sainte-Chapelle de Vincennes a été, comme l’on dit, dotee des épargnes de Charles V, ce qui ne pouvait être qu’un bien national, comme tous les autres biens de la couronne; si elle a été fondée pour faire prier Dieu pour les rois et reines morts et vivants , rien de plus convenable dans l’esprit des articles à décréter, que de remplacer cette fondation et son objet, par la chapelle que le roi régnant et ses successeurs auront toujours la faculté de se donner comme leurs ancêtres, et de doter sur le fonds inaltérable de la liste civile. Ce sera même là l’occasion et le moyen d’introduire tout naturellement une réforme très utile, et je dirais même, très-nécessaire dans l’état et les fonctions des chapelains employés au service de cette chapelle, digne par elle-même d’être auprès de nos rois très chrétiens le modèle de toutes les autres. Post-scriptum. Tout ce qui vient d’être lu était sous la presse lorsqu’il m’est parvenu des observations imprimées sur mon rapport par un homme d’Eglise modéré ; ce dernier mot est remarquable: il annonce un caractère de douceur auquel le comité ecclésiastique doit, sans doute, Je sacrifice que lre Série. T. XVI. 593 l’auteur lui a fait des éruptions de son ressentiment; car, par ce qui est dit dans une seule note, on juge à peu près de ce que l'homme d'Eglise modéré avait envie de dire : « Etrange « aveuglement de la haine! pour rendre les « ecclésiastiques odieux, on accuse le clergé de « tous les âges; on le représente comme un as-« semblage de fourbes et de malhonnêtes gens « qui ont abusé de la simplicité des fondateurs ; « s’agit-il ensuite des droits des fondateurs, on « oppose à ceux-ci les restrictions de leurs « bienfaits, on se plaint de ce qu’ils n’ont pas « donné, comme dans les bons temps, sans ré-« serve et sans mesure. Dans l’ivresse de vos « vengeances philosophiques, soyez donc au « moins d’accord avec vous-mêmes! pour nous, <■< injustement chargés de l’iniquité supposée de « tant de siècles, notre courage est dans la rési-« gnation et dans la patience : nous savons que « la justice exacte ne réside pas sur la terre; « puissions-nous être les seuls qui ne l’aient pas <• rencontrée! » C’est ainsi que notre homme d'Eglise modéré s’exprime d’une manière très immodérée, et qu’il se trompe aussi lourdement dans cette même note, où il s’est soulagé d’une petite portion de sa bile. Elle est faite précisément, cette note, à l’endroit où le rédacteur du rapport n’a parlé et voulu parler que de l’humilité chrétienne qui accompagnait les dons abondants des donateurs et fondateurs dans les bons temps de l’Eglise , c’est-à-dire dans ces premiers temps où la main gauche ne savait pas ce que la droite donnait. Les ecclésiastiques ne sont là absolument pour rien, et je n’ai entendu parler que des fidèles dont l’esprit n’avait pas été alors gâté par tous les nouveaux usages fastueux et intéressés de la féodalité. D’autre part, l’histoire des Deconfés est assez connue, et certainement quoique elle soit entrée nécessairement dans les preuves du rédacteur, il l’a traitée d’une manière si légère et si rapide, que les ecclésiastiques raisonnables, dont aucun n’ignore cette histoire et ses détails, doivent lui savoir gré de sa réserve. Et voilà pour les injures; à l’égard des moyens, ils sont à peu près de la même force, et il suffit pour toute réfutation de renvoyer M. l’observateur à cette suite de rapport qui avait comme prévenu les cris de son intérêt personnel, le seul qu’on oppose et qu’on puisse opposer à noire Constitution, fondée dans toutes ses parties sur des bases et des principes de bien public au-dessus des déclarations particulières, et bien plus, au-dessus de celles qui, comme les observations de notre homme d’Eglise modéré, n’ont rien que de vague, d’injurieux et de mal fondé. La conclusion générale de tout ce rapport dans ses deux parties est donc telle qu’on doit en réduire la matière à trois objets distincts : 1° Les bénéfices à la présentation ou collation laïcale; 2° Les charges spirituelles attachées à ces bénéfices ; 3° Les chapelles domestiques, non spiritualisées et où se font des services libres, tant de la part de ceux qui les font, que de la part de ceux qui les payent. Les bénéfices à la présentation ou collation des patrons laïques doivent être nécessairement supprimés, dès qu’ils sont bénéfices à titre perpétuel; et leurs titulaires ou possesseurs ecclésiastiques doivent être traités comme les autres bénéficiers 38 594 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Ie* juillet 1790.] selon leur classe, sans priver même de ce traitement les agrégés à place fixe dans les paroisses. Les charges spirituelles de ces bénéfices, c’est-à-dire les services religieux, tels que des messes ou autres offices ou fonctions sacerdotales, en tels ou tels lieux, en tel ou tel temps, ou même de simples prières de la part des ecclésiastiques titulaires, doivent être, ou continuées, ou réduites, ou compensées selon qu’il sera jugé plus convenable par les évêques diocésains, sur les instructions et demandes des assemblées administratives, ainsi que des patrons eux-mêmes. Il en doit être de même de toutes fondations particulières dont l’exécution peut intéresser les familles, mais qui ayant été reçues par l’Eglise et décrétées par elle, sont hors de leur patrimoine. Quant aux chapelles ou oratoires privés et clos dont le service est tout libre, ou bien les services religieux, non homologués ou décrétés par l’Eglise, c’est la seule exception que les règles canoniques et les décrets de l’Assemblée nationale nous aient permis de faire en faveur des citoyens qui, dans ce cas, ne sont ni patrons ni colla-teurs. Reste à observer que, depuis l’impression de notre premier rapport, l’Assemblée nationale a rendu deux décrets, l’un portant suppression de tous bénéfices, hors les évêchés et les curés qu’elle a soumis aux élections; et l’autre portant obligation à tous corps et particuliers, possesseurs de biens ecclésiastiques, d’en faire leurs déclarations, sans excepter l’ordre de Malte ; cela a dérangé beaucoup la forme de notre premier projet, et il a fallu le corriger et remplacer par celui qui suit: PROJET DE DÉCRET. Art. 1er. L’Assemblée nationale décrète que son décret du 2 novembre dernier, par lequel tous les biens ecclésiastiques ont été mis à la disposition de la nation, comprend, parmi ces biens, tous ceux qui dépendent des bénéfices, églises et chapelles, dont le titre ou la fondation a été spiritualisée par l’autorité épiscopale, ou qui seraient devenus d’un usage général, public et libre, quoique la présentation de leurs titulaires ecclésiastiques, ou même la pleine collation, ait été accordée à leurs fondateurs et à leurs héritiers ou autres. Art. 2. La disposition de l’article précédent s’applique également à toutes fondations consacrées par la même autorité de l’Eglise, quels que soient les services religieux qu’elles aient imposés et de quelques clauses et conditions dont elles aient été accompagnées, même de celle qui porterait la révocation des choses données, dans le cas prévu des suppressions ou changements décrétés par l’Assemblée nationale, n’exceptant le présent décret que les fondations non spiritualisées et laïcales, justifiées telles par titre et possession. Art. 3. En conséquence, l’Assemblée nationale décrète que tous bénéfices, places, chapelles, prébendes, canonicats, dignités, chapitres et autres établissements ecclésiastiques, pour l’un et l’autre sexe, qui sont à la présentation, nomination ou collation, soit du roi, soit de particuliers, patrons ou collateurs, sont et demeurent supprimés, à l’exception des bénéfices-cures, lesquels seront, à l’avenir, exempts de la présentation ou collation de patrons et autres, pour être soumis à l’élection dans la forme commune et générale des élections à toutes les cures du royaume. Art. 4. Les biens des bénéfices en patronage laïque ou à pleine collation laïcale dont la suppression vient d’être décrétée, seront administrés, comme tous les autres biens ecclésiastiques, aux termes des décrets des 14 et 20 avril dernier, sauf aux patrons et collateurs laïcs qui prétendront se trouver dans une exception particulière, de produire leurs titres et leurs actes possessoires aux assemblées administratives qui les jugeront d'après les règles tracées par le présent décret. Art. 5. L’Assemblée nationale décrète qu’en exécution tant des précédents articles que de tous les autres qui forment constitutionnellement une représentation nouvelle du clergé, les assemblées de départements et de districts respectivement se concerteront avec les évêques diocésains, et même, le cas échéant, avec les patrons et collateurs laïques, pour l’acquittement des charges spirituelles, fondées et attachées aux biens dont l’administration a été confiée auxdites assemblées, à quoi il sera procédé de telle manière que l’on conserve des charges et fondations toutes celles dont l’acquittement ou l’exécution tourne évidemment au plus grand bien de la religion, des mœurs et de la nation. Art. 6. Les titulaires et possesseurs actuels des bénéfices et autres établissements supprimés dans les termes de Tarde 3 ci-dessus, et parmi lesquels sont compris les filleuls et agrégés à place inamovible dans les paroisses, auront le même traitement qui a été acordé par l’Assemblée nationale aux autres titulaires dont les bénéfices à patronage ou collation ecclésiatique sont déjà supprimés, chacun selon la classe de son bénéfice ou de sa place, et le montant de ses revenus ecclésiatiques. M. Aoys. Avant de passer à la discussion, je demande que M. Durand de Maillane donne lecture du rapport dont vous n’avez entendu aujourd’hui que la suite. M. Mouglns de Roquefort. Ce rapport à été distribué depuis assez longtemps pour que tous les députés en aient pris connaissance. Je demande qu’ou passe à la discussion afin de ne pas perdre un temps précieux. M. Durand de Maillane donne une nouvelle lecture de l’article 1er. M. Andrien. Votre décret du 2 novembre et autres subséquents ayant ordonné la vente des biens ecclésiastiques, il est important de déterminer les signes auxquels ces biens pourront être reconnus. Ce n’est pas par leur application au service religieux qu’on peut décider qu’ils sont ecclésiastiques. Ils sont laïcs, quand la dotation a été faite sans le concours de l’Eglise. Dans ce cas, le propriétaire peut toujours disposer du revenu, puisque seul il a droit de nommer au bénéfice, puisque le droit commun a interdit aux écciésiastiques le pouvoir de substituer quelqu’un à la place de celui que le propriétaire a nommé. Il était d’usage, j’en conviens, de faire intervenir l’autorité ecclésiastique, non seulement dans les fondations purement laïcales, mais même dans les pactes de famille, dans les transactions. N’est-ce pas faire un acte de propriété,