622 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [b août 1T90,] M. Eioys. Ce n’est pas de 20 à 25 ans que la jeunesse est la moins impétueuse; c’est aiors qu’elle est sujette aux mouvements, aux agitations les plus déplorables. L’autorité du tribunal de famille ne peut dégrader l’homme, puisque c’est l’autorité de la nature. Dans un siècle de dépravation, les législateurs ne sauraient rechercher .avec tropdesoin les moyensde rappeler les mœurs, ou de s’opposer à leur perte totale; l’amendement de 25 ans est un de ces moyens; il ne peut être dédaigné. M. Tbouret.Je regrette que la disposition où je me trouve ne me permette pas de vous présenter le développement du projet de votre comité; je dirai seulement que quand un homme a 20 ans, il est temps qu’il réponde à la loi. M. lie Chapelier. Vous avez fixé à 21 ans le premier acte politique; je demande qu’on fixe à 21 ans la cessation du pouvoir du tribunal de famille. (Ce sous-amendement est mis aux voix. — La première épreuve est douteuse. — A la seconde, M. le Président pense que le sous-amendement est admis; trois de MM. les secrétaires sont du même avis; deux croient qu’il y a du doute ; un autre, qu’il est rejeté. — Le côté droit réclame l’appel nominal. — On y procède. — Le résultat donne 313 voix pour rejeter le sous-amendemeut, et 338 pour l’admettre.) M. le Président met aux voix l’article 14. Il est adopté dans les termes suivants ; Art. 14. « Le tribunal de famille, après avoir vérifié les sujets de plainte, pourra arrêter que l’enfant, s’il est âgé de moins de 21 ans accomplis, sera renfermé pendant un temps qui ne pourra excéder celui d’une année, dans les cas les plus graves. (La séance est levée à trois heures du soir.) ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M-L’ABBÉ GOUTTES, EX-PRÉSIDENT. Séance du jeudi 5 août 1790, au soir (1). M. l’abbé Gouttes, ex-président, occupe le fauteuil. Il ouvre la séance à six heures du soir. Des députés de la commune et de la garde nationale de la ville de Remiremont, admis à la barre, font lecture d’une adresse qui exprime la plus vive indignation, contre l’auteur du journal intitulé; Patriote français, lequel, dans le n° 332, a osé calomnier de la manière la plus atroce leur patriotisme et leur dévouement à la chose publique. Tous les citoyens s’empressent de renouveler leur serment civique entre les mains de l’Assemblée, et sollicitent sa justice contre le feuilliste, leur vil calomniateur. (Cette adresse est renvoyée au comité des rapports.) M. le Président accorde aux députés l’honneur de la séance. Il est également fait lecture des adresses suivantes : (I) Getto séance est incomplète uu Moniteur. Adresse du conseil général de la commune de Rennes, qui représente à l’Assemblée que le décret qui porte d’un district à l’autre les appels judiciaires, opérerait la ruine entière de cette ville, si l'Assemblée ne daignait lui accorder un secours extraordinaire : ce conseil demande qu’après la formation des tribunaux de districts, la cour provisoire établie à Rennes continue d’exister pendant le temps nécessaire pour terminer les procès, qui, à cette époque, se trouveront portés devant elle, ou que, du moins, le tribunal de district soit autorisé à juger toutes les affaires dont le présidial se trouvera saisi. Adresse des administrateurs du district de Lille, département du Nord, qui présentent à l’Assemblée le tribut de leur admiration et de leur dévouement. Procès-verbal de ce qui s’est passé à Estissac, le 14 juillet dernier, à la célébration de la fête de la confédération générale de France. La motion est faite et décrétée qu’il sera fait mention de ces deux pièces au procès-verbal. M. de Kyspoter, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance de ce jour, au matin. Il est adopté. Les comités des rapports et de Constitution réunis présentent un projet de décret sur la formation du corps administratif du département des Landes. Ce décret est adopté, saris discussion, ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale, d’après l’avis de ses comités de Constitution et des rapports réunis, « Décrète ; 1° que l’assemblée du département des Landes se tiendra, conformément à son décret du 15 février dernier, en la ville de Mont-de-Marsan ; « 2° Que les électeurs, après avoir formé le corps administratif, se retireront en la ville de Tartas, pour y délibérer sur la faculté qui leur a été laissée de proposer un alternai, s’ils le jugeaient convenable aux intérêts du département ; « 3° Que, dans le cas où les électeurs jugeraient convenable de proposer un alternat, cet alternat ne pourrait avoir lieu qu’entre la ville de Mont-de-Marsan et une autre ville de ce département : « Ordonne que son Président se retirera incessamment par devers Sa Majesté, pour la prier de faire exécuter le présent décret. » M. Ce Chapelier, appuyé par tous les députés de lu ci-devant province de Bretagne, réclame contre une procédure qui s’instruit dans les départements d Ille-et-Vilaine et de la Loire-Inférieure, sur les désordres que les paysans ont commis, il y a six mois. Ces désordres, assurément très condamnables, n’ont pas été portés en Bretagne aux mêmes excès que clans plusieurs provinces de la France. xNul homme n’en a été la victime; deux maisons ont été brûlées. Sous prétexte d’informer aujourd’hui, après un silence de six mois, ou arrache aux travaux pressants de la moisson, on traîne dans les cachots de malheureux paysans dont quelques scélérats égaraient la crédulité, en leur disant que ces désordres étaient commandés par le roi et l'Assemblée nationale. M. Le Chapelier demande que ces poursuites soient discontinuées au criminel, mais [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 août 1790.) qu’elles soient reprises au civil, pour laisser le recours aux parties lésées. M. Males demande qu’on rende un décret générai, puisque plusieurs départements sont dans une situation semblable à la ci-devant province de Bretagne. M. Rewbell s’oppose à ce qu’on s’écarte de la motion de M. Le Chapelier et représente que les circonstances particulières à la Bretagne ne sont pas communes aux départements de la Corrèze et du Loiret. On demande à aller aux voix. La motion deM. Le Chapelier est décrétée ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale, informée par un de ses membres, des procédures criminelles qui s’instruisent dans les départements de l’llle-et-Vilaine, de la Loire-Inférieure, du Morbihan et autres de la ci-devant province de Bretagne, à l’occasion des troubles, dégâts et voies de fait qui ont eu heu il y a quelques mois dans les campagnes situées dans ces départements; « Considérant que ces insurrections et voies de fait très condamnables ont été partout le fruit d’un égarement momentané, et même, dans quel-ues endroits, l’effet de la supposition coupable e prétendus décrets de l’Assemblée nationale et d’ordres du roi, auxquels la simplicité des habitants des campagnes leur a fait ajouter foi, quelque incroyables qu’ils fussent ; « Considérant, en outre, que le zèle des municipalités et des administrations de département et de district, leur attention à instruire les habitants des campagnes des décrets de l’Assemblée nationale, sanctionnés par le roi, et à les leur expliquer, empêcheront ces insurrections et voies de fait de se reproduire, lesquelles ne pourraient renaître qu’au grand péril de ceux qui s’en rendraient coupables, parce qu’ils seraient punis avec toute la sévérité des lois ; « Décrète que le Président se retirera vers le roi, pour le prier de donner des ordres afin que les procédures criminelles qui s’instruisent dans les départements de l’Ille-et-Vilaine, delà Loire-Inférieure et du Morbihan, à l’occasion des dégâts et voies de fait commis dans quelques paroisses desdits départements, soient regardées comme non-avenues ; et que les personnes emprisonnées à raison de ces procédures soient mises en liberté, réservant à ceux qui ont pu souffrir quelques dommages de ces insurrections et voies de fait, la faculté de se pourvoir par une procédure civile, pour obtenir des dédommagements et réparations qui leur seraient dus, et à se servir comme d’enquêtes des informations faites sur leurs plaintes ou sur celles des officiers exerçant le ministère public dans ces paroisses. » Des citoyens de la ville de Saint-Maixent, département des Deux-Sèvres, font lecture d’uue adresse de félicitation, remercîment et adhésion : Dans un moment où tout paraît s’armer contre la liberté, ils déclarent renouveler, entre les mains de l’Assemblée, le serment civique qu’ils ont déjà fait au pied des autels. Le sieur Allard, maire et député de la ville et du district de Partheuay, même département, présente à l’Assemblée l’hommage des électeurs du district, et une pétition relative à la fixation du chef-lieu 4u département. Gette pétition est I renvoyée au comité de -Constitution. 623 M. le {président répond : « Le nouveau régime ne peut être utile à la natiou, elle ne peut reprendre sa première splendeur, qu’autant que les administrateurs des départements et districts feront tous leurs efforts pour seconder ses travaux, en faisant respecter les lois, payer les impôts, et maintiendront partout le bon ordre et la paix qui en est la suite. « L’Assemblée reçoit avec satisfaction l’expression de vos sentiments et votre adhésion à ses décrets. » Une députation des naturalistes est admise à la barre et présente l’adresse suivante : « Messieurs, une association de presque tous les naturalistes qui se trouvent actuellement à Paris a formé le projet d’élever, par une souscription volontaire, des monuments aux savants, qui, par leurs travaux et leurs succès, ont accéléré les progrès de l’histoire naturelle, en ont répandu le goût et fait connaître le véritable prix. Si ce projet se bornait à cette sorte d’apothéose, ceux qui l’ont formé seraient sûrs d’obtenir votre approbation, Messieurs, non à titre de législateurs, mais comme amis des hommes, et conséquemment de l’instruction; mais ils viennent de plus vous demander la permission de placer les bustes des grands hommes, dont ils veulent honorer la mémoire, au jardin public des plantes, établissement que nous désirons tous voir devenir national ; c’est-à-dire à l’abri de toute influence étrangère à la vôtre. Ils se concerteront, d’ailleurs, pour tout ce qu’ils se proposeraient de faire, avec les personnes chargées d’administrer ce lieu d’enseignement public. « Notre association s’est restreinte à donner un témoignage authentique de son admiration aux seuls grands hommes qui ont illustré la science, objet des recherches de ses membres ; science dont le nom de Buffon, en France, comme celui de Linnœus, chez toutes les autres nations de l’Europe, ferait sentir Je prix, si elle n’en recevait un plus grand encore de ses rapports avec l’agriculture et tous les arts utiles. Le naturaliste le plus digne de nos hommages, et conséquemment celui en l’honneur de qui le premier buste sera élevé, est ce même Linnœus, à qui le roi de Suède avait donné le nom de Linné , pour l’anoblir, et à qui nous, Français, libres, avons rendu celui de Linnœus , pour l’honorer davantage. « Qu’on ne s’étonne point de nous voir décerner les premiers honneurs de ce genre, à ce grand homme ; il a créé une nouvelle langue pour l’histoire naturelle, il a jeté un nouveau jour sur toutes les parties de cette science, et a déchiré ainsi un coin du voile dont la nature qui aime à se montrer, a toujours été, malgré elle, couverte par l’ignorance. Aucun titre n’a manqué à sa gloire; il a éprouvé des obstacles, des persécu-cutions de tout genre ; mais tel est le sort de tous ceux qui cherchent à répandre l’instruction : tel est aussi le sort de ceux qui s’occupent des grands objets de la chose publique ; car vous le savez mieux que personne, Messieurs, on ne travaille pas impunément au bonheur de l’humanité. « Il est temps que les savants paisibles, qui ont contribué si efficacement à i’améhoration de l’espèce humaine, soient offerts, par leurs disciples, à la vénération des siècles à venir et que notre postérité, à l’aspect des monuments que la génération présente lui aura transmis, puisse dire de nous : « ils connurent la vraie félicité ; ils