[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 mars 1791.J 218 d’une réprimande fort insuffisante pour nn délit aussi grave que celui dont la municipalité est prévenue par les procès-verbaux du directoire. Il faut que vous suiviez vos principe-; or, pour ce, il faut que vous décrétiez qu’il y a lieu à accusation contre les officiers municipaux de Douai ; il faut stipuler dans le décret que le roi sera prié de donner des ordres aujourd’hui même pour que les officiers municipaux soient arrêtés et conduits à Orléans. Je n’ai que peu d’observations à faire sur les diverses propositions qui vous ont été soumises. La première, tendant à envoyer les commissaires àDouai,jelacrois inutile. Les corps administratifs, autres que la municipalité, ont montré une intelligence, un zèle, une vigueur qui doivent vous déterminer a rejeter cette mesure; la suule chose à faire, suivant moi, c’est de donner au departement du Nord le pouvoir de requérir la force militaire, s’il en a besoin. ( Applaudissements .) Quant à la seconde proposition, dont l’objet est défaire tenir à Douai rassemblée électorale, il me semble qu’il faut sur cette aff fire laisser au corps administratif, plus à portée que nous de juger l’état des choses, d’agir librement. D’ailleurs je crois qu’il est important que la liberté des élections soit assurée sans recourir à la force armée, et j’opinerais à ce que, si le corps administratif jugeait que cette liberté pouvait encourir quelque danger et les électeurs être inquiétés, l'on passât sur cette légère inconvenance du moment et à ce qu’on laissât transporter l’assemblée électorale dans une autre ville, parce que celle de Douai ne serait pas digne, dans ce moment-ci, de les recevoir. Ainsi, je demande à cet égard que le corps administratif soit libre d’appeler les électeurs dans la ville de Douai ou dans toute autre ville du département. Je dirai encore un mot sur l’article du projet qui porte qu’il sera fait une loi pénale contre les ecclésiastiques qui, par leurs écrits ou par leurs discours, exciteront à la révolte. Personne n’est plus persuadé que moi que les écrits et les discours qui portent le peuple à la sédition sont de véritables délits; mais je vous supplie de considérer aussi que les expressions générales mènent tout de suite aux plus grands abus; qu avec les expressions générales dans lesquelles est conçu l’article, on peut conduire les citoyens à la perte de leur liberté, sous pn texte qu’ils ont tenu un discours qui a plus ou moins animé quelques personnes du peuple. C’est en embrassant la totalité des délits qu’il faut faire un Code pénal, parce que c’est la seule manière de le bien faire. Je demande donc que l’article soit ajourné jusqu’au moment où Votre comité de Constitution vous présentera le Code pénal, ce qui ne sera pas long. ( Applaudissements répétés.) M. Lanjuinais. Je demande que la discussion soit fermée et qu’on aille aux voix article par article. M. de Moailles. Je demande que la discussion ne soit pas fermée, parce qu’il y a à la porte de cette Assemblée un courrier qui arrive de Douai. M. le Président. A-t-on vérifié le fait? Un membre: Ce fait est annoncé par M. Baudouin; il est dans l’Assemblée, on peut l’interroger. Plusieurs membres : Qu’il parle! — Parlez, monsieur Baudouin! M. Baudouin. Le garçon de bureau vient de me dire qu’il avait parlé à un courrier arrivant de Douai; aussitôt un des huissiers de cette Assemblée est allé au-devant de lui. Un membre annonce que c’est le courrier de la malle. Un grand nombre de membres demandent que la discussion soit fermée. (L’Assemblée ferme la discussion.) La priorité est demandée ; par les uns, pour le p'Ojet du comité; par d’autres, pour l’amendement de M. Le Chapelier. (L’Assemblée, consultée, accorde la priorité à l’amendement de M. Le Chamelier.) M. Alquier, rapporteur , donne lecture de la nouvelle rédaction de l’article 1er avec l’amendement de M. Le Chai elier : « L’Assemblée nationale, sur le compte qui lui a été rendu par ses comités des rapports, militaire et des recherches, des événements arrivés dans la ville ne Douai, les 15, 16 et 17 de ce mois, d’après l’examen des procès-verbaux des directoires du département du N rnd et du district de Douai ; considé ant que ces événements ont été en grande partie amenés par le refus constant de la municipalité de Douai de pro-clam< r la loi martiale, nonobstant les réquisitions réitérées du directoire du département du Nord; que cette municipalité n’a oppo é auxdites réquisitions qu’une prétendue coalition des gardes nationales et d< s troupes de ligne avec les mauvais citoyens; coalition invraisemblable, dénuée de toute preuve légale, et qui n’aurait pu être constatée que par le résuit nt même de la proclamation de la loi maitmle, d’après laquelle on ne p ut douter que les ôtes gardes na ionales et troupes de ligne n’eussent déployé tout leur civisme et maniles'é tout leur respect pour la loi; déciète ce qui suit : Art. 1er. « Il y a lieu à accusation contre les maire, officiers municipaux et procureur de la commune delà ville de Douai; en con équence, le roi sera prié, dans le jour, de d mner le-ordres les plus prompts pour fahe mettre en état d’arrestation lesdits maire, officiers municipaux et procureur de la commun-de Douai, et i our les faire transférer sans delai dans les pri ons d'Orléans à l’effet d’y è re jugés en dernier ressort par le tribunal établi en celte ville par le décret du 5 de ce mois. » M. Pétion de Villeneuve. Je m’oppose à la priorité pour la propos tion de M. Le Chapelier; elle est susceptible deplusicurs obs rvations. En effet, Messieurs, sur le rapport qui vous a été fait.... (Murmures). Plusieurs membres : La discussion est fermée. M. Pétion de Villeneuve. Mais, Messieurs, lorsqu’on s’oppose à une priorité, il faut au moins dire les motifs pour lesquels on s’y oppose. Un membre : Il n’y a pas de priorité. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 mars 1791. j M. Pétion de Villeneuve. Si ce n’est qu’une proposition adoptée par M. le rapporteur, comme elle n'est pas discutée, je m’y oppose également. (Murmures.) Autre chose est de regarder une municipalité comme prévenue ou de déclarer à l’instant qu’il y a lieu à accusation. (Murmures.) L’Assemblée n’a pas sous les yeux les éclaircissements nécessaires pour porter un jugement provisoire. Un membre : Elle a les procès-verbaux ! Plusieurs membres : Aux voix! aux voix! (L’Assemblée, consultée, décrète la nouvelle rédaction de l’article 1er.) Art. 2. « Il sera nommé, par le directoire du département du Nord, à l’instant de la réception du présent décret, 8 commissaires pour remplacer provisoirement ladite municipalité; et ces commissaires entreront en fonctions sur-le-champ, après avoir prêté serment entre les mains des administrateurs composant le directoire du district de Douai. » (Adopté.) M. Alquïer, rapporteur , donne lecture de l’article 3 du projet de décret du comité. M. Robespierre. Je demande que, suivant sans doute l’intention de l’Asse.mb'ée nationale, on se borne à poursuivre les instigateurs et auteurs du délit. (Murmures.) Je n’invoque pas même les prinipes de la liberté; j’invoque les principes suivis dans tout état despotique et je demande si, lorsqu’un désordre a été commis par une multitude, l’on étend la peine à la multitude entière? On se contente de poursuivre les principaux auteurs. Plusieurs membres : Aux voix! aux voix! Vous nous ennuyez,! M. Robespierre. Condamnez, tout le peuple de Douai, si vous voulez, ça m’est égal ; mais je dois faire tout ce qui est en mon pouvoir pour prévenir une injustice atroce. (Murmures.) Oui, Messieurs, sous le nom de fauteurs, on pourrait comprendre tous ceux qui se sont trouvés dans la loule. Un membre : Monsieur Robespierre, vous êtes fou ! M. Robespierre. En conséquence, je demande qu’on retranche le mot de fauteurs. (Murmures.) (Cet amendement n’est pas adopté.) Un membre propose, par amendement, d’ajouter à l’article nu’une expédition de la procédure commencée à Douai sera envoyée au tribunal provisoire d’ürléans. M. Alquier, rapporteur. J’adopte l’amendement et je rédige comme suit l’article : Art. 3. « Les procédures commencées au tribunal du dist'ict de Douai, conbe les auteurs, fauteurs, et instigateurs des rmeutes, voies de fuit, d lits et assassinats commis dans ladite ville, les 15, 16 et 17 de ce mois, seront continuées sans relâche. Une expédition sera envoyée au tribunal 219 provisoire d’Orléans et le ministre de la justice sera tenu de rendre compte à l’Assemblée nationale, de huitaine en huitaine, de l’état et des suites desdites procédures. » (Adopté.) M. Alquier, rapporteur . Voici, avec l’amendement de M. Le Chapelier, la nouvelle rédaction de l’article 4 : Art. 4. « Le directoire du département du Nord pourvoira par les mesures les plus promûtes à ce que les électeurs de ce département, qui étaient convoqués pour le 20 de ce mois, se réunissent incessamment en tel lieuqu’il estimera convenable, sans qu’il soit besoin de plus de huit jours d’intervalle entre la nouvelle convocation et la tenue de l’assemblée de-dits électeurs. Pourra aussi le directoire du département du Nord requérir, dans l’étendue de son territoire, la force publique, les troupes de ligne et les gardes nationales, pour le rétablissement etle maintien de l’ordre public. » M. Tuaut de I�a Rouverle. Peut-être serait-il dangereux de dire qu’un département sera autorisé à requérir la force publique?Cela est de droit. Plusieurs membres : Non ! non ! (L’article 4 est décrété.) Art. 5. « L’Assemblée nationale se rése rve de statuer ultérieurement d’après les motifs que le directoire du département du Nord doit lui adresser de sa translation provisoire en la ville de Lille. » (Adopté.) M. Alquier, rapporteur , donne lecture de Par ticle 6 du projet de décret. M. Lanjninnis. Je demande le renvoi de cet article au Gode pénal que le comité de Constitution promet de nous présenter incessamment. M. Alquier, rapporteur. Le comité retire l’article 6. Art. 6. (Art. 7 du projet.) « Le roi sera prié, dans le jour, de donner sa sanction au présent décret et de le faire parvenir directement et sans retard tant au directoire et au tribunal de district de Douai, qu’au directoire du département du Nord. » (Adopté.) M.Ie Président. A l’ouverture de cette séance, un membre a observé qu’il y avait un grand nombre d étrangers da is la salle. J’ai bienentendu cette réclamation; mais, comme elle portait sur les invalides qui s’y étaient rendus pour entendre une discussion qui les regarde, je l’avouerai, mon respect pour de vieux militaires m’aempêché d’y avoir égard. (Applaudissements.) L’Assemblée a elle-même consacré mon indulgence par son silence; je veux cependant prendre ses ordres pour la prochaine séance. Un grand nombre de membres : Qu’ils soient admis I qu’ils soient admis! M. le Président lève la séance à onze heures.