SÉANCE DU 8 FRIMAIRE AN III (28 NOVEMBRE 1794) - N° 44 297 44 Un autre rapporteur [MERLIN (de Douai)] du même comité [de Salut public] monte à la tribune, et fait un rapport qui est suivi du décret ci-après. La Convention nationale, après avoir entendu son comité de Salut public, décrète : Article premier.- Il sera, sans aucun délai, envoyé aux États-Unis d’Amérique, un drapeau aux couleurs nationales. Art. II.- Ce drapeau sera présenté au Congrès, en signe de l’union et de la fraternité éternelle des deux peuples américain et français. Art. III.- Le présent décret et le rapport seront insérés au bulletin de correspondance (100). MERLIN (de Douai): Citoyens, toujours attentif à seconder vos vues dans tout ce qui peut intéresser la gloire du peuple que vous représentez, et consolider ses rapports avec les nations alliées ou amies, votre comité de Salut public vous propose aujourd’hui de vous acquitter, envers le peuple américain, d’une dette à laquelle vous désirez depuis longtemps de satisfaire. Depuis le moment où l’Amérique vous a offert son drapeau, il ne s’est point écoulé un jour où, en élevant vos regards vers cette voûte, en y voyant flotter ce signe chéri de l’alliance d’un grand peuple, notre aîné dans la conquête de la liberté, vous n’ayez paru regretter que le drapeau de la République française n’eût pas encore volé au-delà des mers lui porter un gage réciproque de l’estime et de l’amitié du peuple français. Sans rappeler ici les travaux extraordinaires et les occupations sans cesse renaissantes qui n’ont pas, jusqu’à présent, permis à votre comité de Salut public de proposer de reconnaître, par un décret égal, celui que vous avez reçu, il me suffira d’observer que vos regrets même lui donnerait un nouveau prix, si d’ailleurs on pouvait accuser de retard un hommage que vos vœux pour la prospérité de l’Amérique et l’union de nos communes destinées ont toujours constamment devancé; et sans doute nos frères des États-Unis l’ont déjà ainsi jugé. Mais ne semble t-il pas (qu’il me soit permis d’ajouter cette réflexion), ne semble t-il pas que ce soit, en quelque sorte, la victoire elle-même qui vous ait commandé de différer l’envoi de votre drapeau, pour l’orner de nouveaux lauriers, et plus le rendre ainsi, j’ose le dire, plus digne encore d’être échangé contre le leur? Oui, nos fidèles amis vont l’accueillir non-seulement comme le gage d’une étemelle confraternité, mais comme le signe précurseur de l’anéantissement de la tyrannie, et de cette félicité pure et durable que le triomphe de la liberté peut seul assurer aux deux mondes. Il leur dira, ce drapeau, dans son langage de gloire, qu’il s’est enfin élevé sur les débris de la (100) P.-V., L, 168-169. Merlin de Douai rapporteur selon C 327 (1), pl. 1432, p. 37. Bull., 8 frim. faction des rois et de la coalition des conspirateurs, à une hauteur où il peut désormais braver leurs attentats et garantir tous les engagements que le peuple français a juré de remplir. Que l’époque de cet échange fraternel soit à jamais aussi, pour ces deux peuples également dignes de la liberté, celle de leur inviolable amitié ! que les couleurs de leurs glorieux étendards se mêlent et se confondent comme leurs sentiments! qu’à leur seul aspect la terreur frappe et mette en fuite les tyrans ! que la confiance rallie les hommes libres, les vrais amis de l’égalité, de la justice et de l’humanité ! (On applaudit.) Votre comité vous propose de décréter qu’il sera, sans aucun délai, envoyé aux États-Unis d’Amérique un drapeau aux couleurs nationales. Cette proposition est décrétée en ces termes : «La Convention nationale, après avoir entendu son comité de Salut public, décrète : Art. 1er.- Il sera, sans aucun délai, envoyé aux États-Unis d’Amérique un drapeau aux couleurs nationales. Art. IL-Ce drapeau sera présenté au Congrès en signe de l’union et de la fraternité étemelles des deux peuples américain et français. (101) » La séance est levée à cinq heures (102). Signé, CLAUZEL, président, J. S. ROVÈRE, MERLINO, DUVAL (de l’Aube), THIRION, BOUDIN, secrétaires. En vertu de la loi du 3 fructidor, l’an troisième de la République française une et indivisible. Signé, SOULIGNAC, DERAZEY, secrétaires (103). (101) Moniteur, XXII, 622-623. Bull., 8 Mm. ; Rép., n° 69 ; Débais, n° 796, 977, n° 797, 981-982 ; Ann. Patr., n° 697 ; C. Eg., n° 832; F. de la Républ., n° 69; J. Fr., n° 794; M.U., n° 1356, 1357 ; J. Univ., n° 1828 ; Mess. Soir, n° 832 ; J. Perlet, n° 795. (102) P.-V., L, 169. Moniteur, XXII, 624 indique quatre heures. M.U., n° 1356 indique trois heures et demie. (103) P.-V., L, 115.