[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. \ Annexes, RAPPORT FAIT AU NOM DES COMITÉS DE COMMERCE ET D’AGRICULTURE SUR LA PROPOSITION DE RÉUNIR LES RECETTES GÉNÉRALES DES DOUANES NATIONALES AUX DIRECTIONS, Par M. HERMOU\, Député de Saint-Jean-de-Losne. (Imprimé par ordre de l’Assemblée nationale.) Messieurs, Votre comité de commerce et d’agriculture, en s’occupant de la fixation des frais de régie pour les douanes nationales, a été conduit à examiner s’il ne convenait pas de réunir les re ettes générales de cette partie aux directions, ainsi qu’il en a été usé jusqu’à présent dans tout le royaume pour les domaines et pour les postes, et dans quelques départements pour les droits dépendant de la régie générale. L’inutilité des emplois de receveurs généraux, la possibilité de confier les fonctions des deux places à un seul homme, sans qu’aucune partie du service en souffrît, la nullité de la surveillance des directeurs sur les recettes générales, enfin l’économie qui résulterait de cette réunion, telles sont les considérations qui ont dû déterminer votre comité. Je viens de vous annoncer, Messieurs, que les emplois de receveurs généraux étaient inutiles, le détail de leurs fonctions vous en convaincra. Ce ne sont point les receveurs généraux qui pourvoient à ce que les droits soient perçus ; ils n’accélèrent pas les remises des receveurs particuliers, et ne savent jamais s’ils sont en débet. Leurs fonctions ne consistent qu’à recevoir les fonds des receveurs particuliers, à payer sur ces fonds les frais de régie du département et les rescriptions tirées sur eux, et de convertir le surplus, qui ne devra pas être bien considérable, en lettres de change payables à deux usances. Il ne faut pour cela que quelques enregistrements, et former des bordereaux et des récépissés. Les directeurs dont les fonctions embrassaient la suite de l’impôt de la gabelle, qui est supprimé; du tabac qui est converti en un droit d’entrée; de droits locaux très compliqués et qui n’existent plus, ne peuvent-ils pas réunir le travail qu’exigent les recettes générales? travail qui, toujours confié aux directeurs dans le cas de vacance ou de faillites des receveurs généraux, peut n’être sous leurs yeux que l’ouvrage d’un commis exact et honnête, ce surcroît d’occupation n’équivaudra sûrement pas à celles dont ils sont soulagés par les diverses suppressions. La seule objection raisonnable qui ait été faite contre cette réunion est celle que, si la recette était entre les mains du directeur, elle ne serait plus contrôlée. Je dois y répondre : la surveillance qu'un directeur exerce sur un receveur général n’est qu’un contrôle fictif; le contrôle effectif d’un receveur général n’exisle qu’entre les mains des administrateurs; ils reçoivent directement des receveurs particuliers les états de recette et de remise de fonds aux recettes générales ; ils reçoivent des receveurs généraux l’état des fonds qui leur ont été remis par les receveurs particuliers, de ceux qu’ils ont employés pour la dépense du département et enfin les lettres de change nécessaires pour se solder. Les états respectifs des receveurs particuliers et des receveurs généraux éclairent les administrateurs sur l’exactitude des remises; la réalisation en argent des effets de commerce qu’ils fournissent les éclaire sur leur solidité. Quant à la vérification de la caisse par le directeur, elle se borne à comparer les sommes que le comptable a dû recevoir avec les signes représentatifs et conventionnels qu’il en conserve. [Assemblée nationale*! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Annexes.] Ces signes représentatifs sont des lettres de change, le directeur ne peut pas eu apprécier les signataires; la solidité de pareils effets ne peut être constatée que lors du paiement. C’est le protêt de ces lettres de change, lorsque le receveur général ne peut pas le rembourser, qui le met en faillite : ce protêt, comme on vient de le voir, ne peut être prévu ni prévenu par le directeur; sa vérification est donc une opération nulle et insignifiante. Le contrôle des directeurs, celui même des fermiers de tournée, a-t-il pu empêcher la multitude des faillites des receveurs généraux des fermes, qui ont eu lieu depuis vingt ans? N’a-t-on pas vu, il y a peu d'années, un caissier des fermes de Paris manquer sous les yeux mêmes des fermiers généraux, quoiqu’ils dussent vérifier sa caisse tous les huit jours, pour rendre compte au ministre de sa situation ? On remarque même, et ce fait seul serait décisif, que le nombre des faillites des receveurs généraux des fermes et de ceux de la régie générale, dans les heux où les recettes n’étaient pas entre les mains des directeurs, est, par comparaison avec celtes des directeurs, receveurs généraux des domaines, aides et postes, de 1 à 12. Vous avez au surplus, Messieurs, pourvu à un autre genre de contrôle, qui laisse peu à désirer à cet égard ; un décret du 12 septembre dernier enjoint aux percepteurs des impôts indirects, de fournir, chaque mois, aux directoires du district les états des droits recouvrés, de ceux eu retard, etc., etc. Il donne aux directoires de district le pouvoir de vérifier les caisses, de constater la situation des comptables vis-à-vis de leurs commettants, et leur prescrit d’en rendre compte tous les mois au ministre des finances. Ajoutez à ces obligations des directoires celle d’adresser à l’ordonnateur du Trésor public (l),lors du compte qu’ils rendront de la situation des caisses, par conséquent chaque mois, les lettres de change et autres effets qui leur seront représentés par le directeur receveur général pour tenir lieu des espèces qui devront se trouver dans sa caisse (2), et vous aurez formé le contrôle le plus parfait qui puisse s’opérer. La nation n’aura plus de faillite à craindre, puisque le cautionnement du comptable sera toujours supérieur à la somme dont il pourra disposer. Déjà vous devez être convaincus que des receveurs généraux des douanes nationales seraient mutiles. Vous en tirerez sans doute la conséquence, qu’il faut appliquer à des préposés utiles, et à la décharge de la nation, les bénéfices indispensablement affectés à ces recettes. On ne peut pas se dissimuler que ces préposés sont les directeurs. Ils ont entre les mains toute la force qui doit repousser de nos frontières la contrebande, le plusdaogereux ennemi de la prospérité de nos fabriques. Nous devons les prémunir, autant qu’il est en nous, contre toute séduction; et, pour y parvenir, nous n’avons qu’un moyen, c’est de les mettre au-dessus du besoin. Il serait injuste et impolitique que des directeurs essentiels à l'administration, fussent moins rétribués que des receveurs généraux dont les fonc-(1) On suppose qu’il n’existera plus à Paris de caisse particulière pour le produit des douanes nationales, et que les receveurs généraux des frontières remettront leurs fonds directement au Trésor public. (2) Cet envoi avait lieu pour les comptables qui étaien soupçonnés d’être en débet. Cette opération sera étendue à tous les comptables. 51 fions sont purement mécaniques, et auxquels on ne pourrait en attribuer d’autres, sans que les directeurs ne pussent en être également chargés, et avec plus de fruit. Il me reste à vous présenter le tableau de l’économie que cette réunion opérerait pour la nation. S’il existait une recette générale par direction, comme on l’a proposé, ce serait 20 recettes générales. Les receveurs de Bordeaux, Marseille, Rouen, Nantes, Lille, Strasbourg, Lorient, Boulogne, Besançon, Pont-de-Beauvoisin, seraient sans doute très satisfaits avec 1,500 livres d’appointements : cette somme, à la vérité, ne suffirait pas même à acquitter leurs frais de bureaux ; mais ils seraient indemnisés par les bénéfices sur les remises. Il n’en serait pas ainsi des 10 autres receveurs. Les produits ne devant guère excéder les dépenses de leurs départements, ils n’auraient nul béné-üce sur les remises. Il y aurait, par conséquent, nécessité de leur donner un traitement honnête. Ce traitement ne pouvant pas être inférieur à 3,000 livres, les receveurs généraux coûteraient 45,000 livres. D’un autre côté, si l’on ne réunit pas les recettes générales aux directions, vous ne pouvez pas donner moins de 12,000 livres de traitement à chacun des directeurs de Bordeaux, Rouen, Nantes et Marseille; moins de 10,000 livres à ceux de Lille et Strasbourg, et de 8,000 livres à ceux de Lorient, Boulogne, Besançon et Pont-de-Beauvoisin. Par la réunion, les quatre premiers se contenteront de 2,000 livres d’appointements ; ceux de Lille et de Strasbourg, de 7,000 livres, et les quatre autres de pareille somme de 7,000 livres ; vous économiserez ainsi 50,000 autres livres; au total, 95,000 livres. Une économie annuelle de 95,000 livres dans un recouvrement dont les frais absorbent plus d’un quart de la recette, n’est point indifférente; mais, ce qui deviendra encore plus important, c’est que la réunion proposée par votre comité de commerce et d’agriculture, procurera un traitement plus convenable aux directeurs, qui, dans le nouveau régime des douanes, deviendront, il faut l’espérer, des préposés très intéressants pour l’administration, les fabriques nationales et le commerce. Conclusion. Les receveurs généraux sont inutiles dans le nouveau régime des douanes nationales. Les directeurs peuvent être chargés de ces recettes. Le contrôle des directeurs sur les receveurs généraux a toujours été illusoire. Le directeur, en réunissant à ses fonctions la recette générale, subira, de la part du directoire de district, un genre de contrôle et de surveillance, nui rendra impossible le divertissement des deniers de sa recette. De cette réunion, il résultera une économie de 95,000 livres, à laquelle se joindra l’avantage de procurer un traitement convenable aux directeurs de première classe-D’après tous ces motifs, votre comité de commerce et d’agriculture a pensé que ta réunion des recettes générales des douanes était indispensable, et vous propose, en conséquence, le projet de décret suivant; [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Annexes-] Art. 1er. « A compter du 1er avril 1791, les recettes générales des douanes nationales seront réunies aux directions, et les directeurs actuels seront chargés des recettes générales. Art. 12. « La comptabilité et la caisse des directeurs chargés des recettes générales des douanes nationales seront sous la surveillance et le contrôle des directoires de district, dans les formes prescrites par le décret du 12 septembre dernier. Art 3. « Le traitement affecté aux fonctions des recettes générales des douanes sera déterminé par l’Assemblée nationale. Art. 4. « Les cautionnements des directeurs receveurs généraux seront établis dans la forme et dans les proportions prescrites par le décret du 12 novembre dernier. »