[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 avril 1790.] 165 de prendre en considération les réclamations qui se sont élevées dans plusieurs tribunaux, sur la faculté que réclament les conseils des accusés de faire des observations et interpellations aux témoins, lors des informations et confrontations. Un député présente l’article suivant sur cette question : « L’accusé, ni son conseil, ne pourront dans l’information adresser ni faire faire aucune interpellation au témoin , mais lors de la confrontation, l’accusé ou son conseil, qui aura remarqué, dans la déposition du témoin, ou dans ses déclarations portées par le procès-verbal de la confrontation, quelque contrariété, ou quelque circonstance propre à éclaircir le fait, ou à justifier l’innocence de l’accusé, pourra requérir le juge de faire à ce sujet au témoin les interpellations convenables, et cependant l’accusé ni son conseil ne pourront, en aucun cas, adresser directement au témoin aucune interpellation. » M. Fréteau pense que cette question sera plus mûrement examinée dans le comité lors de la formation du nouveau Gode criminel et il demande que l’article lui soit renvoyé. Le renvoi est prononcé. M. Briois de Beaumetz, rapporteur. Le comité militaire et celui de la réformation provisoire de la jurisprudence criminelle ont pris en considération les observations du ministre de la guerre sur la réforme du régime des conseils de guerre. Ces comités ont cru dangereux d’introduire en ce moment un nouvel ordre de choses qui serait iu-cessamment suivi d’autres nouveautés. Je propose de charger M. le président d’écrire au ministre que l'Assemblée n’a pas cru devoir faire de changements à la forme des conseils de guerre. Plusieurs membres appuient la proposition du rapporteur. D'autres membres demandent une modification dans le régime des conseils de guerre. M. Prieur. On n’a pas mis auxvoix la proposition du comité relativement au conseil de guerre. Je m'oppose à ce qu'on réponde qu’on ne répondra pas; je m’oppose à aucune espèce de retard dans un moment où le patriotisme peut être un crime. Je réclame pour nos amis, nos frères, nos défenseurs, le droit que nous avons tous d’obtenir un conseil, un protecteur public. 11 est impossible, dit-on, d’appliquerau conseil deguerre actuellement existant des formes nouvelles. Mais de quoi s’agit-il? d’un délit militaire. Il faut entendre les témoins : on peut appeler des adjoints. 11 faut que l’accusé soit défendu. Qui empêche de lui donner un conseil? Je demande que le comité nous présente incessamment un projet de loi. M. Fréteau. Il serait possible de vous sou-mettredes articles très simples; ils consisteraient, par exemple, à admettre deux adjoints dans les procès sur les délits militaires; ces adjoints seraient pris, pour les soldats, parmi les maréchaux-des-logis et sergents; pour les sergents, parmi les sous-lieutenants, et ainsi de suite. M. Prieur. Il ne faut point oublier aussi la publicité des procédures. L’Assemblée ordonne que le comité de réformation de la législation criminelle et le comité militaire se réuniront et présenteront demain matin des articles sur celte matière. M. Grellet de Beauregard dit ensuite qu’il y a beaucoup de jugements suspendus parce que les accusés paraissent si évidemment coupables aux avocats nommés pour les défendre, que ceux-ci ne veulent pas se charger des causes. Cette observation est renvoyée au comité. L’ordre du jour appelle ensuite la discussion du projet de décret provisoire présenté par M. Merlin , au nom du comité féodal, sur la chasse et la pêche. M. Merlin. Dans son travail sur la chasse, votre comité féodal a toujours eu devant les yeux qu’il s’agit, non d’une loi constitutionnelle, maisde l’exécution d’une loi faite. Votre règlement porte que vous ne pouvez pas changer vos décrets : la solidité de la constitution tient à l’observance rigoureuse de cet article. Il n’est qu’un cas où vous puissiez revenir sur un décret, c’est quand il est nul. Si, par exemple, on vous proposait de révoquer le décret du marc d’argent, je me joindrais à celui qui vous ferait cette proposition, parce que ce décret est évidemment contraire aux droits de l’homme; parce qu’en droit, lorsquedeux décisions sont contraires, la seconde est nulle; la première seule est suivie : mais lorsqu’un décret n’est contradictoire à aucun autre, et qu’il a été généralement approuvé, vous ne pouvez le changer. Or, tel est le décret du 4 août sur le droit de chasse; décret auquel le comité féodal a dû se conformer, sous peine d’être infidèle à son devoir. Ce décret est ainsi conçu : « Le droit exclusif de la chasse et des garennes ouvertes est pareillement aboli, et tout propriétaire a le droit de détruire et de faire détruire, seulement sur ses possessions, toute espèce de gibier, sauf à se conformer aux lois de police qui pourraient être faites relativement à la sûreté publique. » On a raison de dire que, par le droit naturel, le gibier n’appartient à personne ; mais s’ensuit-il que tout le monde ait le droit de le poursuivre partout? Autant vaudrait dire qu’on a le droit de venir chercher chez vous les animaux malfaisants qui infestent vos maisons. Une autre considération doit fixer vos regards; vous devez faire des lois non pourl’hommede la nature, maispour l’homme de la société. Deux principes sont reconnus par les lois romaines : 1° le gibier est la propriété de celui qui s’en empare; 2° chacun a le droit d’empêcher un étranger d’entrer sur sa propriété pour chasser le gibier. La loi qui n’aurait pas le droit d’autoriser un propriétaire à empêcher qu’on ne vînt sur souterrain, n’aurait pas davantagele droit d’assurer les propriétés... Vous voulez faire fleurir l’agriculture ; pensez-vous qu’elle fleurira quand tous les vagabonds auront droit de chasse? Le séjour de la campagne sera t-il agréable lorsqu’il ne sera pas sûr? Mais je ne veux pas abuser de vos moments, et je vous rappelle la déclaratiou des droits, dans laquelle vous avez reconnu avec tant de justice tous les droits des hommes. Le comité féodal propose un projet de décret dont l’article 1er serait ainsi rédigé : « Il est défendu à toute personne de chasser, même dans les jachères et dans les propriétés non closes, soit à pied ou à cheval, avec ou sans chiens, à compter du jour du présent décret, jusqu’après la dépouille entière des fruits croissants, à peine de 20 livres d’amende envers la commune du lieu, et en outre contre celui qui aurait chassé sur le terrain d’autrui, d’une somme de 10 livres