[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES* [18 avril 1791. J département dé Paric. Il n’est donc pas possible d’ouvrir une discussion sur ce document qui n’est pas assez connu de l’Assemblée pour qu’elle puisse y donner un assentiment particulier. J’ajouterai d’ailleurs que, si le département de Paris ne s’était pas chargé de présenter à l’Assemblée son arrêté, je le lui aurais déféré moi-même comme contenant des dispositions inconstitutionnelles et dangereuses pour la liberté publique. Je conclus au renvoi de la lettre et de l’arrêté du directoire de Paris au comité de Constitution qui devra en faire incessamment le rapport. M. d’André. Je réponds à M. de Biauzat que je m’oppose formellementaurenvoi qu’il demande. Je pense qu’il faut lire l’arrêté du département de Paris, pour lui donner les éloges qu’il mérite", et je crois qu’il ne sera pas difficile de prouver que le département de Paris s’est renfermé strictement, quoi qu’on en dise, dans les limites de l’autorité que la Constitution lui a confiée pour l’exécution non seulement des lois, mais de la déclaration des droits, qui est supérieure à toutes les lois; que nous n’avons fait que déclarer, et à laquelle nous ne pourrions attenter sans nous rendre indignes de la confiance de la nation. {Applaudissements.) Je demande donc que la discussion s’ouvre sur cet arrêté, pour éclairer ceux qu’un zèle malentendu peut avoir égarés; et je m’engage à prouver qu’il est conforme à toutes les règles et à tous les principes; que cet arrêté est plein de la plus saine philosophie, de la plus droite raison et de la plus exacte vérité; que cet arrêté met toutes choses à leur place; qu’il maintient la liberté qui appartient à tous les citoyens. Il est donc nécessaire qu’il soit lu, et que ceux qui y trouvent des choses irrégulières veuillent bien nous les indiquer. La discussion en est essentielle, non pas pour l’Assemblée, qui est exempte de préjugés, mais pour le peuple qui n’est pas assez instruit. Pour moi, je déclare que je conclurai à donner des éloges au département de Paris et à envoyer son arrêté dans tous les départements. ( Applaudissements .) M. Roger, secrétaire, donne lecture de l’arrêté qui est ainsi conçu : Arrêté du directoire du département de Paris concernant les églises paroissiales, les chapelles et autres édifices de la ville de Paris. « Paris 11 avril 1791. « Le directoire, pénétré de l’obligation où il est de concourir de toutes ses forces à l’établissement de la Constitution, de prendre toutes les mesures administratives qui doivent assurer la pleine exécution des lois et, en particulier, pressé par les circonstances d’employer des moyens prompts et efficaces, pour maintenir l’ordre .public dans tout ce qui concerne le service du culte catholique. « Vu son précédent arrêté du 8 de ce mois, par lequel, en confirmant les mesures provisoires prises par la municipalité, il requérait qu’il lui fût rendu compte de l’état des églises paroissiales de Paris, et de leur suffisance ou insuffisance pour le service public uu culte catholique; « Vu le compte présenté par la municipalité, à 179 la séance de ce jour, et après avoir entendu le procureur général syndic : « Le directoire, considérant que la nation, en se chargeant des frais du culte catholique, n’entend pas y consacrer plus d’édifices qu’il n’est nécessaire pour l’entier et complet exercice de cette religion ; « Que le Trésor national doit profiter de la vente de toutes les propriétés nationales devenues inutiles à l’établissement public ; « Que la liberté du citoyen, dans ses opinions religieuses et dans tout ce qui ne blesse pas l’ordre public , doit lui être garantie contre toute espèce d’alteinte; « Voulant en même temps réprimer efficacement les désordres publics journellement suscités par de mauvais citoyens, sous prétexte d’opinions; « A arrêté ce qui suit : « Art. 1er. La municipalité nommera, pour chaque église paroissiale, un officier public, sous lenom de préposé laïc, lequel aura la garde de l’édifice, celle de la sacristie, le dépôt des ornements, etc..., et le soin de la police intérieure. « Art. 2. Le préposé de chaque paroisse aura sous ses ordres le nombre d’employés qui sera jngé suffisant pour le service laïc de l’église. « Art. 3. Tout préposé laïc et les employés sous ses ordres seront tenus, sous peine de destitution, d’empêcher qu’aucune fonction ecclésiastique ne soit exercée dans leur église, sacristie ou bâtiments en dépendant, par d’autres que par les fonctionnaires publics ecclésiastiques, salariés par la nation, nominativement attachés à ladite église paroissiale et inscrits sur un tableau exposé à cet effet à la porte de la sacristie. « Art. 4. Il ne pourra être fait d’exception à l’article précédent qu’en faveur des prêtres ou ecclésiastiques qui seront munis d’une licence particulière, accordée par l’évêque du département, visée et consentie par le curé de la paroisse, laquelle permission aura besoin d’être renouvelée tous les 3 mois. « Art. 5. Toute autre église ou chapelle, appartenant à la nation, dans la ville de Paris, sera fermée dans les 24 heures, si elle n’est du nombre de celles qui sont expressément exceptées par l’article suivant : « Art. 6. Sont exceptées les chapelles des hôpitaux et autres maisons de charité, des prisons et autres maisons de détention ; « Les chapelles des couvents des religieuses cloîtrées qui n’ont pas été supprimées; « Celles des collèges de Paris en plein exercice; Celles enfin des séminaires, en attendant qu’ils soient tous réunis en un seul, aux termes des décrets. « Toutes ces exceptions ne sont que provisoires, et en attendant ce que l’Assemblée nationale décrétera touchant l’instruction publique, les maisons de secours, et celles de détention. « Art. 7. Les exceptions portées en l’article précédent n’auront lieu qu’aux conditions suivantes : que ces chapelles, ne devant servir qu’à l’usage particulier de la maison, ne seront en aucun cas ouvertes au public, qu’aucune fonction ecclésiastique ne pourra y être exercée que par ceux qui auront à cet effet une mission parT ticulière de l’évêque de Paris, visée par le curé de la paroisse ; laquelle mission n’aura pu être accordée que sur la demande des supérieurs de ces maisons. 480 (Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (18 avril 1791. J « Art. 8. Il sera présenté incessamment une requête officielle à l’Assemblée nationale, pour demander que la loi prononce, en cas de contravention, la peine de destitution pour les supérieurs, et même de suppression des chapelles suivant les cas. « Art. 9. Les religieuses cloîtrées, qui ne voudraient pas profiter de la faveur qui leur est accordée par l’article 6, sont libres d’en faire la déclaration à la municipalité. A cette condition, elles régleront seules ce qu’elles jugeront convenable à l’exercice de leur culte, en se servant des chapelles intérieures de leur couvent. S’il n’y a pas de chapelle intérieure dans leur couvent, elles s’adresseront à la municipalité, qui pourra, après la visite des lieux, leur accorder la disposition de la chapelle extérieure, ou seulement d’une partie de cette chapelle, si elle se trouve plus grande qu’il n’est nécessaire pour leur usage particulier; mais, dans ce cas, toute communication extérieure sera fermée, et les religieuses cloîtrées seront dispensées de la seconde condition exigée par l’article 7 ci-dessus. « Art. 10. Les églises et chapelles qui ont été fermées en vertu de l’article 5 seront, aux termes des décrets, mises en vente au profit de la nation ou réservées à toute autre destination qui pourrait être déterminée par l’Assemblée nationale. Les acquéreurs de ces édifices resteront libres d’en faire tel usage qu’ils jugeront à propos. « Art. 11. Tout édifice ou partie d’édifice que des particuliers voudront destiner à réunir un grand nombre d’individus pour l’exercice d’un culte religieux quelconque portera, sur la principale porte extérieure, une inscription pour indiquer son usage, et le distinguer de celui des églises publiques appartenant à la nation, et dont le service est payé par elle. « Art. 12. Cette inscription ne pourra, pendant le cours de cette année 1791, être placée qu’a-près avoir été vue et autorisée par le directoire du département. * Art. 13. Seront exempts de l’inscription, les maîtres des maisons qui ont déjà, ou auront des chapelles particulières pour l’usage seulement intérieur de leurs maisons. « Art. 14. Il est expressément défendu de mêler aux exercices de quelque culte que ce soit des provocations contre la Constitution, contre les lois ou contre les autorités établies. A ce signe, la police doit distinguer, de ceux qui se réunissent paisiblement pour leur religion, ceux qui, sous ce prétexte, s’assembleraient dans des vues criminelles, et pour tenter des coalitions factieuses contre l’établissement de la Constitution. « Art. 15. Toute contravention aux articles 11, 12 et 14 sera réprimée, la première fois, par les moyens et les peines ordinaires de police, et la seconde fois, par telle autre peine plus sévère prononcée par la loi, le directoire du département se réservant de s’adresser à l’Assemblée nationale pour avoir à cet égard une loi pénale. « Art. 16. Le directoire ordonne expressément à la municipalité d’employer tous les moyens, pour réprimer efficacement les coupables effets de l’odieuse intolérance qui s’est récemment manifestée, et pour prévenir les même délits, sous quelque forme qu’ils se reproduisent contre la pleine liberté religieuse reconnue et garantie par la nouvelle Constitution. « Art. 17. Le présent arrêté sera envoyé à la municipalité de Paris, pour qu’elle ait à veiller à son exécution; et il sera imprimé et affiché partout où besoin sera : Signé : La Rochefoucauld, président. Blondel, secrétaire. M. Goupil-Préfeln. Je crois, avec M. d'André, que l’arrêté du département de Paris est conforme aux notions de la plus pure et de la plus saine philosophie, digne même d’être consacré par votre sagesse. Mais il est des règles dont la conservation est si importante, qu’il est impossible de les omettre sans ébranler les fondements de l’ordre public. Vous avez sagement établi, Messieurs, que tout Etat dans lequel la destination des pouvoirs n’est pas bien marquée, n’est pas bien assurée, n’a pas de bonne constitution. C’est cette distinction de pouvoir que, dans un mouvement de zèle dont le principe est sans doute infiniment louable, le directoire du département de Paris a méconnue : c’est ce qui fait le vice essentiel de son arrêté ; c’est ce qui ne vous permet pas d’accepter comme arrêté ce qui est excellent à vous être présenté comme pétition. ( Applaudissements à l'extrême gauche.) Rappelez-vous que vous avez entendu dans cette Assemblée, il y a fort peu de temps, le reproche adressé à des patriotes de tendre par leurs opinions au pouvoir fédératif : Eh bien, si chaque directoire de département peut, avec de bonnes intentions, en présentant des vues sages, s'arroger la puissance législative ( Applaudissements à l'extrême gauche.), nous voilà parvenusaux portes de l’Etat fédératif dans lequel notre Constitution une fois précipitée se trouvera anéantie et perdue sans ressource. Messieurs, considérez, je voue prie, dans votre sagesse la souveraine importance de l’exemple dont il s’agit ici. Tout l’Empire a les yeux ouverts sur la délibération que vous allez prendre. Ce que le directoire du département de Paris aura pu se permettre, chacun des 82 directoires de département pourra sans doute se le permettre également; et vous allez avoir en France 83 pouvoirs législatifs ( Applaudissements .) Vous avez été frappés de la nécessité de renfermer strictement les corps administratifs dans les limites de l’autorité qui leur est attribuée. Vous avez distingué l’administration et l’ordre judiciaire. Vous avez donné aux départements ce qui concerne la tenue, et aux tribunaux ce qui tient aux questions d’éligibilité. Maintenant, je viens vous démontrer que l’arrêté dont on vient de vous donner lecture entreprend véritablement sur les fonctions du Corps législatif. L’article 1er porte que : « La municipalité nommera pour chaque église paroissiale un officier public sous le nom de préposé laïque, etc. » Je demande si un officier peut être jamais établi autrement que par la loi. Gela me paraît assez clair et assez évidemment démontré. ( Applaudissements .) Je passe rapidement sur plusieurs dispositions immédiatement subséquentes à celle-ci. Je me contenterai de cette observation générale, que par l’ensemble des dispositions on change absolument l’ordre légal établi jusqu’à présent pour l’administration des paroisses, et que l’on transfère à la municipalité de la ville ce que les lois attribuaient ci-devant aux assemblées de paroisses, arrangement très bon en lui-même, mais qui ne peut être introduit que par une loi; car enfin il est indubitable que ce n’est que par l’autorité