16 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 mai 1790. permettez-moi de vous le dire, que nous nous occupons fort peu. Cependant la dépravation des mœurs, le mépris de la religion sont parvenus au point le plus alarmant pour la gloire et la prospérité de cet empire. Si vous voulez sincèrement la réforme des abus, commencez par poser la base sur laquelle doit porter la réforme ; protéger l’autorité épiscopale, et gardez-vous de l’asservir et de l’abattre. Demandez l’assemblée d’un concile national, les assemblées périodiques des conciles provinciaux que le clergé demande depuis si longtemps, et toujours inutilement. L’auteur du projet prend pour base l’ancienne discipline: pourquoi, en vous proposant la réforme des abus, oublie-t-il que parmi les moyens de réforme, c’est le plus ancien de la discipline que l’Eglise a constamment employé depuis les apôtres ? Ah I c’est que ce serait reconnaître solennellement la puissance gui seule a le droit de régler la discipline, et qu’il voudrait mettre entre vos mains uue autorité qui ne peut appartenir qu’aux successeurs des apôtres. Suivons donc la route tracée par nos pères, confirmée par un usage constant. Demandons, je le répète, un concile national ; présentez-lui vos projets, il les recevra avec reconnaissance ; et il jugera, parce que seul il a le droit de juger. Vous vous plaignez que les évêchés et les grands bénéfices ne sont donnés qu’à la faveur, nous nous plaignons autant et plus que vous. Suppliez le roi de composer un conseil de personnes les plus vertueuses de son royaume, qui ne puissent jamais solliciter ni pour elles-mêmes, ni pour ceux qui leur appartiennent ; que ces personnes, choisies avec le plus grand soin, présentent au roi, pour éclairer sa religion, les ministres les plus distingués par leurs talents, leurs vertus et leurs travaux. Bieutôt vous verriez le sanctuaire dans toute sa majesté. Je me borne, Messieurs, à ces deux points essentiels; et finis non seulement en refusant mon suffrage à un projet que mes sentiments catholiques repoussent loin de moi, mais en vous conjurant, par les intérêts les plus chers de la patiie, à ne pas l’agiter par des disputes et des entreprises sur la puissance spirituelle; ce plan d’organisation du clergé intéresse-t-il donc vos finances? Et lorsque vous vous êtes emparés de ses biens, voudriez-vous et pourriez-vous le dépouiller d’une autorité qu’il a reçue du ciel, et qui n'existe que pour la gloire et l’affermissement de cette monarchie? Je vous conjure donc par les monuments sacrés et antiques de la religion, par la foi de vos pères, par vos propres sentiments, par ce respect qui ne vous a pas même permis, dites-vous, de délibérer sur l’existence de la religion ; par ce grand principe politique qui détend la réunion des pouvoirs oans une seule main ; principe que vous violeriez, si vous adoptiez ce projet qui met dans vos mains l’exercice de la puissance spirituelle ; je vous conjure, au nom du dieu de paix, de rejeter toute innovation qui alarmerait les fidèles, et nous empêcherait de jouir des fruits de nos travaux. La constitution de l’état civil doit suffire à votre zèle. Le peuple la demande à grands cris, et l'intention de la nation n’est point de vous changer en pontifes, et cette assemblée en concile. Je pense donc, Messieurs, qu’à l’exception du traitement pécuniaire, qui est un objet temporel, et qui par conséquent est de votre ressort, il n’y a pas lieu à délibérer sur le surplus du projet, Si cependant vous en désirez l’exécution dans toutes ses parties, et que la voie d’un concile national nous paraisse trop longue et difficile dans ces circonstances ; après avoir décrété que l’institution des évêques parle souverain pontife et leur subordination au chef visible, de même que celle des prêtres et des pasteurs à leurs évêques sera conservée, vous pourriez présenter au roi les différents articles du projet que vous auriez décrétés à la majorité ; d’après les amendements dont ils seront susceptibles, vous supplieriez sa majesté de vouloir bien les envoyer au souverain pontife, avec prière d’approuver ce règlement de discipline : c’est le seul moyen de remplir vos vues et d’éviter le schisme, qui doit effrayer et attrister toute personne attachée à l’Eglise catholique, apostolique et romaine. M. l’abbé Thomas demande l’impression de cette opinion. M. Massieu, curé de Sergy. L’opinant a accusé le comité de tendance au schisme et à l’hérésie. Ge comité est composé d’ecclésiastiques qui connaissent leur devoir aussi bien que lui. Il n’y a pas lieu à délibérer sur la demande de l’impression. (L’Assemblée décide de reprendre l’ordre du jour.) M. le vicomte de Mirabeau demande un congé de trois semaines pour cause de santé. M. le duc de Castries sollicite l’agrément de l’Assemblée pour s’absenter pendant un mois. Ces deux congés sont accordés. Un de MM. les secrétaires annonce qu’il vient d’être adressé à M. le président différentes piè-> ces qui annoncent qu’un sieur Sarnerin, auteur d’une expérience aérostatique faite la veille au profit des pauvres, est détenu à Pantin, pour dégâts commis dans les emblaves, tant par la chute du ballon, que par le concours de la multitude qui s’est portée vers l’endroit où il est tombé. L’Assemblée renvoie cette affaire au pouvoir exécutif. La discussion sur le plan de constitution du clergé est reprise. M. le curé Jallet. En examinant le projet de décret présenté par le comité ecclésisastique, on reconnaît aisément non des institutions nouvelles, mais le renouvellement d’une ancienne discipline, qu’une longue suite d’erreurs avait fait négliger, et dont la piété des véritables chrétiens a conservé soigneusement le souvenir. Les préopinants ont prouvé ce que personne ne contestait ...... L’Assemblée naiionale se propose de supprimer les litres sans fonctions, de réduire le nombre de ceux dont l’institution est utile, s’il n’est pas proportionné auxbesoins delasociété, de rendre le droit d’élection au peuple a qui il appartenait. Les opinants qui ont attaqué un aussi sage projet de réforme ont cité beaucoup de conciles sur des articles de foi, mais il ne s’agitpasici d’articles de foi. Us ont dit que les papes ont érigé des sièges épiscopaux; ils ne l’ont fait que par la tolérance delà puissance civile. Je prie ceux qui combatleut le plan du comité de déclarer nettement s’ils regardent comme point essentiel de doctrine qu’il y ait dans le royaume plus ou moins d’évêques , qu’il en soit établi dans telle ville plutôt que dans telle autre ; je leur demande si l’institution sera moins parfaite, quand au lieu de 120 évêques il n’y en aura que 83? C’est donc ici un objet de police civile, et non un article de foi.