105 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Ville de Valenciennes.] le grand conseil ne serait pas convoqué, les députés aux Etats généraux emporteront leurs plaintes à la nation assemblée, et demanderont la prompte convocation du grand conseil de cette ville. Ils seront encore chargés de requérir de l’assemblée des Etats généraux de n’admettre aucun autre cahier de doléances pour ladite ville, que le présent, et de rejeter sans lecture les cahiers qui pourraient être faits et envoyés à l’insu de la commune, ce qui pourrait présenter des contrastes et détruire le vœu de la majorité. Fait par nous, soussignés, commissaires dénommés par la commune dans son assemblée du 7 de ce mois, à Valenciennes, ce 12 d’avril 1789. Signé Moreau ; Lehardy de la Loge ; le comte d’Epiennes ; Prouveur de Pont ; Delangle, curé et doyen de Saint-Jacques!; Castillon; Perdrix; Pour-talés, A. -Grenet; E. Barrier; Borniche ; Jamart; Joseph Morel ; J. -T. Perdrix le cadet ; Nicodème ; Mustellier, doyen du chapitre de Saint-Géry et J.-J. Lallemand, curé de Saint-Nicolas. Prévôt, jurés et échevins certifions que le présent cahier a été lu, approuvé et arrêté par l’assemblée de la commune de la ville de Valenciennes, du 13 avril 1789, dont acte. Signé Pujol; Grendal fils ; Legros; Lelong de Meaulx ; Moreau de Bellainge ; Proveur ; Bouchelet de Planty; Lussigny ; G. Serret ; Renvorsé, et Denize. Nota. Les rédacteurs n’ont pas cru devoir insérer dans ce cahier les demandes et plaintes qui n’avaient pour but que les intérêts particuliers ; mais les députés à qui tous les cahiers seront remis en copie sous inventaire, auront soin de faire valoir ces demandes autant qu’elles pourront entrer dans les discussions dont on s’occupera aux Etats généraux. MÉMOIRE Ou cahier particulier de la communauté de Donnain. L’assemblée nationale, que Sa Majesté bienfaisante vient d’accorder à nos vœux, autorise Pierre-Joseph Le Roy, fermier, cultivateur du village de Donnain près Valenciennes, de mettre sous ses yeux les objets importants à sa commune; il a l’honneur de représenter très-humblement qu’il ne trouve pas les terres moins bien cultivées, les grains moins bons (en voulant tirer partie de tout), que dans les environs de Lille en Flandre. Plusieurs petits censiers font avec peu d’occupation un grand prolit de leurs terres ; les grosses fermes ne peuvent en faire autant. On se plaint dans les villages où il y a de grosses fermes qu’il se trouve trop de monde pour les occuper ; il prouvera le contraire, d’autant mieux qu’en remettant toutes les fermes à raison de 150 mencaudées chacune, au lieu de 1,050, qu’elles occupent maintenant, et qu’étant divisées à sept particuliers, elles donneront une double production de bestiaux, feront vivre le double d’ouvriers et produiront en même temps en grains et denrées de toute espèce un tiers de plus ; et comme on a grand besoin de bestiaux en France, où il se trouve trente chevaux dans une seule ferme, iL y en aura soixante lorsqu’elles seront divisées en sept particuliers, observant cependant qu’il est de toute nécessité de remettre des terres occupées par lesdits fermiers aux particuliers, pour leur facilité et la production de toutes espèces de bestiaux. Il se trouvera certainement des difficultés dans les paroisses sur ce qu’un particulier voudra avoir 10 mencaudées, tandis qu’il ne lui en sera dû que 5. L’autre petit fermier prétendra aussi être augmenté, et il est possible qu’il le soit; mais pour éviter toutes difficultés entre eux, il serait à propos d’avoir un inspecteur qui s’informerait de la paroisse, et dirigerait les terres aux fermiers et particuliers; au cas que les nouveaux fermiers manqueraient de maison, le propriétaire permettra qu’ils bâtissent sur les terres, et dans le cas où le fermier quitterait la ferme, le propriétaire le dédommagerait à sa sortie, par estimation juridique. Art. 1er. Qu’il soit permis à ceux qui n’ont point de prairies, de faire des vergers pour y promener leurs bestiaux. Art. 2. Tous les fermiers devront s’assembler pour labourer les terres des particuliers qui n’ont point de chevaux, en payant le prix qu’on devra fixer, et la terre taxée suivant les cordages. Art. 3. L’inspecteur veillera sur les terres des, particuliers, de même qù’à celles des censiers, pour voir si elles sont en bonne laboure, pour ne pas les laisser incultes comme on les voit aux particuliers, attendu qu’ils ne vont labourer celles de ces derniers qu’après avoir labouré les leurs, ou par des temps contraires, afin d’empêcher la production dont ils devraient jouir, ce qui fait que la dépouille d’une mencaudée ne leur produit qu’un louis au lieu de deux, et la terre se trouve gâtée de 10 écus. Art. 4. Que cet inspecteur soit préposé par Sa Majesté pour autant de villages qu’elle Je voudra; l’inspecteur serait chargé d’écouter les plaintes des fermiers et particuliers, apaiserait leurs querelles et ferait ensuite la visite des campagnes, granges et greniers ; il en résulterait que, d’après le rapport des inspecteurs de tout le royaume, on connaîtrait sa richesse en grains, fourrages, etc., et qu’on ne pourrait plus tromper le souverain, par des disettes inventées pour la facilité des monopoleurs. Art. 5. On pourrait partager les prairies selon les communautés, et mettre pour le bien de la commune des écluses aux rivières joignant certaines prairies, pour les inonder au besoin, attendu qu’une prairie inondée produit plus de foin que deux. Art. 6. Que pour les villages et campagnes susceptibles d'inondations comme terres, maisons et granges, on devra faire des enclos de terre pour contenir les eaux , afin qu’elles n’y séjournent pas, et mettre des écluses dans les canaux pour donner de l’eau à volonté. Art. 7. Qu’aucune prairie ne soit occupée par des étrangers, excepté celle qui leur appartiendrait. Art. 8. Que, pour la facilité de la subsistance des bestiaux, il soit permis aux particuliers de les mener dans les bois après cinq ans de taille, à continuer jusqu’à ce qu’ils soient retaillés. Art. 9. La terre étantl’unique objet qui produit la nourriture de l’homme, payera au Roi tout ce qui lui est dû par chaque communauté; pour lors il ne sera plus nécessaire d’entretenir des employés qui deviendront cultivateurs, et les anciens militaires seraient payés à raison de 20 sous par jour, pour veiller aux entrées et sorties des choses contraires aux intérêts de Sa Majesté. Art. 10. Qu’en cas qu’il y ait trop de blé en France, pour ne pas le laisser gâter, Sa Majesté pourrait en faire l’acquisition et le faire vendre, sans qu’aucun marchand du royaume puisse en procurer à l’étranger. Art. 11. Que c’est un grand abus que de passer des baux aux fermiers et particuliers, puisqu’on ne peut savoir à quel prix seront les denrées; on 106 [États gén. 1789. Cahiers. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Ville de Valenciennes.] doit faire la taxe tous les ans pour le rendage d’icelles, et que dans la supposition où le seigneur vendrait ses terres à un homme de campagne, le cultivateur jouira pendant quatre ans après l’avertissement de la vente, afin de pouvoir se procurer d’autres terres dans ses occupations. Art. 12. Que le cultivateur payant bien, on ne pourra lui enlever ses biens; que tous seigneurs qui jouissent des droits depuis que nos prédécesseurs étaient dans l’esclavage, tant de mainmortes que foins, quint, requint, rentes seigneuriales, corvées et tout autre droit imaginé soient supprimés. Art. 13. Que tous ecclésiastiques qui jouissent des biens de communautés et anticipations sur les biens communaux, quoique titres passés par les mayeurs et échevins qui ont été tenus de le faire par leur occupation, attendu qu’ils dépendaient du seigneur, soient supprimés . Art. 14. Le Roi nous permet de retrancher les biens donnés aux ecclésiastiques moyennant la généalogie; nous le supplions de nous céder les mêmes droits sur les siens et seigneuries que le roi Dagobert a donnés aux ecclésiastiques. Art. 15. Tous seigneurs ecclésiastiques quijouis-sent des biens des particuliers, de communauté et de village ne peuvent en être privés, à cause des procès qu’on serait forcé de leur intenter, et qu’un cultivateur ou fermier serait ruiné avant la decision. Art. 16. Que tous archevêques et évêques, chanoines, abbés et communautés qui seront attaqués par des particuliers ou par des biens de commune, auront à produire leurs titres aux Etats de la province pour en sortir par une comparution, afin qu’il en soit fait droit. Art. 17. Quant à la dîme je ne dis pas qu’elle soit due; cependant nous devons payer comme rendange en argent ou en grains battus, à proportion du rendange du propriétaire ; pour jouir de cesdroits, les décimateurs devraient être soumis à bâtir des églises et les entretenir; quant à la tour et aux cloches, les frais seront au compte de la communauté. Art. 18. Qu’en outre, si Sa Majesté venait à faire la guerre, les villages lui fourniraient des chevaux propres à l’artillerie pour le soutien de son royaume ; un exprès pourra choisir un cheval ou deuxpar chaque communauté, suivant son besoin; on les lui fournira tout harnachés, et la communauté en tiendra compte à celui chez qui on les aura choisis. Art. 19. Quant aux charrois, les fermiers n’iront pas plus loin que d’une ville à l’autre, autant qu’il sera possible, et déchargeront leurs voitures pour les faire recharger sur d’autres qui seront destinées pour les conduire de la même manière, afin que les effets de Sa Majesté soient conduits de proche en proche au lieu de leur destination. Art. 20. Il est aussi nécessaire d’avoir des chevaux entiers de deux espèces appartenant à Sa Majesté, l’une pour monter et l’autre pour labourer, afin de ne plus être obligé par la suite d’avoir recours à l’étranger.