[Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 1 17 juillet 1791.] M. Bouche. Je prie l’Assemblée de vouloir bien donner son vœu à ce sujet. M. Groupil.-Préfeln» Le préopinant mettrait beaucoup moins d’intérêt à la proposition qu’il fait à l’Assemblée si la mémoire lui rappelait exactement la disposition du décret. Il y a dans ce décret deux dispositions différentes que le préopinant a confondues. L’une porte que, pendant la résidence du Corps législatif, le roi résidera dans les 20 lieues. A cette disposition n’est attachée aucune clause pénale en cas qu’elle soit violée. Une autre disposition, qui n’a rien de commun avec la précédente, est que le roi venant à sortir du royaume sans le consentement du Corps législatif, il sera invité par une proclamation du Corps législatif à y rentrer; s’il n’y rentre pas dans 40 jours, il est censé avoir abdiqué. On peut, sans inconvénient, les présenter au au pouvoir exécutif provisoire, mais vous voyez que cela n’a pas l’importance que l’on vous a présentée; et comme vous touchez au moment d’arrêter votre acte constitutionnel, ces décrets-là en font nécessairement partie. Je demande donc que cela soit ajouté lors de la rédaction de cet article constitutionnel. M. Bouche. Monsieur le Président, prenez que je n’ai rien dit. M. le Président. Je reçois dans le moment une lettre de MM. les commissaires dans les départements du Haut-Rhin , du Bas-Rhin et des Vosges. Quand l’Assemblée voudra en entendre la lecture, je prierai un de MM. les sécretaires de la lire. Voix nombreuses : Tout de suite ! Un de MM. les secrétaires fait lecture de cette lettre, qui est ainsi conçue : « Strasbourg, ce 15 juillet 1791. « Monsieur le Président, « Nous sommes de retour depuis samedi soir; mais nous n’avons i as cru devoir rendre compte de notre tournée dans le Bas-Rhin, avant d’avoir arrêté avec les corps administiatifs les mesures provisoires que les circonstances nous ont paru rendre indispensables à l’égard des prêtres séculiers et régulieis des départements. Ces mesures sont enfin terminées et nous faisons parvenir à P Assemblée copie des actes qui ont été dressés à cet égard. Nous avons cru qu’il était convenable de nous faire accompigner par MM. Rull et La Chausse : le p’ entier, membre du directoire de département, l’autre de la municipalité; et nous nous en sommes bien trouvés, car ils nous ont rendu les plus grands services pendant tout le cours de celte mission. « Nous avons reçu le serment des officiers et des soldats composant la garnison du Fort-Louis, Lauterbourg, Landau, Wissembourg, Haguenau, ainsi que de ceux qui se trouvaient détachés dans les divers cantonnements qui ont été jugés nécessaires dans cette partie du département. « Les officiers qui n’ont pas jugé à propos de prêter le serment sont en plus grand nombre dans ces garnisons que dans celles de Strasbourg. Tous les réfugiés étaient partis la veille de notre arrivée, ou peu de jours auparavant. On nous a assuré que le plus grand nombre était allé rejoindre nos émigrants. Ce qui justifie bien l’opinion qu’on s’en était formée, d’après leurs propos inciviques, 387 et leurs efforts pour propager dans les corps leurs pernicieuses doctrines. « Nous avons eu très grand soin de dure et de redire à tous les fonctionnaires publics militaires dont nous avons reçu le serment, que ce serment était parfaitement libre et volontaire, étant assurés de la protection de la loi et même d’un traitement au cas qu’ils ne voulussent pas le prêter ; tuute la France avait droit d’espérer que, quelles que puissent être les conjectures, il serait à jamais inviolable et sacré pour tous ceux qui l’auraient prêté. En général, les soldats nous ont pam dans d’excellentes dispositions, enflammés de l’amour pour la patrie, et prêts à verser leur sang pour elle. Nous avons admiré surtout le régiment de Beauvoisis, en garnison à Wissembourg. Ce régiment, abandonné du plus grand nombre de ses officiers depuis les premiers jours d’avril, ne s’est jamais écarté d’un seul pas de la plus exacte discipline; il paraît même que, par un sentiment de délicatesse et d’honneur auquel on ne saurait trop applaudir, il a tenu, depuis la désertion de ses chefs, une conduite plus régulière encore qu’auparavant (Applaudissements de manière que nous n’avons pas su ce qui méritait le plus d'éloges, ou du patriotisme ou de la discipline de ces braves soldats. Les dispositions du peuple de cette partie du département du Bas-Rhin ne sont pas à beaucoup près les mêmes. Il en est qui nous ont paru tenir invinciblement à la Constitution; mais à force d’intrigues, d’impostureset de libelles, on est presque parvenu à la rendre odieuse à d’autres, auxquels on a persuadé que la religion de leurs pères était dans un danger imminent. Une troisième classe flotte dans l’incertitude du parti auquel elle doit s’attacher. Ce n’> st pas qu’il y ait lieu de croire qu’au fond elle ne préfère l’ordre nouveau à l’ancien, mais elle n’ose pas le prononcer ouvertement, parce que les malveillants ne cessent de répéter que l’exil, la honte et la mort même attendent tous ceux qui auront travaillé à son affermissement. Il y a tout lieu de croire que ces hommes incertains se fixeront dans ce bon parti, lorsqu’ils verront dans le département des forces respectables et propres à dissiper les terreurs dont on les a investis. On doit espérer surtout qu’ils se déclareront pour la Constitution lorsqu’ils cesseront d’être tourmentés par des prêtres avares et fanatiques, qui, cachant sous le masque de la religion les passions les plus viles et les plus méprisables, vont semant partout leurs impostures et font les plus coupables efforts pour alarmer les citoyens sur la sûreté dans cette vie et le salut dans l’antre. Nous avons cru qu’il était de notre devoir de prendre une connaissance approfondie sur ce qui pouvait concerner les corps administratifs et judiciaires, ainsi que les municipalités que nous avons rencontrées sur la route. Qudques-unes de ces dernières sont assez faibles ; tuais nous croyons qu’il faut l’imputer au manque de lumières, bien plus qu’à de pernicieuses intentions. Nous avons travaillé à les éclairer sur leurs devoirs, et nous espérons que nos peines ne seront pas inutiles. Le district de Wissembourg qui est d’une fort grande étendue est parfaitement bien composé et pour les lumières et pour le patriotisme. La vente des biens nationaux s’y fait avec activité et avec succès. Il règne dans la ville de Wissembourg un concert admirable entre les citoyens, malgré la différence de religion, concert qui est tel, que les luthériens ont célébré en commun un Te Deum en actions de grâces du retour du roi. (Applaudissements.) [Assemblée nationale.] AMüilVES PARLEMENTAIRES. [17 juillet 1791. J 388 Le district de Sarreguemines avait rais d’abord plus de lenteur dans ses opérations ; mais, depuis qu’il est privé de leux de ses membres dont les mauvais principes sont bi n connus, sa marche est devenue plus patriotique et plus rapide, et les biens nationaux, qni sont d’une très grande importance dans ce district, s’y vendent, depuis quelque temps, avec assez de célérité. Le district de Benfeld n'était point sur notre route; mais, d’après les éclaircissements qui nous ont été donnés par le directoire du département, il nous a paru que les administrateurs de ce district étaient faibles et même insouciants, et que c’était à leur peu de vigueur qu’il fallait attribuer la prépondérance des troupes fanatiques dans plusieurs villes de ce district. Nous avons concerté avec le oirectoire du département et les commandants des troupes les mesures qui nous ont paru nécessaires pour faire cesser les suites de ce dan-gel eux ascendant. Nous avons cru devoir donner une attention très particulière aux tribunaux de districts, parce que nous avons été bien informés que les ennemis du dedans et du dehors comptent principalement là-dessus pour dégoûter les peuples de la Constitution. S’il y a quelque lenteur dans l’expédition des affaires, si un juge ou un avoué donne sur lui quelque légère prise, les malveillants ne manquent pas de s’écrier que la justice stra plus mal administrée et plus d s-pendieuse qu’elle n’a jamais été : aussi nous sommes-nous livrés sur cela à l’examen le plus sévère à l’égard des tribunaux de districts et à l’égard des juges de paix ; nous nous flattons qu'il en résultera ce double avantage, que, d’une part, les juges senti: ont de plus eu plus la nécessité de s’attacher à leur devoir, que les justiciables, bien convaincus de l’infatigable sollicitude de l’Assemblée nationale sur tous les points qui intéressent Je bonheur des peuples, redoubleront de respect et d’amour pour la Constitution. « Aussitôt après notre retour ici, noos avons convoqué les corps administr. tifs, les municipalités et les commandants militaires, pour leur communiquer les observations que nous avons faites dans notre tournée, et pm r aviser avec eux aux mesures qu’il y aurait à prendre. D’après ces observations, il en a été arrêté de provisoires pour les changements de garnisons, qui nous ont paru convenir aux circonstances. Nous nous réservons d’en proposer de definitives à l’Assemblée naûonale à l’égard des troupes de ligne et des gardes nationales dont les deux départements peuvent avoir besoin, après que nous les aurons visités. « Depuis noire retour, nous nous sommes constamment occupés avec les corps admb istratifs, la municipalité et les commandants des troupes, d> s mesures à prendre à l’égard des ecclésiastiques de ce département. Nous aurions déûré qu’il eût été possible de les rendre moins sévères; mais tout nous a convaincu que le salut du département du Bas-Rhin, et peut-être la sûreté de la nation, étaient attachés à cette mesure, quelque nécessaire qu’elle nous ait paru, et quoiqu’elle ait été arrêtée à l’unanimité des suffrage, nous nous empressons de faire savoir à l’Assemblée l’arrêté qui la renferme, afin qu’avant leur exécution, laquelle ne peut avoir lieu qu’après la publication de l’arrêté, elle p uisse, dans sa sagesse en déterminer d’autres, si, contre notre attente, celles-ci n.av aient pas son approbation. « Nous paitons aujourd’hui pour achever la visite du département du Bas-Rhin, et nous rendre ensuite dans celui du Haut-Rhin ; nous tâcherons encore, par notre zèle, de répondre dignement à la confiance dont l’Assemblée nationale nous a honorés. « Nous sommes avec respect, etc. « Les commissaires de l’Assemblée dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et des Vosges, « Signé : RÉGNIER, DE CüSTINE et Chasset. > Voici la délibération du directoire du département du Bas-Rhin, du mercredi 12 juillet 1791 : « Sur l’invitation de MM. les commissaires envoyés par l’Assemblée nationale dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et des Vosges, pour recevoir le serment des troupes de ligne, et pour se concerter avec les corps administratifs et les généraux, à l’effet de rétablir la tranquillité publique, et pour faire à ce sujet telh s réquisitions qu’ils jugeront convenables, se sont réunis dans la saile d’assemblée du département, les membres du directoire du département, ceux du direct' ire du district de Strasbourg et ceux du conseil général de la commune de ladite ville, MM. les commissaLes de l’Assemblée nationale se soûl rendus à la séance, accompagnés de MM. les commandants en chef et en second. « Les corps administratifs et le conseil général de la commune de Strasbourg ont présenté de nouveau le tableau de la situation du département du Bas-Rhin par rapport au clergé, dont les détails se trouvent déjà contenus dans un mémoire signé du président du département, du président du district de Strasbouig et du maire de la même ville, au nom de leurs corps respectifs, et remis aux commissaires de l’Assemblée nationale à leur arrivée à Strasbourg, et dont ils ont vérifié par eux-mêmes une partie des faits lors de leur passage dans les villes et villages qu’ils ont parcourus. D’après la discussion la plus sé ieuse et la plus approfondie de la situation du clergé dans ce département, les faits suivants ont été reconnus : « Le cardinal de Rohan, ci-devant évêque de Strasbourg, et les membres du ci-devant chapitre s’opposent ouvertement, de concert avec l’évêque de Spire et l’électeur de Mayence, à l’établissement, dans les départements “du Haut et uu Bas-Rhin, de la Constitution française, non seulement dans les j oints concernant le clergé, mais encore dans tous les autres. Cette opposition est établie par les protestations signifiées de leur part au département du Bas-Rhin, qu’ils ont présentées à la diète de Ratisbonne, en réclamant l’appui et les forces des princes étrangers, et par des lettres pastorales, dis mandements et d’autres actes émanés d’eux, ainsi que par des brefs du pape, et des libelles qu’ils font lire, publier, colporter et distribuer. Ils sont déterminés à soutenir cette opposition à main armée; déjà un corps de troupes est levé; ce corps est placé sur la rive droite du Rhin, depuis Bttenheim jusqu’à Kehl, et journellement il maltraite à coups de bâton les Français, particulièrement les citoyens de Strasbourg que leurs affaires obligent dépasser le Rhin fréquemment. Pour propager ce système d’opposition et de rébellion, ils emploient non seulement une partie des chanoines, mais ei core Jes ecclésiastiques fonctionnaires publics réfractaires au serment, et un grand nombre de religieux. Ces faits généraux se dévelop-