[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 mars 1791.] 388 et d’utiles efforts dans la cause de la liberté, a, par les mêmes titres, mérité la confiance et l’affection de son propre pays. Puisse-t-il avoir toujours pour principal but de continuer d’être regardé comme un de ses citoyi ns les plus vertueux et les plus fidèles ! Je vous prie de recevoir les témoignages de ma reconnaissance pour les sentiments qui, dans la même lettre, se rapportent plus particulièrement à moi, et en même temps d’être assuré de la plus parfaite considération de ma part. » (Vifs applaudissements.) « Signé : G. WASHINGTON. « Aux Etats-Unis, le 27 janvier 1791. » (L’Assemblée décrète que cette lettre sera imprimée et insérée au procès-verbal.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur la garde du roi mineur (1). M. Tfaouret, rapporteur. Vous avez renvoyé hier à votre comité la seconde partie de l’article 2 concernant la question de savoir à qui la garde du roi mineur serait déiérée dans le cas où il n’y aurait pas de reine mère. Eclairés par la discussion qui a eu lieu, nous avons adopté le parti delà garde élective, à défaut de mère du roi ; voici nos raisons: 11 n’y a pas une analogie assez réelle entre la régence et la garde pour que l’ordre du système électif ou un système quelconque de rang de parenté doive être transporté de la régence à la garde, comme il a été nécessaire de transporter de la royauté à la régence. La garde est une fonction purement de confiance, qui importe autant au gouvernement moral et intellectuel qu’à la conservation physique du roi enfant, de cet enfant qui, parce qu’il est déjà roi, est déjà consacré à la nation, et l’intéresse sous les rapports les plus importants. C’est donc à elle à faire, pour le mode de cette garde, les dispositions constitutionnelles les plus utiles. Il y a contre le système de déférer la garde, suivant un rang successif quelconque, cet inconvénient qu’on ne peut jamais éviter, c’est que par là on y appelle tixément et constitutionnellement, cet individu qui peut-être, de tous les individus du royaume, sera le moins digne de cette confiance, un homme enfin qui pourrait être capable, par l’abus qu’il ferait de ce précieux dépôt, de produire les plus grands maux, et il n’y a pus à cela de réponse, dans le système de la garde déférée suivant un ordre successif quelconque ou suivant un rang de parenté. Voilà, Messieurs, la considération qui nous a principalement déterminés. C’est qu’il est impossible qu’il n’y ait pas un contact habituel entre ces deux points, la garde et l’éducation physique et morale du jeune roi. Quand le gardien n’aurait qu’une surveillance sur l'éducation, et même quand il ne l’aurait pas du tout, toujours est-it vrai qu’il a le droit de faire toutes les dispositions et de donner les ordres qu’il juge nécessaires pour la coiiservationindividuelle et ia santé de l’enfant. Dès lors il s’établirait entre l’instituteur et le gardien un tiraillement perpétuel, s’ils n’étaient pas d’accord, ne fut-ce qu’en ce que le gardien trouverait que l’enfant a besoin d’excrcice et de promenade pour sa santé, quand l’instituteur croirait que cela n’est pas, et que l’enfant doit être appliqué à des exercices studieux. Mais il est impossible que le Corps législatif ou la nation n’apporte pas le plus grand intérêt et la plus grande attention sur tout ce qui tient à l’amélioration de l’éducation. Il est désirable que les deux fonctions de la garde et de l’éducation se trouvent réunies dans les mêmes mains ; et il est impossible que le Corps législatif ne conserve pas pour la nation quelque influence sur les personnes qui seront chargées de cette fonction. Or, on concilie tous ces intérêts en rendant la garde élective par le Corps législatif, toutes les fois que le roi mineur n’aura pas de mère. Il ne pourrait y avoir que deux objections ; la première, si l’on disait qu’on attenterait par là au droit des parents du roi sur la garde de l’enfant mineur. Je réponds que le droit de la garde ne peut être considéré que comme un droit de famille privée sur l’individu privé, mais, relativement à l’enfant déjà roi, les intérêts et les droits de la grande famille nationale devront toujours l'emporter sur le droit particulier de la famille privée. La deuxième objection serait de dire qu’on ne peut conférer au Corps législatif la faculté d’élire le gardien, lorsqu’on n’a pas voulu lui accorder la faculté d’élire le régent; mais les motifs ne sont pas du tout les mêmes. Il ne s’agit point, dans la garde, de déléguer aucune partie de l’autorité administrative gouvernante. Dans le cas de l’élection du régent, il y avait cet inconvénient insoluble; il arriverait de deux choses l’une : ou que l’homme destiné à être le chef de la force publique pourrait corrompre la législature, ou que la législature pourrait se concerter de manière à s’assurer l’emploi de l’administration; ce qui détruirait le fondement de la Constitution. Mais ici, de quoi s’agit-t-il ? D’une éducation particulière pour faire d’abord le bonheur de l’enfant, afin qu’il fasse ensuite celui de la nation. Voilà, Messieurs, les motifs qui nous ont portés à vous proposer, pour la seconde partie de l’article 2, la rédaction que voici : « A défaut de la mère, la garde sera déférée par élection du Corps législatif. » M. Thévenot de Maroisc. Avant de déterminer par un article que, à défaut de la mère, le mode de pourvoir à la garde du roi mineur sera le mode d’élection, j’ai l’honneur de représenter que je ne vois pas quelles doivent être les raisons pour différencier l’aïeu!e maternelle de la mère. Puisqu’il s’agit uniquement d’une fonction de confiance, qui est fondée sur l’attachement naturel, il me semble que l’aïeule pourrait être chargée de la garde du roi, pourvu qu’elle ne fut pas trop âgée. Je demande qu’il soit délibéré, avant tout, si l’aïeule maternelle sera exclue ou non exclue. Plusieurs membres : Aux voix l’article ! M. Martineau. Je ne conçois pas comment le Corps législatif, composé de membres rassemblés des différentes parties du royaume, pourrait faire un choix raisonnable. J’imagine, Messieurs, qu’il y aurait un moyen bien simple, ce serait lorsque ie roi mineur n’a pas de mère, que tous les membres delà famille royale fussent tenus de se rassembler et de présenter à la législature trois personnes sur qui elle choisirait. (1) Voyez ci-dessus, séance du 25 mars 1791, page 375 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 mars 1791.) 389 Plusieurs membres : La question préalable! M. Te Bois -Besguays. Il serait dangereux d’autoriser par une loi le rassemblement de la famille royale, dans un moment où elle pourrait prendre des décisions funestes à l’Etat; en conséquence, je demande la question préalable sur la proposition de M. Martineau. M. Tuaut de la Bonverie. Je propose, par amendement, que te roi, de son vivant, ait le droit de désigner celui à qui il entend que la garde de son fils soit confiée. Personne n’y est plus intéressé que lui. M. Blin. J’appuie celte proposition. Il est impossible de faire un meilleur choix que celui qui sera éclairé par la tendresse paternelle. M. Thouret, rapporteur. C’est un malheur de n’envisager la question que sous une face. Mais qui Ile confiance mérite l’acte d’un roi qui peut êlre fait peu de moments avant sa mort et quand il sera entouré de séductions et d’intrigues ? (. Applaudissements .) Est-il bien sûr que, dans la position où le roi se trouve alors, cet acte soit dicté parla prudence et le discernement? Je trouve qu’il y aurait de très grands inconvénients à l’adoption de cette proposition. M. de Cazalès. Si M. Thouret n’a pas de plus forte objection à faire à l’amendement, il est aisé d’y répondre. Je sens qu’il est très dangereux que l’on entoure le lit d’un roi mourant et que peut-être on ferait parler les morts; mais l’Assemblée nationale peut prendre une autre forme qui évitera cet inconvénient. Il lui suffit de déclarer que Pacte qui nommera le gardien du roi mineur devra avoir été fait 6 mois avant la mort du roi. M. Rewbell. Je demande que, si le roi doit nommer le gardien de son enfant, il ne puisse le faire sans que les médecins aient déclaré qu’il se porte bien. (Rires.) M. Barnave. Monsieur le Président, il n’y a qu’un mot à dire sur la question actuelle. Il est évident que l’enfant royal appartient à la nation (Murmures à droite)-, que, conséquemment, sous ce point de vue, sa garde appartient à la nation. 11 est encore une autre maxime générale qu’il faut déclarer, c’est que nous ne connaissons plus detestaments politiques, que nous ne connaissons plus de volonté politique après la mort. A présent, il me semble que le comité n’a pas assez exprimé que le régent ne peut pas avoir la garde du roi. Il a dit, à la vérité, dans le premier article, que la régence ne donnait aucun droit à cette garde; mais il doit être dit : La régence et la garde sont incompatibles, et il doit ê're ajouté à l’article que Pacte, par lequel le Corps législatif nommera, ne sera pas soumis à la sanction. Avec ces additions, il me paraît qu'il n’y a pas une seule objection à faire au plan proposé par le comité. M. Thouret, rapporteur. J’observe à M. Barnave que ces deux dispositions trouveront leur place dans la suite du plan. (L’Assemblée, consultée, décrète la rédaction proposée par le comité pour la deuxième partie de l’article 2.) M. Thouret, rapporteur. Maintenant que vous venez de décréter que la garde esc élective parle Corps législatif, l’ordredesidéesvousamène nécessairement à statuer sur l’intervalle qui s’écoulera depuis la mort du roi jusqu’à l’élection du Corps législatif; et je crois qu’il faut placer à l’article qui vient d’être décrété, et comme partie du même article, celte disposition-ci : « Et provisoirement le ministre de la j ustice sera tenu de pourvoir à la conservation delà personne du roi mineur et il en demeurera personnellement responsable. » (Cette disposition est décrétée.) En conséquence, l’article 2 est conçu dans les termes suivants : Art. 2. « La garde de la personne du roi mineur sera confiée à sa mère. « A défaut de la mère, la garde sera déférée par élection du Corps législatif; provisoirement le ministre de la justice sera tenu de pourvoir à la conservation de la personne du roi mineur, et il en demeurera personnellement responsable. » M. Thouret, rapporteur. C’est maintenant le moment de placer la disposition sur l’inéligibilité des personnes que vous voulez exclure. Voici la rédaction que nous vous proposons : Art. 3. « Le régent et ses descendants ne pourront avoir la garde du roi; et le décret du Corps législatif, qui la déférera, n’aura pas besoin de sanction. » (Adopté.) M. Thouret, rapporteur, donne lecture de l'article 4 qui est ainsi conçu : Art. 4. « Si la mère est remariée au temps de l’avènement de son fils mineur au trône, ou si elle se marie pendant la durée de la minorité, la garde du roi sera déférée ainsi qu’il est dit dans la seconde partie de l’article 2 ci-dessus. » M. Faydei. Dans ce cas-là, permettez-moi de vous dire’que la deuxième partie de l’article 4 suffit : « si la reine se remarie pendant la durée de la minorité, etc. >> Pourquoi parler de son nouveau mariage avant l’avènement de son fils au trône. Il me semble qu’il serait plus court de dire : « La reine mère perdra la garde du roi, lorsqu’elle se remariera pendant la minorité. » M. Thouret, rapporteur. Il y a deux cas de mères : l’un de reine mère et l’autre de mère qui n’a jamais été reine. Ainsi la rédaction comprend ces deux cas. M. Goupil-Préfeln. La duchesse d’Angou-lême, mère de François Ier, n’était pas la reine mère. (L’Assemblée décrète l’article 4 du comité.) M. Thouret, rapporteur. Voici, Messieurs, la nouvelle rédaction que nous vous proposons pour l’article 5 : Art. 5. « Celui qui, au défaut de la mère, sera chargé de la garde du roi, prêtera à la nation, entre les mains du Corps législatif, le serment de veiller