658 [Convention nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. doivent diriger tons les vrais amis de la liberté. Nous ne vous ferons pas l’éloge du citoyen Ichon, l’adulation et la crainte sont des senti¬ ments inconnus aux républicains; d’ailleurs il nous a dit lui-même qu’on ne doit point de louanges à qui ne fait que son devoir. « Législateurs, restez à votre poste, voilà le premier vœu des sans-culottes composant la Société populaire de Seignelay; restez-y jusqu’à ce qu’on dise de nos ennemis comme des derniers abus : « Us ont existé. » (Suivent 13 signatures. ) Discours prononcé le 18 frimaire , jour de l'inau¬ guration de l'arbre de la raison, par le citoyen Manger fils, membre de la Société des Amis de la République de Seignelay, district d'Auxerre, département de l’Yonne (1). Sans-culottes, frères et amis, Ce jour qui nous voit rassemblés sera marqué par deux événements également chers à des républicains : la plantation de l’arbre de la raison et l’établissement d’une Société popu¬ laire. Des sans-culottes qui viennent de se réunir et de se constituer en amis de la Répu¬ blique ne sauraient mieux commencer leurs travaux qu’en renouvelant le signe de leur liberté, signe qui leur rappelle et le but et le principe de leur association, la nature de leurs devoirs et l’étendue de leurs serments. Oui, citoyens, nous venons de contracter un nouvel engagement envers la patrie; nous venons de nous lier à elle d’une manière plus spéciale et plus intime, et de serrer à la face du peuple les nœuds qui nous unissent à la République. Que chacun de nous prenne aujourd’hui pour devise ces paroles énergiques : Unité, Indivi¬ sibilité de la République, Liberté, Egalité, Fra¬ ternité ou la mort. Jurons au pied de cet arbre de vivre libres ou de mourir. Et si, par hasard, quelqu’un d’entre nous devenait un jour par¬ jure, cet arbre qu’il verrait sans cesse, en lui rappelant des serments qu’il aurait violés, serait pour lui un témoin toujours présent qui lui reprocherait son infamie; que dis-je, ci¬ toyens, jurons que le perfide trouvera dans cha¬ cun de nous autant de Brutus. Mais loin de nous des présages aussi funestes; portons nos regards sur une perspective plus heureuse; considérons la dette que nous venons de contracter envers la patrie et ne songeons plus qu’à l’acquitter. Rappelez-vous, citoyens, que de tous les temps et dans tous les lieux, les Sociétés popu¬ laires ont été les mères de la liberté. Obscures dans leur origine, elles ont souvent échappé au despotisme qui les méprisait, mais l’expérience a démontré, et les tyrans ont appris par leur chute, qu’en les dédaignant ils avaient laissé subsister une étincelle qui avait engendré un vaste incendie. C’est ainsi que les clubs établis en Amérique par le célèbre Franklin, ont amené la liberté dans le Nouveau monde; c’est ainsi, pour choisir des exemples dans notre histoire, que les • Marat, les Robespierre et quelques autres vrais amis de la liberté ont jeté dans le silence et dans l’obscurité, aux Cordeliers, les (1) Archives nationales, carton C 288, dossier 885, pièce 9. j 15 nivôse an II \ 4 janvier 1794 fondements de la République et ont substitué à un roi monstrueusement constitutionnel une Convention régulièrement populaire. La liberté a toujours eu des autels et des adorateurs dans l’univers, même dans les temps de la barbarie la pins grossière et du despotisme le plus oppresseur. Les amis du genre humain ne se sont pas toujours montrés à découvert, ils ne se sont pas toujours qualifiés des noms qu’ils portaient dans leur cœur; ils ont au con¬ traire cherché à tromper la tyrannie par des dénominations qui prêtaient plus au ridicule qu’à la censure; c’est ainsi que vers le milieu de notre siècle et jusqu’à notre immortelle révo¬ lution, les amis de la liberté se sont appelés Economistes et francs-maçons. Je ne dirai rien des premiers, on sait qu’ils étaient tous des philo¬ sophes, de vrais amis de la liberté, que le despo¬ tisme et l’ignorance ont cherché à couvrir de ridicule. Tout le monde connaît les récits mer¬ veilleux qu’on a fait des seconds, les cérémo¬ nies de l’appareil qu’ils affectaient de laisser entrevoir amusaient le despotisme et le peuple qui en étaient les témoins. Celui-ci croyait reli¬ gieusement à des apparences qui cadraient avec son caractère et ses habitudes. Celui-là s’applau¬ dissait de voir ainsi ses esclaves s’amuser dans des orgies mystérieuses et oublier leurs fers. 11 était bien loin de soupçonner que ees mascarades nocturnes, pour ainsi parler, ne fussent que les cérémonies extérieures du culte de la liberté. Us ne voyaient pas que Momus n’était placé si adroitement au-devant de cette déesse que pour tromper le vulgaire et les tyrans ; quand on n’avait plus à craindre les regards des importuns, on tirait le rideau, Momus dis¬ paraissait, le voile tombait et on rendait hom¬ mage à la véritable divinité du sanctuaire. C’est ainsi que de tout temps on a mis un ban¬ deau sur les yeux du despotisme. Si les Sociétés populaires ont été nécessaires à l’établissement de la liberté, aujourd’hui que la liberté est établie, c’est encore aux Sociétés populaires à la maintenir et à la défendre. Il faut l’asseoir sur des bases inébran¬ lables, il faut que son règne soit, comme celui de la nature, immense, éternel. Nous venons, citoyens, de nous réunir à la grande Société des hommes qui ont juré d’établir son culte sur les débris des trônes et des préjugés supers¬ titieux qui pesaient depuis dix-huit siècles sur la surface du globe. Et toi (c’est le citoyen Ichon, commissaire pour la levée des chevaux dans la 19e division), à qui nous devons la prompte formation de la Société populaire qui vient d’ètre établie dans cette commune, représentant du peuple libre, nous avons aujourd’hui une preuve bien au¬ thentique de ton zèle et de ton patriotisme, déjà connus. Si nous trouvons en toi un légis¬ lateur patriote, un véritable père du peuple, tu trouveras toujours en nous des hommes vrai¬ ment libres, des républicains qui s’honorent d’être soumis aux lois qu’ils se donnent par l’organe de leurs représentants, en un mot, de bons sans-culottes qui se souviendront toujours de toi et qui s’efforceront de marcher sur tes traces. Quand tu retourneras à ton poste, quand tu verras nos législateurs, tes collègues, et nos frères les Jacobins, dis aux premiers qu’ils continuent à nous donner de bonnes lois et ,que nous serons fidèles à les exécuter; dis aux seconds qu’ils ne s’écartent jamais des principes républicains qu’ils ont manifestés, (Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j la mv03e a.n 659 1 (4 janvier 1794 s’ils veulent continuer à bien mériter de la patrie; dis aux uns et aux autres que nous ne savons ni les. flatter, ni les eraindre, mais que nous nous efforcerons de les imiter et de les seconder de tout notre pouvoir tant qu’ils mar¬ cheront dans le sentier du patriotisme et de la vérité. Pour copie conforme : François, vice-président; Maugeb fils secrétaire. Procès-verbal (1). Liberté ou la mort. Ce jourd’hui dix-huit frimaire, l’an deuxième de la République française une et indivisible, vers les trois heures de relevée, la force armée de la commune de Seignelay étant assemblée sur la place publique, le représentant du peuple Ichon, commissaire pour la levée des chevaux de la 19e division qui avait été invité par la commune entière à assister à la cérémonie civique qui devait avoir lieu aujourd’hui, et dans laquelle on devait faire l’inauguration de l’arbre de la liberté dédié à la raison, et fonder une Société populaire dans cette commune, s’est présenté accompagné du citoyen Brocheton, son secrétaire, au milieu des autorités consti¬ tuées de la commune de Seignelay, savoir : du conseil général de la commune et du comité de surveillance, et après un discours aussi élo¬ quent que républicain, adressé par le représen¬ tant du peuple à la force armée et au peuple de Seignelay, le cortège, précédé de l’autel de la patrie, s’est transporté à la maison commune, au bruit des tambours et au milieu des cris de Vive la République. Là, le citoyen Ichon a pris la parole et après avoir témoigné aux magistrats et au peuple assemblés de Seignelay, combien il était flatté de se trouver aujour¬ d’hui dans le sein des bons sans-culottes de cette commune, il a développé, dans un dis¬ cours plein d’éloquence et de patriotisme, les grands principes révolutionnaires et philoso¬ phiques qui doivent être continuellement à l’ordre du jour, et gravés dans le cœur de tous les Français. Il a parlé ensuite des Sociétés populaires et a fait voir avec clarté et précision quel est l’esprit qui doit diriger ces associations d’hommes libres, quel est le but de leur insti¬ tution et la nature de leurs fonctions. Il a rap¬ pelé au peuple les sèrvices sans nombre que les Sociétés populaires ont rendus à la liberté dont elles sont les mères, et surtout la Société popu¬ laire de Paris, séant aux Jacobins. Il a montré combien cette vérité avait été sentie par les despotes puisque toutes les infâmes calomnies répandues dans les libelles imposteurs qu’ils décoraient du nom de manifestes, étaient toujours dirigées contre les Sociétés populaires et surtout contre la Société mère de Paris. Enfin, après avoir fait sentir toute l’importance des fonctions attribuées aux Sociétés populaires qui sont comme autant de corps politiques placés entre le peuple et les autorités consti¬ tuées pour exercer une surveillance générale sur tous les délégués de la nation et les déposi¬ taires de la confiance publique, le représen-(1] Archives nationales, carton C 288, dossier 885, pièce 10. tant du peuple a abordé la question qui était à l’ordre du jour, celle de la formation d’une Société populaire dans cette commune. Comme la première fois qu’il vint à Seignelay, le 15 frimaire, le citoyen Ichon, dont tous les moments et toutes les démarches sont consa¬ crés à la formation de l’esprit public et à la gloire de la patrie, avait manifesté le désir qu’il avait de voir une Société populaire établie dans cette commune, et même d’en être le fondateur, le lendemain les sans-culottes de Seignelay s’empressèrent de se constituer en Société des Amis de la République et le premier arrêté qu’ils prirent à l’unanimité fut que le procès-verbal de l’institution qui venait d’être créée, serait porté au citoyen Ichon par deux commissaires pris dans le sein fie la Société, avec l’invitation faite au représentant du peuple, par la commune entière, de se rendre le lende¬ main 18 frimaire, au milieu des sans-culottes de Seignelay, pour assister à l’inauguration de l’arbre de la liberté dédié à la Raison, et à la formation solennelle de la Société populaire. Le procès-verbal fut porté, ainsi qu’on l’avait arrêté et, aujourd’hui, le citoyen Ichon s’est rendu aux vœux de la commune de Seignelay. Lors donc qu’il fut question de l’établisse¬ ment de la Société poupulaire, le représentant du peuple, après nous avoir dit qu’il se croyait obligé de faire au peuple de Seignelay quelques observations sur le manque de formalité qu’il avait remarqué dans l’institution de la Société populaire, institution qui était consignée au procès-verbal qui lui avait été remis, donna des éloges à notre enthousiasme et à notre zèle pâtrotique et nous instruisit des formes qu’il convient d’observer dans une semblable institution, et du mode de formation employé par toutes les Sociétés populaires. Après quoi, ü fut arrêté à l’unanimité qu’on procéderait de nouveau, et en présence du citoyen Ichon, à la formation de la Société populaire. Et de suite plusieurs citoyens s’étant présentés de¬ vant le conseil général de la commune et devant le représentant du peuple pour déclarer qu’ils avaient résolu, d’un consentement unanime, de fonder une Société populaire, le citoyen Ichon proclama successivement tous les noms des citoyens qui s’étaient présentés, pour savoir s’il n’y aurait pas quelques réclamations à faire contre le patriotisme de quelques-uns d’entre-eux ; et le silence universel des citoyens assem¬ blés ayant prononcé en faveur de tous, les citoyens Etienne Noblet, Chervet Le Clair, Langet, Chauvin, Cottin, Bijou, Symphorien Rollet, Manger père, Arrault, Edme-Zacharie-François Mauger fils, Jacques Latrois, Barthé¬ lemy Reddé, Thierry, Blauvillain, Dupas l’aîné Claude Laurent et Germain Defrance ont été proclamés fondateurs de la Société populaire de Seignelay. On se rendit ensuite, avec l’autel de la patrie, à l’endroit de la place où l’on venait de planter l’arbre de la raison, au bruit de la musique mili¬ taire et au milieu des cris de Vive la République, vive la Convention nationale et les sans-culottes ! Là, le maire, dans un discours instructif et patriotique, développa l’origine de l’arbre dont on allait faire l’inauguration, du bonnet et des différents attributs de la liberté. Le citoyen Ichon prit la parole après lui et, après avoir montré avec autant d’énergie que de simpli¬ cité le but de la cérémonie qu’on célébrait, après avoir dédié àlaraison l’arbre qu’on venait