726 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Il août 1790.] Dudit jour. « Décret qui déclare non-avenues les procédures criminelles qui s’instruisent dans le département du Var, district de la ville de Grasse, à l’occasion des dégâts et voies de fait commis le 6 ou le 7 du mois de janvier. Dudit jour. « Décret portant que, jusqu’à l’entière formation de la municipalité et du département de la ville de Paris, il sera sursis, à son égard, à l’exécution du décret du 12 juin dernier relatif à l’inscription pour le service de la garde nationale. Dudit jour. « Décret relatif à la nomination, par l’Assemblée, de huit commissaires, pour surveiller l’émission des assignats et l’extinction des billets de la caisse d’escompte. Du 8 août. « Décret portant que, sur quatre-vingt-quinze millions de billets de caisse servant de prome.-ses d’assignats, il en sera délivré 40 millions au Trésor public. Dudit jour. « Décret relatif aux moyens à employer pour le recouvrement de la contribution patriotique. Du 9 août. « Décret relatif aux charges qui concernent des représentants de la nation, s’il en existe dans la procédure, faite par le Ghâtelett sur les événements du 6 octobre 1789. Du 10 août. « Décrets qui autorisent les villes de Pont-de-l’Arche, de Gannat, de Mamers, de Villefranche, de Gaillac, à des emprunts ou à des impositions de différentes sommes. Dudit iour. « Décret qui improuve la municipalité de Saint-Aubin, pour avoir ouvert des paquets adressés tant à M.d’Ogny, qu’au ministre des affaires étrangères et aux ministres de la cour de Madrid. Dudit jour. « Décret portant que, conformément aux précédents décrets, les droits d’aides et octrois et autres conservés continueront d’être perçus tels et de la même manière qu’ils l’étaient en l’année dernière; enjoint spécialement aux bouchers, cabaretiers, aubergistes, notamment à ceux de Noyon, Ham et Ghauny, de se soumettre aux exercices que la perception desdits droits rend nécessaires. Dudit jour. « Décret contenant des mesures pour le rétablissement de la subordination et de la discipline dans les troupes de mer. » « Le roi a sanctionné : « 1° Le décret de l’Assemblée nationale, du 3 de ce mois, portant que le présidial de Carcassonne suivra, sur les derniers errements, la procédure instruite par le prévôt de ladite ville, contre les auteurs et complices de l’émeute arrivée au village de Pennautier, le 16 juillet dernier ; « 2° Le décret du même jour, contenant six articles additionnels au traitement du clergé actuel; « 3° Le décret du 4, qui ordonne que les octrois continueront à être perçus tels et de la manière qu’ils l’étaient en l’année dernière, dans tous les lieux où il s’en trouve d’établis, et notamment dans les villes de Noyon, Ham,Chauny et paroisses circonvoisines ; enjoint spécialement aux bouchers, cabaretiers et autres d’acquitter ces droits ; « 4° Le décret du même jour, qui autorise les officiers municipaux de Montmédy à faire un emprunt de la somme de 1,200 livres ; « 5° Le décret du b, portant que les citoyens actifs de la ville de Monléon, des hameaux de Garai«on et du Goua, seront convoqués dans ladite ville de Munléon, pour y élire une municipalité ; « 6° Le décret du même jour, portant que l’assemblée de département des Landes se tiendra en la ville de Mont-de-Marsan, et que les électeurs, après avoir formé le corps administratif, se retireront en la ville de Tartas, pour y délibérer sur la faculté qui leur a été laissée de proposer im alternat, s’ils le jugeaient convenable; « 7° Le décret du même jour contenant les procédures criminelles qui s’instruisent dans les départements de l’Ille-et-Vilaine, de la Loire-Inférieure et du Morbihan, à l’occasion des dégâts et voies de fait commis dans quelques paroisses de ces départements ; « 8° Le décret du 6, concernant le rétablissement de la discipline militaire; « 9° Le décret du 7, concernant l’affaire de quelques officiers et cavaliers du régiment de royal-Champagne, étant à Hesdin; « 10° Et enfin, Sa Majesté a donné ses ordres en conséquence du décret du 5, relatif à la réclamation de M. Morton-Ghabrillant, contre sa destitution. » Signé : CHAMPION DE CicÉ, Arch. de Bordeaux. Paris, le 11 août 1790. M. le Président. L’ordre du jour est le compterendu, parle comité des rapports, de l’affaire de M. de Toulouse-Lautrec. M. Varin, rapporteur (1). Messieurs, c’est le (1) Le Moniteur mentionne, sans le reproduire, le rapport de M. Varia. 727 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 août 1790. J 16 juillet, que l’Assemblée nationale a renvoyé à son comité des rapports l’examen de la procédure instruite par la municipalité de Toulouse, dans laquelle M. de Toulouse-Lautrec s’est trouvé impliqué (1). Ce renvoi était une conséquence nécessaire du décret du 26 juin, qui porte qu’aucun membre de l’Assemblée (si ce n’est dans les cas exceptés par la première disposition) ne peut être décrété par aucun juge, avant que le Corps législatif, sur le vu des informations et des pièces de conviction, ait décidé qu’il y a lieu à accusation. Tel était, Messieurs, l’état de cette affaire à l’époque du renvoi. Le procureur du roi de la sénéchaussée de Toulouse, sur des bruit-; répandus dans la ville, que des étrangers multipliaient leurs efforts pour provoquer une insurrection; qu’ils offraient de l’argent, pour augmenter un parti qui devait s’ètre formé afin d’empêcher, à main armée, la fédération qui devait avoir lieu le 4 juillet; que ces mêmes étrangers se flattaient de ramener les choses à leur ancien état : Ce procureur du roi, dis-je, fit son réquisitoire en conséquence de tous ces faits, devant les officiers municipaux, et demanda qu’il en fût informé. Trois témoins furent entendus. Je dois, Messieurs, vous faire lecture de leurs dépositions (2). C’est en suite de ces trois dépositions, que M. de Lautrec fut décrété de prise de corps : le 18 juin, il fut conduit du château de Blaignac dans les prisons de la municipalité. Le même jour, il subit son interrogatoire en présence du conseil qu’il s’était choisi. Il est également nécessaire que vous en entendiez la lecture. Rappelez-vous, Messieurs, que c’est alors que MM. les officiers municipaux, instruits que M. de Lautrec était membre de l’Assemblée nationale, suspendirent à l’instant toutes suites ultérieures contre lui, jusqu’après les ordres qu’ils attendaient de vous, et qu’ils vous priaient de leur faire connaître. Le même jour, lLlssemblée nationale reçut une lettre de M. de Lautrec, dans laquelle il fait l’exposé de sa conduite depuis son départ de l’Assemblée. C’est dans cet état de choses, Messieurs, que vous vous déterminâtes à charger vos comités de Constitution et des recherches de vous présenter un projet de loi, qui est celle du 26 juin, dont je vous ai rappelé la disposition. Cette loi termine ainsi : « Et en conséquence, regardant comme non-avenu le décret prononcé, le 17 de ce mois, contre M. de Lautrec, lui enjoint de venir rendre compte de sa conduite à l’Assemblée nationale qui, après l’avoir entendu et avoir examiné l’instruction commencée, laquelle pourra être continuée nonobstant la liberté rendue à M. de Lautrec, décidera s’il y a lieu à l’accusation; et, dans le cas où l’accusation devrait être suivie, désignera le tribunal. » M. de Lautrec, Messieurs, s’est empressé de se présenter devant vous : vous n’avez pas sans doute oublié ce qu’il vous a dit. C’est alors aussi, que, s’agissant d’approfondir et de déterminer la nature de cette affaire, vous la renvoyâtes à votre comité des rapports. (1) Yoy. plus haut, séance du 16 juillet, page 161, information faite par la municipalité de Toulouse. (2) Les dépositions et l’interrogatoire sont à la suite du rapport. C’est en son nom, Messieurs, que je vais vous rendre compte des derniers résultats que présente son instruction continuée devant la municipalité. Trois autres témoins ont été entendus (Voir leurs dépositions). Sans doute, Messieurs, ces trois nouvelles dépositions ajoutent bien peu de chose à la pensée; mais si elles ne contrarient pas les deux précédentes, elles font naître, selon moi, une réflexion importante. Comment se peut-il, en effet, que, dans l’intervalle du 17 juin au 11 juillet, pas un témoin n’ait, je ne dirai pas confirmé, maisautorisé lescraintes qui avaient motivé le réquisitoire du procureur du roi de la sénéchaussée de Toulouse? Dans ce réquisitoire on lit : « Que des gens « portaient leurs menées jusqu’à capter les esprits « delà plupart des légionnaires, par des offres d’ar-« gent, pour renforcer le parti que déjà ils seflat-« taient d’avoir à leur solde. » Et pas un de ces trois témoins dernièrement entendus ne vérifie un pareil fait, c’est-à-dire le corps de délit, et qui, n’en doutons pas, serait devenu bien plus notoire encore, depuis la grande publicité qu’avait acquise cette affaire, au moment où vous aviez autorisé la continuation de son instruction. Pourquoi encore, et remarquez que je ne raisonne que conformément à l’état actuel des faits, pourquoi n’y a-t-il eu que trois témoins qui se soient présentés? Pourra-l-on bien croire, que s’agissant, le 17 _/um,d’empêcher, à main armée, la fédération qui a eu iieu le 4 juillet, trois personnes seulement demandent à être entendues, et, pour ne pas donner le plus léger indice, le dirai-je, pour ne pas même permettre le soupçon? Il est vrai, et votre comité n’est pas dans l’intention de rien taire; il est vrai que deux témoins de la première information confirment, comme vous l’avez remarqué, les inquiétudes du procureur du roi; mais veuillez observer, aussi, que son réquisitoire est du 17 juin, et que lesdeux témoins parlent d’un fait qui n’est venu à leur connaissance que le même jour. C’est parce qu’ils se sont rendus, le 17, à sept heures du matin, au château de Blaignac, dans la seule intention, dit l’un deux, de revoir M. de Lautrec, son ancien colonel, qu’ils peuvent savoir que des gens mal intentionnés se proposent d’empêcher, à main armée, la fédération du 4 juillet; qu’il se fait des enrôlements; que l’intention est de ramener les choses dans leur ancien état : et tous ces faits, ce n’est pas la voix publique qui les en instruit, c’est le seul M. de Lautrec. Il parait donc certain que même jusqu’au seul bruit d’enrôlement ne s’était pas répandu dans Toulouse avant le 17 juin. Ces deux témoins ne le disentpas,et,dessix, pas un seul n’autorise àle penser. Enfin, si ce bruit a pu se répandre, il ne mérite plus aucune confiance aujourd’hui, puisque personne ne l’a confirmé. Mais d’ailleurs M. de Lautrec en serait-il pour cela plus convaincu, selon les termes et l’esprit du décret du 26 juin ? J’ose vous le demander, Messieurs, combien n’a pas dû vous paraître étrange, d’après ces deux seules dépositions qui vous restent à approfondir, cette entière confiance que M. de Lautrec doit avoir eu : en qui? en deux personnes dont il se souvient à peine, principalement Tune d’elles qu’il n’a jamais vue ni connue? Cependant ce doit être dès la première entrevue, que M. de Lautrec leur confie Je projet tout à la fois le plus criminel et le plua périlleux . 728 [Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Il août 1790.] Car dans quel instant leur fait-il tant de confidences? C’est celui où il est sans défense. Dans quelle circonstance? C’est celle où il ne peut pas douter, d’après ce que lui a dit le se-sond témoin de la première information, que dix-sept cents hommes au moins sont auprès de lui, armés pour défendre une Constitution qu’il prétendrait renverser. Est-ce lui enfin qui les a mandés au château de Blaignac? Ils y sont venus d 'eux-mêmes : ils eu conviennent. Les connais-- ût-il ? Il croit se rappeler l’un d’eux; l’autre, il ne l’a jamais vu ni connu. Et c’est M. de Lautrec qui les rend confidents de ses plus secrètes pensées, qui leur offre de l'or, avec promesse qu’ils n'en manqueront pas s’ils veulent lui procurer deux cents hommes ! Ne perdez pas de vue, Messieurs, que la plainte du procureur du roi est du 17 juin; que c’est le même jour que ces deux témoins ont été au château de Blaignac, et qu’ils ont déposé. Mais, Messieurs, il me suffira, je pense, de vous rappeler ce qui vous a été dit dans cette tribune par un des honorables membres de cette Assemblée (1). « Qu’on me dise, a-t-il dit, que M. de Lautrec, ancien militaire, dont le corps couvert de blessures atteste la bravoure et les sacrifices faits à sa patrie ; qu’on me le représente mécontent du système de la Révolution, s’étant mis à la tête d’une compagnie de gens mécontents comme lui; qu’il vient alors publiquement pour le combattre, ce système qu'il a le malheur de croire funeste au bonheur de l”Empire : voilà ce que je pourrais croire. « Mais que M. de Lautrec, mon ami, qu’un bon Français comme lui, se soit mis à la tête d’une conspiration secrète, contre le vœu général de ses concitoyens ; qu’il se soit transformé en en-rôleur de gens sans choix ; c’est ce que je ne croirai jamais, parce que c’est en cela qu’est la plus grande invraisemblance. » Sans doute, Messieurs, la sensation que vous éprouvâtes en cet instant, et qui fut si généralement manifestée, vous ne la dûtes pas à ce premier mouvement de l’honneur qui fait qu’on se soulève et s’indigne contre tout ce qui ne respire pas la loyauté française. Vous la dûtes encore à cet autre sentiment qu’il est si naturel et si consolant d’éprouver, en n’apercevant plus que l’innocence, là où il était possible de trouver un coupable. Pour combattre ces deux dépositions, auxquelles M. de Lautrec oppose uue négative aussi puissante que peut être leur affirmative, je n’aurai donc pas besoin de vous parler des certificats de quatre municipalités, qui toutes lui rendent la justice la plus entière. Je n’ignore même pas que rigoureusement des certificats sont d’une faible autorité. Mais qu’il me soit pourtant permis d’arrêter votre attention sur l’un deux, qui rapporte un fait que toutes nos lois admettent pour servir de défense à un accusé; je veux parler du témoignage rendu à ta conduire d’un accusé, aux époques du délit ou du crime dont on informe contre lui. Or, la municipalité de la ville de Castres atteste que M. de Lautrec, depuis la fameuse nuit du 4 août, demanda de correspondre, ainsi que les autres députés, avec le comité de correspondance des communes de la sénéchaussée; que ses lettres rendues publiques, comme celles des autres dê-(1) M. d’Ambly, le 16 juillet. putés, ont toujours contenu des exhortations à la paix et à l’union, respiré le patriotisme le plus pur, l’expression de l’attachement le plus invariable aux principes de l’Assemblée, et du respect le plus profond pour ses décrets. Si donc, Messieurs, vous ajoutez à l’invraisemblance que je crois démontrée des deux seules dépositions que M. de Lautrec ait eues à combattre, les conséquences nécessaires qui résultent de sa conduite devenue publique par sa correspondance, et dans un temps où, sans doute, les improbateurs de la Révolution devaient, avoir moins de facilité à diriger leurs oninions, j’ai lieu de croire que vous adopterez sans peine le décret que votre comité me charge de vous proposer. PROJET DE DÉCRET. « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports, et vu ce qui résulte de l’état de la procédure instruite par la municipalité de Toulouse, en conséquence du réquisitoire du procureur du roi de la sénéchaussée de la même ville, en date du 17 juin 1790, a déclaré et déclare qu’il n’y a lieu à accusation contre M. de Toulouse-Lautrec. » M. le Président consulte l’Assemblée sur ce projet de décret. Il est adopté à l’unanimité. M. Brlois de Beaumetz. Les premières justifications d’un membre de l’Assemblée ne peuvent recevoir trop de notoriété. Je demande que l’Assemblée ordonne l’impression du rapport. (Cette impression est ordonnée.) M. le Président. L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret pour accélérer la liquidation et le payement du traitement du clergé actuel. M. Chasset, rapporteur. Messieurs, dans votre séance du 6 août, vous avez adopté 27 articles du décret qui est en discussion, et l’Assemblée est appelée aujourd’hui à se prononcer sur la fin du projet de décret en 43 articles que nous vous avons soumis. Avant d’aborder cette discussion, le comité ecclésiastique me charge de vous demander de transposer l’article 39 du projet, pour en faire l’article 28, et d’intercaler deux articles nouveaux qui prendraient les numéros 29 et 30. Je vais vous donner lecture du premier de ces articles qui était primitivement l’article 39. « Art. 28. L’Assemblée ayant déclaré nationales toutes les dettes passives légalement contractées par le clergé, et entendant y comprendre celles qui seront reconnues, suivant les règles qui seront incessamment déterminées, légitimement contractées pav les corps, maisons et communautés séculiers et réguliers, dont l'administration a été reprise en vertu du décret des 14 et 20 avril dernier; déclare pareillement nationales toutes les dettes actives du même corps, maisons et communautés ; en conséquence, il ne pourra être ordonné par aucun administrateur, ni être fait par les receveurs des districts auxdits corps, aucun payement des sommes provenant des causes énoncées eu l’article ci-dessus. » (Get article est adopté sans discussion.) M. Chasset, rapporteur , donne lecture de l’article 29 nouveau, qui est ainsi conçu :