512 (États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Province du Berry.] gabelle traîne à sa suite. Dans les cantons qui peuvent par leur position donner lieu à la contrebande , l’agriculture est sans vigueur , les mœurs y sont dépravées et les curés n’y remplissent leur ministère que d’une manière décourageante, parce que l’application des sacrements de l’Eglise les laisse presque toujours dans des doutes très-alarmants pour leur conscience. Le roi a dit dans la première assemblée des notables que la gabelle était jugée : puisse-t-elle être détruite sous le meilleur des rois dont le cœur aime la justice et dont la bouche dit la vérité ! Quel heureux changement le Berry éprouverait si le prix du sel était assez modéré pour que ses habitants pussent en donner à leurs bestiaux ! il les préserverait de bien des maladies. DES AIDES. Art. 17. Les aides, sans présenter un tableau aussi effrayant., sont sujettes à de grands inconvénients. La multiplicité des droits cumulés dans cette partie par des traitants, qui, pour augmenter leur bénéfice, savent toujours tromper le gouvernement, est un tourment continuel pour tous les citoyens qui ne peuvent vendre ni acheter du vin, soit en gros soit en détail, sans observer des formes dont l’inobservation donne lieu à des procès-verbaux dressés par des commis intéressés à en augmenter le nombre, sans qu’on puisse être rassuré par leur honnêteté. La charité même n’est pas à l’abri de la gène que mettent les aides dans cette partie : un homme touché de la détresse de son concitoyen qu’une bouteille de vin pourrait soulager ne peut la lui donner sans courir les risqués d’une amende, s’il la lui porte sans avoir mis dans sa confidence les préposés à la perception des droits sur le vin. La religion et les mœurs souffrent nécessairement des fraudes que cet impôt occasionne. On croit qu’il pourrait être facilement remplacé à la satisfaction de tous les citoyens, surtout en laissant le choix du remplacement aux Etals provinciaux, qui jugeraient de la manière qui serait la moins onéreuse à leur province. DES CONTROLES. Art. 18. Les précautions que le gouvernement a cru devoir prendre pour donner de 1 authenticité et des dates certaines aux conventions sociales ont fait établir les contrôles qui ont été confiés, ainsi que les droits domaniaux, aux traitants dont la cupidité n’a point de bornes. L’énorme quantité de déclarations et d’arrêts du conseil dans cette partie en a formé un labyrinthe, dont aucun fil ne peut découvrir ni l’entrée ni la sortie. Les contrôleurs et même les directeurs, quand ils sont honnêtes, sont Irès-embarrassés, et il arrive souvent qu’ils sont d’opinions différentes. Ces difficultés ont fait imaginer à leurs commettants de les forcer en recette quand ils se trompaient en moins, ce qui les avertit suffisamment de préférer le risque de se tromper en plus. Le citoyen qui paye et qui ne peut, à raison de son ignorance, douter de la légitimité du droit qu’on lui demande, reste dupe, à moins que le hasard ne. lui fasse découvrir l’erreur commise à son préjudice, mais pour parvenir à obtenir une restitution, il faut qu’il suive un procès dont l’événement est très-incertain ; si l’objet de l’erreur n’est pas très-considérable, il préfère alors sa tranquillité. On sent combien il en doit résulter d’abus, surtout au détriment des habitants de la campagne, qui sont obligés de s’adresser à des notaires peu instruits et qui font contrôler leurs actes par des contrôleurs qui savent seulement qu’ils ne doivent pas se mettre dans le cas d’être forcés en recette par les contrôleurs ambulants. CONCLUSIONS. Telles sont les respectueuses doléances de l’église métropolitaine de Bourges, telles que l’amour de la religion, le zèle du bien public les ont dictées. Puisse rassemblée des Etats généraux rétablir l’empire des mœurs, faire régner la religion, réformer les abus, apporter un remède aux maux de l’Etat, être l’époque de la prospérité de la France et d’une gloire solide et durable pour Sa Majesté. Signé : Bengy, doyen; de Vélard, Bengv de Puyvallée, Des Beauxplains, Pelligneau, Ferrand, Berthier, Pinlurel, Archambault, Gassot, Deehaux, Gullon, Baucheron, Lelarge, Vivier de La Chaussée, de Saint-Maur, Legroing, Domery, Daubigriv, Yetois, de Chaussecourte, Guindant, Tissier, de Neufville, Guyard, Deneufville, Soumard, Guillaume, Lemaire, Moureyre, Lamur, Lefranc. CAHIER de l’église saint-étienne de Bourges (1). Copie d'une pièce déposée aux Archives , fonds de Saint-Etienne, affaires diverses , layette n° 37, ladite pièce sans signature. 1° L’insuffisance des portions congrues est trop démontrée pour n’en pas demander une plus haute fixation. Si le malheur des temps a enlevé au pasteur la dîme d’une terre qu’il arrose de ses sueurs, n’est -ce pas une cruelle injustice de le réduire à la cruelle impuissance de pratiquer envers l’indigent la charité qu’il prêche? 2° La réunion des cures pour augmenter les portions congrues serait un moyen nuisible à la religion. L’éloignement où se trouveraient les hameaux de leur pasteur favoriserait le désordre. Les enfants ne se rendraient pas si aisément à l’instruction, les habitants éloignés seraient souvent dans le cas d’être privés des sacrements les plus nécessaires. L’unique moyen de trouver le denier de récompense de celui qui porte le poids du jour, c’est d’avoir recours à la dîme qui n’est payée à d’autres fins qu’à l’entretien du pasteur. 3° L’esprit de justice et l’honneur du ministère exigent la suppression du casuel forcé; il doit sans doute son établissement à la commisération des peuples, qui, voyant leurs pasteurs dépouillés de leur revenu légitime par ceux qui ne leur sont d’aucune utilité pour leur bien spirituel, se sont empressés d’y suppléer par des oblations qui dans la suite ont dégénéré en une loi aussi humiliante' pour le pasteur chargé delà faire valoir qu’injuste pour les habitants obligés de s’v soumettre. 4° L’imposition pour le défaut de synode est intolérable. L’impossibilité où les pasteurs qui sont dans l’éloignement ou retenus pour le ministère sont, de s’y soustraire la présente comme une concussion, il faut, dit le rituel, avoir recours à l’archiprêtre ; mais est-il sans exemple qu’un pasteur au moment de partir soit retenu pour le (1) Ce document nous a été communiqué par M. Guillaumin, député du Cher. [Province du Berry. 513 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [États gén. 1789. Cahiers.] bëâoin de son peuple? Cependant, tout légitimement empêché qu’il est d’aller ou de prévenir l’archiprêlre, on le pointe comme absent et il est condamné à payer. Notre état exige de ne pas mettre le juge séculier dans le cas de proscrire une imposition si mal vue. 5° Ce qu’on exige tous les ans de chaque paroisse pour les saintes huiles ne devrait pas tourner au profit des archiprêtres. Les bénéfices riches qu’ils occupent et de plus les quarantaines suffisent bien pour les dédommager des soins qu’ils prennent pour faire passer les mandements. 11 faudrait que cette rétribution de la réparation des vases faite passât à l’hôpital : les fidèles ne seraient < plus mal édifiés. Les sommes qu’on retire au secrétariat devraient avoir la même destination. Lès peuples respecteraient les dispenses de mariage comme des grâces et ne les mépriseraient pas comme des ventes. 6° L’établissement des droits cathédraliques a eu pour fin de fournir la subvention de l’évêque et des prêtres de sa communauté ; mais les curés étant dépouillés de la dîme de leurs paroisses, l’évêque et ses convives richement dotés, cette contribution doit cesser. Il en est de même des.droits que les archidiacres exigent dans leurs visites-, les réunions qui forment leur riche revenu n’ont été demandées et accordées qu’en vue de ne plus grever les curés. Les archidiacres jouissent d’un droit qui n’est pas moins révoltant : c’est d’exiger que les fabriques, qui à peine peuvent fournir aux besoins journaliers, leur payent l’examen des comptes. 7° A l’exception de quelques paroisses, celles de la campagne surtout manquent d’un fonds de fabrique ou n’en ont que d’insuffisants pour les besoins indispensables, qui concernent le service divin. De là ces fréquents interdits qui occasionnent la dispersion des habitants les jours de fête; qui rendent l’assistance plus pénible, l’administration des sacrements souvent impossible. En établissant un fonds de fabrique sur le revenu des décimateurs, on éviterait les inconvénients des interdits. Les églises ne seraient plus dans une irréligieuse nudité et dans cet état d’indécence qui fait murmurer les peuples et qui affaiblit le respect dû aux saints mystères dans ceux qui n’ont pas une piété éclairée. 8° Les curés primitifs doivent leur origine à un siècle d’ignorance; cette classe dans l’ordre hiérarchique a été inconnue à toute l’antiquité parce qu’elle est étrangère à l’institution divine; l’ambition des honneurs, l’avidité des richesses, une coupable oisiveté qui en ont formé l’établissement sont de pressants motifs pour en demander la destruction. Il est contre tout droit de prendre l’honorable qualité de pasteur et de n’en pas remplir les devoirs, de ne pas porter le poids de la sollicitude pastorale et de percevoir les émoluments temporels. Dépouiller le pasteur légitime de ses revenus, le forcer de ne se pas montrer à son peuple dans les principales solennités, voilà la fin et l’abus des curés primitifs. 9° La réunion d’un chapitre avec une paroisse dans la même église fournit au peuple bien des occasions de scandale et gêne le pasteur dans toutes les parties de son ministère; quelque pacifique que soit le pasteur, il est souvent obligé de s’arracher au sérieux de ses fonctions pour défendre ses droits en s’opposant aux nouvelles prétentions du chapitre ; quoique exact à l’heure indiquée, combien de fois n’ est-il pas forcé de cesser l’instruction de son peuple pour laisser chanter les chanoines ? De toutes les messes paroissiales 1” SÉRIE, T. VI. il n’en est point de plus désertes que celles des paroisses unies à des chapitres, parce que l’heure trop avancée ou trop reculée ne convient pas à la position des habitants; il est aussi essentiel de détruire cet abus qui intéresse l’ordre spirituel qu’il est aisé d’en trouver les moyens. 10° Les droits de patronage et de mutation sont des droits à qui il ne manque que le nom de simonie. De quelque manière qu’on démontre leur établissement, on trouvera toujours que c'est donner un bénéfice pour avoir de l’argent ; quel droit un collateur a-t-il de nommer à un*bénéflce à la charge de lui remettre une partie du revenu ? C’est .au mépris de toutes les lois vouloir s’enrichir du bien d’autrui. La charité souffre d’exposer ce désordre, mais l’honneur de la religion intéresse à en demander la réforme. 11° Sfil est affligeant pour un pasteur accablé sous le poids des années ou des infirmités de ne pouvoir remplir toute l’étendue de son ministère ; c’est pour lui un surcroît de douleur de ne pas avoir de retraite pour lui procurer les soins nécessaires à son état ; les canonicats de ce diocèse à qui on ajouterait un supplément ne devraient point avoir une autre destination. Une année de stérilité pour tous les bénéfices qui ne sont point à charge d’âmes fournirait un nouveau moyen d’établir des places dans la ville ; ceux qui les occuperaient pourraient encore être utiles pour la conduite des âmes. 1�° L’étendue des diocèses, la multitude d’affaires qu’ils fournissent ne permettent point à l’évêque de se transporter dans toutes les parties de son obéissance pour y administrer le sacrement de confirmation. Il est forcé d’assembler des milliers de peuple dans des lieux ou peu décents ou incapables de contenir la multitude qui y est appelée. Ces courses pénibles et dispendieuses pour les diocésains deviennent nécessairement une occasion de dissipation , souvent d’événements fâcheux et toujours de désordres; le moyen de remédier à ces abus serait de donner aux curés commission d’administrer la confirmation le jour de la première communion. Ce sacrement administré dans une solennité toujours imposante serait reçu avec fruit. Les enfants auraient le bonheur de participer aux nouveaux moyens de conserver les sentiments chrétiens qu’on s’est efforcé de leur inspirer, et on n’aurait pas la douleur de voir tant de personnes mourir sans avoir été confirmées. 13° La Chambre ecclésiastique actuelle n’est légitime ni dans le choix de ses membres ni dans le nombre de ceux qui doivent la composer. Dans la nouvelle constitution, il serait nécessaire de choisir des membres qui seuls pourraient recevoir des requêtes et en donner un récépissé à celui qui les aurait remises. Par ce moyen on serait assuré que les requêtes parviendraient à la Chambre, qu il n’y aurait plus de ces soustractions qui ont privé les pauvres pasteurs des besoins pressants et qui les ont mis dans la nécessité d’aller emprunter de la charité des laïques ce que la dureté de leurs frères leur a refusé. 14° On aurait protesté contre la manière impérieuse et illégale avec laquelle la dernière répartition des décimes a été faite; mais on a été retenu par l’espérance de la réforme des anus et du règne de l’équité. 15° L’imposition sur les peuples est publiée et chaque contribuable peut se faire représenter le rôle pour examiner s’il n’est point en surtaxe; pourquoi ne suit-on pas la même règle pour les décimes, en exposant seulement le tableau d’im-33 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Province du Berry.J 5(4 {États gén. 4789. Cahiers.] positions? Vouloir en faire un mystère, c’est faire soupçonner de l’injustice dans la répartition, et réellement il y en a : elle a été reconnue par la comparaison qui a été faite de plusieurs bénéfices de la même classe. Qu’on ouvre le registre du bureau; on y lira que ce qu’on assure est à l’abri du démenti. On respecte l’intégrité de quelques membres de la Chambre qui ne participent point aux abus qui s’y passent ; ce n’est pas Iqur faute si l'autorité arrache la pluralité des suffrages. 16° L’injustice n’éclate pas moins dans fa concession des pensions; combien n’en compte-t-on pas accordées à ceux qui n’ont jamais été ou très-peu dans le ministère et qui en outre possèdent des bénéfices supérieurs à la portion ‘congrue ? Les pasteurs qui se sacrifient toute leur vie à l’exercice pénible du ministère ne participent point à ces secours et si on en accorde à quelqu’un d’eux ce n’est qu’après des enquêtes multipliées, des délais rebutants et presque toujours dans le moment où ils ne sont plus capables d’en être soulagés. D’après ces exposés étayés de preuves, n’est-on pas obligé de demander une autre constitution de chambre? Si on s’empresse de porter ses doléances aux pieds du trône, c’est pour obéir aux ordres de Sa Majesté et non, comme l’a répondu un vicaire général de ce diocèse, pour tendre à l’indépendance; quand ou n’aurait pas l’espérance de sortir de l’oppression, n’aurait-on pas à se reprocher de ne pas entrer dans les vues bienfaisantes d’un monarque qui cherche avec les lumières de la sagesse les moyens de rétablir la justice dans toutes les classes de ses sujets ? La présente pièce, sans signature, comme il est dit ci-dessus, a été trouvée dans le fonds de Saint-Etienne : c’est probablement une copie de l’original qui aura été envoyée à Paris; dans tous les cas les formes authentiques font défaut. (Note de M . Barbereau archiviste du Cher .)