364 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 mai 1791.] qu’on a tirées de la crainte qu’occasionnerait notre conduite aux nations étrangères; il n’en est pas une qui ne connaisse nos droits sur Avignon; pas une qui ne sache que tôt ou tard ces deux pays devaient nécessairement être réunis à la France; pas une ne dira que cette réunion est une conquête; il n’y a que les gens de mauvaise foi qui peuvent répandre cette opinion; il n’y a que ceux qui ont intérêt à la guerre civile qui peuvent l’accréditer. Au reste, Messieurs, vos comités, quoique très convaincus que la grande majorité, ou l’unanimité des communes du Gomtat, voulût et dé.sirât la réunion, vos comités, dis-je, n’avant reconnu que des vœux partiels, et non un vœu général et simultané des Comtadins, n’ont pas cru devoir persister dans le projet de réunion totale qu’ils vous avaient proposé ; ils se bornent aujourd’hui à la réunion d'Avignon et de son territoire. Cette mesure juste et nécessaire fera cesser toutes les calamités et les désordres qui affligent ces pays ; car à l’instant de la réunion, il sera ordonné aux Avignonais de mettre bas les armes, et de cesser toutes hostilités ; il ne restera plus alors même aux Comtadins aucun prétexte d’être en armes : personne n’aura rien à nous reprocher ; car nous n’aurons usé de notre droit sur Avignon, que parce que les Avignonais ont eux-mêmes émis le vœule plus formel et le plus légal de se réunir à nous. Nous n’en aurons pas usé envers les Comtadins, parce que respectant les droits des peuples, même contre notre intérêt, nous n’avons pas jugé que le vœu des Comtadins fût suffisamment prononcé. Vos comités vous proposent encore d’être justes envers la cour de Rome, quoique peut-être elle ne le mérite pas ; (. Applaudissements à gauche ; murmures à droite.)... car ils ont pensé qu’il fallait lui rembourser toutes indemnités qui pourraient lui être dues, et cela avec la générosité d’une grande nation, qui méprise les petites injures, et ne veut s’en rappeler que pour donner des preuves de sa justice et de sa générosité. J’ai, en conséquence, l’honneur de vous proposer le projet de décret suivant, au nom des comités diplomatique, de Constitution et d’Avignon : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de Constitution, diplomatique et d’Avignon, relativement aux droiis de la France sur l’Etat d’Avignon et son territoire, ainsi qu’au vœu libre, légal et solennel des Avignonais pour se réunir à l’Empire français, décrète : « 1° Qu’elle admet et incorpore les Avignonais dans la nation française, dont ils feront désormais partie intégrante, leur accordant tous les droits et avantages de sa Constitution; « 2° Que le roi sera prié de donner au ministre des affaires étrangères, tous les ordres nécessaires pour négocier, avec le pape , les indemnités qui pourraient lui être dues; « 3° Le roi sera également prié d’ordonner aux citoyens dudit Etat et territoire d’Avignon, de cesser tout acte d’hostilité contre les habitants du Comtat Venaissin, avec lesquels la nation française veut vivre en bonne intelligence : « L’Assemblée nationale décrète également ; « 1° Que nul français, sans exception, ne pourra s’immiscer dans les querelles des Comtadins, ni porter les armes pour ou contre les habitants du Gomtat, sous peine d’être poursuivi comme perturbateur du repos public; « 2° Le roi sera prié de nommer des commissaires civils, lesquels se transporteront à Avignon, pour y opérer la réunion et y rétablir l’ordre, avec plein pouvoir auxdits commissaires civils de requérir les forces, tant des gardes nationales que des troupes de ligne des départements voisins, pour faire exécuter, assurer et maintenir toutes les dispositions du décret. » ( Applaudis - sements.) J’ai encore, Messieurs, deux pièces à vous lire. Depuis mon arrivée à la séance, j’ai reçu de M. Delessart, ministre de l’intérieur, une lettre que voici : « Paris, le 24 mai 1791. « Deux citoyens d’Avignon, Monsieur, s’annonçant comme députés de cette ville, m’ont demandé de remettre au roi une lettre qu’ils m’ont dit être de la municipalité d’Avignon, et ils m’ont également demandé de supplier le roi de vouloir bien la faire passer à l’Assemblée nationale. Sa Majesté, à qui j’ai présenté la lettre, m’a chargé, après en avoir pris lecture, de la remettre de sa part au comité chargé de l’affaire d’Avignon. J’ai en conséquence l’honneur, Monsieur, de vous adresser cette lettre, conformément à l’ordre du roi. Le ministre de l’intérieur, « Signé : DELESSART. » Voici la lettre au roi : « Sire, « Le peuple avignonais veut être Français. Il brûle de vivre sous l’empire des lois que vous avez sanctionnées et promulguées, de ces lois sages que vous avez juré de faire exécuter, et dont vous êtes le plus ferme appui. Sire, nous désirons ardemment d’être réunis à l’heureuse famille dont vous êtes le chef. On nous en a arrachés de cette famille, on nous en a injustement séparés ; il est digne de Votre Majesté, Sire, il est de votre justice de nous faire restituer la place qui nous appartient, et que nous réclamons depuis si longtemps. Quel motif peut donc retenir les représentants français? Quelle peut être la cause de ces retards accablants, de ces lenteurs effrayantes, qui nous laissent haletants entre les craintes les plus affreuses et les espérances les plus consolantes?... Sire, vous connaissez l’état affreux où nous sommes réduits; Votre Majesté a daigné y compatir, elle a déclaré qu’elle désirait le faire cesser : Grand roi, nous vous conjurons, au nom de l’humanité sainte, dont vous êtes l’auguste protecteur, de ne pas détourner un moment de dessus nous les regards que vous nous avez accordés. Nous sommes dignes d’intéresser le cœur paternel de Votre Majesté : Nous nous jetons dans vos bras, et nous vous supplions de faire au plutôt cesser l’horreur de notre situation. Daignez, Sire, faire cesser tous les retards; enveloppez-nous sur-le-champ de votre puissante protection, et ne permettez pas qu’un bon peuple périsse pour vouloir redevenir Français. (Applaudissements.) « Dans tous les cas, notre volonté constante est de vivre Français, ou mourir. Sire, de Votre Majesté, les fidèles sujets, les maire et officiers municipaux de la ville d’Avignon, Richard, maire , Coulet, officier municipal, L. Sauvan, l’aîné, officier municipal, MlEL, officier municipal , J. GÉRARD, officier municipal, NamüG, notable commissaire, DESCATTE, notable commissaire. « Avignon, 16 mai 1791. »