[Assemblée nationale.] 303 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 juillet 1790.] rête pas à la développer, c’est que, jugeant de l’impression qu’elle est dans le cas de vous faire, par celle que j’en ressens moi-même, je crois qu’il suffit de vous la présenier. Je crois donc que, pour procurer aux justiciables la perfection de la justice qu’il importe de leur assurer, on doit rejeter la proposition qui tous est faite de rendre chaque tribunal de district juge en dernier ressort, de toute matière. Je pense qu’au contraire, l’on doit adopter les tribunaux d’appel, proposés par votre comité, en leurdonoant, suivant son projet, un ressort de trois ou quatre départements. Je vais prouver que ce plan assure au plaideur la facilité et la promptitude des jugements autant que l’économie. Il ne faut pas, sans doute, que les tribunaux soient trop éloignés des justiciables, mais la proximité de ceux d’appel intéresse beaucoup moins le plaideur que celle des juges de première instance; c’est devant ceux-ci que se fait l’instruction des affaires : c’est là que se forme le procès; souvent il est nécessaire que les parties donnent elles-mêmes des renseignements sur les faits, ou des explications sur les pièces, même à l’égard des gens non lettrés ; on n’a pas souvent d’autre ressource que de les entendre pour .connaître leurs affaires et pour mettre leur procès dans un état d’instruction convenable; quelquefois ils y suppléent, auprèsde ceux quisont chargés de les défendre dans les tribunaux, par l’organe des praticiens ignorants, dont l’existence fait le malheur des campagnes où ils entretiennent l’amour de la chicane, dont ils savent profiler; pour délivrer nos campagnes de ces vampires qui les dévorent, il est essentiel que les juges de première instance soient à portée de tous les plaideurs, afin que ceux-ci puissent recourir directement aux défenseurs et aux conseils qu’ils y trouveront et qui devront instruireleurs affaires ; il y aura même une grande économie pour les parties, celle de n’avoir qu’un défenseur au lieu de deux. C’est encore devant les premiers juges que s’exécutent les jugements interlocutoires, tels que les enquêtes, informations, interrogatoires sur les faits et articles, vérifications d’écriture, etc., et comme la présence des parties ou d’autres personnes du pays est nécessaire pour ces différents actes de justice, c’est un avantage précieux pour le plaideur que le tribunal où ils ont lieu soit peu éloigné de lui. Mais tous ces motifs de rapprocher des justiciables les juges de première instance disparaissent à l’égard de ceux des causes d’appel: 1° totalement pour l’exécution des jugements interlocutoires, et même pour celle des jugements du fond, parce qu’on peut les renvoyer devant les premiers juges ; 2» à l'égard de l’instruction, elle est faite en première instance, et s’il y a quelque changement à porter en cause d’appel, on a peu besoin du secours des parties, puisque tous ceux qu’elles sont dans le casde donner sont consignés par écrit dans les moyens exposés devant b* pr emier juge, et alors un simple mémoire, rédigé par le premier défenseur, suffit; le plus ordinairement même l’instruction n’a pas besoin d’être changée, ni augmentée, en cause d’appel; en général, c’e?t par l’ignorance des praticiens que la première instruction se trouve défectueuse, ou insuffisante pour Ja cause d’appel ; plus souvent encore, peut-être c’est l’avidité des défenseurs en cause d’appel qui les décide à ajouter à la première instruction. G’est donc avec fondement que j’ai avancé que la plupart des motifs, qui sollicitaient en faveur des justiciables la proximité des tribunaux de première instance, n’existait pas à l’égard de eux d’appel. Si un plaideur devant les juges de cette classe croit avoir un grand intérêt à; en être rapproché, c’est pour être plus à portée de solliciter la justice; mais il faut, Messieurs, que de sages règlements rendent inutiles ces sollicitations qui avilissent ceux qui les pratiquent, et dégradent le magistrat auquel elles s’adressent-, il faut, comme votre comité vous l’a proposé, que le juge soit obligé, par la loi, de prononcer sans retard sur une cause qui est en état d’être décidée; il faut enfin que des règles faciles à prescrire sur la procédure à tenir en cause d’appel et sur les délais à observer, évitent au plaideur la peine et la dépense d’un déplacement pour faire mettre son procès en état de recevoir règlement. Ges lois devenant la sauvegarde des parties, à l’époque où les tribunaux auront au plus haut degré la confiance publique, puisqu’ils ne seront formés que par le choix du peuple, nous serons sans intérêt pour nous rapprocher des tribunaux d’appel, et nous nous apercevrons peu de la distance qui pourra être entre eux et nous ; elle sera d’ailleurs pt u considérable, dès que leur ressort n’excédera pas trois ou quatre départements comme le comité le propose. Dans cette distribution des tribunaux d’appel, les justiciables seront assurés d’une justice prompte, facile et peu dispendieuse; mais aussi elle permettra de trouver un nombre de juges éclairés suffisant pour assurer aux plaideurs la perfection de la justice. Par toutes ces considérations, je conclus à ce que l’Assemblée nationale décrète : 1° Que les tribunaux de district ne seront juges d'appel que des jugements rendus dans le territoire dont ils seront juges de première instance; 2° Que les appels des juges de district seront portés à des tribunaux spécialement établis pour les recevoir et juger en dernier ressort, lesquels comprendront trois ou quatre départements ; 3° Que l’on choisira , pour fixer le siège de ces tribunaux d'appel, les villes qui seront jugées les plus susceptibles de recevoir de tels établissements. M. le Président annonce que le maire de Paris demande à être entendu à la barre pour un objet pressant. L’Assemblée décide de lui donner la parole tout de suite et l’invite à monter à la tribune en qualité de membre de l’Assemblée. M. Bailly , maire de Paris. Messieurs, la municipalité de Paris, jalouse de rendre à Messieurs les fédérés tous les honneurs qui dépendent d’elle, m’a chargé d’ordonner les obsèques des deux fédérés qui ont péri dans la rivière, dimanche, 18 de ce mois; la municipalité de Passy a revendiqué le droit de rendre les derniers devoirs à ces députés, dont les corps ont été trouvés sur son territoire : je suis venu soumettre à l’Assemblée cette difficulté élevée entre les deux municipalités. Après avoir rempli la mission dont j’étais chargé, je déclare que, pour lever cette difficulté, je ne doute pas que le corps municipal de Paris ne se porte avec empressement à Passy, pour assister aux obsèques ordonnées par la municipalité du lieu, rendre les honneurs à nos frères d’armes, et donner en même temps un exemple de ta fraternité qui doit régner entre toutes les municipalités. »