SÉANCE DU 21 BRUMAIRE AN III (11 NOVEMBRE 1794) - N08 5-6 101 Égalité, Liberté, Fraternité, Vertu Citoyens représentans, Les républicains ont eu raison de dire, la justice est la vie des amis de la révolution et la mort de ses ennemis; elle doit être l’ame du gouvernement révolutionnaire. Depuis la nuit immortelle du 9 au 10 thermidor sur laquelle nous vous avons félicité des premiers, la Convention nationale est devenue si grande, si puissante qu’il ne peut exister au bien qu’elle veut faire de véritable obstacle pour elle. Elle vient d’en donner une preuve nouvelle dans sa sublime et sage adresse au peuple français. Cette adresse a été lue dans notre enceinte et entendue avec cet abandon de tous les coeurs amans sincères de leur patrie ; des applaudisse-mens unanimes et prolongés l’ont suivie, signe certain que l’exécution des principes qu’elle renferme est le voeu de nos concitoyens. Aussi, illustre Convention, chaque jour t’apporte l’hommage et les sentimens de la reconnaissance pour la liberté que tu as rendue à la pensée, et pour la vertu que tu as mise en action. La terreur qui a comprimé le courage et fait tant de malheureux, n’est plus; régné odieux que, si nous en jugeons par ce qui se passe dans nos murs, des intrigans et des fripons cherchent à rétablir pour conserver leurs pouvoirs et leurs rapines. Mais leurs menées et leurs efforts seront sans effet; et c’est en vain qu’ils se disent des patriotes opprimées, leur voix se perd dans les airs, le peuple éclairé ne voit en eux que des voleurs qui ne voudraient pas regorger et des ambitieux rentrer dans le néant dont ils n’auraient jamais du sortir. Toujours est-il, sages représentans, que pour nous, en soutenant la guerre implacable que nous avons jurée aux uns et aux autres, nous défendrons la liberté, l’égalité et vos décrets, comme les Spartiates défendirent le passage des Thermopiles. Voilà des vérités que nous ne graverons point sur le marbre, ni sur l’airain, mais qui le sont dans nos coeurs en caractères inéfaçables. Vive la république ! vive la Convention ! Salut et fraternité. Les membres composant la société républicaine de Cognac. Pelluchon, président, Godard, Marchand, secrétaires. r [Les habitants de Noireau à la Convention nationale, le 10 brumaire an III] (48) Représentants du peuple, Nous vous avons déjà, par l’organe du comité de correspondance de notre société populaire, (48) C 326, pl. 1415, p. 23. M.U., n° 1340. exprimé notre adhésion à vos sages décrèts, notre voeu de nous rallier à la seule représentation nationale, et les sentimens de reconnois-sance que nous inspirent le système de justice et d’humanité que vous avez substitué à celui de la terreur et de la corruption. Vous nous avez donné dans votre adresse au peuple fran-çois le gage désiré de la sécurité des hommes vertueux et du desespoir des hommes de sang. Ces derniers s’agittent encore et crient que la liberté est perdüe, parce que vous avez muselé les tigres qui vouloient dévorer la patrie. Recevez, courageux représentants, l’expression de notre reconnoissance individuelle, et de notre constant raliement à la représentation nationale. Salut, union et fraternité. Suivent 48 signatures. 5 La société populaire de Fontainebleau [Seine-et-Mame] fait l’envoi d’une somme de 1 009 L 7 s. pour l’armement d’un vaisseau ; elle y joint deux médailles, et annonce un autre envoi : elle invite la Convention à favoriser la liberté de la presse sous une juste responsabilité, et à organiser l’Instruction publique. Mention honorable et insertion au bulletin (49). Le citoyen Siard, au nom de la société populaire de Fontainebleau, offre 1009 L et deux médailles d’argent, pour l’augmentation des forces navales (50). 6 Une députation de la section des Amis de la patrie de Paris [Paris] est admise à la barre : elle dit que des mouvemens séditieux se propagent dans cette commune depuis plusieurs jours; des citoyens, des femmes, des enfans ont été insultés, frappés, assassinés par un attroupement armé, la propriété a été violée, une société populaire a été troublée et la représentation nationale outragée dans plusieurs de ses membres; il faut, dit-elle, que les audacieux infracteurs des lois soient punis; nous venons demander la prompte punition des attentats commis contre les personnes, les propriétés et les sociétés populaires, garanties par la constitution démocratique acceptée par le peuple français, et qu’il saura défendre contre ses (49) P.-V., XL IX, 115. (50) Moniteur, XXII, 486. Bull., 24 brum. (suppl.), reproduction partielle. 102 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE ennemis. Vive la République démocratique, une, indivisible et impérissable! Vivent les Droits de l’homme! Vivent la constitution républicaine de 1793 et la représentation nationale! (51) On admet à la barre une députation (52). L’ORATEUR : Représentants du peuple, la République est menacée par des agitateurs contre-révolutionnaires qui arborent l’étendard de la révolte, qui calomnient les époques glorieuses de la révolution, et font une guerre ouverte au patriotisme. Des mouvemens séditieux se propagent dans cette commune depuis plusieurs jours. Des citoyens, des femmes, des enfants ont été insultés, frappés, assassinés par un attroupement armé. La propriété a été violée; une société populaire a été troublée, et la représentation nationale outragée dans plusieurs de ses membres. Il est du devoir des dépositaires de l’autorité de faire poursuivre selon la rigueur des lois et notamment de celle du 25 juillet 1793, les perturbateurs des sociétés populaires, les assassins et les vils ennemis de la République. Il est de l’intérêt des membres du souverain d’exiger que les audacieux infracteurs des lois soient punis. Au nom de la section des Amis de la patrie, nous venons demander à la Convention nationale la prompte punition des attentats commis contre les personnes, les propriétés et les société populaires, garantie par la constitution démocratique acceptée par le peuple français, et qu’il saura défendre contre ses ennemis. Vive la République démocratique, une indivisible et impérissable! Vivent les droits de l’homme ! vivent la constitution républicaine de 1793 et la représentation nationale ! LE PRÉSIDENT [LEGENDRE] à la députation : Le dernier sentiment que vous venez d’exprimer, le cri de vive la représentation nationale ! rassemblera dans tous les temps les vrais amis de la patrie. (On applaudit.) Si les aristocrates relevaient la tête, à ce cri tous les patriotes se rallieront, et les aristocrates seront bientôt anéantis. LEJEUNE (53) : Je demande que cette pétition, qui contient les principes consacrés dans la Déclaration des Droits de l’Homme et dans la Constitution, soit insérée au Bulletin avec mention honorable. Plusieurs voix : Non, le renvoi aux quatre comités. (51) P.-V., XLIX, 115. (52) Moniteur, XXII, 481. Débats, n° 779, 727 et n° 780, 739. J. Mont., n° 29; Rép., n° 52; M.U., n° 1339; C. Eg., n° 815; Mess. Soir, n° 816; F. de la Républ., n° 52; J. Per-let, n° 779 ; J. Fr., n° 777 ; Ann. Pair., n° 680 ; Gazette Fr., n° 1043; Ann. R. F., n° 51. (53) Moniteur, XXII, Débats, n° 779, 727 et n° 780, 739- 740, Rép., n° 52 ; Gazette Fr., n° 1044 ; J. Mont., n° 29 donne l’ensemble de la discussion mais attribue cette intervention à Duhem. BARAILON [se précipite à la tribune] (54) : Je n’épouse aucun parti; mais, toutes les fois qu’on viendra jeter ici des germes de division (vifs applaudissements), je tâcherai de les étouffer. Je ne puis ignorer qu’on a cherché à égarer les sections. Je le répète, je n’épouse aucun parti ; mais je dis qu’il suffit qu’on ait jeté une pomme de discorde pour que tous les gens de bien se réunissent. (Une grande partie de l’Assemblée et des spectateurs applaudissent à plusieurs reprises.) Je demande que la pétition soit renvoyée aux quatre comités. Ils ont votre confiance; rapportez-vous-en à leur zèle et à leur justice; ils veillent quand vous dormez. (Nouveaux applaudissements.) Un grand nombre de membres : Aux voix le renvoi ! [Le plus grand tumulte règne dans la salle] (55) DUHEM : je demande la parole. Les mêmes membres : le renvoi. Les cris de renvoi l’empêchent de parler. Il veut insister; les cris recommencent. Le renvoi est mis aux voix et décrété. (Les applaudissements redoublent et se prolongent.) Duhem paraît aux prises avec quelques-uns de ses collègues. Il remonte à la tribune. (A bas ! lui crient plusieurs membres. Il en redescend. Les mêmes applaudissements recommencent.) FAYAU : Duhem était à la tribune... Plusieurs voix : Tu n’as pas la parole ; la discussion est fermée; le renvoi est décrété. On demande qu’avec le renvoi, la mention honorable et l’insertion au Bulletin soient décrétées. Le président rappelle l’état de la délibération, et annonce cette dernière proposition. Plusieurs voix : Le renvoi pur et simple. On demande la priorité pour la troisième proposition, qui réunit les deux autres. Les mêmes voix : Non, non! le renvoi est décrété qu’il soit maintenu purement et simplement. Fayau insiste pour avoir la parole. Le président met aux voix la question de priorité. Elle est accordée au renvoi pur et simple. (54) Rép., n° 52. (55) Gazette Fr., n° 1044.